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chapitre 3

Se glisser dans la fraîcheur de la chapelle c’était un peu comme descendre dans la rivière, les chaudes nuits d’été, pensa Rebecca en refermant la lourde porte derrière elle.
Elle avait pris l’habitude de le faire, autrefois, avant sa chute de cheval, mais, depuis, elle n’osait plus s’aventurer ainsi la nuit, hors de l’enceinte du château. Les jours insouciants étaient bien révolus…
La flamme d’une bougie vacillait dans une niche où était placée une statue de la Vierge. C’était la seule source de lumière avec un rayon de lune qui entrait par une étroite ouverture et venait frapper l’autel de pierre.
La main contre le mur froid, recouvert de chaux, pour se guider dans cette demi-pénombre, Rebecca remonta vers l’autel. Les pans de sa robe flottaient autour de ses chevilles avec un léger bruit d’étoffe au milieu du silence profond. L’air humide était imprégné d’une odeur d’encens qui invitait à la prière et au recueillement.
Rebecca s’agenouilla sur les dalles glacées et fit le signe de la croix avant de joindre les mains.
— Mon Dieu, dit-elle à mi-voix, faites qu’il fasse beau demain pour que je puisse monter à cheval. Permettez que je m’échappe du château quelques heures.
Le ton de sa voix se fit triste :
— Et si ce n’est pas possible, accordez-moi la grâce de tenir ma langue et de ne pas prononcer des mots que je regrette dès qu’ils ont franchi le seuil de mes lèvres. Aidez-moi à ne pas être jalouse de Laelia. Ce n’est pas sa faute si elle est belle, et moi défigurée. Permettez que je domine mon amertume de ne pas pouvoir espérer avoir un prétendant comme elle…
Elle respira profondément en pressant ses paumes l’une contre l’autre.
— Aidez-moi à supporter de ne pouvoir rêver que tous les hommes me désirent, corrigea-t elle. Je ne veux pas me faire haïr par tout le monde, mais de savoir, chaque fois qu’un chevalier franchit la porte du château, que c’est pour Laelia, cela devient un peu trop dur à supporter !
Le ton de la jeune femme commença de monter alors que la rancœur, malgré elle, s’emparait de son âme :
— Et c’est pire encore lorsque l’un de ces chevaliers a un sourire et une voix qui me donnent l’impression d’être enveloppée dans un drap de soie… Lorsque le plus léger contact de ses lèvres sur ma main m’emplit d’un feu ardent…
Sa voix s’étrangla et, honteuse, elle baissa la tête en reprenant sur le ton de la supplication :
— Oh ! Seigneur ! Libérez-moi de ces pensées honteuses et de ces sensations condamnables ! Aidez-moi à accepter mon destin et, surtout, à tenir ma langue !
Dans le silence qui suivit cette dernière supplication, elle entendit la porte qu’elle venait de franchir grincer sur ses gonds puis le bruit sourd qu’elle faisait en se refermant.
Surprise que l’on vînt dans la chapelle à cette heure, alors que les festivités de la soirée n’étaient pas terminées, elle se redressa rapidement et se retourna.
Une silhouette de haute taille et de forte carrure se tenait au milieu de l’allée centrale. Les longs cheveux qui lui tombaient sur les épaules ne laissaient pas de doute sur l’identité de celui qui venait de pénétrer dans le sanctuaire…
Etait-ce là la réponse du ciel ? Au moment où elle tentait, par la prière, de se libérer de la jalousie et du désir, on lui envoyait celui-là même qui était à l’origine de ces sentiments.
Elle eut envie de fuir, mais elle craignit d’être ridicule si elle s’esquivait trop brusquement, comme si elle avait redouté que sa vertu ne fût menacée par la simple présence de ce chevalier auquel elle n’avait, d’ailleurs, aucune chance de plaire.
— Vous êtes venu prier, messire ? demanda-t elle un peu pour se rassurer.
— Comment avez-vous deviné que c’était moi ? dit-il en avançant vers elle, présentant enfin son visage au faible halo de lumière répandu par la bougie.
— Je vous distinguais assez pour voir la longueur de vos cheveux et puis les habitants de Throckton connaissent suffisamment la chapelle pour savoir qu’on ne peut y entrer discrètement en raison du grincement de la porte. Pour vous y introduire alors que je m’y trouvais déjà en prière, il fallait que vous soyez étranger.
— Je ne cherchais pas à être discret, répondit-il. Je cherchais mon écuyer lorsque je vous ai vue entrer ici. J’ai pensé que c’était peut-être le moment choisi pour vous présenter mes excuses si je vous ai offensée d’une quelconque manière.
Il semblait parfaitement sincère… Mais de quoi voulait-il se faire pardonner ? Il n’avait rien dit ni fait qui pût la blesser ou lui porter tort. En tout cas, c’était là une attitude bien peu répandue parmi les chevaliers. Elle ne se souvenait pas d’en avoir jamais vu un exprimer du regret, en particulier à elle.
— Vous n’avez pas à me présenter d’excuses parce que vous m’avez invitée à danser. C’est à moi, plutôt, de vous en faire pour avoir fui ainsi sans aucune civilité. Je me dois d’être courtoise avec les hôtes de mon père. Mon comportement n’a certainement pas été celui d’une fille de châtelain.
— Que diriez-vous de tout reprendre depuis le début ?
Elle fit le tour de l’autel, qui se dressa entre eux comme une barrière avec son crucifix de bois sculpté, et, levant les yeux sur Blaidd :
— Soit, chevalier. Nous oublierons mon insolence à votre arrivée et votre maladresse, si c’en est une, de m’inviter à danser alors que c’était avec celle qui est belle, vers laquelle converge l’intérêt de tous les hommes et dont le visage est parfait, que vous étiez censé danser.
— Mais c’est avec vous que j’en avais le plus grand désir.
Elle baissa les yeux. Etait-il sincère ou n’avait-il cherché qu’à se faire bien voir par son père en invitant à danser sa fille disgrâciée ? Ou, peut-être, avait-il agi ainsi par charité ?
— Maintenant que nous sommes réconciliés, vous devriez vous retirer, chevalier. Il n’est pas convenable que nous soyons seuls ici.
— Sans doute mais avant que nous ne nous séparions, répondez au moins à une question.
Elle hocha la tête. Elle n’avait pas de raison de lui refuser sa requête d’autant moins qu’il lui restait la possibilité de ne pas répondre à sa question.
— Jouez-vous souvent au portier ou ai-je été gratifié d’un accueil privilégié ?
— Non, pas très souvent…
Rebecca se garda d’avouer qu’elle l’avait observé par une meurtrière après qu’une sentinelle eut signalé son approche ainsi que celle de son écuyer. Elle ne lui dirait pas non plus qu’elle s’était tournée vers Dobbin pour lui faire cette remarque :
— En voilà encore un ! Laisse-moi voir s’il est aussi arrogant que les autres.
Dobbin avait commencé par refuser, mais elle lui avait adressé son sourire le plus charmeur et il n’avait pu que se rendre.
— Je dois donc me réjouir d’avoir au moins été traité différemment de la horde de prétendants qui se sont déjà présentés pour demander la main de votre sœur.
— Il est vrai, messire, que vous n’êtes qu’un parmi les autres.
— Mais vous avez voulu, du moins, prendre mes mesures et me mettre à l’épreuve avant que je ne comparaisse devant votre jeune sœur. J’espère avoir répondu à vos critères car, assurément, votre opinion compte beaucoup aux yeux de Laelia.
— C’est moi la cadette, répondit la jeune fille.
— Pardonnez-moi, dit Blaidd, manifestement surpris. Vous semblez tellement plus mûre…
Rebecca se mordit la lèvre. Devait-elle prendre cette remarque pour un compliment ?
— Il faut donc la marier au plus vite de façon à ce que vous puissiez accepter les offres pour vous.
Elle le fixa d’un air déconcerté. Personne ne lui avait jamais dit que, si elle n’avait pas encore reçu de demande en mariage, c’était tout simplement à cause de la situation de Laelia.
— Aucun des chevaliers qui sont venus ici n’a demandé ma main, assura-t elle sobrement.
— Aucun ? dit Blaidd qui semblait réellement choqué. Comment est-ce possible ?
Rebecca fit un effort sur elle-même pour ne pas laisser voir combien elle était troublée et changea de sujet de conversation :
— Vous m’avez dit que vous cherchiez votre écuyer ?
— Oui. Je veux m’assurer qu’il ne fait pas de bêtises.
— Vous l’en croyez capable ?
— J’espère qu’il a assez de cervelle pour n’en pas commettre mais il est jeune et plein d’entrain… Et c’est la première fois qu’il n’est pas sous la surveillance de ses parents ni de ses frères aînés. Il n’a encore jamais goûté à la liberté et, comme beaucoup d’autres jeunes hommes dans les mêmes circonstances, il pourrait être tenté d’agir sans bien mesurer toutes les conséquences.
— Vous ne le croyez pas capable de voler, tout de même ?
— Oh ! Non ! Il ne s’agit pas de ça…
— Mais alors… ?
Elle se tut alors qu’elle se représentait le beau jeune homme qui conversait avec Meg dans la salle…
Réprimant un juron, elle fit le tour de l’autel pour prendre la direction de la porte.
— Vous avez raison de vous faire du souci, messire, car s’il a eu l’outrecuidance d’importuner l’une ou l’autre de nos servantes, je demanderai à mon père de vous prier, vous et votre écuyer, de quitter le château sur-le-champ. J’ai déjà vu les dégâts que pouvait causer un écuyer sans foi ni loi…
Elle s’interrompit net, alors que Blaidd posait la main sur son épaule pour l’arrêter. Une sensation de force protectrice et de chaleur l’envahit, aussi soudaine que dérangeante.
— Je ne crois pas qu’il faille trop vous inquiéter. Trevelyan est un gentil garçon. Lorsque je l’aurai retrouvé, je le mettrai sérieusement en garde…
— Vous lui interdirez d’abuser de nos filles ? interrompit Rebecca, sceptique.
— Précisément, répondit avec fermeté Blaidd.
Elle eut l’impression que, s’il usait de ce ton avec son écuyer, il obtiendrait sans peine l’effet escompté, mais c’était à elle qu’il incombait néanmoins de veiller sur les servantes et de s’assurer qu’aucun de leurs hôtes n’en profitait.
— Votre écuyer est jeune ; il se peut qu’il ne tienne pas compte de votre mise en garde. Celle de nos servantes avec laquelle nous l’avons vu longuement parler n’est pas plus âgée que lui ; il est à craindre que ni l’un ni l’autre ne soient conscients des conséquences de leurs actes.
Rebecca ouvrait la porte pour sortir dans la cour lorsqu’elle vit Meg qui venait de la cuisine. Seule…
Remplie de l’espoir que la servante aurait assez de bon sens pour ne pas écouter les propos flatteurs que lui tiendrait le bel écuyer, Rebecca rentra dans la chapelle d’où, par l’entrebâillement de la porte, elle observa Meg qui gagnait le logis des domestiques.
Alors que cette dernière traversait la cour, Rebecca sentit que le chevalier se tenait derrière elle, si près qu’il lui sembla tout à coup être enveloppée par la chaleur de son corps…
— Qu’y a-t il ? demanda-t il dans un souffle qui fit frissonner les fins cheveux de sa nuque.
— C’est Meg qui va se coucher, répondit-elle d’une voix qu’elle espéra posée en désignant la servante.
La jeune fille monta les marches conduisant à son logement et disparut à l’intérieur.
Blaidd laissa échapper un long soupir de soulagement.
— Je la reconnais. C’est avec elle que Trevelyan parlait avant le dîner, mais il a dû aller se coucher. Nous avons eu une longue journée à cheval.
A peine avait-il parlé que Trevelyan parut à son tour dans la cour. Il sembla hésiter, jeta un regard autour de lui puis, laissant tomber les épaules d’un air déçu, tourna les talons et rentra dans la cuisine.
Blaidd prononça entre ses dents un juron en gallois.
— Je vais avoir deux mots avec Trevelyan sur sa façon de se comporter alors que nous sommes les hôtes de votre père.
— Vous ferez bien, répondit Rebecca en refermant la porte avant de pivoter vers lui.
— Je vous donne ma parole que, s’il n’apprend pas à se tenir convenablement, je le renvoie chez son père.
— Cela n’aura peut-être pas valeur de punition pour un garçon de cet âge ?
— Vous ne connaissez pas son père ! N’avez-vous jamais entendu parler de messire Urien Fitzroy ?
— N’est-il pas un maître d’armes réputé ?
— En effet. C’est lui qui m’en a appris le maniement. Croyez-moi, ma damoiselle. S’il considère que son fils ne s’est pas comporté d’une manière chevaleresque, il le punira sévèrement.
Rebecca, soudain, regretta de s’être montrée aussi préoccupée par les agissements de l’écuyer.
— J’espère que nous n’en arriverons pas à cette extrémité et que vos avertissements suffiront. De mon côté, je parlerai à Meg…
Elle hésita, puis, désireuse qu’il comprît les raisons de son inquiétude, elle expliqua :
— Nous avions une servante, il y a quelques années, du nom d’Ester. Elle était aussi jolie que Meg et aussi coquette… en un peu plus effrontée peut-être. Enfin… Un jeune chevalier s’est présenté au château, officiellement pour courtiser Laelia. Or, un jour, il a quitté Throckton sans même faire ses adieux ni à mon père ni à ma sœur. Nous avons pensé, au début, qu’il s’était vexé car notre père n’avait pas semblé enclin à prendre en compte sa demande. Plusieurs semaines après son départ, cependant, nous découvrîmes qu’Ester portait son enfant. Il avait fait toutes sortes de promesses extravagantes à la pauvre fille, lui affirmant même qu’il l’épouserait. Nous l’avions assez connu pour savoir qu’il aurait dit n’importe quoi à la malheureuse pour s’assurer ses bonnes grâces, mais Ester n’a jamais voulu renoncer à l’espoir de son retour. Devant tant de foi, j’ai demandé à mon père d’envoyer un messager au chevalier pour l’avertir qu’il allait être père d’un enfant, mais ce fut en vain. Je voulais croire qu’il enverrait au moins des nouvelles, quelque argent, mais il n’y eut aucune réponse. Le messager nous rapporta seulement ces propos odieux : la pauvre fille aurait dû lui être reconnaissante pour lui avoir appris à rendre heureux un homme.
Rebecca eut un frisson de dégoût.
— La grossièreté de cet homme a détruit Ester…
Elle soupira, profondément attristée comme toujours lorsqu’elle évoquait ces jours terribles.
— Si son enfant avait vécu, sa vie n’aurait peut-être pas pris ce tour, mais elle l’a perdu, malheureusement, et avec lui tout ce qu’il y avait de tendre et de beau en elle.
Rebecca, incapable de soutenir le regard insistant du chevalier dans lequel elle pouvait lire combien il était affecté par son propos, détourna les yeux.
— Elle vend ses charmes, à présent, dans le village. Je la vois, parfois, et ça me brise le cœur.
Elle releva la tête et regarda de nouveau Blaidd dans les yeux.
— Je ne permettrai pas que la même mésaventure arrive à Meg, ajouta-t elle avec fermeté.
Blaidd lui souleva doucement le menton.
— Je vois que vous ne gardez pas que la porte de ce château, ma damoiselle. J’espère que votre dévouement est reconnu et apprécié.
Elle recula d’un pas comme si elle voulait fuir sa main et la chaleur qui vibrait dans sa voix.
— Bien sûr.
Il la regarda avec gravité puis déclara solennellement :
— Je vous fais le serment de veiller à ce que Trevelyan ne commette rien d’aussi vil.
— Merci, murmura la jeune fille qui se répétait en elle-même qu’elle aurait dû s’éloigner du chevalier.
Mais, déjà, il posait les mains sur ses épaules. Elle ouvrit la bouche comme pour le prier de les retirer, mais aucun son ne franchit le seuil de ses lèvres. Jamais personne n’avait eu de geste aussi délicat et affectueux à son égard, comme si elle était infiniment précieuse…
Elle ne dit pas un mot lorsqu’il la prit dans ses bras. Non seulement elle ne trouva pas les termes pour le dissuader d’agir ainsi, mais elle n’eut même pas la volonté de le faire.
Et lorsqu’elle sentit les lèvres de Blaidd sur les siennes, elle ne le repoussa pas davantage. Alors qu’il l’embrassait délicatement, légèrement, elle noua même les bras autour de sa taille et répondit avec ferveur à ses baisers.
Quel bonheur, après toutes ces années dans l’ombre de Laelia, de constater qu’un homme montrait de l’intérêt pour elle ! Dans ses bras, elle se sentait femme et désirable…
Il pressait à présent ses reins et la serrait contre lui. Elle avait besoin de ce soutien car, bouleversée par l’émotion et le désir, elle sentait bien que ses jambes ne la portaient plus.
Elle laissa glisser ses doigts vers les épaules de Blaidd, suivant avec ravissement le relief sinueux des muscles de son dos qu’elle sentait à travers sa tunique.
Son corps, sa force, son désir… aussi intense que le sien !
Un appel résonna, signalant la relève de la garde et rappelant à Rebecca qui elle était et où elle était. Las, elle n’était pas la belle, l’élégante Laelia, et ce chevalier n’était pas venu pour elle mais pour courtiser sa sœur aînée.
Alors, pourquoi la serrait-il dans ses bras ? Que voulait-il obtenir ? Cherchait-il à la séduire pour abuser d’elle ? Elle ne laisserait jamais aucun homme, quel qu’il fût, se jouer d’elle ainsi.
L’enchantement rompu, elle le repoussa en s’écriant :
— Est-ce là votre conception d’une conduite chevaleresque, messire ? Croyez-vous que je me laisse séduire comme la première venue parce que je porte une marque au visage et que je ne suis pas aussi belle que ma sœur ? Croyez-vous que j’attende désespérément qu’un homme me remarque ?
— Grand Dieu ! Qu’allez-vous imaginer ? s’exclama Blaidd. Je vous jure, ma damoiselle…
— Jurez autant qu’il vous plaira, vous n’ôterez pas de mon esprit que m’embrasser n’est pas la meilleure façon de faire la cour à Laelia. A moins que vous ne m’utilisiez en guise d’entraînement ?
Le chevalier se raidit, l’air outré.
— Je n’avais aucune intention de vous embrasser lorsque je suis entré à votre suite dans la chapelle. Et il n’est pas dans mes habitudes de séduire les filles de mon hôte aussi attirantes soient-elles.
— Alors, pourquoi ce baiser ?
— Si vous ne comprenez pas pourquoi je vous l’ai donné, j’ai commis une grossière erreur que je ne suis pas prêt de commettre encore, répondit-il de sa voix grave où perçaient le dépit et la colère.
Parfait ! Elle connaissait les hommes en fureur. Elle savait comment les traiter, au contraire des séducteurs…
— A votre place, d’ailleurs, reprit-elle, je n’essaierais pas davantage de séduire Laelia. D’abord parce que vous avez déjà commencé ce petit jeu avec moi, et puis parce qu’elle n’est pas aussi crédule qu’elle en a l’air. Je vous assure que les hommes et leurs manigances n’ont aucun mystère pour elle.
Blaidd se rapprocha d’elle, plus grand et menaçant que jamais.
— En admettant que j’aie eu, en effet, l’intention de vous séduire l’une et l’autre, vos mises en garde sont inutiles puisque votre sœur est si avertie.
Il se tut un instant avant de reprendre, en regardant Rebecca dans les yeux :
— Je vous avoue que je n’ai aucun regret de ce qui vient de se passer entre nous. Ce baiser était extraordinairement savoureux et étonnant de la part d’une jeune fille sans expérience, mais, peut-être, ne l’êtes-vous pas autant que vous le laissez entendre. Je serais curieux de savoir ce que vous étiez venue faire dans cette chapelle. Vous ne me semblez pas, en effet, une personne particulièrement dévote et je n’arrive pas à croire que vous ayez eu un besoin subit de vous adresser au ciel.
Il l’enveloppa d’un regard provocateur.
— Mais peut-être aviez-vous un rendez-vous ?
— Comment osez-vous imaginer !
— Et vous ? Comment osez-vous imaginer que mes intentions étaient criminelles ?
— Vous m’avez embrassée !
— Et vous en retour !
— Je n’avais pas le choix.
— Si. Vous auriez pu m’arrêter à n’importe quel moment, mais vous ne l’avez pas fait. Tout au contraire même, car, indubitablement, vous avez aimé ce baiser !
— Oh ! Vous connaissez très bien le cœur des femmes, n’est-ce pas ?
— Je n’ai pas cette prétention mais je sais reconnaître lorsque le désir d’une femme s’enflamme dans la même proportion que le mien ou, même, le dépasse.
— Comment ? Je n’ai jamais rien entendu de plus insolent ni de plus prétentieux…
— Parce que vous ne l’êtes pas, vous ?
— Vous n’êtes qu’une fripouille ! s’écria-t elle en ouvrant la porte dans un urgent désir de mettre fin à leur querelle. Ne commettez plus jamais l’affront de m’approcher ou il vous en cuira !
Et, drapée dans sa dignité, elle s’éloigna dans le couloir sombre.
— Faites-moi confiance, je m’en souviendrai, dit Blaidd entre ses dents lorsqu’elle claqua la porte derrière elle.
Une pluie de jurons tomba de ses lèvres, où se côtoyaient courroux et frustration. De quel droit la donzelle se permettait-elle de douter de son honneur ? Certes, en l’embrassant, il s’était montré un peu… enfin, beaucoup…
Il n’aurait pas dû l’embrasser, c’était évident.
Il laissa échapper un long soupir. Que Dieu lui pardonne ! Il s’était comporté comme un imbécile. Un idiot complètement submergé par le feu des sens. A tel point qu’il en avait oublié la raison de sa présence à Throckton. N’était-il pas là sur la demande du roi, en personne, pour enquêter sur l’éventuelle trahison du comte ?
Il ne pourrait plus accomplir sa mission si ce dernier le renvoyait chez lui le lendemain de son arrivée pour avoir volé un baiser à sa fille. Il n’aurait jamais dû céder, quelle que fût la force de son désir et le charme de la jeune fille. Il n’était plus un jouvenceau en mal d’expérience comme Trevelyan.
— Crétin ! se morigéna-t il en sortant de la chapelle.
Il gagna la chambre qu’il partageait avec son écuyer et en ouvrit la porte sans bruit. Des braises rougeoyaient dans l’âtre, répandant une lueur suffisante pour distinguer deux lits et la silhouette de Trevelyan endormi, les cheveux en bataille, les vêtements débraillés.
Un coffre et une petite table sur laquelle étaient disposées une aiguière et une cuvette formaient avec les lits tout le mobilier de la pièce. Il n’y avait ni tapisseries aux murs ni tapis au sol et pas davantage de tabourets, mais Blaidd avait dormi dans des chambres moins confortables.
— Où étiez-vous ? demanda soudain l’écuyer en se redressant dans son lit. Je me suis inquiété.
— Je te cherchais.
Le jeune homme remonta les genoux contre sa poitrine et considéra son maître d’un air ironique :
— Je suis ici depuis longtemps.
Blaidd s’assit au bord de son lit et profita de la remarque de l’écuyer pour détourner la conversation de ses propres et récents agissements.
— Pas tant que ça. Il n’y a encore que quelques instants tu étais à la recherche de Meg, la jolie servante.
Trevelyan rougit.
— Comment le savez-vous ?
Puis, alors que ses yeux s’écarquillaient :
— Vous m’espionniez ?
Blaidd n’était pas d’humeur à tolérer l’indignation de ce gringalet.
— Non. Je t’ai vu la guetter dans la cour comme n’importe qui aurait pu t’y voir.
— Comment pouvez-vous savoir que je la cherchais ? C’était vous, peut-être, que je recherchais.
— Je l’ai vue sortir de la cuisine puis, un instant après, tu as surgi, manifestement sur ses traces. Si c’était moi que tu cherchais, je ne crois pas que tu aurais eu l’air aussi déçu en ne me trouvant pas.
Trevelyan, les yeux baissés, haussa les épaules.
— C’est vrai… Je ne vous cherchais pas.
— C’est une servante, Trevelyan, dit Blaidd d’un air de reproche. Et tu es l’hôte de son maître. Elle ne voudrait pas prendre le risque de t’offenser.
Il lut la consternation dans le regard du jeune homme et eut un élan de compassion pour lui.
— Trevelyan… Je n’ai pas voulu dire que c’était la seule raison pour laquelle elle t’avait parlé. Elle a peut-être un penchant sincère pour toi, mais vous n’êtes pas du même rang, elle et toi. Et puis nous sommes les hôtes du comte de Throckton. Ce serait un bien vilain affront à l’hospitalité du seigneur de ces lieux que d’abuser de sa servante.
— C’est vrai, mais si cette fille… euh… je veux dire… si elle est intéressée ?
Blaidd se souvint des propos que lui avait tenus son père dans des circonstances analogues lorsqu’il avait l’âge de Trevelyan :
— Ce genre d’acte peut avoir des conséquences graves qui engage la responsabilité de l’homme s’il n’est pas une brute épaisse. Que ferais-tu si la jeune femme se trouvait enceinte ?
— Oh…
— Oui, « oh ! »… As-tu assez d’argent dans ta bourse pour lui donner une somme suffisante qui lui permette d’élever l’enfant ? Aimerais-tu que, un jour, un jeune homme se présente à ta porte en se disant ton fils ? Serais-tu prêt à reconnaître un bâtard ?
— Je n’avais pas pensé à tout cela.
— J’en suis sûr, en effet.
— Mais avec une prostituée, il n’y aurait pas de danger…
— Tu ne te commettras pas avec ce genre de fille tant que tu seras mon écuyer. M’as-tu bien compris ?
Blaidd lui parlait rarement sur ce ton mais lorsqu’il l’employait, il était toujours suivi d’effet, et cette fois-ci ne démentit pas les précédentes. Ravalant sa salive, Trevelyan acquiesça d’un hochement de tête.
Blaidd éprouva du remords. Il faisait la morale à son écuyer alors que lui-même n’avait guère agi en chevalier au cours de la soirée. Ne sachant comment réagirait Rebecca ni, si elle parlait à son père, quelle serait la réaction de ce dernier, il jugea plus sage de préparer son compagnon à un éventuel départ dès le lendemain.
— Il se pourrait que nous partions dès l’aube.
Trevelyan resta bouche bée.
— Pourquoi ? Parce que j’ai voulu rejoindre cette servante ?
— Non, mais parce que je me suis querellé avec Rebecca de Throckton.
Une lueur ironique brilla dans le regard de l’écuyer.
— Après toutes vos recommandations pour que je me comporte bien, et les reproches que vous venez de me faire par-dessus le marché !
Blaidd se pencha pour retirer ses bottes.
— Oui, dit-il.
Puis, redressant la tête :
— Mais ce n’est pas une raison pour triompher. Je sais que j’ai eu tort d’agir ainsi et que c’était idiot de ma part de me disputer avec elle.
— Elle semble très querelleuse, répondit Trevelyan, mais je n’ai pas l’impression que cet aspect de son caractère plaise à son père ni à sa sœur. Il se pourrait qu’ils prennent votre parti.
Le jeune homme sourit en ajoutant :
— Particulièrement damoiselle Laelia.
Surpris de trouver un réconfort auprès de son jeune compagnon, Blaidd se dressa sur ses jambes pour finir de se dévêtir.
— Enfin, nous verrons demain matin ce qu’il en est. Repose-toi, Trevelyan. La journée risque d’être longue demain.
L’écuyer fit la grimace.
— J’espère que non. Je n’ai pas envie de rentrer à la maison. J’ai eu assez d’entraînement.
— Un chevalier ne s’exerce jamais assez au métier des armes.
— Vous dites ça parce que vous êtes si vaillant et preux que vous n’avez plus besoin de vous entraîner, répondit le jeune homme en se pelotonnant sous sa couverture.
Lorsque Trevelyan eut fermé les yeux, Blaidd laissa son inquiétude paraître sur son visage. S’ils devaient quitter effectivement Throckton dès le lendemain, comment justifierait-il son échec auprès du roi ?00

 
 

 

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chapitre 4


Laelia, le lendemain matin, était d’une humeur massacrante. Dans ces cas-là, Rebecca avait appris, depuis longtemps, que le meilleur moyen de dissiper la mésentente régnant entre elle et sa sœur était de rester silencieuse jusqu’à ce que cette dernière consentît à lui adresser la parole.
Cela allait à l’encontre de sa nature, mais Rebecca gardait donc le silence tandis que Meg aidait Laelia à passer une somptueuse robe en drap des Flandres ornée de broderies d’or. Elle lui ceignit autour des hanches une ceinture de cuir doré, après quoi Laelia alla s’asseoir sur un tabouret devant une coiffeuse.
De petits pots d’onguent et des flacons de parfum, une brosse à cheveux au manche d’argent, une boîte de bois de cèdre contenant des rubans et une autre, incrustée d’ébène, renfermant les bijoux de la jeune fille étaient disposés sur la table.
Rebecca n’avait quant à elle ni rubans ni colifichets, et ses quelques bijoux étaient au fond du coffre de l’autre côté de son lit. Mais celui-ci n’avait rien à envier à celui de sa sœur. Des draps de lin, un matelas de laine, de gros oreillers en plumes et des rideaux damassés l’ornaient pareillement car, si Rebecca était moins préoccupée par ses toilettes que Laelia, elle n’avait pas moins d’exigence pour le confort.
Lorsqu’elles étaient enfants, Laelia et elle-même avaient partagé le lit dans lequel elle dormait à présent. Elles y avaient eu de longues conversations à voix basse, le soir, après que leur gouvernante eut tiré les rideaux du baldaquin.
Dès qu’elles se trouvaient dans l’obscurité, elles se mettaient à rire et à parler, laissant libre cours à leur imagination d’enfants. Elles étaient proches l’une de l’autre à cette époque, mais les circonstances avaient beaucoup changé après la chute de cheval de Rebecca. Laelia ne pouvant partager le lit de sa sœur pendant plusieurs semaines, son père lui en avait fait faire un pour elle, et elles n’avaient plus jamais été aussi intimes.
Rebecca n’en devinait pas moins, ce matin, pourquoi sa sœur était furieuse contre elle. Elle ne lui pardonnait pas d’avoir accueilli le chevalier Morgan à la porte du château ni d’avoir quitté la grande salle de façon si ostentatoire.
Elle avait eu écho de la façon dont elle s’était moquée de leur hôte avant de passer à table, et l’échange que tous deux avaient eu ensuite en sa présence avait achevé de la mettre en colère. Laelia était certes endormie, heureusement, lorsque sa sœur était revenue de la chapelle, mais elle avait dû s’éveiller peu après et, au cours de cette nuit sans sommeil, son mé*******ement n’avait fait que grandir.
Rebecca, de son côté, avait failli la réveiller pour lui révéler que le chevalier l’avait embrassée et qu’elle devait en conséquence se tenir sur ses gardes. Elle avait eu aussi l’intention de prévenir leur père et de lui demander de renvoyer cet hôte indésirable. Etant donné ce qui était arrivé entre elle et lui, il n’aurait pas été normal de le laisser courtiser Laelia.
Ce matin, cependant, dans la lumière d’un nouveau jour et devant le peu d’importance que son père accordait à ses opinions ou ses remarques, elle était encline à croire que moins elle parlerait de ce qui s’était passé la veille, mieux cela vaudrait. Il n’y avait aucune raison de penser, en effet, que le chevalier serait jugé davantage digne de la main de Laelia que la myriade de courtisans qui s’étaient déjà présentés à Throckton.
Et puis, elle se desservirait sans doute en révélant qu’elle s’était laissé embrasser. Elle n’avait certes pas eu là l’attitude adéquate d’une jeune fille de haute naissance. Elle aurait dû quitter la chapelle dès que le chevalier y était entré. Elle n’aurait pas dû prêter l’oreille à ses propos, ne pas se laisser charmer par sa voix, troubler par sa présence, la chaleur qui émanait de lui… Dès qu’elle avait senti la confusion l’envahir, elle aurait dû fuir.
Par conséquent, plutôt que de prendre le risque de se voir adresser des reproches, elle choisit de ne rien dire de sa rencontre nocturne avec le chevalier — du moins aussi longtemps qu’il n’aurait pas ouvertement fait sa demande à Laelia.
— Tu as été très grossière avec le chevalier Morgan, hier soir, déclara soudain cette dernière en la fixant dans la glace de sa coiffeuse. Et je ne parle pas de cette comédie que tu as jouée à son arrivée ! Je ne serais pas étonnée que Dobbin t’y ait poussée ?
— Non, évidemment, répondit avec fermeté Rebecca en laçant les cordons de sa tunique sur le côté. C’est moi qui en aie eu l’idée.
Sous cette tunique, elle portait une robe en laine brune et, sur la peau, une chemise de lin qu’elle revêtait la plupart du temps sans aucune aide.
— C’est encore plus grave ! Et puis, ensuite, quitter la salle comme tu l’as fait ! Si messire Blaidd décide de quitter Throckton dès aujourd’hui, ce sera à cause de toi.
Rebecca, qui supportait mal qu’on lui fît des remontrances comme à une enfant mal élevée, rétorqua :
— Tu as l’air de t’être laissé impressionner par le Gallois. Je ne te croyais pas si facilement troublée.
— Moi, troublée ? répéta Laelia d’un air indigné alors que Meg finissait de démêler ses cheveux. Tu plaisantes. Je ne me laisse pas impressionner aussi facilement mais il faut reconnaître que cet homme est beau, charmant… Et il vient de la cour !
Gênée d’assister à cette conversation, la servante se mit à tresser rapidement les cheveux de la jeune fille pour se retirer aussi vite que possible.
— Reconnais que, avec l’opinion de père sur la reine, il n’est pas fréquent de voir ici des chevaliers proches de la Couronne.
A l’entendre parler, Rebecca avait réellement cru, un moment, que sa sœur était sensible au chevalier, mais elle savait maintenant pourquoi elle lui montrait de l’intérêt.
— Ah ! Je comprends… J’avais oublié à quel point tu mourais d’envie d’être présentée à la cour.
— Tu préfères peut-être passer toute ta vie ici au milieu des paysans !
— Leur compagnie m’est agréable, répondit Rebecca en remettant en place la courtepointe qui recouvrait son lit.
Laelia fit une moue de désapprobation.
— N’auras-tu jamais de respect pour ton rang et ton titre ?
— Je ne les méprise nullement, mais j’ai surtout conscience des responsabilités qui leur sont attachées. Quant à prendre un mari uniquement pour être présentée à la cour…
— Ce n’est pas la seule raison qui me fait m’intéresser à messire Blaidd, mais je suppose que ce qui me séduit en lui est précisément ce qui te déplaît puisque tu détestes les hommes.
— C’est faux, je ne les déteste pas.
— Si ! s’exclama Laelia alors que Meg attachait sa natte avec un ruban vert émeraude. Aucun homme n’a jamais eu grâce à tes yeux.
— C’est parce qu’ils se sont tous montrés orgueilleux, prétentieux et trop préoccupés par leur personne.
— Tu ne peux pas dire cela de messire Blaidd. Il est vêtu de la façon la plus simple qui soit et il ne me semble pas vaniteux.
Il était vêtu sans ostentation en effet lorsqu’il était arrivé au château et, lorsqu’il s’était changé pour le souper, il avait passé une tunique toute simple avec quelques broderies seulement au col et une chemise de lin.
— Peut-être s’habille-t il ainsi parce qu’il est pauvre, observa Rebecca, espérant ainsi décourager sa sœur.
— Il ne l’est pas ; c’est père qui me l’a dit.
Rebecca eut envie de doucher son engouement en lui rappelant que leur père avait imprudemment fait plusieurs déclarations hostiles à la reine à l’occasion de fêtes et de divers rassemblements, et qu’en conséquence la jeune fille ne serait peut-être pas très bien accueillie à la cour, mais elle ne jugea pas le moment opportun pour aborder ce sujet.
— Que penses-tu de sa coiffure ? demanda-t elle. Elle ne semble guère convenable pour un chevalier qui évolue dans l’entourage du roi.
Laelia réfléchit à la remarque de sa sœur comme s’il s’était agi d’une question de la plus haute importance.
— Les cheveux longs lui vont bien, répondit-elle enfin. Peut-être ne lui portent-ils aucun préjudice lorsqu’il se trouve à Westminster ? Mais si c’était le cas et qu’il devenait mon mari, je les lui ferais couper.
— Et s’il refusait ?
Laelia considéra Rebecca avec un petit sourire supérieur qui avait le don de l’agacer au plus haut point car il recelait une vaste et secrète connaissance féminine qu’elle semblait ne jamais devoir posséder elle-même.
— Il le fera si sa femme le lui demande…
Cette réflexion sembla avoir un heureux effet sur son humeur car elle reprit d’un ton plus chaleureux :
— Il est un peu fruste, en effet, mais je réussirai à le rendre plus délicat.
Rebecca se représenta le chevalier transformé par les efforts de sa sœur en un élégant et raffiné gentilhomme, ne s’exprimant qu’à demi mot, contenant ses émotions, contrôlant tous ses gestes jusqu’à perdre toute consistance et toute saveur, ce qui ne lui sembla guère constituer une amélioration.
Peut-être le moment était-il venu de mettre en garde Laelia contre ce sire quelque peu trop audacieux et peut-être pas très recommandable ?
— Si je ne le considère pas comme un mari idéal pour toi, reprit Rebecca, c’est parce qu’il est trop beau et charmant. Il a sans doute déjà conquis des dizaines de cœurs et entretient assurément une ou deux maîtresses. Je ne pense pas qu’il te soit jamais fidèle.
Laelia, qui se contemplait dans le miroir de sa coiffeuse, ne parut pas le moins du monde troublée par l’objection de sa sœur.
— Je ne serais pas surprise qu’il ait plusieurs maîtresses aujourd’hui, en effet, mais le jour où il sera marié avec moi, je sais qu’il ne sera pas tenté d’aller voir ailleurs.
— Je ne pense pas que le mariage le change. C’est un homme à femmes ; cela se voit au premier coup d’œil, et il a toutes les chances de le rester après son mariage quelle que soit son épouse.
Laelia, dont les cheveux étaient désormais coiffés, se leva en soupirant d’exaspération.
— Parce que tu penses qu’un dévot ferait un bon mari, peut-être ?
Elle découragea toute réponse de la part de sa sœur en lui faisant comprendre par un regard appuyé que c’était l’heure de se rendre à la chapelle pour entendre la messe.
— Pars la première, dit Rebecca. Il faut que je parle avec Meg.
— Ne sois pas trop longue.
Laelia ne manquait pas une occasion de parler à sa sœur comme si elle était une enfant irresponsable. Rebecca, piquée au vif, regarda sans aménité son aînée traverser la chambre avec lenteur et dignité.
— J’espère n’avoir rien fait de mal, ma damoiselle ? demanda Meg lorsque Laelia eut refermé la porte derrière elle. A moins que je n’aie oublié quelque chose ?
— Ne t’inquiète pas, Meg, répondit avec douceur Rebecca. Je n’ai aucune remontrance à te faire. Je voulais seulement parler avec toi de Trevelyan Fitzroy.
— Je n’ai rien fait d’inconvenant ! s’empressa de déclarer la servante, l’air consterné.
— Je ne te soupçonne de rien de mal ; je voulais seulement t’avertir d’être sur tes gardes. Je suis certaine que ce jeune homme est très séduisant et convaincant, mais n’oublie pas que pour lui tu n’es qu’une domestique. Il pourrait avoir le désir de prendre des libertés avec toi. Si c’était le cas, je t’autorise à te soustraire à ses avances de la façon qui te plaira, même si elle n’est guère civile. Au cas où il continuerait de t’importuner, viens me prévenir pour que je mette fin à ses agissements. Nous ne tolérerons pas qu’un jeune écuyer, étranger à notre maison de surcroît, se permette des privautés avec nos servantes. Je ne veux pas que tu termines comme Ester.
— Je vous promets de venir vous trouver, ma damoiselle, s’il était… comme vous dites. Même s’il est beau comme un prince et qu’il me parle gentiment, je ne le laisserai pas abuser de moi. Mais vous croyez vraiment qu’il ne cherche que cela ?
Meg rougit alors que Rebecca opinait de la tête.
— J’en ai bien peur. Enfin… je suis plus rassurée de t’avoir prévenue. Maintenant, descendons à la chapelle. L’office va commencer et père n’aime pas que j’y sois en retard.
— Je vous remercie, ma damoiselle, de m’avoir mise en garde.
Rebecca, qui marchait déjà vers la porte, sourit à Meg.
— Ma damoiselle ? dit cette dernière.
— Oui ? s’enquit Rebecca en se retournant.
La servante hésita puis, d’une voix mal assurée, suggéra :
— Je me demandais si… Vous avez quelques belles robes, vous aussi. Pourquoi ne les portez-vous pas ?
Rebecca baissa les yeux sur sa robe en gros drap et sa ceinture de cuir à laquelle étaient pendues les clés permettant l’ouverture de toutes les serrures du château, à l’exception du coffre que son père gardait dans sa chambre.
— Mes robes sont en laine ou taillées dans de solides draps que je ne crains pas de salir ou de déchirer. Lorsque je porte une robe de grande valeur, je n’ose plus bouger de crainte de l’abîmer.
— Je parie que si vous en portiez plus souvent, vous oublieriez leur fragilité et finiriez par vous comporter normalement.
— Je ne suis pas certaine que les jolies robes m’aillent bien, répondit Rebecca en haussant les épaules. D’ailleurs, à quoi bon porter une tenue élégante quand on n’a aucune beauté ?
— Que dites-vous, ma damoiselle ? dit Meg, offusquée. Ce n’est pas vrai ! Coiffée comme votre sœur et vêtue d’une jolie toilette, je suis certaine que vous seriez très belle. Voulez-vous rester seule toute votre vie ?
— Je n’ai pas l’intention de m’évertuer toute ma vie à plaire à un homme, répondit avec irritation Rebecca. Celui qui voudra m’avoir devra me prendre comme je suis, et s’il veut me changer, je refuserai.
Meg rougit.
— Bien sûr, ma damoiselle. Je ne voulais pas vous manquer de respect…
Rebecca poussa un soupir.
— Je suis désolée, Meg. Je sais que tu dis cela pour mon bien…
Elle réussit à sourire et reprit :
— Je suppose que tous ceux qui veulent me voir mariée souhaitent mon bonheur.
— Pas avec n’importe quel homme. Vous en voulez un qui vous prenne comme vous êtes. Cela arrivera peut-être plus vite que vous ne le pensez.
— Oui, les poules auront des dents ce jour-là ! répondit Rebecca d’un air sceptique. Et maintenant, dépêchons-nous. Je ne voudrais pas qu’on me fasse encore des reproches. Cela suffit pour aujourd’hui.
Craignant de se voir prier de quitter sans délai le château, Blaidd se rendit, néanmoins, à la chapelle comme s’il ne s’était rien passé entre lui et Rebecca.
Mais lui en tenait-elle encore rigueur aujourd’hui, après une nuit de sommeil ? Peut-être conviendrait-elle, à présent, qu’il ne s’était pas vraiment imposé à elle et que ce qui avait eu lieu était un peu le fait de l’un et de l’autre. Ne pouvait-il espérer qu’elle aurait gardé pour elle-même, comme un secret entre eux, ce baiser qu’ils avaient échangé ?
Blaidd ouvrit la porte de la chapelle et, au même moment, le seigneur de Throckton et sa fille d’une très grande beauté se retournèrent vers lui et lui sourirent. Ils se déplacèrent même pour lui laisser un siège à côté d’eux. Manifestement, il n’était pas encore tombé en disgrâce, mais Rebecca n’avait peut-être pas encore eu l’occasion de rapporter à son père les privautés qu’il avait prises avec elle.
Il laissa son regard glisser sur l’assistance et aperçut enfin la jeune personne qui occupait ses pensées depuis la veille. Elle se tenait à côté du capitaine de la garnison qui la cachait à demi, un homme de grande taille et d’aspect robuste, aux cheveux grisonnants. Blaidd avait remarqué, la veille, qu’il observait la scène entre lui et la jeune fille avec un intérêt très vif, et qu’une expression tendre passait dans ses yeux lorsqu’elle parlait.
Mais s’il était au service des Throckton depuis de longues années, peut-être avait-il vu naître et grandir Rebecca ? Il n’était pas étonnant, alors, qu’il lui vouât une profonde affection.
Lorsque la jeune fille sentit le regard de Blaidd sur elle, elle le dévisagea sans chaleur et il crut lire dans ses yeux un avertissement pour qu’il ne s’approchât pas d’elle.
Convaincu de nouveau que son séjour à Throckton serait de courte durée, il avança jusqu’au premier rang où le maître des lieux lui avait fait une place.
— Bonjour, chevalier ! dit avec jovialité ce dernier. Je suis heureux que vous preniez part avec nous au saint sacrifice de la messe. Vous n’êtes pas comme bon nombre de nos jeunes gens qui désertent l’église.
La réflexion du sire de Throckton fit doublement regretter à Blaidd son comportement de la veille.
— Il y en a beaucoup qui sont plus dévots que moi, répondit-il dans un élan de sincérité.
A cet instant, le prêtre parut accompagné d’un enfant de chœur portant un encensoir. Après s’être incliné devant l’autel, l’officiant prit l’encensoir des mains de l’enfant et encensa l’autel puis il en fit le tour et commença de dire la messe.
Blaidd, hanté par la crainte que Rebecca n’allât à la fin de l’office se plaindre à son père du comportement inadmissible du chevalier Morgan et lui demander de le chasser au plus vite de Throckton, ne suivit l’office que d’une oreille distraite.
Lorsque le prêtre donna la bénédiction finale, il était si imprégné de l’image de Rebecca le dénonçant à son père qu’il n’aurait pas été surpris si elle avait marché maintenant jusqu’à l’autel et, tournée vers l’assemblée, l’avait dénoncé publiquement comme une canaille qu’il fallait chasser sur-le-champ.
Se préparant à cette éventualité, il se retourna vers elle et constata qu’elle était déjà sortie… Il éprouva du soulagement, d’une certaine manière, mais craignit aussi que l’inévitable ne fût remis à plus tard. Et s’il devait tomber en disgrâce, il préférait le savoir tout de suite.
Peut-être faisait-elle exprès de le laisser dans l’incertitude pour mieux le tourmenter. Mais si c’était le cas, elle ne tarderait pas à apprendre à ses dépens qu’elle avait tort d’agir ainsi car il n’était pas dans ses habitudes de se laisser abuser, pas plus par une femme que par un homme.
En sortant de la chapelle à la suite du sire de Throckton et de sa fille, il aperçut Rebecca en conversation avec des hommes d’armes devant la salle des gardes, et il voulut savoir s’il avait quelque chose à redouter ou non. Il dit à son hôte qu’il avait une question à poser à son autre fille au sujet de l’intendance et lui demanda l’autorisation de s’éloigner un instant, ce qui lui fut accordé sans hésitation.
En le voyant approcher, Rebecca ne sembla guère étonnée.
— Si tu veux bien m’excuser, Dobbin, dit-elle au capitaine de la garnison. J’ai l’impression que notre hôte a envie de me parler.
L’homme de guerre hocha la tête et, après avoir soupesé une dernière fois Blaidd du regard, consentit à rentrer dans la salle des gardes avec ses hommes.
— Il faut que je vous parle, ma damoiselle, dit Blaidd en s’arrêtant devant la jeune fille. N’y a-t il pas un endroit où nous puissions nous entretenir sans témoins ?
Elle releva un sourcil d’un air mi-interrogatif, mi-ironique.
— Croyez-vous que je prendrai de nouveau le risque d’être seule avec vous ? Quoi que vous ayez à me dire, vous pouvez le faire ici.
Il réprima le pli de mé*******ement qui commençait à se former entre ses yeux.
— Je voudrais savoir si vous avez l’intention de révéler à votre père…
Il s’interrompit, sachant qu’il n’avait pas besoin d’être plus précis pour se faire comprendre de Rebecca.
— Pourquoi le lui cacherais-je ? demanda-t elle en le regardant dans les yeux avec le même calme et la même insistance que le baron Urien Fitzroy après qu’il eut commis une faute à l’entraînement.
— Parce que je vous donne ma parole que ce qui s’est passé ne se reproduira plus.
— Cela n’aurait jamais dû avoir lieu.
Elle aimait sans doute le voir courber devant l’adversité, pensa Blaidd, mais elle avait l’avantage et ils le savaient l’un et l’autre.
— C’est vrai et j’en suis désolé. Il arrive que la passion l’emporte sur la volonté.
Elle eut un sourire railleur en le considérant de pied en cap.
— Vous laissez vos sens gouverner votre esprit, chevalier. Sous cet angle, vous ne différez guère des autres hommes, mais comme vous avez exprimé vos regrets pour la seconde fois, je me montrerai indulgente envers vous.
Son regard se durcit lorsqu’elle poursuivit :
— N’interprétez pas mal ma bienveillance à votre égard. Ça ne signifie pas que vous puissiez agir à votre guise avec moi ni avec aucune autre des femmes vivant sous ce toit. Je vous suggère d’éviter, à l’avenir, de vous mettre dans une situation qui requiert, ensuite, des excuses de votre part.
Blaidd s’inclina en guise d’acquiescement, mais il ne put s’empêcher d’ajouter avec désinvolture, pour retirer à la scène son caractère de gravité :
— J’essaierai.
— Vous feriez bien de réussir, sinon vous ne courtiserez pas longtemps ma sœur. Et maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je dois aller en cuisine m’assurer de la préparation des repas.
Sur ces mots, elle tourna les talons et s’éloigna avec la superbe et la dignité d’une reine.0

 
 

 

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chapitre 5




5.
Plusieurs jours de pluie s’écoulèrent au cours desquels Blaidd, confiné au château comme tous ses autres habitants, s’efforça d’éviter Rebecca. Il n’eut aucune difficulté car elle avait de toute évidence la même préoccupation que lui. Et lorsqu’ils se trouvaient l’un et l’autre au même moment dans la grande salle, ce qui arrivait nécessairement aux repas, ils évitaient de se parler. La jeune fille, comme d’habitude, jouait de la harpe sur la requête de son père, et Blaidd dansait avec Laelia.
Il passait l’essentiel de son temps avec cette dernière comme il se le devait en qualité de prétendant. Mais en dépit de la grande beauté de ladite personne, il s’ennuyait en sa compagnie. Elle ne lui posait aucune question personnelle, ne s’intéressait pas à ses goûts, et ne répondait pas davantage aux questions concernant sa propre vie ou celle de son entourage.
Le seul sujet qui semblait l’intéresser avait trait à la vie à la cour, à la dernière mode en vigueur à Westminster et aux plus récents potins concernant l’entourage du roi et de la reine. Chaque fois que Blaidd évoquait sa vie à Londres, elle devenait plus animée, commençait à l’interroger sur les bals, le décor des salles, les façons de danser…
Lorsqu’il ne conversait pas avec Laelia, il jouait aux échecs ou aux dames avec le sire de Throckton et essayait de le sonder sur ses opinions politiques, de déterminer s’il était assez hostile au roi pour fomenter une rébellion contre lui.
Le maître de Throckton, cependant, éludait habilement les questions et renvoyait toujours Blaidd auprès de sa fille comme s’il lui faisait ainsi une très grande faveur. Blaidd ne se décourageait pas et revenait chaque fois à la charge, réussissant, petit à petit, à se forger une opinion sur son hôte dont il doutait qu’il fût engagé dans un complot contre la Couronne. Si c’était le cas, il cachait vraiment bien son jeu.
Ce qui restait néanmoins troublant, c’était le système défensif du château, qui semblait destiné à supporter un siège, et l’importance de la garnison, laquelle comptait plus de cent hommes d’armes très bien entraînés. Blaidd, qui avait passé de nombreuses années à tournoyer et combattre en France, reconnaissait en eux des guerriers redoutables dont la solde devait être élevée.
Un seigneur, certes, pouvait toujours invoquer la nécessité de défendre son bien pour justifier l’entretien d’une importante garnison, mais rares étaient ceux qui y consacraient de telles sommes. Où le sire de Throckton trouvait-il les ressources pour verser les soldes d’autant de gardes, entretenir plus de trente chevaliers et écuyers, acheter des chevaux, des ar mes et, en outre, élever ces fortifications ?
Certes, le domaine semblait prospère, mais, bien qu’important, il ne l’était pas suffisamment pour faire vivre autant de gens d’armes. Il fallait, nécessairement, que le père de Laelia et Rebecca eût d’autres ressources. Il restait à déterminer lesquelles…
Blaidd éprouvait quelques scrupules à soupçonner cet homme qui se montrait si amical et courtois avec lui. Son père, bien sûr, ne manquerait pas de le mettre en garde contre les attitudes aimables et chaleureuses qui pouvaient dissimuler une âme fourbe, mais il avait peine à concevoir qu’un homme méprisant le roi et désireux de le conduire à sa perte pût être aussi hospitalier et naturel avec un courtisan dudit monarque.
Par ailleurs, Blaidd s’étonnait du rôle joué dans la maison par Rebecca. En qualité d’aînée et en l’absence de sa mère, morte en couches, Laelia aurait dû assumer le rôle de châtelaine. C’était elle qui aurait dû décider des repas, veiller sur le linge, être en possession du trousseau de clés. Or, ce rôle ne semblait dévolu qu’à sa sœur.
Les clés sonnant à sa ceinture, elle allait de la réserve à la laiterie, et de là aux cuisines sans jamais manifester la moindre lassitude ni fatigue. Elle donnait des ordres aux domestiques et traitait avec les marchands en femme d’autorité et de savoir.
A quoi s’occupait l’aînée, sinon à être belle et élégante ? Voilà encore une question à laquelle il convenait de donner une réponse.
Si Blaidd commençait à s’impatienter à force de désœuvrement, il n’était pas le seul. Trevelyan, manifestement, se lassait de n’avoir rien d’autre à faire que polir l’épée et le bouclier de son maître. Il semblait avoir retenu la leçon que lui avait donnée ce dernier au sujet du comportement qu’un jeune homme de sa condition devait observer avec les servantes, mais si le temps ne s’améliorait pas, il était fort à craindre que Meg, qui n’avait d’yeux que pour lui et lui souriait à chaque occasion, ne fût la victime de ses sentiments.
Le soir de l’une des journées les plus maussades, Blaidd et son écuyer prirent la décision de partir faire une longue promenade à cheval dès le lendemain matin et même si le temps restait aussi peu clément. Or, ce matin-là, au réveil, ils furent salués par un lever de soleil magnifique dans un ciel d’un bleu transparent. Une belle et douce journée de printemps s’annonçait. Blaidd se sentit soudain un cœur de vingt ans et brûla d’impatience de lancer son étalon dans un fol galop à travers les prés.
Il était de si bonne humeur qu’il chantonnait après la messe dans la galerie conduisant à la grande salle où il se rendait avec Laelia et le comte pour y prendre leur petit déjeuner.
— J’éprouve dans le cœur la même gaieté que vous, chevalier, dit le sire de Throckton avec un rire grave et sonore.Voilà une belle journée pour chasser. Vous joindrez-vous à moi ?
— J’en serais enchanté, messire, répondit Blaidd avant de se tourner vers Laelia, un sourire aux lèvres :
— Peut-être viendrez-vous avec nous ?
Il fut étonné de la voir lancer un regard gêné vers son père.
— Bien sûr qu’elle viendra ! s’exclama ce dernier. N’aie pas peur, Laelia. Je suis sûr que le chevalier gardera une allure modérée si tu le lui demandes.
Blaidd, qui rêvait de laisser son étalon galoper à son gré, retint un soupir de déception alors que la jeune fille tournait vers lui son regard vert empreint de tristesse :
— Je suis désolée, chevalier, mais je ne suis pas une cavalière très téméraire. Si vous ne souhaitez pas monter en ma compagnie, je le comprendrai.
Blaidd ne voulut pas laisser voir sa déception. La sortie lui ferait du bien, de toute façon, ainsi qu’à Aderyn Du.
— Je serais désolé d’en être privé, répondit-il hypocritement. D’ailleurs, comment pourrais-je, au grand galop, apprécier la très belle campagne de votre comté ? Il me sera agréable de cheminer tranquillement avec vous en suivant la chasse à distance.
— Mais non, intervint le comte. Elle peut fort bien suivre, n’est-ce pas Laelia ?
— Oui, père, répondit-elle.
Puis, levant le regard sur Blaidd, elle murmura :
— J’espère que vous serez indulgent et ralentirez l’allure dans les passages difficiles. N’oubliez pas que je ne suis qu’une faible femme.
Blaidd pensa immédiatement à une autre femme qui s’était rendue directement aux cuisines à la sortie de la chapelle et qu’il ne pouvait se représenter prononçant les mêmes paroles. Il l’imaginait plutôt maniant le fer comme personne…
Il essaya de l’écarter de ses pensées et d’accorder toute son attention à sa sœur aînée :
— Je n’y manquerai pas, ma damoiselle. Ma plus grande joie, c’est d’être avec vous.
La jeune fille eut un sourire de satisfaction comme s’il venait de lui vouer sa vie tout entière. Plût à Dieu qu’il n’en fût rien !
*
* *
Un peu plus tard, Blaidd se tenait devant l’écurie à côté d’un Aderyn Du piaffant d’impatience tandis que les chasseurs s’assemblaient. Les valets de chiens, qui allaient à pied avec leurs bêtes, se tenaient près de la porte, conversaient et riaient entre eux.
Un palefrenier tenait par la bride un bel hongre alezan somptueusement harnaché et un palefroi blanc qui devait être destiné à Laelia. Trevelyan, qui se laissait aller depuis quelques jours, était encore occupé à seller son cheval dans l’écurie. Blaidd avait conscience qu’il aurait dû le réprimander ou, du moins, lui faire une remarque car il prenait manifestement des habitudes de paresse, mais il avait d’autres chats à fouetter.
Il ne laissait pas passer une occasion, en effet, de surveiller l’état des fortifications du château, et il était juste en train de constater qu’un échafaudage avait été installé au pied du mur oriental qui avait besoin de réparations. Aucun ouvrier n’y travaillait mais le sire de Throckton avait évoqué certains travaux qui avaient lieu à la poterne sud.
C’était à tous ces aspects qu’il devait prêter attention et perdre le minimum de temps à écouter le babillage de Laelia ou à lui faire un simulacre de cour.
Aderyn Du secoua sa crinière et martela le sol de ses sabots avant, obligeant Blaidd à raccourcir encore la bride qu’il tenait serrée entre ses mains. Il pourrait peut-être ressortir dans l’après-midi et laisser son cheval aller à son gré. Le comte de Throckton et sa fille ne refuseraient sans doute pas de lui accorder quelques heures de liberté.
Frappant des pieds le sol à son tour, Blaidd se demandait s’il n’allait pas devoir entrer dans l’écurie pour prier Trevelyan de se dépêcher quand Rebecca parut en personne sur le seuil de l’écurie, tenant par la bride un magnifique cheval rouan. Sur sa robe de drap, elle portait une grande cape et avait les mains gantées de cuir.
Allait-elle participer à la chasse ? Blaidd était en droit de se le demander car elle ne passait guère de temps en compagnie de son père et de sa sœur. Elle se consacrait, semblait-il, entièrement à la conduite de la maison.
Rebecca, sentant le regard de Blaidd sur elle, tourna la tête vers lui et il fut sur le point de détourner les yeux comme s’il avait été pris en faute.
— Vous paraissez surpris de me voir, chevalier, dit-elle en s’approchant de lui. Ce n’est pas parce que j’ai fait une grave chute de cheval dans l’enfance que je ne monte plus. Il en faudrait beaucoup plus pour m’empêcher de partir seule avec ma jument sillonner la campagne.
— Je m’en doute, ma damoiselle. Rien ne saurait vous dissuader d’entreprendre ce que vous avez décidé de faire, mais je pensais seulement que vous étiez si occupée par vos diverses fonctions au château que vous n’aviez pas le temps pour autre chose.
Un sourire se dessina au coin des lèvres de la jeune fille alors qu’une flamme se mettait à briller dans son regard bleu, et Blaidd eut l’intuition qu’elle était aussi impatiente que lui de sortir du château.
— Je n’y suis pas indispensable. Il y a assez longtemps que j’y suis confinée. Je pense que les domestiques seront *******s d’être débarrassés de moi pendant quelques heures.
— Il est épuisant de gouverner une maisonnée, mais vous n’aviez guère le choix, le temps a été si maussade…
— Vous l’avez remarqué ? dit-elle alors que son sourire s’élargissait et que son regard se mettait à briller comme le soleil paraissant, soudain, dans une trouée de nuages. Je croyais que les Gallois ne faisaient plus attention à la pluie.
— C’est vrai que nous y sommes habitués, mais la rareté des jours ensoleillés fait que nous les apprécions davantage encore. Je suis impatient de jouir de celui-ci.
— Votre cheval le semble tout autant que vous.
Blaidd passa la main sur le cou puissant d’Aderyn Du.
— Oui, il a grand besoin d’un bon galop.
Rebecca inclina la tête de côté, et son sourire prit une nuance amusée.
— Si vous accompagnez Laelia, cela ne risque pas de vous arriver.
— Je l’ai bien compris. J’espère pouvoir sortir une nouvelle fois dans l’après-midi.
Elle hocha la tête et considéra son cheval de nouveau.
— C’est une belle bête.
Elle avança la main pour caresser le museau de l’étalon :
— Est-ce que je peux… ?
— Oui, il n’est pas méchant. On peut même dire qu’il est aussi doux qu’il est beau. J’avoue que j’en suis fier.
— Vous le pouvez.
Elle le caressait doucement et, de toute évidence, le cheval appréciait ce contact bien qu’étranger. Blaidd, lui, suivait des yeux la longue main fine de la jeune fille, qui avait retiré son gant, et il ne pouvait s’empêcher de l’imaginer sur son propre corps…
— Comment s’appelle-t il ?
Blaidd porta son regard de la main de Rebecca à ses yeux bleus qui pétillaient d’intelligence.
— Aderyn Du, répondit-il.
— Ce qui signifie ?
— « Aigle noir ». Je l’ai nommé ainsi parce qu’il ne galope pas, il vole.
Elle eut un rire cristallin, un son merveilleux, plein de gaieté.
— Il le porte bien.
Puis, se tournant vers sa jument :
— Je vous présente Claudia.
De crainte qu’il n’eût une mauvaise opinion d’elle, elle s’empressa d’ajouter :
— Ce n’est pas moi qui lui ai choisi ce nom. Elle aussi est rapide.
— Comment l’auriez-vous désignée si vous aviez eu le choix de son nom ?
Rebecca réfléchit un instant, les sourcils froncés, ses lèvres charnues formant une moue.
— Etoile filante ! répondit-elle soudain, le visage éclairé par un sourire.
Mon Dieu ! Elle était si jolie lorsqu’elle souriait qu’il aurait voulu la prendre dans ses bras et l’embrasser jusqu’à en perdre l’haleine
— Vous êtes déjà prêt à partir, chevalier ! fit la voix du comte de Throckton dans le dos de Blaidd. Vous n’avez pas perdu de temps.
Surpris comme s’il avait été découvert en train d’embrasser Rebecca, Blaidd fit volte-face et vit venir vers lui le maître des lieux qui portait, selon son habitude, des vêtements taillés dans de riches étoffes. Il avait, en outre, revêtu un manteau garni d’une fourrure grise qui sembla du loup au chevalier.
Ce dernier masqua sa gêne derrière un sourire.
— Ça m’a permis d’admirer votre château, messire. Vos fortifications sont impressionnantes.
Le comte fit signe de s’approcher au palefrenier qui tenait par la bride un hongre alezan, puis leva les yeux sur les remparts.
— Les travaux ne sont pas terminés mais je n’ai pas encore le premier sou pour financer la dernière tranche. Et avec les impôts qui ont encore augmenté cette année, je ne suis pas prêt de l’avoir. Je suis sûr que votre père a constaté aussi que les redevances avaient globalement augmenté.
— Oui, il m’en a fait la remarque, répondit Blaidd avec sincérité.
— Toujours plus d’argent pour la Couronne et autant de moins dans mon coffre, ce qui me contraint d’attendre l’année prochaine pour achever les travaux d’aménagement de la poterne sud ainsi que pour finir de hérisser le mur oriental de merlons. C’est dommage mais qu’y puis-je ?
Blaidd haussa les épaules, satisfait en lui-même que le comte se plaignît de manquer d’argent, mais disait-il la vérité ?
— Laelia ne tardera pas à arriver, dit Throckton d’un air détaché.
Il lança un regard entendu à Blaidd en ajoutant :
— Vous connaissez les femmes.
Certaines femmes, corrigea en lui-même le chevalier alors qu’il observait du coin de l’œil Rebecca qui prenait la direction de la porte avec sa jument.
— Où est votre écuyer ? demanda le comte. Ne vient-il pas avec nous ?
— Le voici, messire, répondit Blaidd en désignant du menton la porte des écuries par laquelle Trevelyan venait de sortir en tirant son cheval. Il est aussi impatient de monter que moi.
— Son père a une haute réputation.
— En effet, et parfaitement méritée.
— Est-ce Urien Fitzroy qui vous a enseigné le métier des armes ?
— Oui. Il a été aussi le maître de mon frère Kynan.
— Si vous ne l’avez déjà fait, vous devriez vous entraîner avec Dobbin, le capitaine de mes gardes. Vous pourriez peut-être lui apprendre quelques coups qu’il ignore, et réciproquement.
— J’en serais enchanté. J’ai besoin, d’ailleurs, d’entraînement sinon mon bras va devenir aussi rouillé qu’une épée abandonnée tout l’hiver au vent et à la pluie.
Le comte éclata de rire.
— Oh ! J’en doute.
De plus en plus impatient de partir, Blaidd lança un regard en direction de la porte et vit Rebecca discuter et rire avec les gardes. Quelque chose, cependant, dans son comportement montrait qu’elle n’était pas totalement l’un d’entre eux même si elle s’en donnait l’apparence. Elle était une femme, certes, de plus, elle jouissait d’une maturité et d’une sagesse qu’elle ne partageait pas avec eux.
— Votre fille cadette se joint-elle également à nous ? demanda-t il au seigneur de Throckton.
— Pardon ? dit ce dernier, surpris par la question.
Puis, regardant dans la même direction que Blaidd :
— Ah ! Bon ? Elle vient avec nous ? Elle ne le restera, sans doute, pas longtemps. A un moment ou un autre, elle partira au grand galop et nous ne la reverrons pas de la journée.
La façon désinvolte avec laquelle le comte fit cette remarque suscita la prompte réaction de Blaidd :
— Elle est accompagnée d’une escorte, bien sûr ?
Le comte de Throckton fronça les sourcils et fit non de la tête.
— Elle la sèmera avant même qu’elle ne s’en aperçoive. Cela a toujours été ainsi et ne changera jamais.
— Mais ce n’est pas prudent, messire. Même si vos terres sont sûres, une jeune fille seule…
— Il ne lui arrivera rien, interrompit le comte. Elle le fait depuis des années et il n’y a pas un brigand qui soit en mesure de l’arrêter lorsqu’elle est lancée sur son cheval.
— Il y a certainement un ou deux sergents qui pourraient tout de même l’accompagner, insista Blaidd, consterné que le comte fût aussi peu préoccupé de la sécurité de sa fille.
— Je vous ai déjà dit qu’elle a toujours échappé à notre surveillance depuis qu’elle est une petite fille, répliqua Throckton, visiblement à bout de patience même s’il souriait encore. J’ai tout essayé ; je l’ai mise en garde, je lui ai donné des ordres, je l’ai menacée, mais elle n’a jamais voulu écouter. A moins de la mettre aux fers, je suis à court d’idées. Si vous en avez une, jeune homme, je l’écouterai mais je ne vous assure pas qu’elle sera suivie d’effet.
Prenant conscience qu’il avait exprimé sa désapprobation avec trop de véhémence, Blaidd jugea plus courtois d’atténuer le courroux qu’il avait provoqué chez son hôte en lui présentant des excuses. Au fond, la sécurité de Rebecca relevait de la responsabilité de son père et non de la sienne.
— Je suis désolé, messire. Je me doute que vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir pour éviter à votre fille une fâcheuse mésaventure.
Le mé*******ement du comte s’évanouit, apparemment, aussi vite qu’il avait surgi. Tapotant amicalement l’épaule de Blaidd, il lui répondit :
— Vous avez raison de vous inquiéter. Dans la plupart des cas, c’eût été justifié. J’apprécie en tout cas votre franc-parler. Je préfère que vous me critiquiez ouvertement plutôt que de ne chercher qu’à me flatter et me dire les choses qui me sont agréables à entendre.
Laissant retomber la main, il se retourna et cria à pleins poumons :
— Nom d’un chien ! Où est Laelia ? A ce train-là, nous ne serons pas partis avant midi !
— Me voici, père ! dit en écho une voix féminine. Il n’est pas nécessaire de crier, j’arrive…
La jeune fille, rougissante et plus belle que jamais, parut sur le seuil du logis.
— Je passais tout juste mon manteau.
C’était un vêtement somptueux en laine bleu nuit, bordé de renard et dont le capuchon, rabattu sur la tête de la jeune fille, rehaussait encore sa très grande beauté. Sous le manteau entrouvert, Blaidd nota que Laelia portait une robe en laine d’un bleu plus clair.
Le palefrenier, qui tenait la bride de la jument blanche, avança avec l’animal. Blaidd, confiant son cheval à Trevelyan, s’approcha aussitôt de la jeune fille pour lui offrir son aide qu’elle accepta avec grâce.
Alors qu’il tendait les bras vers elle, il aperçut Rebecca qui sautait sans aucune aide sur sa monture et il imagina le regard que cette dernière lui aurait jeté s’il s’était avisé de vouloir l’aider à monter en selle.
La pression du talon de Laelia dans sa main lui rappela qu’il devait l’aider à s’asseoir sur sa jument, et que c’était à elle qu’il était censé prêter attention et non à sa sœur
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6 chapitre .

La forêt était humide et odorante lorsqu’ils y pénétrèrent. Les sabots des chevaux s’enfonçaient dans la boue des chemins tandis que la meute de chiens courants furetait, fouinait, flairait à la recherche d’un gibier.
Dérangés par ces intrus agités et bruyants, les moineaux, qui trouvaient refuge dans les sous-bois, s’envolaient en piaillant dans le ciel bleu où ils s’éparpillaient. De temps à autre, un écureuil s’arrêtait sur une branche et considérait avec étonnement cette troupe inhabituelle.
Les piqueurs précédaient la chasse tandis que les valets de chiens, qui transportaient les armes et seraient chargés d’apporter le gibier, fermaient la marche. Blaidd entendait, dans son dos, le murmure de leurs voix alors qu’ils allaient d’un bon train pour ne pas se laisser distancer par les cavaliers.
De temps à autre, l’un d’entre eux se mettait à rire, déclenchant l’hilarité des autres, parmi lesquels le chevalier reconnaissait Rebecca, dont le rire était mélodieux et pur comme le chant d’une source.
Elle semblait bien s’amuser alors que lui-même chevauchait en silence entre le comte de Throckton et sa fille aînée, pâle et crispée, qui s’agrippait à ses rênes.
D’autres rires jaillirent et, cette fois, à côté de celui de Rebecca, il reconnut le rire tonitruant et joyeux de Trevelyan. Se retournant sur sa selle, Blaidd vit, en effet, son écuyer en compagnie de la jeune fille, de sergents à cheval et de valets à pied.
— Il faut que vous pardonniez à ma cadette, dit le comte en s’adressant à Blaidd. Rebecca passe trop de temps en compagnie des domestiques et des paysans. Elle a toujours été ainsi. Je n’arrive pas à lui faire passer cette habitude, pas plus que celle de nous fausser compagnie pour se lancer dans une chevauchée solitaire.
Comprenant à son expression que Laelia était irritée par l’attitude de sa sœur, Blaidd ne put se retenir de faire cette remarque, mais sur un ton anodin pour qu’il fût impossible de savoir s’il approuvait ou non Rebecca :
— Il est rare qu’une jeune fille de noble naissance se sente aussi à l’aise avec ses gens.
La liberté de comportement de Rebecca éveillait en lui le souvenir de certains propos que tenait son père au sujet de sa mère. Née dans une famille noble, elle avait reçu une éducation très stricte et en avait retiré une conception très limitée du rôle d’une châtelaine. Il lui avait fallu de longues années pour devenir celle qu’elle était aujourd’hui, bonne et juste avec ses serviteurs et les traitant comme sa propre famille. Blaidd, pour sa part, n’aurait pu concevoir de vivre d’une autre manière, et il réprouvait vivement ceux qui traitaient mal leurs inférieurs.
— Dites-moi, chevalier, intervint soudain le sire de Throckton. Est-ce vrai que la reine attende enfin un enfant ?
Blaidd essaya de ne pas montrer sa surprise devant une question aussi inattendue, mais le comte espérait peut-être attirer ainsi l’attention de sa plus jeune fille et la faire entrer dans leur conversation en la séparant de la valetaille ?
— Oui, messire. L’heureux événement a été annoncé officiellement.
Le comte sourit.
— D’après ce que j’ai entendu dire au sujet de l’ardeur amoureuse du roi pour son épouse, je m’étonne qu’elle n’ait pas été enceinte plus tôt. N’y a-t il pas déjà deux ans qu’ils sont mariés ?
Blaidd haussa les épaules.
— Certes, mais ce délai arrive souvent, même dans le cas des couples les mieux assortis. N’oubliez pas, d’ailleurs, que la reine n’était guère plus qu’une enfant lorsqu’elle a été mariée à Henry.
— Elle était beaucoup trop jeune, murmura le comte en regardant sa fille aînée qui semblait ne rien écouter.
— Plusieurs messes ont déjà été célébrées pour invoquer la naissance d’un fils, reprit Blaidd.
— Bien sûr, dit Throckton en hochant la tête. Tout le monde veut un héritier.
Blaidd perçut une pointe de ressentiment dans la voix du comte, qui ne lui sembla que trop naturelle. Tous les barons du royaume désiraient un fils pour transmettre leur nom, leur titre et leurs terres. Blaidd avait la même ambition, mais il souhaitait également avoir des filles. Peut-être pour avoir souvent entendu son père dire que les fils donnaient du souci à leurs parents, alors que les filles ne leur apportaient que des joies.
— Mais lorsque Dieu reste sourd aux prières d’un père sans héritier, reprit le comte, il peut réparer la chose en lui envoyant des gendres de qualité pour ses filles. Il peut espérer ainsi avoir un petit-fils qui recueillera ses biens.
Blaidd sourit à son hôte.
— Ma mère est très impatiente d’avoir des petits-enfants, confessa-t il. Force m’est de reconnaître que, sur ce plan, je l’ai déçue.
— Vous ne tarderez certainement pas à vous amender, le jour où vous aurez trouvé une épouse. Je suis bien certain que celle que vous choisirez, qui qu’elle soit, ne se fera pas prier pour accomplir le devoir conjugal.
— Père ! s’écria Laelia, scandalisée, le sang aux joues. Ce n’est pas une chose à dire !
— Ne vous offensez pas, ma damoiselle, dit Blaidd en riant. Pour ma part, je ne le suis nullement. Mon père considère que les parents ont bien le droit de taquiner leurs enfants après tous les sacrifices qu’ils ont fait pour eux.
Le comte approuva d’un éclat de rire et sa fille esquissa un vague sourire.
— Simon de Montfort est toujours l’un des premiers favoris à la cour, surtout dans l’entourage de la reine, remarqua Blaidd d’un air détaché, bien que très satisfait en lui-même que le comte eût abordé ce sujet.
Il fallait tirer le meilleur parti de cette opportunité qui s’offrait à lui et qui lui permettait, par ailleurs, d’échapper à la périlleuse discussion qu’ils avaient entamée sur son irresponsabilité en tant que fils aîné et, par conséquent, héritier.
— Qui est ce Simon de Montfort ? demanda Laelia, soudain intéressée par la conversation. Est-il français ?
Blaidd remua la tête d’une manière indécise.
— Il est né en France mais a renoncé à son fief et à ses titres outre-Manche pour revendiquer ceux dont il a hérité en Angleterre. Il a prêté hommage récemment au roi en qualité de comte de Leicester.
— Ce n’est donc pas un parent de la reine ?
— Non, mais un grand nombre des barons anglais ont été consternés par son mariage avec la sœur du roi. Ils estiment qu’ils auraient dû être consultés à ce sujet d’autant plus qu’elle s’est trouvée contrainte par cette union à rompre le vœu de chasteté qu’elle avait formulé à la mort de son mari.
— Elle avait fait vœu de chasteté ! s’écria Laelia. Mais pourquoi ?
— Par respect pour son défunt mari, répondit Throckton. Elle aurait dû lui rester fidèle, cela l’aurait tenue à l’écart des machinations politiques de son frère. J’ai été désolé d’apprendre qu’elle avait consenti à ce mariage avec Montfort.
Pour un homme vivant si loin de Londres et qui ne s’était jamais rendu à la cour, le comte était remarquablement informé, mais ce n’était pas si inhabituel. Le propre père de Blaidd s’éloignait rarement de son domaine, mais il écoutait attentivement tout ce que lui rapportaient ses fils lorsqu’ils arrivaient de Westminster. Ses amis le tenaient également bien informé. Or, comment affirmer que le comte n’eût pas des amis et des parents qui lui rendissent compte des derniers événements de la vie londonienne ?
— Peut-être votre jugement serait-il moins catégorique si vous aviez rencontré Simon de Montfort, reprit Blaidd. C’est un homme de grand mérite et, malgré ses origines, je pense que nous pouvons compter sur sa loyauté. Il a des projets très intéressants pour le royaume, en particulier la création d’un conseil restreint réunissant les plus grands barons et présidant, au côté du roi, au gouvernement du royaume. Le principe de ce collège de hauts dignitaires solidairement responsables séduit un grand nombre des nôtres.
Throckton fronça les sourcils d’un air soucieux.
— Ce Simon de Montfort ferait bien d’être discret à ce sujet s’il ne veut pas déclencher l’ire du roi. Tout beau-frère qu’il soit de notre monarque, ce dernier a, je crois, le tempérament impétueux des Plantagenêt. Il pourrait lui en coûter de se montrer trop audacieux.
— Certes, reconnut Blaidd, mais le roi écoute Montfort dont il reconnaît la sagesse.
— Il en manque lui-même sinon il n’accorderait pas autant d’honneurs et de fiefs aux parents de sa femme.
Le comte s’interrompit pour plonger son regard perspicace dans celui de Blaidd :
— Comment se fait-il que vous qui êtes gallois ne détestiez pas le roi ? Il ne traite pas les Gallois avec beaucoup de générosité.
— Non, en effet, et je suis parfaitement conscient de leurs justes doléances. Je n’aime pas la guerre, cependant, où trop d’hommes trouvent la mort pour un bien faible gain. Je lui préfère la diplomatie, c’est pourquoi je séjourne à la cour. J’y représente les intérêts des Gallois et parle en leur faveur chaque fois que l’occasion m’en est donnée. Le roi Henry n’en demeure pas moins mon souverain légitime à qui j’ai juré foi et hommage lorsqu’il m’a fait chevalier. Je suis et resterai son homme lige tant que je vivrai.
— Vous n’aimez pas la guerre ? dit Rebecca. C’est étrange de la part d’un chevalier dont la fonction est précisément de la faire.
Blaidd lança un regard par-dessus son épaule. Il n’avait pas eu conscience que Rebecca et Trevelyan s’étaient rapprochés d’eux pendant qu’ils conversaient.
Il ralentit l’allure d’Aderyn Du, laissant le comte et sa fille aînée prendre de l’avance, et attendit que Rebecca et Trevelyan fussent à son niveau pour laisser de nouveau son cheval marcher librement.
— Le fait que je sois entraîné au combat ne signifie pas que j’aime le livrer, ma damoiselle. J’ai assisté à plus d’une mort sanglante et j’aimerais que tous ceux que j’aime en fussent épargnés, y compris les paysans qui travaillent sur notre domaine familial.
— Mais lorsque les négociations n’aboutissent à rien ? Il faut bien alors que les hommes prennent les armes.
— Si tout le reste échoue, je suis d’accord, mais je crains que trop de barons ne livrent la guerre à leurs voisins que par simple ambition personnelle et goût du pouvoir. Ceux-là n’ont pas le respect de ceux qui souffrent pour l’unique satisfaction de leur orgueil.
— Je partage votre point de vue, lança par-dessus son épaule le comte de Throckton qui avait suivi l’échange entre Blaidd et sa fille. Je souhaiterais seulement que le roi pose le même regard sur les affaires du royaume.
— Je crois sincèrement qu’Henry cherche à éviter la guerre, messire. C’est un homme de paix par nature. Peut-être, même, trop généreux. Mais il est encore très jeune et amoureux… Avec le temps, espérons-le, il grandira en sagesse et sera moins soucieux de satisfaire sa femme.
— Vous avez raison, reconnut Throckton en se retournant pour regarder devant lui. Il est jeune et soumis à celle qui règne sur son cœur. Nous devons sans doute montrer de la patience et attendre qu’il grandisse. Au fond, c’est normal qu’il veuille faire plaisir à la reine, même si elle est française. C’est même, peut-être, une raison supplémentaire, n’est-ce pas ?
Throckton partit d’un gros rire qui mit un terme à la conversation.
Un instant après, ils se trouvèrent en face d’une fourche, le chemin se divisait, allant tout droit ou bien bifurquant sur la droite où il s’enfonçait dans une partie plus sombre de la forêt.
— J’ai assez entendu parler du roi et de la guerre, déclara Rebecca. Au revoir à tous !
Sur ces mots, elle mit au trot sa jument et s’engagea dans l’étroit sentier.
Personne, à l’exception de Blaidd, ne fut surpris de ce brusque mouvement. Laelia parut même satisfaite de voir sa sœur s’éloigner. Le chevalier, cependant, était dans un état d’esprit exactement opposé. Même s’il n’y avait pas de coupe-jarret sur les terres du comte de Throckton, Rebecca pouvait faire une chute et il n’y aurait personne pour la relever.
Il n’osait pas offenser son hôte et sa fille aînée en les quittant pour partir à la suite de l’imprudente, mais il ne pouvait pas davantage se résoudre à laisser Rebecca chevaucher seule au cœur d’une si vaste forêt.
— Trevelyan, va à la suite de la fille de notre hôte, ordonna-t il.
Le jeune homme baissa la tête d’un air profondément déçu.
— Mais je vais manquer la chasse, protesta-t il.
Blaidd lui lança un regard menaçant et Trevelyan éperonna son cheval sans demander son reste.
— Ce n’était vraiment pas nécessaire, grommela le comte. Dès qu’elle aura atteint la prairie, elle se lancera au galop et il ne pourra jamais la rejoindre.
— J’en serai enchanté, messire, répondit Blaidd qui ne pensait pas un mot de ce qu’il disait. Ce sera une bonne leçon pour mon écuyer de constater que tout bon cavalier qu’il soit, il peut être distancé par une simple femme.
Blaidd ne doutait pas en lui-même que Trevelyan rattraperait Rebecca. Il se demandait plutôt comment réagirait cette dernière lorsqu’elle verrait l’écuyer arriver à son niveau ! Elle ne serait certainement pas *******e, mais il serait bon pour elle de prendre conscience qu’elle pouvait être battue à la course et pas nécessairement par quelqu’un lui voulant du bien.
Un homme, dont les chausses et la tunique étaient couvertes de boue, vint en courant au-devant du comte.
— Les piqueurs ont levé un grand dix-cors, messire, annonça-t il essoufflé.
— Voilà qui laisse présager une belle chasse ! s’exclama Throckton dont la bonne humeur était apparemment revenue.
— Si la chasse commence vraiment, je ferais mieux de rentrer au château,.dit Laelia en rangeant sa jument sur le côté du chemin pour laisser passer le reste de la troupe.
— Bonne chasse, messire, dit Blaidd en arrêtant sa monture à côté de celle de la jeune fille.
Le comte, sans craindre d’offenser Blaidd, se retourna et, s’adressant à deux robustes sergents à cheval, les pria de rentrer au château en faisant escorte à Laelia.
« Sage précaution », pensa en lui-même Blaidd alors que les chasseurs s’éloignaient dans un vacarme d’aboiements, de cris et de bruits de sabots qui faisaient jaillir l’eau des ornières du chemin.
— Je suis désolée de vous empêcher de vous joindre à eux, avoua Laelia, le regard empli de remords, lorsqu’ils firent demi-tour.
Blaidd arbora aussitôt un large sourire pour rassurer la jeune fille.
— Je n’ai aucun regret, bien au contraire. C’est un grand privilège que d’avoir l’honneur de tenir compagnie à une très belle et noble jeune fille.
Laelia baissa les yeux en rougissant.
— Je suppose que vous avez connu beaucoup de jolies femmes à la cour ?
— Quelques-unes mais aucune aussi merveilleusement belle que vous, répondit Blaidd, affligé au fond de lui-même de manquer à ce point d’originalité, mais force lui était de convenir que Laelia ne pouvait inspirer aucun autre compliment. C’est désolant que vous ne vous soyez jamais rendue à la cour.
— Mon père n’aime pas les voyages.
— Ils peuvent être dangereux, reconnut Blaidd, et ils sont toujours inconfortables. Il y a un grand risque d’attraper des puces en dormant dans des lits occupés on ne sait par qui la veille.
— Et la nourriture doit être immonde dans les auberges, dit Laelia en soupirant, mais j’aimerais avoir l’occasion un jour de voir le roi, la cour et les nobles dames.
— Ces dernières ne seront peut-être pas aussi heureuses de vous voir, car votre beauté éclipsera la leur.
Laelia en rougissant devint plus charmante encore.
— Je suppose, pareillement, qu’il y a peu d’hommes à la cour qui soient aussi beaux et vaillants que vous, chevalier ?
— Détrompez-vous. Il y en a beaucoup de plus beaux. Quant à la bravoure, son appréciation est très relative et elle peut être mesurée de diverses manières.
Elle lui lança un regard timide en reprenant :
— Est-ce que d’autres chevaliers portent les cheveux aussi longs que vous ? Est-ce une nouvelle mode ?
Il ne put se retenir de rire.
— Non. Nous ne sommes qu’une poignée à avoir les cheveux de cette longueur. Sous cet angle, je suis terriblement démodé.
— Alors, pourquoi ne les coupez-vous pas ?
— Parce que cela me plaît de les porter ainsi.
Elle plissa son joli nez.
— Mais si cela ne se fait pas à la cour…
Ayant toujours à l’esprit la raison officielle de sa présence à Throckton, il baissa le ton juste assez pour n’être pas entendu des deux sergents, mais pas au point de faire naître leur suspicion, et susurra :
— Cela ne vous plaît pas, si je comprends bien ?
Elle devint rouge comme une pivoine, cette fois, et évita son regard.
— Ça vous donne un aspect… rustre, un peu sauvage.
— Et ce côté frustre ne vous attire pas, ma damoiselle ?
— Non, rétorqua Laelia avec une fermeté dont il ne l’aurait pas crue capable.
Mais, regrettant aussitôt d’avoir parlé sur un ton aussi péremptoire, la jeune fille, qui avait perdu sa fugitive assurance, reprit d’une voix mal assurée :
— Ce n’est pas à moi de critiquer votre mise, bien sûr, chevalier.
— Vous avez le droit d’avoir votre opinion, répondit Blaidd, nullement vexé, plutôt rassuré même qu’elle fût capable d’exprimer une appréciation personnelle. En réalité, je ne suis pas ******* d’apprendre que vous n’aimez pas mes cheveux, mais puisque c’est ce que vous en pensez, je préfère le savoir.
— Vous n’êtes pas fâché ?
— Non.
— Ou triste ?
Il sourit.
— Pas le moins du monde.
Elle ne sembla pas vraiment le croire.
— Je n’estime pas les hommes, ma damoiselle, qui se cachent la face et ne veulent pas savoir ce que les femmes pensent vraiment d’eux. Il n’est pas toujours très agréable d’entendre une opinion sincère, je vous le concède, mais je la préfère cent fois à un mensonge.
— Pensez-vous vraiment ce que vous dites ? dit-elle, le regard brillant d’admiration.
— Oui, à condition que la critique soit justifiée.
L’expression de la jeune fille changea, soudain, alors qu’une petite moue critique se formait sur ses lèvres.
— Il y a des femmes qui parlent à tort et à travers et qui feraient mieux d’y réfléchir à deux fois avant d’émettre un jugement.
— Je suppose que vous voulez parler de votre sœur.
— Elle est pénible par moments.
Laelia s’interrompit un instant, puis reprit en baissant la voix sur un ton qui parut sincère à Blaidd :
— J’essaie toutefois d’être indulgente avec elle. La pauvre doit souffrir horriblement de savoir qu’elle ne trouvera jamais de mari. Entre sa cicatrice et ses mauvaises manières, quel homme voudrait d’elle ? Mais, par contre, c’est rassurant de savoir que mon père aura une fille pour veiller sur lui à la fin de sa vie.
Ainsi la sœur aînée de Rebecca disposait de son avenir sans le moindre scrupule ! Il n’aurait pas dû en être surpris. Il était commun, en effet, que les sœurs puînées qui n’avaient pas été demandées en mariage restent au service de leurs parents. Mais dans le cas de Rebecca, c’était vraiment dommage. Autant l’enfermer au couvent !
Dans ce dernier cas, elle donnerait du fil à retordre à la mère supérieure qui chercherait à se débarrasser par tous les moyens de cette novice impénitente.
En fait, il ne pouvait se représenter Rebecca qu’entourée d’enfants turbulents et tapageurs, mais aussi tendres et joyeux, ainsi que d’animaux domestiques, chiens et chats, et bien d’autres encore.
Il imaginait, en particulier, une scène où son seigneur et maître, follement amoureux, s’approchait d’elle par surprise et l’enlaçait, la faisant sursauter puis éclater de rire alors qu’elle pivoterait vers lui pour lui offrir ses lèvres…
Blaidd interrompit sa rêverie et lança un regard furtif à la jeune fille somptueusement vêtue, assise sur sa jument magnifiquement harnachée qui avançait au pas près de lui. Elle détesterait sans doute d’être entourée d’animaux. Elle les trouverait trop bruyants, trop sales… Peut-être penserait-elle la même chose des enfants ?
Non que cela eût une quelconque importance. Après tout, il n’était pas là pour la courtiser… ni aucune autre femme d’ailleurs.
« Quel jeune impertinent ! » pensa en elle-même Rebecca alors qu’elle se préparait à descendre de cheval dans la cour du château.
Elle venait d’y arriver avec Trevelyan qui avait déjà sauté à terre et s’approchait d’elle, les bras tendus, pour lui prêter assistance.
« Le polisson ! » poursuivit-elle en son for intérieur. Comment avait-il osé prétendre avoir un malaise alors qu’il la poursuivait à bride abattue ? Et elle avait été assez crédule pour arrêter Claudia !
Et il lui avait alors avoué ingénument qu’il n’avait pas trouvé d’autre argument pour l’obliger à ralentir son allure. Il avait aussitôt ajouté qu’il irait se pendre à la première branche si elle refusait de rentrer au château avec lui car il n’oserait jamais se présenter seul devant le chevalier Blaidd Morgan. Que ce dernier, d’ailleurs, le tuerait s’il avait la folie de le faire.
« Vous ne pouvez pas vous figurer la force de ses coups lorsqu’il frappe avec sa grande épée qu’il tient à deux mains, avait-il expliqué à Rebecca. Il me trancherait de haut en bas avec sa lame sans s’y reprendre à deux fois. »
Même si elle ne soupçonnait pas le chevalier d’éprouver une telle cruauté à l’égard de son écuyer dont il avait non seulement la charge mais aussi la responsabilité, la jeune fille avait accepté de rentrer avec Trevelyan pour lui éviter, en tout cas, une réprimande par trop sévère.
Elle avait même partagé avec lui les vivres et la boisson qu’elle avait emportés. Assis dans l’herbe au bord de la rivière, ils avaient parlé de la vie à la cour, et Trevelyan avait vanté la haute estime dans laquelle son maître y était tenu.
« Le chevalier a toute la confiance du roi », avait-il dit avec fierté.
Rebecca s’était demandé comment son père réagirait à cet élément d’information ? Ce n’était sans doute pas un secret qu’il avait peu d’estime pour Henry et sa façon de gouverner, mais elle n’était pas son informateur par nature et elle avait horreur d’espionner.
Après la conversation qu’il avait eue au départ de la chasse avec le chevalier, il devait avoir une idée claire de ce que ce dernier pensait. Sa sympathie pour le roi et la reine ne faisait aucun doute, et elle ne se sentait pas le devoir de rapporter à son père les propos que venait de lui tenir Trevelyan.
Elle doutait, d’ailleurs, que les opinions de Blaidd Morgan diminuent ses chances d’être considéré comme un prétendant valable. L’opinion de Laelia à son sujet semblait même s’améliorer de jour en jour et, jusqu’à présent, le comte n’avait exprimé aucune objection à son encontre.
Rebecca comprenait très bien la raison de ces attitudes favorables à l’égard du chevalier. C’était un homme très attachant et séduisant.
— Laissez-moi vous aider, ma damoiselle, dit Trevelyan, interrompant la rêverie de la jeune fille. Sinon Blaidd va me tuer. Regardez ! Le voici qui arrive, et il n’a pas l’air de bonne humeur…
Rebecca tourna la tête et vit le chevalier s’approcher d’eux d’un pas décidé. Il était impressionnant, et à le voir marcher ainsi, elle imaginait aisément qu’il fût un champion et défît tous ses adversaires dans les tournois.
— Soit, concéda-t elle par pitié pour le jeune homme.
Il la prit par la taille et, comme elle posait les mains sur ses épaules, il la descendit à terre.
Blaidd s’était arrêté à quelques mètres d’eux et les regardait, les bras croisés sur la poitrine.
— Vous rentrez tard, commenta-t il. Qu’avez-vous fait ?
Trevelyan, les yeux baissés vers le sol, se mit à rougir.
Irritée par l’attitude du chevalier, Rebecca fit un pas vers lui et lança avec fureur :
— De quoi le soupçonnez-vous ? Il n’a fait que vous obéir en venant à ma suite et il est resté avec moi car il croyait que c’était son devoir de me protéger. Si nous sommes rentrés au château plus tard que vous ne le pensiez, il n’en est pas responsable. Auriez-vous préféré que je me montre si odieuse et autoritaire avec lui qu’il n’aurait pas eu d’autre choix que de retourner seul à Throckton ?
Blaidd regarda la jeune fille dans les yeux et en silence pendant un moment qui sembla interminable à cette dernière. Puis, s’adressant à Trevelyan :
— Conduis les chevaux à l’écurie et veille à ce qu’ils soient bien soignés.
— Je suis désolé, Blaidd…, commença le jeune homme.
— Je ne veux rien entendre, Trevelyan. Je t’ai donné un ordre ; tu l’exécutes.
— Oui, mon maître, marmonna l’écuyer en s’éloignant avec les deux chevaux.
Indifférente aux palefreniers et autres valets qui allaient et venaient dans la cour, Rebecca avança vers le chevalier et lui frappa la poitrine du plat de la main.
— Vous n’êtes qu’une brute ! s’écria-t elle. Pourquoi humiliez-vous ce garçon ? Son seul tort est de vous avoir obéi.
Blaidd prit la main de la jeune fille et la maintint fermement dans la sienne.
— La façon dont je traite mon écuyer ne vous regarde pas, ma damoiselle, rétorqua-t il, le regard étincelant de colère.
Puis il s’inclina et reprit sur un ton ironique :
— Je vous demande humblement pardon pour m’être préoccupé de votre sécurité. Je devrais, bien sûr, vous abandonner aux mains d’un agresseur s’il s’en présentait un et vous laisser violer ou tuer. Q’importe le serment que j’ai tenu le jour de mon adoubement et qui me lie à vie.
— Vous ai-je jamais demandé votre protection ? demanda-t elle en dégageant sa main.
Il se pencha sur elle si bien que leurs nez se touchaient presque.
— Cette condition n’est pas mentionnée dans les paroles que j’ai prononcées lors de mon adoubement. Et croyez-moi, je n’attendrai pas qu’elle me le demande pour venir en aide à une femme en détresse. Sachez que je prends aussi au sérieux mon devoir de protection des faibles et des petits que ma fidélité au roi !
— Et si je refuse délibérément votre protection ?
— Vous pouvez le faire, mais cela ne me relèvera pas de mes devoirs de chevalerie.
Alors qu’ils se dévisageaient comme deux fauves prêts à se jeter l’un sur l’autre, il vint à l’esprit de Rebecca que jamais personne ne lui avait résisté ainsi à l’exception de ses parents lorsqu’elle était petite. Dans le feu de la colère, le chevalier oubliait son titre, son sexe et même sa cicatrice. Il la traitait comme si elle était son… égal.
L’expression de Blaidd au moment où elle était arrivée avec Trevelyan lui revint à l’esprit. Elle avait déjà vu ce genre de regard sur les visages de deux prétendants de Laelia qui, manifestement, se… jalousaient !
C’était impensable ! Le chevalier ne pouvait être jaloux d’un gamin comme Trevelyan. La pensée était si burlesque qu’elle se mit à rire malgré elle.
Blaidd eut une expression de vif mé*******ement.
— Est-ce moi qui vous amuse ?
Elle n’allait pas lui avouer qu’elle venait de penser qu’il était jaloux de son écuyer. Ce serait à son tour, alors, d’éclater de rire. Néanmoins, même s’il y avait très peu de chance pour qu’il éprouvât ce sentiment à cause d’elle, cela suffisait à lui donner une certaine confiance.
— Je me réjouis de ce que vous n’hésitiez pas à vous mettre en colère contre moi, répondit-elle enfin. La plupart des hommes me traitent comme une enfant délicate qu’ils craignent de blesser, heurter…
— Il ne me viendrait pas à l’idée de vous prendre pour une enfant, ma chère amie, dit-il de sa voix grave et mélodieuse qui fut comme une caresse sur l’âme de Rebecca.
Bien qu’elle fût convaincue que Blaidd n’avait aucune intention de la séduire, elle fut envahie par un désir troublant et insistant comme celui qu’elle avait éprouvé dans la chapelle.
— Je suis heureuse de vous l’entendre dire, répondit-elle en luttant pour éteindre cette sensation inconvenante qui gagnait chaque fibre de son corps. L’implication logique de ce regard que vous portez sur moi est que, quoi que je choisisse de faire, vous me laisserez agir à ma guise.
— Aussi tentant que cela soit étant donné votre absence de gratitude, je me permets de vous rappeler que le serment que j’ai prêté me l’interdit. Autrement dit, si vous mettez votre vie en péril, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous protéger contre vous-même. Et maintenant, ma damoiselle, à moins que vous n’ayez l’intention de repartir à cheval, je vous souhaite de passer une bonne fin de journée.
En le regardant s’éloigner, Rebecca se demanda si Laelia l’appréciait à sa juste valeur. Il avait, en effet, cent fois plus de mérites que tous les idiots de prétendants qui s’étaient déjà présentés à Throckton et qui, grâce à Dieu, n’avaient pas su trouver le chemin de son cœur ni celui de l’estime de leur père.

 
 

 

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chapitre 7
Blaidd s’essuya le front du revers de la main et se pencha de nouveau, se balançant d’un pied sur l’autre, prêt à frapper de la large épée qu’il tenait entre ses deux mains. Une trace de sang était visible sur sa poitrine, là où la pointe de l’arme de Dobbin l’avait entaillée car il avait réagi un peu trop lentement.
Il aurait dû s’en douter. Comme son père et Urien Fitzroy, le capitaine de la garnison de Throckton, en dépit de ses cheveux gris, était encore robuste et vigoureux, et c’était, incontestablement, un guerrier incomparable. Il jouissait en outre d’une longue expérience qui lui avait permis de déjouer toutes les feintes que Blaidd avait déjà usées contre lui.
L’haleine fumant dans l’air frais du matin, Dobbin contourna Blaidd dans l’intention de lui porter un assaut, mais ce dernier pivota lentement, le regard fixé en permanence sur l’arme de son adversaire, attendant de la voir s’abaisser à la pointe, signe indubitable de fatigue.
Il nota cependant que Dobbin gardait les épaules baissées et nullement contractées. Cet homme, assurément, avait livré maint et maint combat, et en retirait une très grande confiance en lui-même. Sa manière lente et sûre de se déplacer, si différente des mouvements précipités d’un combattant inquiet et nerveux, l’attestait. Dobbin était assurément un adversaire d’importance avec lequel il fallait compter.
— Qu’est-ce que vous attendez ? dit Trevelyan en s’adressant à son maître.
Il assistait au combat au milieu des hommes d’armes rassemblés autour des pugilistes dans la cour du donjon.
La réflexion irrita Blaidd mais il réussit à se contenir et à ne pas trahir son agacement. Il ne voulait pas répéter son comportement vieux de trois jours où il s’était emporté contre le jeune homme d’une manière injustifiée.
Ce dernier en avait été blessé et, depuis ce jour, il n’était plus le même. Blaidd avait beau lui avoir présenté ses excuses et exprimé son regret le soir même de l’incident, Trevelyan, blessé dans son amour-propre, n’avait pas quitté son expression maussade.
Pour lui rendre le sourire, Blaidd était retourné le voir pour lui dire qu’il se jugeait impardonnable d’avoir perdu patience ainsi, et il avait évoqué la réaction de Rebecca dont la sévérité à son égard avait été, en l’occurrence, justifiée. Trevelyan s’était *******é de hausser les épaules comme s’il ne s’était rien passé entre eux, mais leur relation était réellement altérée.
Heureusement, si son écuyer lui gardait une certaine rancune, la jeune fille, qui avait réagi pourtant si véhémentement, semblait pour sa part avoir passé l’éponge. Son attitude à son égard était redevenue exactement la même, ni pire ni meilleure. En raison de ce pardon présumé, Blaidd ne lui avait pas exprimé ses regrets, d’autant moins, d’ailleurs, qu’il ne voulait pas se retrouver dans la même situation que précédemment, dans la chapelle.
La pointe de l’épée de Dobbin s’inclina légèrement vers le sol, mais ce n’était pas un signe de fatigue. Blaidd reconnut le début d’un assaut et attendit un quart de seconde avant de lever sa propre épée qui frappa la lame de son adversaire. Aussitôt, Blaidd enchaîna par un brusque mouvement du poignet et réussit à désarmer Dobbin. L’épée s’envola et alla retomber aux pieds de… Rebecca.
— Bravo, chevalier ! dit-elle froidement, sa voix couvrant les commentaires émerveillés des gardes.
Vêtue, comme d’habitude, d’une robe toute simple en laine brune, elle était parfaitement libre de ses mouvements et put, sans peine, ramasser la lourde épée qu’elle donna à Blaidd.
Replaçant sa propre arme dans son fourreau, il prit l’épée des mains de la jeune fille qui fixait son torse nu avec une gêne mêlée d’admiration et, s’efforçant de parler d’une manière aussi détachée qu’elle, dit laconiquement :
— Merci, ma damoiselle.
— Vous saignez, dit-elle, visiblement préoccupée. J’espère que ce n’est pas une blessure grave !
Il baissa les yeux sur la marque rouge qui lui barrait la poitrine :
— Ce n’est rien, répondit-il. J’ai déjà eu pire.
— Ma sœur m’envoie auprès de vous pour vous adresser ses plus vives excuses, mais elle est indisposée et ne pourra se joindre à vous dans la grande salle.
— Je suis désolé pour elle.
Rebecca leva les yeux sur le visage de Blaidd pour vérifier s’il était ou non concerné par l’information qu’elle venait de lui donner, mais il était impossible de discerner ce qu’il pensait vraiment.
Après tous ces jours, elle était incapable de savoir ce qu’il ressentait pour Laelia et pour toute autre personne d’ailleurs :
— Elle a des maux de tête, reprit la jeune fille. Cela lui arrive assez souvent. Après un ou deux jours de repos, elle ira mieux.
Sur ces mots, Rebecca se tourna vers Dobbin qui essuyait avec sa tunique son visage trempé de sueur tandis qu’il s’entretenait avec ses hommes. Elle avait d’abord été effarée lorsqu’elle l’avait vu aux prises avec le chevalier, puis elle s’était souvenue que ce dernier avait exprimé le désir de s’entraîner.
Le combat l’avait troublée beaucoup plus qu’elle ne l’aurait voulu. Elle avait cru, en se tenant éloignée de Blaidd, échapper à cette sensation qu’elle avait connue deux fois déjà auprès de lui, mais, cette fois encore, en voyant son corps à demi dénudé, brillant de sueur dans la lumière matinale, les muscles saillants roulant sous la peau alors qu’il maniait avec aisance son immense épée, elle avait éprouvé un désir brûlant de courir vers lui, d’essuyer le sang de sa poitrine et de se blottir dans ses bras…
— Morbleu ! dit Dobbin. Je croyais l’avoir à la fin. Ce Fitzroy qui l’a entraîné est assurément à la hauteur de sa réputation. Je n’avais jamais vu pareil coup.
Il éleva la voix et reprit à l’adresse de Blaidd :
— Pourriez-vous nous montrer lentement ce mouvement, messire ?
Rebecca lança un regard vers le chevalier qui, grâce à Dieu, avait remis sa tunique.
— Maintenant ? demanda Blaidd.
— Oui ou plus tard si vous préférez, répondit le capitaine avec déférence.
Blaidd sourit.
— A quoi bon attendre ? dit-il en retirant de nouveau sa tunique.
Rebecca tourna les talons pour se retirer mais la voix de Dobbin résonna, l’invitant à rester :
— Vous pourriez montrer au chevalier combien vous êtes adroite à l’arc, ma damoiselle, dit-il.
Puis, se tournant vers Blaidd, un sourire aux lèvres :
— C’est moi qui lui ai appris à tirer, dit-il avec fierté. Et j’affirme qu’elle vaut les meilleurs archers gallois dont on vante tant les mérites. Elle ne peut pas tirer aussi loin qu’un homme mais elle le fait avec une précision terrible.
Bien qu’elle fût aussi fière de son maniement de l’arc que Dobbin, Rebecca n’était pas particulièrement d’humeur à faire la démonstration de son talent au chevalier.
— Je ne pense pas qu’il soit nécessaire que je m’exécute, intervint-elle. Je suis certaine que le chevalier te croit sur parole, Dobbin.
— Il se trouve que je manie moi-même assez bien l’arc, déclara Blaidd, le regard brillant de malice. Peut-être pourrions-nous concourir ?
Dobbin interrogea la jeune fille du regard. Il lui avait appris à tirer à l’arc après sa chute de cheval pour l’aider à reprendre confiance en elle. Ainsi, elle oubliait un peu sa blessure au visage et se consolait en se disant que, si un jour Throckton devait soutenir un siège, elle pourrait se joindre aux archers et défendre le château de son père.
Rebecca croisa le regard du capitaine qui la considérait avec fierté et insistance. Elle le décevrait assurément en refusant de faire la démonstration de la façon remarquable dont elle avait appris à tirer à l’arc. Elle lui devait bien cela. D’autant plus que, si elle réussissait à battre Blaidd, ce serait en quelque sorte une revanche qu’elle prendrait sur la défaite de Dobbin face à ce dernier.
Elle sourit à Blaidd et répondit d’un air indulgent :
— Comment refuser une telle occasion de me confronter à vous, chevalier ! J’espère seulement que vous supporterez la grande honte que je vous ferai en gagnant.
— Je vais envoyer deux de mes hommes quérir des cibles, des arcs et des flèches, s’empressa de dire Dobbin qui exultait. Et pendant ce temps, messire Morgan pourrait nous faire la démonstration de ce coup prodigieux qui lui a permis d’arracher l’épée d’un vieux soldat chevronné comme moi.
Un peu plus tard, après que Dobbin eut compris la façon dont Blaidd s’y prenait pour désarmer son adversaire et qu’il eut appris à en faire autant, Blaidd et Rebecca se préparèrent à tirer. Aux murmures dans son dos, la jeune fille comprit que les paris étaient ouverts et que les gardes s’y employaient avec passion.
La jeune fille se demanda qui était le favori entre elle et le chevalier. Elle ne doutait pas que Dobbin parierait sur elle, mais, en ce qui concernait les autres hommes, elle ignorait s’ils la choisiraient plutôt que le Gallois.
Bien qu’il eût repassé sa tunique et serré sa ceinture autour de la taille, Blaidd gardait le même pouvoir d’attraction sur la jeune fille. Aussi détourna-t elle les yeux lorsqu’il noua la protection de cuir autour de son avant-bras gauche. L’un des gardes, qui se tenait près de lui, lui tendit un arc de bois d’if et un autre, un carquois rempli de flèches.
Rebecca, qui avait déjà fixé la protection à son bras, prit l’arc que lui donnait l’un des gardes et le bloqua au sol avec son pied. Elle mit rapidement en place la corde et prit une flèche dans le carquois que lui présentait le garde.
— Le vainqueur est celui qui fera les deux meilleurs tirs sur trois, suggéra Blaidd.
— D’accord.
A présent qu’ils étaient prêts, les gardes qui leur avaient apportés les armes se retirèrent.
Alors que Rebecca engageait sa flèche contre la corde et levait son arc, elle chassa de sa tête tout autre considération en dehors du centre noir de la cible peinte sur un carré de tissu fixé à une botte de paille. Elle visa et attendit que Dobbin donne le signal de tirer.
Le son familier de la corde qui se détend et vient frapper le bois tandis que les flèches sifflent… Celle de Rebecca fendit l’air selon une trajectoire parfaitement directe et vint frapper le centre de la cible. Un sourire de satisfaction aux lèvres, elle porta le regard sur la cible visée par le chevalier.
Sa flèche était plantée également en plein milieu de la cible. Des applaudissements fusèrent accompagnés d’ovations tandis que Dobbin et Trevelyan allaient vérifier de près lequel avait fait le meilleur tir. Rebecca tapotait nerveusement le sol du pied tandis qu’ils délibéraient.
— Nos tirs doivent être très proches, remarqua Blaidd.
— Oui, sans doute.
— Il me semble que vous avez beaucoup de dons, ma damoiselle. Vous seriez vénérée au pays de Galles pour savoir aussi bien jouer de la harpe et tirer à l’arc.
La jeune fille se demanda si c’était vrai et ce qu’elle éprouverait en étant sujette à une telle estime au lieu de n’être jamais considérée que comme un cas à part.
Dobbin leva la main.
— La dame l’emporte !
Il y eut de nouveau des applaudissements qui couvrirent quelques murmures désapprobateurs. Trevelyan faisait une tête épouvantable, comme s’il venait d’apprendre que le soleil, le lendemain, ne se lèverait pas.
Rebecca avait noté qu’il existait une certaine tension entre le chevalier et son écuyer depuis qu’elle avait passé une journée entière à chevaucher avec ce dernier. Elle avait quelque regret d’être la cause de ce dissentiment mais qu’y pouvait-elle ? Le chevalier s’était montré très injuste envers Trevelyan à leur retour, et si les choses n’étaient plus les mêmes entre eux, c’était surtout sa faute.
En tout cas, rien ne semblait sourire à messire Morgan, puisqu’il venait encore de faire le moins bon tir.
— Il va falloir faire mieux, dit-il calmement en prenant une flèche.
Rebecca en choisit une également et ils levèrent leurs arcs ensemble. Au signal de Dobbin, tous deux lâchèrent la corde qui se détendit avec un claquement. La flèche de Rebecca s’envola et vint frapper la cible… mais pas au centre.
La jeune fille laissa échapper un juron en constatant que la flèche de Blaidd avait atteint de nouveau le cœur de la cible à peu près de la même manière que la fois précédente.
Cette fois, il n’était pas nécessaire de se consulter pour savoir qui avait gagné. Un sourire radieux aux lèvres, Trevelyan alla retirer de la cible la flèche de son maître tandis que Dobbin, le visage sombre, faisait le même geste pour la jeune fille.
— Pardonnez-moi, dit Rebecca entre ses dents. Je jure comme un charretier. Ce n’est vraiment pas une manière de parler pour une jeune fille bien née.
— Vous n’aimez pas perdre ? dit Blaidd, impassible. Moi non plus. Quant à votre manière de jurer, elle ne m’a pas le moins du monde choqué. Il est certaines nobles personnes à la cour dont les propos feraient rougir un soudard.
— Et vous êtes sans doute très intime avec elles ?
— Certaines, en effet. Je les connais assez, en tout cas, pour savoir que la naissance ne suffit pas à faire une dame. J’ai connu plusieurs femmes de basse extraction qui présentaient toutes les qualités que l’on voudrait trouver chez une vraie dame : gentillesse, politesse, générosité, piété et courage.
Convaincue de ne pas répondre aux critères énumérés par le chevalier, Rebecca prit une flèche et leva son arc :
— Les deux meilleurs tirs désigneront le gagnant, n’est-ce pas ?
— Oui, ma damoiselle.
Ils bandèrent simultanément leurs arcs et, au cri de Dobbin, les cordes claquèrent et les flèches sifflèrent.
La jeune fille retint un cri de joie en voyant la sienne frapper la cible en plein centre, peut-être mieux encore que la première fois, alors que la flèche de Blaidd manquait complètement son but.
Contenant son bonheur, elle regarda Trevelyan, l’air consterné, qui courait vers la cible du chevalier tandis que Dobbin, le visage rayonnant, avançait tranquillement vers celle de Rebecca.
— Je déclare la dame de Throckton vainqueur ! s’écria-t il avant de retirer la flèche.
— J’ai bien mal visé, dit Blaidd. Le père de Trevelyan aurait honte de moi.
Son visage se crispa comme il essayait de réprimer le sourire qui se formait malgré tout sur ses lèvres. Rebecca le remarqua et une colère noire s’empara d’elle car elle croyait deviner ce qui venait de se passer.
— Vous avez fait exprès de rater la cible, n’est-ce pas ? dit-elle en se tournant vers lui.
Manifestement pris au dépourvu, il fit non de la tête.
— Je vous assure que je ne perds jamais volontairement, ma damoiselle, car je déteste être vaincu.
Il parlait avec tant de fermeté et, apparemment, de sincérité qu’elle le crut, mais elle avait besoin de s’assurer qu’il n’avait pas eu pitié d’elle.
— Nous allons tirer une nouvelle fois, mais faites de votre mieux pour gagner.
— J’ai fait de mon mieux ! s’écria Blaidd d’un air fâché. Et si je vous le dis, c’est que c’est vrai. Je n’ai pas l’habitude de mentir.
Après un moment, toutefois, haussant les épaules, il reprit :
— Mais si vous y tenez absolument, soit, nous allons recommencer.
— Parfait, dit-elle sèchement alors qu’un Dobbin médusé par ce qu’il venait d’entendre et un Trevelyan encore mal remis de sa déception les rejoignaient.
— Que se passe-t il, ma damoiselle ? demanda le capitaine.
— Je crains que messire Blaidd n’ait trouvé peu chevaleresque de me battre à l’arc et qu’il ne m’ait laissée gagner. Vous devriez peut-être le rassurer en lui disant que je suis capable de faire face à une défaite.
Dobbin remit en place le col de sa tunique en s’adressant à Blaidd :
— Eh bien, messire, sachez que ma damoiselle de Throckton n’aime pas perdre, mais qu’il faut, tout de même, que vous fassiez tout pour gagner.
Le chevalier se campa solidement sur ses pieds pour répondre avec fermeté :
— Je ne l’ai pas laissée gagner ! J’ai fait simplement un mauvais tir. Trevelyan vous confirmera que cela m’est déjà arrivé.
L’écuyer prit un air renfrogné en intervenant :
— Mon maître est excellent au tir à l’arc.
— Pas toujours, insista Blaidd.
Ce qui n’était que la vérité, et Trevelyan aurait dû en convenir. S’il persistait, il allait lui tirer les oreilles. Ils n’étaient pas au tournoi. Il n’y avait pas lieu de fanfaronner pour impressionner l’adversaire. Et pour confondre son écuyer, il jugea opportun de rappeler cette petite anecdote :
— Te souviens-tu du jour où ma flèche s’est plantée dans la jambe de ton père ?
Rebecca ouvrit des yeux immenses tandis que Dobbin et les gardes prenaient un air consterné.
— Vous avez tiré sur le baron Fitzroy ? demanda le capitaine, incrédule.
— Oui, l’année dernière. Il avait trop confiance dans mes capacités et était resté tout près de la cible.
Tous les yeux se tournèrent vers Trevelyan qui rougit en hochant la tête d’un signe affirmatif.
— Vous auriez dû l’entendre jurer en cette occasion, reprit Blaidd. Son vocabulaire était assez coloré. Il faut dire que je méritais largement les noms charmants qu’il m’a donnés.
— Alors, vous n’êtes peut-être pas si bon que ça à l’arc, reconnut Rebecca.
— Vous voyez ? Voulez-vous encore que nous concourrions ou acceptez-vous votre victoire ?
— Je serais assez encline à l’accepter maintenant après votre récit.
Un sourire éclaira le visage de Blaidd et ils se fixèrent dans les yeux, oublieux de tous ceux qui les entouraient, jusqu’à ce que Rebecca, ayant aperçu Meg venir dans sa direction, détourne le regard.
Elle en fut gré à la servante car la tête commençait de lui tourner. Meg lança un regard furtif au jeune Fitzroy puis observa furtivement Blaidd Morgan avant de s’adresser à Rebecca :
— Le marchand de vin est arrivé, ma damoiselle.
— Ah bon ! Vous allez devoir m’excuser, chevalier, et vous aussi Dobbin, mais le devoir m’appelle. Vous ne voudriez pas être privés de vin dans les prochaines semaines, n’est-ce pas, messieurs ?
Elle laissa courir son regard sur les gardes qui avaient assisté aux tirs dans l’attente d’un murmure approbateur qui ne tarda pas à venir.
— A moins que vous ne pensiez que je doive concourir de nouveau avec le chevalier ?
— Non, ma damoiselle, répondirent plusieurs hommes avec plus ou moins d’assurance. Vous avez gagné loyalement.
— Pourquoi ne donnez-vous pas de la bière à la garnison ? demanda Blaidd à mi-voix.
— Parce que mon père considère qu’il y a plus de chance que des hommes bien nourris et abreuvés vous soient reconnaissants et dévoués que s’ils sont mal traités. Agissez avec vos serviteurs comme avec votre propre famille et ils seront prêts à verser leur sang pour vous défendre. Cependant, rassurez-vous, nous ne leur donnons du vin que le dimanche. En semaine, ils sont à la bière.
— Les hommes viennent de tous les coins du royaume pour se mettre au service du comte de Throckton, confirma Dobbin avec fierté. Nous comptons dans la garnison les meilleurs soldats d’Angleterre.
— C’est vrai, reconnut Blaidd. Je les ai vus à l’entraînement. Ce sont de très rudes combattants et fort bien armés. Ils sont à la hauteur du vin qui leur est servi en quelque sorte.
Le chevalier, satisfait de son bon mot, eut un sourire espiègle en ajoutant, emporté par l’inspiration :
— J’espère, pour ma part, l’être aussi car j’aimerais continuer à boire jusqu’à la fin de mon séjour ici l’excellent vin qui m’a été servi à la table de votre père.
S’inclinant alors, il ajouta :
— Je vous en remercie, ma damoiselle, puisque c’est vous qui le choisissez.
— A ce propos, combien de temps pensez-vous encore rester, chevalier ?
Blaidd fronça les sourcils.
— Suggérez-vous par là que je sois déjà resté trop longtemps ? demanda-t il.
— Non, pas du tout, s’empressa-t elle de dire, anticipant les reproches que lui ferait son père s’il apprenait qu’elle avait posé une question aussi directe à un hôte. Je voulais seulement savoir quelle quantité du meilleur vin je devais prendre.
— J’espère que vous n’insinuez pas que j’en boive trop ?
— Non, pas du tout ! répondit Rebecca en rougissant. Nous avons toujours une réserve de bon vin, mais je suis certaine que mon père voudra vous servir le meilleur de tous et j’ai besoin de savoir quelle quantité en prendre pour que nous n’en manquions pas. Il n’y avait aucune critique sous-jacente dans ma question.
— J’ai seulement éprouvé le besoin de m’en assurer, répondit Blaidd avec un large sourire.
Elle le regarda avec méfiance.
— Vous moquiez-vous de moi, chevalier ?
Les yeux bruns de Blaidd se mirent à étinceler.
— Pardonnez-moi, ma damoiselle. Je n’ai pas résisté à la tentation
Il n’aurait jamais dû employer ce mot devant elle ! Elle entrait en tentation à tout instant auprès de lui… et il en profitait pour s’amuser d’elle ! Elle aurait dû être furieuse contre lui malgré ses sourires charmeurs, son regard chaud et caressant, et la façon très courtoise dont il avait accepté de perdre…
Mais avait-il réellement manqué son tir ou s’était-il tout simplement joué d’elle ?
Elle n’en doutait plus. Il avait fait exprès de perdre parce qu’à ses yeux elle n’était qu’une faible femme qui, de surcroît, traînait avec elle le handicap de n’être point belle…
— Je vous souhaite une bonne journée, chevalier, dit-elle d’un ton cassant en tournant les talons.
Sur ces mots, elle se retira d’un pas rapide, suivie de Meg.
— Elle n’est pas commune, n’est-ce pas ? dit Dobbin en rejoignant Blaidd tandis que les gardes défaisaient les cibles et rapportaient les arcs et les flèches dans la salle d’armes.
— Vous êtes un excellent professeur, dit Blaidd en remarquant du coin de l’œil que Trevelyan, qui avait retrouvé le sourire, venait de s’éclipser. Elle tire remarquablement à l’arc.
— C’est facile d’instruire une jeune personne avide d’apprendre.
— Certes, mais c’est un art qui n’est guère féminin. Je m’étonne que son père l’ait laissée le pratiquer.
Dobbin changea d’appui sur ses jambes tandis que le sang lui montait aux joues.
— Il n’en savait pas grand-chose, en fait…
Devant le regard interrogateur de Blaidd, le capitaine poursuivit :
— C’était après sa chute de cheval. Tout le monde se lamentait sur sa blessure au visage. J’ai pensé qu’elle allait être encore plus malheureuse si elle ne pensait qu’à cela et qu’elle ne se remettrait pas de son infortune. Alors, j’ai eu l’idée de lui apprendre à tirer à l’arc. Cela lui occupait l’esprit et elle oubliait ainsi cette marque…
La voix de Dobbin s’étrangla, révélant à quel point il avait été bouleversé par l’accident de la jeune fille.
— Et ça lui plaisait ?
Un sourire timide éclaira le visage du capitaine.
— Oh, oui !
Blaidd considéra que le moment était choisi pour obtenir quelques autres informations.
— Je suppose qu’elle était seule lorsqu’elle a fait cette chute.
— Oui. Elle a toujours été un peu aventurière.
— Et indomptable ?
Dobbin eut l’air offensé.
— Non, pas à ce point, mais on peut dire qu’elle est très indépendante et pleine de fougue.
— Je ne serais pas étonné que le comte de Throckton se soit souvent fâché contre elle ?
Dobbin sembla mal à l’aise.
— Oui, messire. Il est parfois vraiment furieux contre elle. Je ne veux pas dire qu’il n’ait aucun sentiment pour elle… Il a été ému lorsqu’elle a fait cette chute, comme nous tous, d’ailleurs. Elle a dû beaucoup souffrir, mais elle ne l’a pas montré. Lorsque l’apothicaire lui a nettoyé sa plaie, elle a serré les dents et n’a pas poussé un cri.
— C’est un miracle qu’elle n’ait pas eu plus de séquelles. Elle aurait pu rester handicapée.
— Oui… On a eu peur, au début, qu’elle ne parle plus. Elle restait silencieuse, le regard fixe… Il était impossible de savoir ce qui se passait dans sa tête.
— Jusqu’au jour où un soldat accompli qui a du cœur a fait surgir en elle l’envie d’apprendre à tirer à l’arc ?
— C’est vrai qu’elle a été tout de suite d’accord, répondit Dobbin dont les yeux bleus se mirent à briller. Elle a fait « oui » de la tête. Et, l’après-midi du même jour, elle mettait sa première flèche dans la cible. Elle a poussé un cri de joie et, dès cet instant, elle a reparlé.
— C’est donc bien grâce à vous qu’elle s’est remise ?
— Ça se pourrait, répondit Dobbin en baissant humblement la tête. Il faut que je retourne auprès de mes hommes, à présent.
Blaidd le regarda s’éloigner et il prit alors conscience qu’il n’avait même pas saisi l’occasion de cette discussion, seul à seul avec le capitaine de la garnison de Throckton, pour l’interroger sur leur système de défense et les armes dont ils disposaient.
Toutes ses préoccupations avaient tourné autour de Rebecca !0

 
 

 

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