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chapitre 9
Blaidd avait embrassé beaucoup d’autres femmes, mais jamais aucune n’avait éveillé en lui un tel désir.
Depuis longtemps, il craignait d’être condamné à n’avoir que des relations sans lendemain jusqu’au jour où il se déciderait à prendre femme par devoir, pour qu’elle lui donnât un héritier. Jamais il n’avait osé rêver de faire un vrai mariage d’amour comme ses parents.
L’espoir d’échapper à ce destin grâce à Rebecca fut sa dernière pensée cohérente avant de s’abandonner à la passion qu’elle faisait naître en lui. Il oublia tout instantanément : ses parents, Laelia, le roi d’Angleterre, le comte de Throckton, et même Trevelyan qui ronflait derrière la porte.
Tout ce dont il était conscient, c’était d’elle, douce et chaude dans ses bras, alors qu’elle lui rendait ses baisers et qu’elle lui passait ses longs doigts fins dans les cheveux. Et plus il la serrait contre lui, plus elle se laissait aller, souple et abandonnée, ployant sous sa force et son désir comme un saule sous le vent.
Il l’embrassa plus profondément tandis qu’il la poussait contre le mur de pierre dont elle ne sentit pas le froid humide et glacé dans le dos. Elle était *******e de s’y appuyer alors qu’il remontait lentement les mains vers sa poitrine, traçant des arabesques autour des aréoles qui pointaient sous l’étoffe de sa robe.
Sous l’effet de ses caresses et de ses baisers, Rebecca avait l’impression de fondre comme neige au soleil. Une chaleur enivrante courait sous sa peau, se transmettait à toutes les fibres de son corps, et un désir inconnu montait en elle, guidait ses bras qui enlaçaient à présent la taille du chevalier, ses doigts qui bientôt vinrent explorer le relief de son dos musclé. Elle se serra plus fort contre lui, montrant par ce geste qu’elle s’offrait…
Ayant glissé une main sous sa robe, il tira un lacet de son corset puis un deuxième et, quand il fut assez ouvert, il effleura du doigt la pointe tendue de ses seins. La jeune fille retint son souffle, émerveillée par ce plaisir ineffable.
Interrompant le long baiser qui scellait leurs lèvres, il baisa les épaules blanches puis revint butiner la poitrine frémissante de la jeune fille qu’il couvrit de baisers alors qu’elle cambrait les reins, présentant ses seins à sa bouche sensuelle.
Très vite, Rebecca fut prise d’un délicieux vertige et elle ferma les yeux en enfouissant les doigts dans la lourde chevelure de Blaidd, maintenant sa tête là où elle se trouvait.
Comme elle gémissait, il se redressa et s’empara de nouveau de ses lèvres avec une ardeur presque sauvage, comme s’il se jetait à l’assaut d’une forteresse.
Et Rebecca réagit avec la même fougue et la même passion. Il n’y avait plus ni tendresse ni capitulation dans ses gestes. Elle était devenue l’égale de Blaidd, et ils rivalisaient d’audace et de fol désir…
Elle sentit la force de son corps contre elle qui lui disait plus clairement que par des mots ce qu’il voulait d’elle. Et elle le serra dans ses bras, ondulant contre lui avec une impatience fiévreuse. Jamais elle n’avait éprouvé de telles sensations ; jamais elle n’avait été dévorée par un feu aussi ardent. Elle voulait être avec lui totalement, qu’il n’y eût plus aucun obstacle entre eux, qu’ils fussent comme une seule chair…
Un feu fulgurant l’embrasait toute, la possédait. Et pour stimuler son plaisir, Blaidd continuait à tisser autour de son corps un voile d’ivresse et de caresses…
Une tension inconnue l’envahit, un besoin pressant et irrésistible qui la poussait vers un sommet où tout se libérerait, se consumerait. Puis, soudain, la tension cessa et elle fut soulevée par une vague d’une indicible volupté…
Blaidd la soutint dans ses bras comme elle tremblait et qu’un sanglot montait de sa gorge.
— Rebecca, douce damoiselle, dit-il dans un souffle. Nous nous sommes oubliés…
Pantelante, vibrant encore de l’émoi merveilleux qu’elle venait de connaître, elle le fixait de ses grands yeux bleus. Il avait les cheveux dans un désordre inextricable, la tunique à moitié ouverte, les lèvres gonflées, le regard brillant…
Qu’avait-elle fait ? Que lui avait-il fait ? Les pans de sa robe étaient ouverts, son corset était défait, ses seins nus exposés au courant d’air frais qui montait de l’escalier… Que Dieu lui pardonne, elle ne s’était pas comportée autrement qu’une gourgandine dans une ruelle sombre ! Elle avait oublié qui elle était : une jeune fille de haute et noble naissance qui était censée se comporter avec dignité. Comme Laelia était justifiée dans les critiques qu’elle lui faisait inlassablement !
Et pourtant, elle n’avait pas d’autre désir que de se jeter de nouveau dans les bras du chevalier, de boire à la fontaine de ses lèvres et de le supplier d’agir avec elle à sa guise.
Mais Blaidd posa les mains sur les épaules nues de la jeune fille, sembla hésiter un instant, puis remit en place un à un ses vêtements.
— Pardonnez-moi, dit-il en lui prenant le visage entre ses mains. Je n’aurais pas dû agir ainsi.
— C’était à moi de vous arrêter, répondit Rebecca, qui luttait pour ne pas prendre ses mains dans les siennes et les couvrir de baisers.
— Je n’aurais pas dû commencer par vous embrasser.
— C’était à moi de vous gifler quand vous avez approché votre visage.
Il sourit d’un air rêveur.
— Je crois, belle damoiselle, que nous nous sommes entichés l’un de l’autre au-delà de toute limite raisonnable. Nous savons quels sont nos rangs, quels sont nos devoirs, et pourtant…
— Nous sommes impuissants devant la force de l’appel…
Il hocha la tête.
— La métaphore est juste. C’est comme le hurlement du loup les nuits de pleine lune. Les chiens ne tiennent plus en place. Ils veulent sortir, gagner la sombre forêt où guettent le danger et l’aventure… Et quand je suis devant vous, j’éprouve ce frémissement de tout mon être, cette quête sans fin qui s’empare de moi aux lisières d’une terre inconnue.
Elle le contemplait, le regard très doux.
— Vous avez l’âme d’un poète, preux chevalier.
Alors qu’il gardait ses beaux yeux bruns baissés sur elle, il reprit avec un petit sourire interrogateur :
— Nous sommes manifestement devant un dilemme à moins que… je ne cesse de courtiser votre sœur.
— En avez-vous le désir ?
Le sourire de Blaidd s’élargit.
— Je suis absolument certain de ne plus du tout avoir le goût de passer mes journées en compagnie de la fille aînée du comte de Throckton. Je préférerais cent fois rester auprès de sa petite sœur.
Une joie immense s’empara de cette dernière, mais elle ne voulait pas infliger à sa sœur une souffrance inutile.
— Je crains que Laelia n’en soit très affectée, et mon père aussi.
Blaidd la reprit dans ses bras et lui caressa doucement le dos.
— Elle sera peut-être un peu jalouse, mais je ne pense pas que cela dure plus de quelques jours. Je suis sûr qu’il faudra très peu de temps avant qu’un autre prétendant se présente pour elle aux portes de Throckton. Quant à votre père, ne m’apprécie-t il pas ?
— Si.
— Alors pourquoi m’imposerait-il de courtiser l’une plutôt que l’autre de ses filles ?
— Vous avez raison, sans doute, mais j’aimerais autant que nous ne causions pas de problème. Il vaudrait mieux que vous laissiez d’abord entendre que vous n’avez pas l’impression que Laelia vous soit destinée, et qu’en conséquence vous partiez. Après quelque temps, vous pourriez revenir en visite. Dans la mesure où vous vous entendez très bien avec mon père, cela ne devrait pas sembler louche.
Rebecca sourit gaiement en jouant avec la broderie autour du col ouvert de sa tunique.
— Et, à peine de retour, voilà que vous me découvrez ! Peut-être, en effet, un autre prétendant se sera-t il présenté entre-temps ce qui rendra la chose beaucoup plus aisée.
Blaidd eut un air pensif.
— On croirait que vous aviez déjà tout prévu.
— Il m’arrive de penser très vite.
— Et avec beaucoup de logique. Je vais me conformer à votre plan, mais je ne pense pas que je doive partir tout de suite. Je n’en ai pas le désir d’ailleurs.
Il lui passa doucement la main sur la joue et elle sourit avec suavité.
— Ne partez pas avant une semaine, suggéra-t elle en le regardant dans les yeux.
— Cela me donnera le temps de faire comprendre à Laelia que mes sentiments pour elle ne sont pas ce qu’ils devraient être, et, surtout, je profiterai de ces jours pour apprendre à mieux vous connaître, ma tendre amie.
Il se pencha sur elle et ajouta en chuchotant :
— Si mes sentiments pour vous continuent de grandir au même rythme, je serai fou d’amour lorsque le moment de partir sera venu.
Ils s’embrassèrent de nouveau et, enflammés de passion, commençaient à oublier où ils étaient quand un bruit sourd dans la chambre interrompit leur merveilleuse étreinte.
— Mon Dieu ! s’exclama Blaidd, inquiet. J’ai l’impression que Trevelyan est tombé du lit.
— Je ferais mieux d’aller me coucher avant que quelqu’un ne nous remarque, dit Rebecca en prenant conscience, soudain, de l’effet que leur étreinte aurait produit sur un témoin.
Elle n’avait pas une notion très claire du temps qu’elle avait passé avec Blaidd. Laelia dormait-elle déjà ou l’attendait-elle dans son lit, se demandant où elle était et ce qu’elle faisait ?
Elle ne craignait pas que sa sœur devinât ce qui lui était arrivé, mais, néanmoins, elle ne voulait pas avoir à donner une explication.
— A demain donc, dit Blaidd en lui effleurant les lèvres d’un rapide baiser.
— A demain, répondit-elle dans un souffle avant de tourner les talons et de s’enfuir.
Elle descendit les marches de pierre avec légèreté, le cœur en fête…
Trevelyan n’était pas tombé de son lit comme l’avait redouté Blaidd. Il avait seulement renversé le bougeoir sur la petite table placée près du chevet.
Rassuré, Blaidd s’adossa à la porte de la chambre qu’il venait de refermer derrière lui et laissa échapper un soupir.
Mon Dieu ! Dans quel pétrin s’était-il mis ?
Quels que fussent ses sentiments pour Rebecca, il était ici en mission pour le compte du roi. Dans de telles circonstances, il n’était pas censé s’intéresser à autre chose qu’aux seuls intérêts de la Couronne et aurait dû s’interdire de tomber amoureux de façon à rester parfaitement lucide et impartial.
Or, comble de l’aberration, il s’entichait de la fille même du supposé traître !
Que penserait Rebecca de lui s’il démasquait son père et réunissait des preuves contre lui au point qu’il soit traduit par sa faute devant la juridiction royale et condamné à être décapité ?
Pourrait-elle encore l’aimer ? Rien n’était moins sûr. Et même à supposer que ce soit le cas, que diraient le roi et ses propres parents lorsqu’il leur annoncerait qu’il voulait épouser la fille du félon ?
Blaidd se passa la main dans les cheveux et alla s’asseoir lourdement sur son lit. Peut-être se faisait-il du souci sans raison ? Il se pouvait fort bien, après tout, que les soupçons du roi ne fussent pas fondés. Au cours de toutes les conversations qu’il avait eues avec le comte, il ne lui avait jamais rien entendu dire qu’il n’eût déjà entendu dans la bouche d’autres seigneurs du royaume considérés comme parfaitement loyaux.
Lui-même ne se privait pas de critiquer certains aspects de la politique royale et l’influence excessive de la reine et de son entourage. Si le destin de Rebecca n’était pas lié à celui de son père et s’il n’avait pas envie de prolonger son séjour à Throckton pour jouir plus longtemps de sa compagnie, il chevaucherait déjà en direction de Londres pour aller rassurer le roi et lui dire que ses soupçons étaient infondés.
Mais il avait beau se répéter en lui-même ces paroles rassurantes, il n’en restait pas moins que certains aspects de la vie à Throckton laissaient à penser que le comte avait des revenus autres que ceux de sa terre. L’importance de la forteresse et de la garnison l’attestait, ainsi que la qualité des hommes d’armes. Et puis il y avait cette inquiétude de Meg pour sa maîtresse, son impatience à la voir mariée et loin de Throckton, sans compter les propos sibyllins de la belle prostituée.
Il sentait confusément que Throckton recelait de nombreux secrets et il était de son devoir de s’assurer qu’ils n’étaient pas liés d’une manière ou d’une autre à un complot contre Henry.
Combien de temps lui faudrait-il pour élucider ces points mystérieux ?
Il retira ses bottes puis sa tunique tandis que Trevelyan gémissait et se retournait dans son lit.
Levant les yeux vers la lune qu’il apercevait, haute dans le ciel, par l’une des étroites fenêtres, il prit la décision de rester un peu plus longtemps que ne l’avait suggéré Rebecca. Deux semaines devraient lui suffire à tirer au clair tout ce qui l’intriguait. A l’issue de ce délai, s’il n’avait rien trouvé de réellement compromettant pour le comte, il retournerait rassurer le roi à Westminster.
Trevelyan entrouvrit les yeux et fut soulagé de constater qu’il était au château dans la chambre qu’il partageait avec Blaidd. Il avait une migraine atroce, la bouche desséchée et une sensation nauséeuse horrible…
Il avait à peine pris conscience de son malaise qu’il se pencha hors du lit et rendit dans la cuvette que quelqu’un lui présentait.
Lorsqu’il fut libéré, il retomba sur le dos et distingua Blaidd qui repoussait du pied la cuvette devant la porte de la chambre.
— Mon Dieu ! Ayez pitié de moi, marmonna Trevelyan. Je meurs.
— Pas encore, répondit Blaidd en s’asseyant au pied du lit. Tu as trop bu et, maintenant, tu en supportes les conséquences.
Trevelyan se tourna vers le mur pour échapper au regard sévère du chevalier. Comment pouvait-il comprendre ce qu’il ressentait ? Tout lui souriait. S’il désirait une femme, il n’avait aucun effort à faire, elle le désirait plus encore. Les frères aînés de Trevelyan, qui enviaient Blaidd d’avoir autant de succès, en parlaient souvent entre eux.
— Pourquoi ne me laissez-vous pas seul jusqu’à ce que je me sente mieux ? demanda l’écuyer. Vous pourrez me faire ensuite tous les reproches que vous voudrez.
— Pour ce qui est de la bière, je pense que tu auras compris tout seul qu’il ne faut pas en abuser, reprit le chevalier, mais c’est la fréquentation des établissements de plaisir que je voudrais te faire passer.
Trevelyan ferma les yeux. Alors, il n’avait pas rêvé ? Il était allé dans ce lieu de perdition ? Autant qu’il essayât de se souvenir, il se voyait entrer dans le cabaret et suivre dans l’escalier cette jolie blonde qui lui souriait d’un air enjôleur par-dessus son épaule et, du doigt, lui faisait signe de la suivre.
— Tu ne te souviens de rien ?
Trevelyan aurait voulu le faire taire et qu’il s’en allât. Il était déjà accablé par suffisamment de remords sans qu’il eût besoin qu’on lui fît remarquer l’étendue de son erreur. A présent, dans la lumière crue du jour, il était désolé de constater que sa première rencontre avec une femme aurait été avec une prostituée. Ce qui aurait dû être un beau souvenir le remplissait au contraire de honte et de dégoût, sans compter la peur. Cette fille n’était-elle pas malade ? Ne risquait-il pas de mourir ou de souffrir horriblement ? Que savait-il, au juste, de ces maladies honteuses ?
Il se retourna vers Blaidd et essaya de se redresser.
— J’ai eu des relations avec elle, n’est-ce pas ? demanda-t il, la voix étranglée par l’inquiétude. Savez-vous si elle est malade ?
— Je n’ai aucun moyen de le savoir, pas plus que toi, d’ailleurs, répondit Blaidd. Alors, c’est heureux que tu ne sois pas allé très loin avec elle.
Trevelyan se laissa retomber sur l’oreiller.
— Je ne l’ai pas fait ?
— Non. Tu étais toujours habillé lorsque je t’ai trouvé, et elle aussi d’ailleurs.
« Sauvé ! » pensa le jeune homme, soulagé.
— Tu as de la chance parce que, sinon, tu m’aurais entendu.
— Je ne sais pas ce qui m’a pris…
— Tu ferais bien d’y réfléchir. J’aimerais que tu me donnes une raison, même pitoyable, pour être allé là-bas.
— J’étais fâché contre vous, répondit Trevelyan après un instant d’hésitation.
— Encore ? Je t’ai dit, pourtant, que je regrettais de t’avoir réprimandé devant Rebecca. Mais ça n’est pas, à mes yeux, une raison suffisante pour que tu ailles te souiller avec une fille de joie.
— Ce n’était pas pour ça que j’étais furieux.
Blaidd fronça les sourcils d’un air déconcerté.
— Explique-toi.
Trevelyan haussa les épaules et regarda ailleurs.
— Qu’est-ce qui a pu bouleverser à ce point le benjamin du baron Fitzroy ? demanda Blaidd sur un ton qui exigeait une réponse.
Le jeune homme releva les yeux en rougissant.
— Meg, marmonna-t il. C’est tout juste si elle remarque ma présence lorsque vous êtes là.
Blaidd allait lui répondre à quel point ce prétexte était idiot quand il se souvint d’une très forte jalousie qu’il avait ressentie autrefois, à quinze ans, pour une bergère dont il ne se souvenait même plus du nom aujourd’hui.
— Au fond, tu as essayé de noyer ton chagrin dans la bière et après, ragaillardi par l’alcool, tu as voulu retrouver l’estime de toi-même en te jetant dans les bras d’une femme qui ne se refuserait pas à toi.
Blaidd remua la tête d’un air désolé.
— Trevelyan ! Mon ami… Tu aurais dû venir me trouver. Si cette jeune fille fait attention à moi, ce n’est pas parce qu’elle recherche mes faveurs, mais parce qu’elle essaie de me persuader de m’intéresser à sa maîtresse.
L’écuyer eut l’air de ne pas comprendre.
— Je veux dire, reprit Blaidd, que Meg ne m’aime bien que dans la mesure où elle pense que je pourrais faire un bon mari pour sa maîtresse, mais pas celle pour laquelle je suis ici officiellement. C’est Rebecca qu’elle aimerait me voir épouser.
Trevelyan eut un air interloqué.
— Mais elle a une grosse cicatrice au visage…
Blaidd bondit sur ses pieds et planta un regard ulcéré dans celui du jeune homme qui ne lui avait jamais vu cette expression.
— Je vois que je vais être obligé de te donner une leçon sur la façon de juger les personnes, dit-il entre ses dents, luttant visiblement pour ne pas laisser éclater sa colère.
Sur ces mots, il tourna les talons et alla remplir d’eau une coupe pour le jeune homme. Cela lui donna le temps de se reprendre et de lui trouver des excuses. Il n’avait fait qu’exprimer à haute voix ce que d’autres pensaient secrètement. Il était préparé ainsi à leur future réaction s’il se présentait à la cour, un jour, avec Rebecca.
Il revint près du jeune homme et lui tendit la coupe :
— Tiens, bois. Ça te fera du bien.
Tandis que Trevelyan buvait l’eau fraîche avec délectation, Blaidd reprit :
— La fille cadette du comte de Throckton n’est peut-être pas d’une beauté aussi époustouflante que son aînée mais elle a beaucoup d’autres qualités. Elle a de l’esprit, du cœur, joue de la harpe comme un ange, monte à cheval d’une façon incomparable, gouverne les domestiques de ce château avec une efficacité admirable… Est-ce que tout ceci ne peut pas faire oublier une marque au visage que je ne trouve d’ailleurs pas, pour ma part, si disgracieuse ?
— Si, bien sûr, reconnut Trevelyan en posant la coupe sur sa table de chevet. Je n’avais pas conscience que vous l’aimiez autant.
Blaidd retourna à la table et souleva un linge qui recouvrait un plateau. Une odeur agréable de pain frais se répandit aussitôt dans la pièce.
— Crois-tu pouvoir manger quelque chose ?
— Je ne sais pas… Qu’en pensez-vous ?
— Il y a bien longtemps que je n’ai pas été soûl. Une fois m’a suffi, et j’espère qu’il en sera de même pour toi. Ce n’est pas le meilleur moyen de te faire respecter.
Trevelyan baissa les yeux sur le pain à l’aspect très appétissant.
— Peut-être qu’un petit morceau me fera du bien à l’estomac ?
Blaidd acquiesça et rompit un morceau de pain qu’il donna au jeune homme. Alors qu’il commençait de le manger lentement en mastiquant avec application, Blaidd s’assit de nouveau au pied du lit.
— Et maintenant, dit-il, par quel sermon est-ce que je commence ? La folie de fréquenter les prostituées ou la bêtise de juger des êtres d’après les apparences ?
Trevelyan soupira. La matinée allait être longue.
Souriant à la vie et ses surprises, Rebecca chantonnait doucement en prenant dans le coffre la jolie robe de velours bleu que lui avait offerte son père au Noël dernier. A présent où elle n’avait pas besoin de s’habiller avec raffinement pour attirer l’attention d’un homme, elle avait envie d’être belle.
— Tu es très gaie ce matin, observa Laelia alors que Meg nouait les lacets dans le dos de la robe vert émeraude et or qu’elle avait choisie de porter aujourd’hui.
— Parce qu’il fait beau, répondit Rebecca avec un sourire.
Ce qui était tout à fait vrai. Le soleil brillait dans un ciel parfaitement bleu, l’air était déjà presque tiède alors que la journée commençait à peine, le parfum des plantes et des fleurs du jardin envahissait la chambre par la fenêtre ouverte, confirmant que le printemps était bien arrivé.
Mais la raison principale de la joie qui l’habitait, ce matin, c’était la confession de Blaidd. Il avait des sentiments pour elle. Il la préférait à Laelia ! Il l’aimait assez pour l’embrasser à en perdre le souffle et, même, revenir lui faire officiellement la cour. Enfin, du moins en avait-il parlé. Et, alors, peut-être, son engouement pour elle se transformerait-il en amour durable ?
La veille, lorsqu’elle était venue se coucher, elle avait eu la satisfaction de trouver Laelia endormie. Elle s’était pelotonnée sous les couvertures et souvenue des baisers de Blaidd, de ses caresses, de la passion qui s’était emparée d’eux, de chaque parole qu’il avait prononcée devant elle. Elle n’aurait pas pu être plus heureuse si, par miracle, la marque de sa chute de cheval s’était effacée de son visage.
Elle regarda de nouveau la robe et fronça les sourcils. Si elle ne voulait pas soulever de soupçons, elle ne devait pas s’habiller différemment du jour au lendemain. D’autre part, elle avait l’intention de monter à cheval et ce vêtement ne conviendrait pas.
— Je ne pensais pas que tu serais d’une telle humeur, ce matin, après t’être couchée si tardivement, insista Laelia.
Rebecca tourna la tête vers sa sœur et rencontra le regard de Meg, qui ouvrait de grands yeux avides de curiosité.
— Oui… J’ai dû réveiller Rowan pour lui dire qu’il nous faudrait des anguilles. Père nous a dit aujourd’hui qu’il avait envie d’une terrine de ce poisson.
Ce n’était pas vraiment un mensonge. Elle avait, en effet, informé Rowan du désir exprimé par le comte, mais avant le souper et non après.
— Vas-tu enfin t’habiller convenablement, aujourd’hui ? demanda Laelia en regardant la robe que Rebecca avait toujours à la main.
— J’avais cru voir une déchirure, répondit la jeune fille en replaçant la robe dans le coffre, mais je m’étais trompée.
Elle sortit du coffre une autre robe d’un bleu foncé en laine fine qui, sans être aussi luxueuse que la précédente, était jolie aussi et mieux adaptée à l’équitation.
— C’est peut-être trop espérer également que tu aies aujourd’hui un comportement de jeune fille bien née et que tu évites de tirer à l’arc ? dit Laelia en soupirant avec exaspération tandis qu’elle laissait tomber les bras. Je sais que tu es très fière de savoir t’en servir, mais je me demande comment nous trouverons un homme qui voudra bien t’épouser s’il te voit accomplir des gestes aussi peu féminins.
Laelia s’approcha alors de sa sœur qui eut la surprise de lire dans ses yeux une expression de sollicitude qui semblait sincère.
— Je suis soucieuse de ton bonheur, Rebecca, dit-elle en tendant les bras vers elle. Crois-moi.
Rebecca lui prit les mains et répondit avec la même sincérité :
— Je ne suis pas opposée au mariage, Laelia, mais si je me marie, je veux que ce soit avec un homme qui m’aime et me respecte. Sinon, je préfère rester seule.
— Nous ne sommes pas si différentes, remarqua Laelia d’un air nostalgique. Moi aussi, je veux être aimée, et pas seulement pour ma beauté. J’ai l’impression qu’avec le chevalier Morgan j’ai trouvé, enfin, un homme qui voit au-delà des strictes apparences.
Pour la première fois de sa vie, Rebecca se rendit compte qu’elle n’était pas la seule à n’être considérée qu’en fonction d’une unique facette de son être. Elle avait toujours pensé que ce devait être merveilleux d’être jolie comme sa sœur, mais elle prenait conscience, à présent, que la beauté trop parfaite de sa sœur pouvait aussi constituer un obstacle à l’amour.
Elle espéra que Laelia ne lui en voudrait pas lorsqu’elle découvrirait le lien qui existait déjà entre le chevalier et elle. La beauté de son aînée, après tout, lui donnait un avantage qu’elle-même n’aurait jamais : la chance de susciter l’amour chez presque tous les prétendants qui se présentaient à Throckton.
Laelia retira ses mains de celles de Rebecca et, abandonnant brutalement le sujet, se tourna vers la porte.
— Ne sois pas en retard à la messe, dit-elle avant de sortir de la chambre.
Dès qu’elle fut seule avec Rebecca, Meg se tourna vers elle avec enthousiasme :
— Alors, ma damoiselle ? dit-elle, le regard brillant d’espoir.
Rebecca se sentit gênée devant une telle attente.
— Qu’y a-t il, Meg ?
La servante avança d’un pas et, les yeux levés sur sa maîtresse :
— Eh bien… le chevalier Morgan… ne vous a-t il rien dit ?
Meg était incapable de garder un secret, pensa Rebecca. Elle avait déjà, peut-être, deviné beaucoup trop de choses. Que diraient le comte et Laelia s’ils apprenaient de la bouche de Meg ce qui s’était passé entre Blaidd et elle ?
Elle s’efforça de prendre une expression sévère lorsqu’elle répondit à la jeune fille :
— Je crains que tu n’aies oublié qu’il incombe à un domestique d’être réservé et de ne jamais parler de ses maîtres avec un hôte.
Meg devint toute rouge.
— J’ai voulu seulement essayer…
— Je ne t’ai pas demandé d’explication que je sache ?
Meg baissa la tête.
— Non, ma damoiselle. Je suis désolée.
— Moi aussi. Tu aurais pu créer de profondes discordes avec tes suppositions, Meg. Dois-je te rappeler que nous n’aurions pas pu garder une servante qui aurait causé de tels problèmes ?
— Non, ma damoiselle.
Rebecca était assaillie de remords de faire honte ainsi à la pauvre Meg, mais elle n’en laissait rien paraître.
— Si tu me donnes ta parole que tu ne recommenceras jamais, je n’en toucherai pas un mot à mon père. Ceci restera entre nous.
— Je vous promets de ne plus jamais parler à un hôte, ma damoiselle.
— C’est bien. Je te crois, et maintenant retourne travailler.
— Oui, ma damoiselle, murmura la servante en se dépêchant de quitter la pièce.
Rebecca quitta la chambre peu après elle. Elle était triste d’avoir fait de la peine à Meg, mais elle ne pouvait pas prendre le risque de la laisser compromettre son espoir de bonheur.0

 
 

 

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chapitre 10
Blaidd raccourcit les rênes pour contenir Aderyn Du qui brûlait de se lancer dans la pente. Du sommet de la colline, il apercevait en contrebas, au bord de la rivière, Rebecca sur sa jument qui galopait à travers la prairie. Elle faisait corps avec sa monture. Jamais il n’avait vu une femme monter aussi bien à cheval.
Impatient de se mesurer à elle, Blaidd relâcha les rênes et d’une pression des genoux fit comprendre à Aderyn Du qu’il pouvait y aller. Le destrier ne se fit pas prier. Il se lança dans un galop furieux et ils ne tardèrent pas à atteindre le fond de la vallée où ils poursuivirent leur course.
Rebecca, se sentant certainement suivie, lança un regard par-dessus son épaule et aperçut le chevalier sur son magnifique étalon. Blaidd craignit un instant qu’elle ne ralentît son allure, mais il ne fut pas très surpris de la voir au contraire se coucher sur le cou de la jument et l’encourager à aller plus vite.
Blaidd poussa un cri d’allégresse en enfonçant les talons dans les flancs du cheval qui accéléra encore son allure. Le vent sifflait aux oreilles du chevalier et sa chevelure flottait derrière lui comme une bannière.
Blaidd riait à mesure qu’il rattrapait la jeune fille comme il l’avait imaginé lorsqu’il s’était représenté cette cavalcade. Le matin de ce même jour, au moment du déjeuner, Rebecca avait évoqué son intention de monter à cheval et d’aller galoper le long de la rivière, dans les vastes prairies puis dans les bois, et il avait pensé aussitôt qu’une occasion s’offrait à lui d’être seul avec elle.
Après s’être appliqué à ennuyer Laelia avec des explications techniques sur le maniement de l’épée, il avait laissé entendre que son cheval aurait besoin d’un bon galop. Comme il s’y était attendu, Laelia n’avait été que trop heureuse de rester au château.
Il s’était rendu tranquillement aux écuries pour ne pas soulever les soupçons, même s’il jubilait intérieurement, et avait sellé lui-même Aderyn Du. Puis, sans se presser aucunement, il était sorti de Throckton, avait traversé le village et s’était orienté dans la direction qui lui avait semblé la plus plausible.
En cheminant le long de la rivière, il n’avait pas été long avant d’atteindre l’endroit où la vallée s’élargissait, laissant la place à de beaux prés où poussait une herbe tendre et couverte de mille fleurs à cette saison.
Dans l’espoir de repérer plus vite la jeune fille, il avait gravi l’une des collines qui fermait l’horizon au nord et, de son sommet, il avait aperçu la cavalière et sa jument…
Alors qu’il se rapprochait inexorablement d’elle, Rebecca, qui surveillait sa progression, tira brusquement sur la bride de Claudia qui se pencha sur le côté en prenant un tournant très serré vers un bois.
Blaidd tira sur les rênes pour freiner son destrier qui suivit la jument. En quelques instants, ils furent plongés dans une pénombre merveilleuse sous les branches des chênes, des châtaigniers et des noisetiers qui composaient cette belle forêt. Le sentier, trop étroit pour permettre à deux chevaux de marcher de front, interdisait à Blaidd de tenter de dépasser la jeune fille.
Il restait donc derrière elle, aussi près que possible, les yeux fixés sur la croupe blanche de sa monture que des rayons de soleil, qui s’étaient frayé occasionnellement un passage entre les branches des arbres, venaient frapper d’une clarté qui contrastait avec l’obscurité du sous-bois.
Soudain, Rebecca disparut de son champ de vision. Il poursuivit son chemin jusqu’à ce qu’il vît un sentier en forte pente, sur la droite, dans lequel il s’engagea. Il faisait plus sombre en cet endroit où les frondaisons des arbres étaient plus nourries et il ne distinguait plus la cavalière ni sa monture. Après quelques instants, alors que la pente était moins forte, il arrêta Aderyn Du et écouta.
Il n’entendait que le chant des oiseaux dans les arbres et un frémissement de branches alors qu’un écureuil s’enfuyait vers la cime d’un chêne.
Il était impensable que Rebecca eût disparu… Se dressant sur ses étriers, il promena son regard autour de lui, scrutant les buissons et les arbustes qui bordaient le sentier. Après une patiente observation, il constata que les extrémités des branches d’un arbuste étaient brisées et qu’il y avait à cet endroit une sorte de passage dans la végétation.
La jeune fille avait-elle quitté le sentier ici volontairement ou l’y avait-on forcée ? Les flancs d’Aderyn Du frissonnèrent comme s’il sentait un danger. Blaidd, aussitôt, dégaina et mit pied à terre.
— Je ne suis pas armée, seigneur chevalier ! fit la voix de Rebecca dans les fourrés.
Avec un soupir de soulagement, Blaidd remit son épée dans son fourreau.
— Où êtes-vous ?
— Vous ne me voyez pas !
— Non, répondit-il en prenant son cheval par la bride pour s’engager avec lui dans la trouée qu’il avait décelée. Vous cachez-vous ?
— Pas vraiment !
Il jeta un regard autour de lui, mais ne la vit nulle part.
— Qu’est-ce qu’il faut entendre par cette réponse ?
— Qu’à l’endroit où je me trouve, vous devriez me voir. Ne cherchez pas ma jument, par contre, elle est trop loin pour que vous puissiez la distinguer.
Sans comprendre pourquoi Rebecca était si mystérieuse, il essaya de se diriger vers l’endroit d’où venait le son de sa voix.
— Vous m’invitez à entrer dans une partie de cache-cache, ma damoiselle. Puis-je en connaître la récompense ?
— Passer un moment ensemble dans un lieu où nous ne pouvons pas être vus, répondit-elle, plus proche, à présent, et sur la droite sembla-t il au chevalier. Je pensais que vous aviez deviné mes intentions lorsque j’ai dit que je monterais aujourd’hui.
— J’espérais qu’elles seraient de cette nature, en effet, reconnut Blaidd. J’espérais aussi que personne ne trouverait étrange que je décide qu’Aderyn Du avait besoin d’un bon galop, le jour, précisément, où vous aviez annoncé que vous monteriez.
Il attacha les rênes de son cheval à une branche aussi silencieusement que possible et poursuivit son chemin lentement.
— Je sors Claudia très souvent, répondit Rebecca. Et même s’ils pensent que nous risquons de nous rencontrer, ils sont certainement convaincus que je vous fuirai aussi vite que Claudia voudra bien me porter. Ils n’imagineraient jamais que je m’arrête et vous laisse me rattraper.
A cet instant, il aperçut le bas de sa robe et se précipita sur elle au travers d’un buisson.
— Sitôt dit, sitôt fait, dit-il en la prenant dans ses bras.
Elle fit semblant de se débattre.
— Je vous ai rendu la tâche trop facile ! se lamenta-t elle. J’aurais dû m’allonger pour que vous ne puissiez pas me voir !
— Et dans quel état aurait-été votre robe ?
Elle cessa de feindre de vouloir se libérer et, nouant les bras autour du cou de Blaidd, fixa le sol couvert de feuilles mortes.
— Peut-être pas si sale, en tout cas ! dit-elle plaisamment.
— Je crois, moi, qu’elle aurait été pleine de boue, rétorqua Blaidd en effleurant d’un baiser les lèvres de la jeune fille. Et qu’aurait-on dit à votre sujet ?
— Oh ! Simplement que j’étais tombée de cheval, murmura-t elle en fermant les yeux tant elle se sentait bien dans ses bras. Cela m’arrive parfois.
— Où est votre jument ? demanda-t il en couvrant la joue et le cou de Rebecca de petits baisers.
Elle indiqua le fond du vallon d’où s’élevait le murmure d’un cours d’eau.
— Elle est allée boire.
— Vous connaissez bien ces bois ?
— Oui. J’y suis venue souvent.
— Seule ?
— En général, oui.
Il s’écarta d’elle et la considéra d’un air sombre.
— Comment cela, en général ? Aurais-je des raisons d’être jaloux ?
— Non, pas du tout. Je venais m’entraîner ici, parfois, au tir à l’arc avec Dobbin.
Le sourire qui parut alors sur le visage du chevalier fit battre plus fort le cœur de Rebecca.
— Je suis rassuré, dit-il en l’embrassant avec tant de passion qu’elle eut l’impression de s’enflammer comme de l’amadou.
A regret, elle interrompit leur étreinte. Si elle ne le faisait pas maintenant, elle serait incapable, ensuite, d’empêcher l’irrésistible montée du désir qui ne manquerait pas alors de s’emparer d’eux. Or, si elle se donnait maintenant à Blaidd, les conséquences pourraient être très sérieuses pour elle — sans compter qu’elle serait incapable de garder secrète leur relation car elle voudrait être avec lui à tout instant du jour et de la nuit.
— Pourquoi ne pas détacher votre cheval et descendre dans le fond du vallon où se trouve déjà Claudia ? suggéra-t elle gaiement. Il s’y trouve un tronc d’arbre couché au bord du ruisseau sur lequel on peut s’asseoir. J’ai emporté ma harpe. Je peux jouer pour vous si vous le voulez ?
Il sourit.
— Rien ne me ferait plus plaisir.
Quelques instants plus tard, ils étaient assis côte à côte sur le jeune chêne déraciné par un coup de vent.
Rebecca ne savait que dire. Elle était intimidée, soudain. Peut-être pour la première fois de sa vie. Mais comment engager une conversation avec un homme comme Blaidd, dont la voix, le regard, la main sur la sienne suffisaient à mettre en émoi toute sa personne, et dont elle sentait qu’il n’avait pas d’autre désir que de la prendre dans ses bras et de l’embrasser jusqu’à en perdre haleine ?
— Vous connaissez ma famille, dit-elle enfin d’une voix timide qui couvrait à peine le murmure de l’eau et le chant des oiseaux, mais, moi, je ne sais rien de la vôtre.
— En effet. Voulez-vous en connaître toute l’histoire ?
— Volontiers ! Commencez où vous voulez.
— Du côté de mon père, elle est brève. Il est né de parents paysans, a été berger dans son enfance jusqu’au jour où le seigneur de mes grands-parents, Emrys DeLanyea, a décelé ses mérites et lui a donné sa chance. Il l’a pris dans sa maison comme valet, puis écuyer, jusqu’au jour où il l’a adoubé chevalier. Les nouvelles circonstances de sa vie lui ont permis de rencontrer des jeunes filles de noble naissance et, même si elle était hostile, au début, à une alliance avec un fils de paysan, ma mère est tombée amoureuse de lui et il l’a épousée, parachevant ainsi son ascension sociale.
Blaidd s’interrompit un instant pour voir la réaction de Rebecca, qui l’écoutait avec attention, levant sur lui ses grands yeux bleus pleins de tendresse et d’admiration.
— De cette union, reprit Blaidd, sont nés quatre enfants dont je suis l’aîné. Viennent ensuite, Kynan, mon frère, puis deux filles : Meridyth et Gwyneth.
— Ce sont de jolis prénoms… un peu surprenants pour ceux qui ne connaissent pas le gallois.
— C’est le mien le moins commun, même au pays de Galles. Blaidd signifie « loup » en gallois. Mon père estimait que son fils aîné devait avoir un nom féroce. J’espère ne pas l’être, mais ce prénom ne m’a, semble-t il, pas desservi quand il s’est agi d’entrer en lice et de défendre mes couleurs. Ma mère, elle, aurait voulu m’appeler Bartholomew.
— Je trouve que Blaidd vous va mieux.
Elle le considéra d’un air coquin, à présent qu’elle était de nouveau détendue, et reprit :
— Avec ce nom et vos longs cheveux, vous êtes vraiment un chevalier un peu marginal.
Il prit entre ses doigts une longue mèche de ses cheveux.
— Croyez-vous que je devrais les couper ?
— Seulement si vous en avez envie, répondit-elle avec sincérité. Mais j’avoue que j’ai peine à vous imaginer sans votre crinière.
— Pour un cavalier, ce serait dommage ! dit Blaidd avec son sourire le plus charmeur.
— Oui, acquiesça-t elle en détournant le regard pour ne pas se laisser aller à poser la tête sur son épaule. Je l’ai vue flotter au vent ; c’était magnifique.
— Pensez-vous que cela convienne pour un seigneur ? Le jour où je recueillerai l’héritage de mon père, je devrai rendre la justice, assurer la défense de mes sujets, administrer un domaine et être un exemple pour mes enfants. Croyez-vous que j’y parviendrai ?
Elle glissa sa main dans la sienne.
— J’en suis certaine. Vous êtes parfait avec votre écuyer. Vous avez trouvé un juste équilibre entre le maître et l’ami.
— Vous le pensez vraiment ?
— Oui, et Dobbin également.
— Vous me flattez, mais il faut avouer que je n’ai guère de mérite. Trevelyan est un peu impertinent et ******* de lui, mais il n’a que seize ans. C’est un âge où l’on a tendance à jouer les fanfarons.
Rebecca joua avec une de ses mèches en demandant :
— Etiez-vous comme lui au même âge ?
Elle essaya de se représenter son visage d’alors. Les lèvres devaient être à peu près les mêmes et les yeux aussi, hormis les petites rides charmantes qui apparaissaient au coin des paupières lorsqu’il riait.
Blaidd prit un air offensé.
— Ne saviez-vous pas, ma damoiselle, que j’étais le plus exceptionnel jouvenceau de tout le royaume ? J’étais si sûr de moi que j’eus l’aplomb de vouloir montrer au baron Fitzroy quelque botte que je croyais imparable, la première fois où je me suis rendu chez lui pour y suivre un entraînement.
Il secoua la tête en repensant à sa folle jeunesse.
— Il a failli me couper le bras, et je n’étais chez lui que depuis quelques instants. Croyez-moi, je n’ai pas mis longtemps à changer d’attitude.
— J’aurais aimé être là.
— Pour être témoin de mon humiliation ?
— Pour vous connaître à seize ans, répondit-elle en se blottissant, cette fois, contre son épaule. Je parierais que toutes les filles étaient amoureuses de vous. Ce n’est pas étonnant que vous ayez conçu une haute opinion de vous-même.
— Je préfère que vous ne m’ayez pas connu à cette époque, car vous penseriez sans doute encore aujourd’hui que je suis un petit coq !
Il lui caressa doucement la joue.
— Et vous, ma mie, comment étiez-vous à seize ans ? Ni vaniteuse ni trop gâtée, j’en suis certain.
Elle soupira.
— Si vous m’avez déjà trouvée arrogante lorsque vous avez posé les yeux pour la première fois sur moi, je préfère que vous ne m’ayez pas connue jouvencelle. J’étais très amère et cassante, je le crains.
— Vous aviez des raisons à cela, je suppose.
Elle haussa les épaules et continua de regarder au loin.
— Laelia n’y peut rien si elle est parfaite, et moi je n’y puis rien non plus si je ne suis pas aussi belle qu’elle et que j’ai une vilaine cicatrice au milieu du front. Je le sais, mais parfois, encore aujourd’hui, je l’oublie…
Elle reporta son attention sur lui.
— C’est pourquoi je voudrais que nous fassions en sorte qu’elle ne souffre pas trop lorsqu’elle découvrira ce qui se passe entre nous.
Il la regarda avec tendresse.
— Votre délicatesse vous honore, ma mie. Mais il se pourrait que, en dépit de toutes les précautions que nous prendrons, votre sœur soit tout de même blessée de n’être point choisie. Etes-vous prête à l’accepter ?
Elle fit oui de la tête.
— Je ne renoncerai pas à vous à cause de Laelia, répondit-elle. D’ailleurs, il y a beaucoup d’autres hommes qui pourront la consoler.
Blaidd eut un sourire malicieux.
— Je suis ravi d’apprendre que je peux être remplacé aussi facilement.
— Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire !
— Je le sais, ma chérie, dit-il en lui effleurant d’un baiser le bout du nez. Grâce à Dieu, je ne suis plus le fat que j’ai été.
Il passa le bras autour de ses épaules et s’empara de ses lèvres sur lesquelles il déposa un long et doux baiser. La jeune fille s’abandonna à son étreinte jusqu’à ce qu’elle sentît de nouveau la passion monter en eux et, alors seulement, rassemblant son courage, elle réussit à s’écarter.
— J’espère que votre mère m’aimera bien, dit-elle doucement, espérant ainsi endiguer le flot de désir qui consumait son compagnon.
Il déposa un baiser pudique sur son front comme pour lui signifier qu’il ne lui en voulait pas d’avoir rompu le charme.
— J’en suis certain, et mon père aussi ainsi que Kynan et mes sœurs.
Rebecca sourit d’un air nostalgique.
— Je n’ai jamais connu ma mère. Elle est morte en me mettant au monde.
— La pauvre… et pauvre bébé.
Elle se mordit la lèvre.
— Certes. Mais mon père aussi était à plaindre. C’était sa seconde femme. La première, la mère de Laelia, est morte en couches également. Nous n’avons pas la même mère, Laelia et moi. C’est pour ça que nous ne nous ressemblons pas. Mon père s’est remarié une troisième fois, et son épouse est également morte en accouchant. L’enfant, une fille, n’a pas non plus survécu. Après toutes ces malheureuses expériences, mon père a renoncé à essayer d’avoir un fils. Il disait que le bon Dieu ne voulait pas qu’il en eût, et qu’il devait se *******er de ses filles.
Elle eut un petit rire sans joie en ajoutant :
— Enfin, de Laelia surtout, car il est plus difficile de se réjouir de m’avoir pour progéniture.
— C’est tout à fait faux, dit avec fermeté Blaidd. Pour moi, vous êtes ce que l’on peut espérer de mieux.
Elle ne résista pas au désir de l’embrasser sur la joue.
— Et vous, mon beau chevalier, vous voudrez des fils, je suppose ?
— Et aussi des filles aux yeux bleus, au teint de rose avec des joues vermeilles qui soient d’excellentes cavalières et sachent tirer à l’arc et jouer de la harpe.
Elle sourit, émue.
— Dois-je me reconnaître dans ce portrait flatteur ?
Déjà, elle imaginait les fils forts, audacieux, beaux, courageux et preux que lui donnerait Blaidd. De futurs chevaliers qui seraient accueillis dans toutes les grandes maisons d’Angleterre. Et elle voyait aussi ses filles, charmantes, heureuses, sûres d’elles-mêmes qui seraient libres d’exprimer leurs opinions et n’auraient pas à souffrir d’une disgrâce physique.
— Ne vous ressemble-t il pas, ce portrait ? s’enquit-il en lui donnant un rapide baiser.
— Peut-être…, concéda-t elle timidement.
Elle fut un instant silencieuse, puis, une question lui traversant l’esprit, elle la posa à Blaidd au risque qu’il l’a trouvât incongrue :
— Avez-vous déjà eu des enfants ?
— Non, répondit-il sans hésitation. Du moins, si j’en ai, j’ignore totalement leur existence.
Il la regarda avec gravité et reprit :
— S’il s’avérait que j’ai eu un fils ou une fille, je reconnaîtrais son existence.
— Je n’en attendrais pas moins de vous, répondit spontanément Rebecca, bien qu’elle éprouvât un pincement au cœur en pensant que certaines femmes avaient déjà pu connaître le bonheur de porter l’enfant de Blaidd.
— Votre père semble s’être résigné à ne pas avoir de fils. Beaucoup d’hommes, à sa place, se seraient acharnés à essayer d’en avoir.
— Il accepte cette situation… mais peut-être a-t il trop souffert du décès de sa première et de sa troisième femme pour prendre le risque de revivre le même drame.
— Et votre mère, n’a-t il pas souffert de son décès ?
— Je ne sais pas… Il n’en parle jamais.
— C’est peut-être parce qu’il l’aimait davantage que les autres. Il ne supporte pas d’en parler car cela le rend trop malheureux.
Rebecca le considéra d’un air reconnaissant. Elle n’avait jamais pensé à cette explication qui, après tout, était très plausible.
L’expression de Blaidd devint soudain très grave.
— Puisque nous parlons de votre père, je ressens le besoin d’attirer votre attention sur le fait qu’il n’a aucune estime pour le roi et qu’il le montre ouvertement. Il serait peut-être préférable qu’il n’exprimât pas son mé*******ement aussi souvent et en public.
Rebecca soupira en jouant avec la ceinture de la tunique de son compagnon. Elle luttait contre l’envie de glisser la main sous l’étoffe, à l’intérieur de la chemise, afin de caresser sa poitrine nue.
— Il n’a rien contre le roi lui-même, corrigea-t elle. Ce qu’il ne comprend pas, c’est la façon outrancière dont il favorise les proches de la reine. Autant que je sache, il n’est pas le seul à émettre ce genre de critique.
— Que son jugement soit fondé ou non, un homme prudent réfléchirait à deux fois avant d’exprimer de tels points de vue devant n’importe qui.
— N’êtes-vous donc pas d’accord lorsque père reproche à Henry de confier de hautes responsabilités à des Français qui n’ont pas à cœur de servir l’Angleterre ? Ne croyez-vous pas qu’ils s’enrichissent sur notre dos et donnent de mauvais conseils au roi ?
Blaidd hésita avant de répondre :
— Je reconnais que le roi ne prend pas que de bonnes décisions, mais c’est un homme plein de bonté et pieux qui agira d’autant mieux qu’il sera entouré de conseillers remplis de sagesse. Or, ce conseil de barons, dont Simon de Montfort suggère la formation, pourrait très bien jouer ce rôle auprès de lui. En tout cas, quels que soient ses choix, Henry est mon roi légitime à qui j’ai prêté serment de fidélité, tout comme votre père d’ailleurs.
Lorsque Blaidd plongea son regard dans celui de Rebecca, elle fut décontenancée par son expression.
— Croyez-vous qu’il sera fidèle à son serment ?
— Bien sûr ! Agir autrement serait une trahison.
— En effet, reconnut le chevalier avec gravité. Et les conséquences pourraient en être désastreuses pour lui comme pour vous.
Elle leva sur lui des yeux incrédules.
— Insinuez-vous que mon père soit parjure du simple fait qu’il ose laisser entendre qu’Henry commet certaines erreurs ?
Blaidd se mit debout et prit les mains de Rebecca dans les siennes pour l’obliger à se lever, elle aussi.
— Je veux dire simplement que si votre père ne veut pas que l’on ait des doutes sur sa fidélité, il devrait faire attention à ce qu’il dit.
Elle pencha la tête de côté, les sourcils froncés.
— Doutez-vous de sa loyauté ?
— Non, répondit Blaidd sans hésitation alors qu’un sourire se dessinait sur ses lèvres. Dieu merci ! Moi, je n’en doute pas. Mais je crains que sa liberté d’expression ne lui attire des ennuis, c’est tout.
La colère de la jeune fille disparut aussi vite qu’elle était venue.
— Pardonnez-moi. Vous m’avez troublée… J’ai cru que vous l’accusiez. Or, vous êtes un proche du roi. S’il arrivait que vous exprimiez vos sentiments devant la cour…
— Je ne l’accuse pas, interrompit avec fermeté le chevalier. Je vous mets seulement en garde et j’espère que vous saurez en faire autant avec lui, mais sans déclencher son courroux.
— Je ferai de mon mieux, répondit Rebecca d’un ton apaisé.
Il eut de nouveau son sourire charmeur, irrésistible, et la prit dans ses bras.
— Nous nous sommes presque querellés, ma chérie, alors que nous sommes venus dans ces bois pour nous embrasser à l’abri des regards.
A peine eut-il terminé sa phrase que Rebecca se dressait sur la pointe des pieds et comblait son attente. Ils échangèrent un long baiser, tendre et passionné, et lorsque tous deux s’assirent de nouveau sur le chêne, Blaidd, cette fois, la prit sur ses genoux.
— Oh, Blaidd, murmura-t elle, je m’aperçois que je ne suis pas aussi forte que je le pensais. Si nous nous embrassons encore, je sens que je vais vous supplier de faire de moi votre femme ici même, sur ces feuilles mortes, mais je ne suis pas certaine que ce soit très convenable ! Alors, si vous voulez bien, je vais aller chercher ma harpe…
Elle trouva le courage de se lever.
— Vous avez raison, répondit Blaidd. Je crois que j’ai perdu la tête, tout à l’heure, lorsque je vous ai aperçue en train de chevaucher dans la prairie.
Elle rit et prit sa harpe dans la besace en cuir suspendue à la selle de sa jument, qui avait fini de se désaltérer et attendait, paisible, le moment où sa maîtresse remonterait en selle.
Rebecca revint près de Blaidd et accorda son instrument, retendant les cordes jusqu’à ce que la harpe sonnât juste. A la façon dont Blaidd la regardait faire, elle eut l’impression que l’instrument ne lui était pas inconnu.
— Savez-vous en jouer ? demanda-t elle en s’installant près de lui.
— Un peu, mais pas aussi bien que vous.
— Ou c’est vrai, ou vous êtes trop modeste !
— C’est la plus pure vérité.
— J’aimerais quand même vous entendre, dit-elle en lui donnant la harpe.
Il prit l’instrument avec précaution et se mit en position d’en jouer.
— Je commence à prendre conscience qu’il m’ait difficile de vous refuser quelque chose, ma damoiselle, dit-il en finissant d’accorder l’instrument.
— Je vous suggère, chevalier, d’arrêter de m’appeler comme vous le faites et de me désigner plutôt par mon prénom. Cela vous aidera peut-être à me dire non lorsque vous en avez envie !
— Peut-être… Rebecca, mais j’en doute !
Il lui prit la main et se pencha pour l’embrasser.
— En fait, reprit-il, je crois que vous me mènerez par le petit doigt jusqu’à la fin de ma vie.
Le cœur de Rebecca bondit de joie en entendant ces mots. Il avait donc réellement l’intention de l’épouser ?
Et cette façon dont il avait prononcé son nom de sa voix grave et mélodieuse… C’était purement merveilleux.
Eperdue de bonheur, elle suggéra, le regard baissé :
— Peut-être devriez-vous jouer, maintenant ?
Il émit quelques notes, l’air pensif, puis s’arrêta, et attendit que l’instrument fût tout à fait silencieux avant de commencer à chanter une ballade galloise tout en s’accompagnant à la harpe.
Rebecca ne comprenait pas les paroles de sa chanson, mais elle en devinait le sens aux inflexions de sa voix et aux accents langoureux de la mélodie. C’était une ballade sur le thème amoureux et c’était à elle qu’elle était adressée.
Elle observait les longs doigts qui pinçaient les cordes avec aisance et dextérité. Ces doigts qui maniaient si efficacement l’épée et dont le toucher était si subtil sur l’instrument de musique et, aussi, sur sa peau…
La respiration de Rebecca s’accéléra alors qu’elle regardait son compagnon penché sur la harpe. Il émanait de lui un étrange mélange de force et de douceur, de courtoisie et de fougue. A la fois redoutable jouteur et trouvère délicat, cavalier émérite et élégant danseur… Quelles qualités lui faisaient donc défaut ? Pour l’instant, elle n’avait pas encore trouvé…
Les doigts de Blaidd se figèrent sur le manche de l’instrument qui vibrait encore, et il se tut. Levant les yeux vers la jeune fille, il semblait attendre son verdict.
— C’était magnifique, dit-elle, même si je n’ai pas compris un mot de cette ballade.
— Il s’agit d’un homme loin de chez lui qui pense à celle qu’il aime. Il se demande ce qu’elle fait, si elle s’ennuie autant de lui que lui d’elle. Il se souvient de toutes sortes de petits détails à son sujet : la façon dont elle rejette ses cheveux en arrière, les petites rides charmantes qui se forment autour de ses yeux quand elle rit, la douceur de ses lèvres, la chaleur de sa peau…
— J’avais compris qu’il s’agissait d’une chanson d’amour, reconnut la jeune fille, oppressée soudain.
— Qu’aurais-je pu chanter d’autre en votre présence, ma mie ? chuchota-t il en posant la harpe à côté de lui, sur le tronc d’arbre.
Il glissa un bras autour des épaules de Rebecca et l’attira contre lui.
— Si je le pouvais, je vous chanterais des chansons d’amour toute la journée.
Elle ne put s’empêcher de sourire.
— J’ai l’impression que l’homme d’action que vous êtes se lasserait, à la longue, de ce genre de fadaises !
Il recoiffa une mèche rebelle derrière l’oreille de la jeune fille.
— Vous avez raison. Entre les chansons, je demanderais, sans doute, quelque compensation.
Elle enfouit les doigts dans les cheveux de Blaidd et, soudain plus audacieuse, s’enquit en le regardant dans les yeux :
— Quel genre de compensation, seigneur chevalier ?
— De petits baisers, répondit-il en se penchant sur elle pour butiner ses lèvres. Des caresses, de folles étreintes…
Alors qu’il s’apprêtait à l’embrasser encore, il entendit, derrière lui, la harpe basculer et n’eut que le temps de se retourner pour l’empêcher de tomber.
Laissant échapper un soupir, Rebecca se leva et prit l’instrument.
— Je crains qu’il ne s’agisse là d’un signal pour nous rappeler que nous devrions rentrer au château. Il y a longtemps, déjà, que nous sommes là.
— Cela m’a semblé bien court. J’ai eu si rarement l’occasion de vous parler seul à seule.
— J’avais envie aussi d’être seule avec vous, Blaidd, mais il faut que nous nous montrions prudents, assura-t elle en rangeant l’instrument.
— Je fais de mon mieux pour déplaire à Laelia, dit-il plaisamment.
— La décourager ne sera pas facile. Vous êtes très séduisant, messire. Je ne serais pas surprise que ma sœur ferme les yeux sur tous vos manquements.
Elle soupira.
— Evidemment, vous n’êtes pas responsable de votre physique, mais vous pourriez peut-être faire un effort pour paraître moins charmant !
— J’ai fait l’impossible pour ennuyer Laelia, ce matin, protesta Blaidd. Je ne peux pas être plus désagréable avec elle que je ne le suis déjà si je ne veux pas prendre le risque de m’attirer les foudres de votre père. A la fin, il pourrait me refuser le droit de courtiser sa fille cadette.
Elle le jaugea, paupières mi-closes.
— Hum ! Et que feriez-vous si c’était le cas ?
— Je crois que je serais conduit à vous enlever à la faveur de la nuit.
— Vous allez me faire rêver…
— Vraiment ? murmura-t il dans son cou. Alors, je vous enlève sur-le-champ !
Elle rit, ravie.
— J’en serais enchantée, mais je doute que mon père le soit autant ! Croyez-vous que la juridiction royale prêterait une oreille compréhensive à mon plaidoyer ?
— J’ai beaucoup d’amis à la cour. Ils prendraient notre parti.
Elle pencha la tête de côté et le considéra d’un air perplexe.
— Vous n’êtes pas sérieux, n’est-ce pas ?
— Si, répondit Blaidd sans sourire. Si nous n’avions pas d’autre solution, je serais prêt à prendre ce risque.
Elle déposa un petit baiser sur sa joue.
— C’est gentil de l’envisager, mais j’espère que nous ne serons jamais réduits à de telles extrémités. Et maintenant, il faut que vous retourniez à Throckton. Je vais attendre un peu ici, puis je rentrerai à mon tour.
— Pas question. C’est vous qui partez la première. Je ne vous laisserai pas seule dans ce bois.
— Blaidd ! Ne vous ai-je pas clairement dit… ?
— Chut ! ordonna le chevalier en posant l’index sur les lèvres de Rebecca. Laissez-moi le plaisir de vous protéger, ma chérie. Permettez à mon esprit chevaleresque de se manifester pour celle que je chéris plus que tout au monde.
Elle décela dans son regard une détermination inébranlable et une inquiétude non feinte qui la toucha au tréfonds de son âme.
— Puisque vous me faites cette demande en ces termes, seigneur chevalier, je vous concède le droit de partir en second, mais à une seule condition.
— Laquelle ?
— Que vous me donniez un dernier baiser avant que je ne vous laisse !

 
 

 

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ÇáÊÓÌíá: Sep 2007
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oh il é adorable ce roman j en suis tombé amoureuse:

 
 

 

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ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
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ÇÞÊÈÇÓ :-   ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ aghatha ãÔÇåÏÉ ÇáãÔÇÑßÉ
   oh il é adorable ce roman j en suis tombé amoureuse:


hihihi
tant mieu

 
 

 

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ÞÏíã 28-12-09, 01:03 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 20
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chapitre 11



Le cuisinier, qui présentait ses doléances à Rebecca depuis un instant, leva les bras en l’air dans un geste d’exaspération.
— Les garnements ! cria-t il en baissant les yeux sur les deux marmitons qui regardaient le bout de leurs pieds. Ce ne sont que des paresseux ! Mes poêles et mes marmites n’ont pas été lavées correctement depuis une semaine. Et celui-ci — il désigna du doigt le plus petit des deux garçons — s’est servi de ma plus belle louche pour tuer une souris !
Rebecca demeura stoïque. Elle était habituée aux emportements de Rowan contre les garçons de cuisine et, quand ils avaient lieu, ne s’en étonnait plus.
— Je n’ai plus qu’à utiliser la louche pour allumer le feu, reprit le cuisinier en désignant la cheminée monumentale.
Rebecca réussit à garder son sérieux en regardant Rowan vitupérer et gesticuler même si, intérieurement, elle avait peine à réprimer une furieuse envie de rire.
— C’est un grand dommage, Rowan, reconnut-elle, d’un air compatissant.
Le cuisinier abattit ses larges mains sur la table massive en chêne où il préparait la nourriture puis, se redressant, il croisa les bras sur la poitrine. Par-dessous son épaule, Rebecca aperçut une souris qui traversait la salle en direction du garde-manger.
— Peut-être devriez-vous laisser au chat l’accès du garde-manger ? suggéra-t elle.
— Il ne s’agit pas des souris ! dit en rugissant Rowan. Ce chenapan a cassé ma plus belle louche en deux en frappant la pierre.
Lorsqu’il se mettait dans de tels états, Rowan n’évoquait rien d’autre pour Rebecca qu’un gros bébé pleurnicheur, et elle se plut à l’imaginer dans un immense berceau.
Réprimant son hilarité grandissante, elle répondit :
— Je vous comprends, Rowan, et je pense aussi qu’il faut punir ces polissons. Je leur parlerai et…
— A quoi bon ? interrompit le cuisinier. Je leur ai déjà parlé, mais ils ne veulent rien comprendre. Ce ne sont que des gredins dont on ne tirera rien !
Rebecca n’était pas tout à fait de cet avis et elle connaissait la difficulté qu’ils avaient de retenir les domestiques hommes à leur service. Trop souvent, dès qu’ils étaient bien formés, ils quittaient Throckton pour se marier ou aller vivre dans un bourg plus important.
— Je comprends, Rowan, que vous soyez révolté à cause de cette louche, mais c’est à moi, et à moi seule, qu’il revient de décider si nous gardons ou non un domestique. Alors, je vous suggère d’aller sortir du four votre pain qui va brûler et de me laisser m’occuper moi-même des marmitons.
Le cuisinier fronça les sourcils, manifestement mé*******. Mais, conscient de ce que la fille de son seigneur ne plaisantait pas, il se tut et s’exécuta.
— Venez avec moi, dit Rebecca en s’adressant aux deux jeunes garçons.
Elle sortit dans la cour où un vent soudain colla sa robe contre ses chevilles comme les tuniques des gardes, sur le chemin de ronde, à leur poitrine. Un rapide regard autour d’elle lui permit de constater que ni Blaidd ni son écuyer, avec lequel il semblait d’ailleurs avoir renoué de meilleures relations, n’étaient en vue. Sans doute se trouvaient-ils dans la cour en compagnie de Dobbin et de ses gardes où ils s’entraînaient au maniement des armes.
L’amitié qui était née très spontanément entre Blaidd et Dobbin ravissait Rebecca, et elle ne s’en étonnait d’ailleurs pas. Les deux hommes, en effet, présentaient de nombreux points communs : ils étaient grands, forts, sûrs d’eux-mêmes, et se montraient tous deux des cavaliers accomplis et d’excellents bretteurs.
La jeune fille aurait été extrêmement peinée si Dobbin n’avait pas aimé le chevalier, et réciproquement, car elle n’avait aucun doute sur ses propres sentiments pour Blaidd. Il ne pouvait s’agir que d’amour, un amour qui avait grandi au cours des derniers jours lorsqu’ils avaient passé quelques moments ensemble où ils parlaient librement et échangeaient de furtifs baisers.
Par ailleurs, si Laelia ne semblait plus si désireuse de partager la compagnie de Blaidd, la sympathie du comte à l’égard de ce dernier, en revanche, ne se démentait pas. Ils jouaient quotidiennement aux échecs ensemble et avaient de longues conversations où ils abordaient fréquemment les questions de politique comme la veille encore.
Rebecca écarta Blaidd de sa pensée pour concentrer son attention sur la crise domestique qu’elle tentait de régler.
— Rappelez-moi vos noms, jeunes gens ? demanda-t elle lorsqu’elle fut près du puits en compagnie des deux marmitons.
— Moi, c’est Bert, marmonna le plus jeune, qui avait brisé la louche de Rowan.
La peau mate, les cheveux bruns, il ne devait pas avoir plus de dix ans.
— Et lui, ajouta-t il, c’est Robbie, ma damoiselle.
Le dénommé Robbie avait des cheveux roux saupoudrés de farine. L’arête de son nez et ses pommettes étaient mouchetées de taches de rousseur.
— Eh bien, Bert et Robbie, c’est à vous de parler, maintenant, dit Rebecca avec douceur. Pourquoi n’avez-vous pas fait votre travail convenablement ?
— Si, ma damoiselle, on a bien travaillé, protesta Bert. Mais il dit toujours que ce n’est pas bien, alors… nous…
— Auriez-vous cessé de faire de votre mieux ? suggéra Rebecca.
Aucun des jeunes garçons ne répondit. Nerveux, Bert dessinait sur le sol du bout du pied.
— Est-ce que tu te rends compte que ce n’était pas une très bonne idée de choisir la plus belle louche de Rowan pour tuer une souris ?
— Elle était en train de se sauver, alors j’ai pris la première chose que j’ai trouvée !
Rebecca resta silencieuse un instant avant de s’enquérir :
— Est-ce que cela vous plaît de travailler en cuisine ?
Les deux garçons échangèrent un regard inquiet. Il était évident qu’il ne leur déplaisait pas de toucher un salaire et de prélever quelques bons morceaux des plats avant qu’ils ne partent à la table du comte. Ils étaient sûrs ici de ne jamais manquer de nourriture.
— J’ai peur de ne pas réussir à convaincre Rowan de vous garder. Auquel cas, je serai obligée de vous renvoyer chez vous, à moins que je ne vous trouve quelque autre emploi ?
— J’aimerais bien travailler aux écuries, ma damoiselle, dit aussitôt Bert. Je préférerais être valet d’écurie plutôt que marmiton.
— Moi aussi ! dit en écho Robbie.
Rebecca réfléchit un instant à leur requête. L’un des garçons d’écurie avait récemment quitté Throckton pour se rendre à Londres et un palefrenier l’avait informée, récemment, de son intention de se marier et de devenir laboureur ; ce qui signifiait qu’un valet d’écurie prendrait sa place. Il y aurait donc de la place pour deux garçons d’écurie.
— Je veux bien vous employer aux écuries, répondit enfin Rebecca, à condition que vous vous trouviez deux remplaçants pour la cuisine.
— Promis, ma damoiselle ! répondit Bert avec enthousiasme.
— Maintenant, donnez-moi vos tabliers et sauvez-vous.
Ils retirèrent prestement leurs longs tabliers blancs et les tendirent à Rebecca avant de se sauver. En les voyant franchirent la porte du château, Rebecca souriait mais son expression ne tarda pas à changer quand elle se demanda à qui elle proposerait de laver les marmites, les chaudrons, les écuelles et les aiguières, ainsi que les broches et autres ustensiles de cuisine ? Peut-être Bran et Tom feraient-ils l’affaire ?
— Rebecca !
Elle se retourna et vit son père descendre les marches du logis et venir vers elle en pressant le pas. Il avait à la main un parchemin roulé dont il se mit à tapoter nerveusement sa jambe lorsqu’il s’arrêta devant sa fille.
— Qu’y a-t il, père ? questionna Rebecca qui s’interrogeait sur le message responsable de cette impatience fébrile qu’elle lisait sur le visage du comte.
— Nous recevrons des hôtes aujourd’hui qui seront là sous peu. Il s’agit d’un prince danois et de sa suite, soit environ cinquante chevaliers et leurs écuyers. J’étais au courant de leur prochaine visite mais je ne savais pas exactement quand ils viendraient. Or, ce parchemin m’annonce que leur arrivée est imminente.
Rebecca, abasourdie par la nouvelle, restait sans voix.
— Un prince danois ? répéta-t elle enfin. Et cinquante chevaliers ? Pourquoi viennent-ils ici ?
— Pour établir un commerce avec nous, autant que je sache. Peut-être ce prince a-t il eu vent de la beauté de ta sœur ? Ne serait-ce pas merveilleux si Laelia pouvait devenir princesse ?
Rebecca lança un regard autour d’elle pour s’assurer qu’on ne les écoutait pas.
— Pourquoi recevez-vous un Danois à Throckton, père ? protesta-t elle. Avez-vous oublié que ce peuple nous a fait la guerre pendant des siècles ?
Le comte ne parut pas du tout décontenancé par sa réaction.
— C’est de l’histoire ancienne, Rebecca. Il n’y a plus d’hostilité entre nos peuples à présent. Si un prince danois veut acheter notre laine ou courtiser ma fille, je n’y vois aucun inconvénient.
— Mais qu’est-ce que le roi pensera de… ?
Le comte l’interrompit.
— Henry s’en moquera éperdument pourvu que je lui verse l’impôt et qu’il puisse en faire profiter ses amis français.
Se souvenant des recommandations de Blaidd, Rebecca ouvrit la bouche pour opposer d’autres objections à la réponse de son père, mais il lui imposa le silence d’un geste impérieux de la main.
— Je n’ai pas l’intention de débattre de cette question avec toi, Rebecca. Assure-toi seulement qu’il y ait assez de logements en état d’accueillir Valdemar et les siens, et de quoi les nourrir au dîner. Fais servir le meilleur vin.
— Vous n’avez pas oublié, père, que le chevalier Morgan est toujours ici et qu’il est un proche ami du roi ?
— Je ne l’ignore pas et il pourra dire à Henry tout ce qu’il voudra au sujet de Valdemar s’il juge que c’est important. Cela ne fera pas de mal au roi d’apprendre que le monde ne se limite pas à la France et à Rome.
Il cligna de l’œil d’un air malicieux.
— Et un peu de compétition entre le prince et le chevalier ne desservira pas la cause de Laelia, au contraire !
Il eut un petit rire et se dirigea vers les écuries, sans doute pour y informer les palefreniers de l’arrivée des Danois.
En regardant son père s’éloigner d’un pas vif, Rebecca se demanda si, à supposer que Blaidd fût intéressé par Laelia, cette dernière et le comte le choisiraient, plutôt que le prince, pour entrer dans leur famille. C’était fort peu probable…
Elle-même avait, en tout cas, de bonnes raisons de se réjouir car, si Laelia était donnée au prince danois, Blaidd serait libre de la courtiser autant qu’il le voudrait. Sa sœur, dans ce cas, ne pourrait pas lui en vouloir d’avoir conquis le cœur du chevalier.
De quel œil, cependant, le roi verrait-il cette alliance avec un prince danois ?
Le comte répétait sans cesse à ses filles qu’il comptait pour bien peu dans le royaume. Peut-être Henry ne prendrait-il pas ombrage de cette alliance et les laisserait-il vivre à leur guise aussi longtemps que Throckton paierait régulièrement l’impôt ?
Il valait mieux toutefois en parler avec Blaidd, et, s’il estimait que le roi risquait de ne pas apprécier ce mariage, elle tenterait de dissuader son père de donner Laelia au prince Valdemar.
*
* *
Elle avait à peine fait un pas en direction du château qu’un garde cria qu’il voyait approcher un groupe de visiteurs.
Quelques instants après, plusieurs cavaliers, portant bannières et oriflammes qui flottaient au vent, firent leur entrée dans la cour. Le cliquetis des harnais, le martèlement des sabots sur les pavés, les conversations des hommes dans une langue étrangère et gutturale créèrent un vacarme important entre les murs d’enceinte.
A la tête des cavaliers s’avançait un géant blond dont le manteau bleu, tenu par une énorme broche en or, était rejeté sur ses larges épaules. Sa cotte de mailles brillait au soleil et il promenait son regard sur la cour du château comme s’il en était déjà le maître.
Rebecca, confondue et inquiète, observait la scène, tout comme les gardes sur le chemin de ronde ou ceux placés à l’entrée du château. Servantes et serviteurs s’étaient arrêtés dans leur activité et regardaient, l’un par une porte, l’autre une fenêtre, le troisième un œil de bœuf ou une meurtrière. Tous les regards, au demeurant, convergèrent sur le comte de Throckton lorsqu’il sortit de l’écurie et se dirigea vers son hôte.
La jeune fille, qui s’était rapprochée du logis seigneurial, vit entrer dans la cour, derrière les derniers Danois, Blaidd et Dobbin, suivis d’un Trevelyan pantelant. Les deux hommes semblaient essoufflés également comme s’ils avaient couru. Dobbin, en particulier, paraissait extrêmement troublé par cette irruption soudaine de chevaliers étrangers dans le château de son maître.
Quant à l’expression de Blaidd, elle était impénétrable, mais Rebecca devina sa méfiance à la tension de ses épaules et à sa manière de se tenir comme s’il était prêt à tirer son épée.
Laissant Dobbin avec ses hommes près de la porte d’entrée, il se fraya un chemin entre les cavaliers dédaigneux et marcha droit sur le comte qu’il rejoignit au moment où le prince danois descendait lestement de son cheval.
De très grande taille et les épaules carrées, ce dernier se tourna vers le comte de Throckton qui le salua chaleureusement.
— Bienvenu, prince ! dit-il avec un large sourire en ouvrant les bras pour lui donner l’accolade.
Mais au moment où il croyait embrasser le Danois, ce dernier marqua un temps d’arrêt car il venait d’apercevoir Laelia devant la porte du logis.
Pour une fois, Laelia ne fondit pas comme neige au soleil sous le regard insistant de l’étranger. Au lieu de fixer le bout de ses pieds comme elle en avait l’habitude lorsqu’elle était en présence, pour la première fois, d’un nouveau prétendant, elle levait ses grands yeux sur le Danois et le considérait comme si elle n’avait encore jamais vu un homme. Et lui, de son côté, ne voyait qu’elle.
Le comte fit signe à Laelia d’approcher.
— Prince, permettez-moi de vous présenter ma fille, Laelia.
La jeune fille rejoignit son père et, souriant avec grâce, fit la révérence avec un bonheur si évident que Rebecca en fut stupéfaite.
Le Danois s’inclina profondément devant elle.
— Mes hommages, ma damoiselle, dit-il avec son fort accent.
Le sourire de Laelia s’élargit. Ce n’était pas l’un de ces sourires faussement amicaux qu’elle adressait d’habitude à ceux qui la courtisaient. Cette fois, son regard riait et exprimait un réel *******ement, comme Rebecca ne lui en avait pas vu depuis très longtemps.
— Charmée de faire votre connaissance, prince, répondit-elle d’une voix claire et parfaitement audible dans le murmure ambiant.
— Appelez-moi, Valdemar, ma damoiselle, si vous voulez me faire plaisir, dit le Danois.
Laelia ne sut que répondre et resta confuse, tout comme le comte d’ailleurs.
— Je suis le fils du roi du Danemark, reprit le prince Valdemar, mais la reine n’est pas ma mère.
Comprenant qu’il s’agissait d’un bâtard, l’expression du comte changea du tout au tout.
— Rebecca est ma fille cadette, dit-il entre ses dents en désignant la jeune fille.
Rebecca, qui n’avait pas l’habitude d’être présentée, esquissa une révérence et sourit d’une manière figée.
Le regard que posa sur elle le prince était manifestement peu aimable, mais elle avait souvent vu ce genre d’expression sur les visages des jeunes gens arrogants.
A cet instant, Blaidd avança d’un pas vers l’étranger qui le toisa avec mépris. Il faisait manifestement peu de cas de cet homme vêtu d’un pourpoint de cuir directement sur la peau et laissant voir ses bras musculeux, ses chausses couvertes de boue et ses bottes de cuir usées.
Les deux hommes se dévisagèrent un moment avec une hostilité non déguisée et Rebecca redouta même que Blaidd, dont l’expression était devenue presque féroce, ne provoquât le Danois.
Mais, au contraire, l’instant d’après il fit un large sourire qui ne s’étendit pas, toutefois, à son regard, et s’inclina avec déférence devant le prince.
— Blaidd Morgan, vassal de Sa Majesté Henry, annonça-t il.
— Vous êtes gallois ? dit Valdemar d’un ton qui ne laissait aucun doute sur le peu d’estime qu’il accordait aux habitants du pays de Galles. Je vous croyais tous très petits.
Le sourire de Blaidd se glaça — et le cœur de Rebecca aussi.
— Nous ne sommes pas plus des nains que les Danois ne sont des pirates, répondit-il sur un ton qu’il réussit à rendre plaisant malgré la colère qui grondait en lui.
Valdemar tourna son regard vers Laelia qui le contemplait comme s’il avait été un dieu descendu de l’Olympe. Rassuré par l’expression admirative de ses yeux, il eut un éclat de rire guttural qui résonna entre les murs du château, se répercutant de courtine en courtine.
— Nous le fûmes, un jour, mais aujourd’hui nous abordons vos rivages pour y faire du commerce.
— Parfaitement ! s’exclama le comte en se plaçant entre les deux hommes. Le prince Valdemar est en Angleterre pour acheter de la laine et il a la gentillesse de nous faire l’honneur de sa visite.
Il entraîna ses hôtes vers le logis et Laelia, qui, pour une fois, semblait avoir été oubliée, pressa le pas derrière eux comme un petit chien.
— Le chevalier Morgan, qui est un remarquable champion, est très proche de Sa Majesté, reprit le comte. Allons à l’intérieur prendre une collation. Vous devez avoir un grand besoin de vous restaurer.
Les derniers mots de son père eurent sur Rebecca l’effet d’un coup de fouet. Rien n’avait été préparé pour ces hôtes inattendus qu’il allait tout de même falloir nourrir. Rowan allait certainement piquer une colère… Aurait-on assez de vin ? De même que de paille et de foin pour les chevaux ? Et aurait-on de quoi les coucher tous ? Sinon, il faudrait qu’ils dorment dans la grande salle, à même le sol, roulés dans leurs couvertures.
Rebecca se voyait en face d’une montagne de tâches à accomplir au plus vite alors qu’elle n’aurait rien voulu davantage qu’être seule avec Blaidd et s’entretenir avec lui de cette surprenante visite.
Elle ne pourrait pas, malheureusement, trouver un moment de tranquillité pour lui parler dans la soirée ni, sans doute, au cours de la journée du lendemain, et elle ignorait combien de temps durerait le séjour des Danois à Throckton.0

 
 

 

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