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ÇáÊÓÌíá

ÈÍË ÈÔÈßÉ áíáÇÓ ÇáËÞÇÝíÉ

ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


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ÞÏíã 02-03-10, 12:50 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 26
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ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Aug 2006
ÇáÚÖæíÉ: 9435
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 262
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ÇáÈáÏMorocco
 
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ÇÝÊÑÇÖí

 

23





Emmanuelle est accoudée à la balustrade qui ceinture la terrasse de sa chambre. De là, elle peut promener son regard sur Chamonix qui se dresse devant elle. Encore quelques photos et elle pourra rentrer. Elle attend Paul, un agréable compagnon, toujours souriant. Il lui a servi de guide tout au long de ces quatre derniers jours. Ils iront retrouver leurs amis, pour une autre nuit de chansons, de musique, de discussions interminables. Demain, ils fileront sur les Cluses, ensuite vers Annecy, pour quelques prises sur le lac, les dernières. Il ne restera qu’a développer les photos et retenir les épreuves à conserver, puis si tout se passe bien, demi-tour vers Brice

Elle l’a appelé tous les jours, lui retraçant son itinéraire, étape après étape. Elle n’a rien gardé pour elle, lui racontant toutes les péripéties de son voyage, les gens qu’elle a rencontrés, la bande de farfelus qui doit assumer un travail assez sérieux. Par le choix des lieux, des mots, des images ils doivent inspirer le désir de traverser la région, et surtout de s’y arrêter. Pas seulement les endroits les plus connus, ceux-là, à son avis ne doivent servir que de repères sur une carte, d’autres méritent autant de curiosité et d’attention, et offrent, en outre, un réel plaisir de découverte

Elle lui a décrit ses marches, épuisantes, sur des sentiers de montagne, et sa chute également, qui a fait rire toute l’équipe, de la regarder dévaler sur les fesses les quelques mètres laborieusement gagnés pour obtenir un meilleur angle de prise, leurs veillées dans des cafés ouverts tard la nuit, les descentes aux flambeaux, celle à laquelle ils ont réussi à l’entraîner, mais sans avouer le désir insensé de le voir surgir près d’elle, pour l’enlever, l’arracher à tout ce qui n’est pas eux, et se perdre avec lui dans la nuit... sans jamais faire allusion à sa solitude, à une tristesse infinie de le savoir loin d’elle. Elle ne veut, pour lui, que dessiner des moments de joie, qu’il n’entende que du rire au bord de ses lèvres

Deux coups à la porte... et un autre encore. C’est Paul ! En route, sa veste, son sac... et un appareil... au cas où quelque chose d’insolite s’offrirait à elle

Ils sont six à les attendre, six à répandre autour d’eux une humeur joyeuse, à secouer de leurs rires une ambiance placide et à chahuter serveurs et serveuses, pas encore débordés, leur faisant promettre de se joindre à eux, plus tard, après leur travail, le temps de boire un verre. Ils ont parfaitement profité des pistes, loin de la cohue, préservés des bousculades, des attentes interminables aux pieds des télésièges et des inconvénients d’un excès d’affluence qu’apporte inévitablement la pleine saison en période de vacances scolaires. Les soirées prennent des allures intimes dans des lieux aux atmosphères feutrées qui invitent à s’y attarder. Tout comme l’accueillante arrière-salle qui leur est réservée, à eux et à d’autres, à tous ceux qui souhaiteraient agrémenter un après-dîner d’un intermède musical devant une flambée, assis sur des poufs ou sur d’épais tapis, autour de quelques tables basses, dans la demi pénombre de lampes aux abat-jour tamisés de voiles colorés

Deux joueurs de guitare ont souligné de leurs accords la quiétude d’un moment de détente, avant de céder la place à un groupe dont l’interprète, une jolie brune, possède un timbre de voix particulier, rauque et envoûtant, assez exceptionnel pour les retenir plus tard que prévu

Par ses gestes et son allure étrange d’ange sombre aux prunelles de lumière, par ses intonations vibrantes et sensuelles, par les mots qu’elle chante et la nostalgique complainte d’amours volés et perdus jamais oubliés, elle ramène Emmanuelle en d’autres lieux, à d’autres bras, au point de ne plus parvenir à contrôler sa peine, de ne plus réussir à la dissimuler sous un sourire. Et elle cherche une cigarette, cache des larmes naissantes dans la fumée du tabac, sans maîtriser pour autant le tremblement de ses doigts, trahissant ainsi son changement d’humeur, incitant Paul, assis à son côté, à se pencher vers elle

Du vague à l’âme

Un peu, mais ce n’est rien, ça va passer. Encore quelques jours, et

Tu vas pouvoir le rejoindre

Oui, c’est long, tu sais

C’est votre première séparation

Nous n’avons pas vraiment eu le temps d’en avoir beaucoup, tout est si nouveau, cela a été tellement... tellement rapide

Ah ! Et c’est pour ça que c’est plus difficile, non

Je ne savais pas que ce le serait autant

Laisse-toi aller, et, si tu as envie de pleurer, je te prête mon épaule

Il passe son bras autour d’elle, l’attire contre lui, et pousse le dévouement jusqu'à lui tendre une serviette de papier, égarée sur la table, éveillant par cela une grimace amusée sur les lèvres d’Emmanuelle, déçu de l’y voir disparaître aussitôt, aussi surpris de l’étonnement qui affleure dans ses yeux, que déconcerté par les vagues d’émotion qui passent sur le visage qui se détache de lui, par l’expression d’abord incrédule, puis inquiète, et enfin rayonnante qu’elle affiche soudain... Jusqu’au petit rire étranglé de larmes contenues qu’elle laisse échapper

Ce n’est pas possible. C’est... je ne peux pas le croire... c’est Brice ! Il est là

Elle se sépare d’une étreinte apaisante, pour se redresser, craintive, devant les yeux fixés sur Paul, sur elle, sous le regard froid et soupçonneux, sans tenter de se relever, sachant que ses jambes ne la porteront pas, n’osant que le geste de tendre une main vers celui qui avance vers eux, qui arrive, s’en saisit, se laisse tomber près d’elle

Bonsoir, chérie. Tu en as fumé beaucoup

Elle perçoit nettement la réserve contenue dans la voix de Brice, révélant les doutes qui s’installent en lui, et elle ne sait comment les dissiper, redoutant un éclat, le devançant d’une pression des doigts sur les siens, la voulant rassurante

Trop, ces derniers jours. Merci d’être venu. Tu vas rester

Juste cette nuit

Seulement ! Pourquoi ne pas m’avoir prévenue

J’ai essayé de te joindre ce matin. Et aussi à midi

Nous ne sommes rentrés qu’en début de soirée

C’est ce que m’a dit la réceptionniste de l’hôtel, c’est elle, également, qui m’a indiqué où te trouver

Elle a bien fait

Vraiment ? Si tu me présentais tes amis

Qui ? Oh, bien sûr ! Voici Paul Denay, le responsable du groupe

Elle connaît bien maintenant la façon qu’il a de plisser les paupières quand quelque chose le gêne ou lui déplaît

Enchanté, Monsieur Denay. J’ai beaucoup entendu parler de vous et j’étais plus qu’impatient de vous rencontrer

Elle est tranquillisée par l’attitude de Paul, qui, aussi bien qu’elle, discerne le cheminement des pensées qui troublent Brice, assez pour comprendre la réaction d’un homme à la vue de la femme qu’il vient retrouver enlacée par un autre que lui. Au fond, il aurait eu la même.

- Paul suffira... je suis ravi de vous voir, et tout autant soulagé

Soulagé ? Pour quel motif

Je crois que vous seul pourrez rendre le goût du bonheur à une certaine personne... De même que vous vous seriez décidé à nous rejoindre plus tôt si la demoiselle en question avait osé le suggérer

Une réponse directe qui désamorce une situation tendue, suffisamment pour que Brice respire plus librement, et, qu’après une courte hésitation, sa poignée de main se fasse presque amicale

Effectivement, je n’aurais pas hésité un seul instant

Heureuse du changement qui s’opère en lui, Emmanuelle achève les présentations sur un ton plus léger, se serre au plus près de lui, dépose un baiser sur la joue blessée, et murmure à son oreille

Tu veux que nous partions

Non, pas spécialement, à moins que tu n’y tiennes, toi... et puis cette fille a un timbre de voix peu commun

Il n’a en rien tenté d’écourter leur réunion, partageant leurs propos, pas pressé de la leur enlever, et leur laissant l’initiative du départ. Ne l’éloignant d’eux que sur le chemin de l’hôtel, séparant ainsi leurs mondes

Tu n’as pas retenu de chambre

Je comptais partager la tienne. Je devais

Oh, non ! Mais mon lit est tout petit, nous y serons à l’étroit

C’est vrai ? Tant mieux. Ce Paul, tu le connais bien

A peine.

Tu en as beaucoup parlé

Tant que cela ? Nous sommes arrivés

Il est très agréable, très sympathique

Et très amusant aussi

Si parfait que cela

L’homme idéal ! Tu es venu jusqu’ici pour t’en assurer

Pour rafraîchir ta mémoire et te rappeler mon existence

Tu as cru que c’était nécessaire

Pendant un moment, du moins assez pour être là. Je peux repartir, si tu le souhaites

Brice, tu es vraiment fâché

Non, plus maintenant. Un nouvel accès de... jalousie. Je suis désolé, mais te surprendre appuyée contre un homme dont tu dis le plus grand bien, n’est pas très indiqué pour m’aider à m’en défaire

Il n’y a rien de trouble entre Paul et moi, nous parlions vraiment de toi, et de ma hâte de te rejoindre. Je ne te mens pas, Brice, j’en suis incapable.

Je sais. Pardonne-moi, j’ai perdu l’habitude d’être totalement confiant. Considère que c’est un reste du passé. Tu sauras être patiente

Oui, mais je ne veux pas me sentir coupable pour un sourire, un geste. Je ne pourrai pas changer, me tenir à distance de tous, devenir une autre. Toi, sauras-tu accepter cela

Je m’y applique. Ta chambre ? C’est laquelle

Au bout du couloir, la dernière porte

Encore si loin

Bien moins que ta montagne de Margeride

Elle le précède, regrettant l’aspect anonyme des lieux, le désordre qui y règne, et ses sacs ouverts, à demi remplis, traces évidentes de son prochain départ

Le matin les a trouvés endormis, elle, blottie contre lui, et lui rasséréné par sa présence, heureux de s’éveiller ensemble, après avoir apaisé leur soif, avec tendresse, se redécouvrant, se rassurant

Pour lui, au point de la confier à un autre, de demander à un homme de veiller sur elle, de l’empêcher de commettre une imprudence, de lui interdire les escalades inutiles. Surtout de la lui renvoyer au plus tôt, de ne pas la retenir une minute de plus que nécessaire

Pour elle, de le regarder partir, sans trop en souffrir, au volant d’un véhicule inconnu. Pas le 4x4 de sa maison des bois, mais un coupé gris, une voiture bien plus rapide, à l’image de son impatience pour la retrouver

Assez pour affronter les jours à venir, le cœur plus léger

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ classicoofou   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 03-03-10, 11:35 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 27
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ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Sep 2007
ÇáÚÖæíÉ: 43839
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 67
ÇáÌäÓ ÃäËì
ãÚÏá ÇáÊÞííã: aghatha ÚÖæ ÈÍÇÌå Çáì ÊÍÓíä æÖÚå
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ÇÝÊÑÇÖí

 

passionnant ca roman merci pr vos efforts g aprécié

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ aghatha   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 04-03-10, 12:20 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 28
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ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Aug 2006
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24





Emmanuelle n’est qu’à quelques centaines de mètres de l’intersection qui mène à Florensac. A peine une semaine d’écoulée, deux jours depuis Chamonix, Brice ne la sait pas aussi proche, elle ne l’a pas prévenu et elle rit par avance d’imaginer sa réaction. Elle n’a distrait de sa hâte d’arriver que le temps d’embrasser ses parents, de réunir quelques affaires, de décrocher son portrait, et de ramasser le coffret de bois. Les deux objets les plus précieux pour elle, désormais

Elle y est, entame la montée de la route entièrement dégagée, mais trop étroite pour se risquer à augmenter l’allure. Il va se fâcher de sa désobéissance, de ne pas l’attendre au bas du chemin, mais tant pis... si elle l’avait fait, il n’y aurait pas eu de surprise. Elle aborde les derniers virages, et devine déjà la tache de la remise, au bord de la route, entre les arbres. D’autres véhicules stationnent à côté. Elle reconnaît celui qu’il a conduit pour la rejoindre en Haute Savoie, un autre encore avec un écusson des Eaux et Forêts, un troisième enfin. Elle va débouler là-haut en pleine réunion ! Du moins si elle arrive à trouver un endroit où garer le sien. Elle déteste manœuvrer dans la neige... Le faire, tout court, d’ailleurs. Il devrait y avoir partout un emplacement assez grand pour elle et elle ferme les yeux au grincement du pare-chocs qui frotte contre un rocher. Quelle idée, aussi, d’en placer un justement là ! Elle verra plus tard

Ses bagages ? Elle reviendra les prendre, ils ne pourront que la ralentir et elle n’a plus de temps à perdre. Devant elle, Gus et Flamme arrivent, alertés par le bruit du moteur, et ils aboient... Les idiots ! Ils vont la trahir

Il sont déjà sur elle, à sauter, à lui faire mille fêtes

Taisez-vous, je vous adore tous les deux, venez, mais le premier qui grogne, gare à lui

La maison est à portée de voix... encore quelques mètres, et... et lui qui n’en sort pas

Elle se glisse à l’intérieur, en silence, attentive aux bruits qui lui parviennent, et elle hésite aux sons qui s’évadent par la porte entrebâillée de l’atelier, au-delà de laquelle elle n’ose s’aventurer, se souvenant à temps qu’il ne l’y a jamais invitée, jalouse de Gus qui la bouscule et qui, totalement ignorant des scrupules qui, parfois, agitent une âme humaine, s’y faufile sans se poser de question

Et elle sursaute devant l’intensité de la colère qui éclate dans la voix qui gronde le chien, lui intimant l’ordre de quitter les lieux

Et elle recule d’un pas, stupéfaite, de voir Brice apparaître devant elle, ramenant après lui un Gus tout penaud, fermement tiré par le collier, autant effrayée par la rage contenue qui crispe les traits de son visage, que déconcertée par l’incrédulité du regard qu’il pose sur elle, et qui se mue, sans qu’elle puisse deviner pourquoi, en presque désarroi

Emmanuelle ! Seigneur

Derrière lui, dans l’encadrement de la porte entièrement ouverte, elle peut voir les toiles pendues aux murs, et sur toutes... un visage... toujours le même dont elle ne parvient pas à détacher les yeux

Depuis quand es-tu là

Je viens d’arriver... à l’instant. C’est

Ne regarde pas, éloigne-toi, je ne veux pas te mêler à tout ça

A quoi donc

Viens, suis-moi, allons ailleurs

Pourquoi ? Pas de secret entre nous, ni de question sans réponse, tu te souviens

Brice, laissez-la entrer, il ne sert à rien de lui cacher quoi que ce soit, et elle a le droit de savoir... ceci la concerne autant que vous

Le docteur Bonnel ? C’est bien lui qui se tient au centre de la pièce en compagnie de deux hommes qu’elle ne connaît pas

Doc ! Que fait-il ici ? Et, toi, que veux-tu dissimuler

Viens, mais ne t’inquiète de rien

Un baiser du vieil homme, qui la réconforte un peu, tout autant que la lueur amicale qui danse dans un regard d’eau transparente et le sourire bousculant l’or roux d’une barbe embroussaillée au-dessus de la main tendue de l’un des deux inconnus

Emmanuelle, voici Hervé, un ami très cher... je t’ai déjà parlé de lui, je crois

Oui... vous êtes chargé de la protection des bois et de la faune de la région

A peu près... je suis ravi de vous voir totalement rétablie

Et ce monsieur est... inspecteur de police

La police ? A cause de... Quand est-ce arrivé

En dehors des tableaux accrochés aux murs, tous intacts, le sol est jonché de toiles lacérées et maculées de peinture. Une est posée, debout contre le chevalet renversé, dénonçant, par ses blessures béantes, la fureur ou la haine de celui qui s’est acharné sur elle. Un visage déchiqueté et méconnaissable

Pendant que je rendais visite à Doc, hier... Quand je suis rentré, j’ai trouvé l’atelier dans cet état

Pourquoi

Elle s’approche du portrait tailladé, en relève les lambeaux, les rassemble de son mieux

Attends ! Ne touche à rien

Mais... c’est moi ! Brice, qui a pu faire ça

Je ne sais pas, c’est tellement... ce ne peut être que l’acte d’un dément. A leur avis, c’est l’œuvre de Thérèse, pour me punir de l’avoir renvoyée le matin même de ton départ

C’est une sérieuse possibilité... cette femme n’est plus dans son état normal depuis la disparition de... d’Eléonore

Hervé, n’insiste pas là-dessus ! Comment pourrais-je y croire alors que je ne peux pas même l’imaginer ! Après toutes ces années à la côtoyer, cela me paraît inconcevable

Thérèse ? Non, je ne pense pas qu’elle en soit capable, elle est bien trop attachée à tout qui se rattache à cette maison pour agir ainsi

C’est ce qu’il me semble également, mais n’aie aucune crainte, qu’il s’agisse d’elle ou pas, personne ne pourra te faire de mal

A moi ? Pourquoi quelqu’un voudrait-il s’en prendre à moi ? Et je n’ai pas peur, il n’y a aucune raison. Mais, ton travail, Brice... toutes ces heures perdues

J’ai toujours le modèle, c’est le plus important. Viens, suis-moi à côté, je ne veux pas que tu demeures plus longtemps dans cette atmosphère de folie

Il l’a emmenée dans le séjour, où il l’a forcée à s’asseoir

Attends-moi ici, tu y seras mieux, je reviens dans peu de temps

Brice. Je... Tu ne

Un appel... presque une prière dans l’anxiété qui tremble dans sa voix. Il est si indifférent, si loin d’elle, entièrement préoccupé par ce qui s’est produit, et elle ne peut cacher sa détresse, sa soif d’un geste pour elle

Chérie... pardonne-moi, je dois y aller

Oui, je le sais bien, mais

Mais ? Attends, laisse-moi deviner... Est-ce que je t’ai embrassée

Non, pas encore

C’est vrai ? Tu en es sûre

Evidemment ! Et je me demande si tu comptes le faire, un jour ! Autant m’en faire une raison et accepter l’idée de devoir en prendre l’initiative à chaque fois

Là, tu exagères

Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ? Au relais, devant la maison de mes parents, tout le long du retour, et au matin, là sur ce canapé... dois-je continuer

J’ai tout ça à rattraper

A se demander si tu y arriveras un jour ! A moins que

Elle ne peut plus continuer, muselée, bâillonnée

Ça, c’est pour le relais, maintenant, voyons pour la fois suivante

Monsieur D’Orval ? Excusez-moi, mais

Satané inspecteur, à deux pas, qui le distrait, l’oblige à la lâcher

Oui, je viens. Désolé, chérie...mais toi, tu restes là. Ne perds pas le compte

Aucun risque

Elle les regarde s’éloigner, elle voudrait de toutes ses forces ne traverser qu’un nébuleux cauchemar, et s’en éveiller libérée de toute appréhension, et elle frémit de réaliser soudain ce qu’une main inconnue a voulu lui infliger au travers des ravages causés à son image. Et seulement à elle

A l’extérieur, elle entend les chiens... ils aboient, au loin, comme au-devant d’une menace imprécise, et elle ne se sent plus à l’aise dans une pièce trop grande pour sa solitude inquiète... pas même en sécurité malgré la proche présence de Brice... de celle des hommes à portée de voix... Un abri... un endroit où se cacher d’une hostilité bien plus douloureuse pour être invisible... Deux pas, une porte à franchir, une chambre aux volets clos, là où elle espérait qu’il l’entraînerait dès son arrivée... dans une obscurité qu’elle rêvait douce et complice et qui l’accueille hostile et suspecte. Le lit et les jours durant lesquels Brice l’y a maintenue, contre sa volonté... le lit où, depuis, elle a tant aimé se fondre en lui, où il s’est raconté, où il s’est livré à elle, totalement, sans réserve, ne gardant rien de secret

Elle s’est assoupie de trop d’attente, fatiguée de guetter sa voix, son pas, un signe vers elle, de ressasser une foule de questions, ne trouvant de réconfort que dans le sentiment qu’elle éprouve pour un être tourmenté

Des bruits et des aboiements hargneux... Et la porte projetée avec force contre le mur... refermée sans douceur

Des mains brutales qui la saisissent, qui courent sur elle sans ménagement, avec force et exigence, avec avidité, la faisant naître à un élan nouveau, l’initiant à l’urgence d’un désir aussi intense qu’un instinct de vie à satisfaire, une fièvre singulière comme une brûlure à fleur de peau, qui exalte ses sens d’une ivresse qui l’engloutit, qui engourdit son esprit sous des vagues de sensations primitives

J’aime... je t’aime

Des lèvres dures et sauvages qui la bâillonnent et meurtrissent sa bouche, des doigts sans tendresse qui agressent et malmènent, qui blessent, qui se perdent dans sa chevelure, s’y arriment, se ferment poings rageurs sur une contraction qui tétanise le corps pesant sur elle

Chéri... qu’as-tu

Un spasme qui dénonce l’abandon du corps qui se détache d’elle, des doigts qui se délient, des lèvres qui glissent et tremblent contre sa joue, des mains qui la libèrent

Seigneur ! Je ne peux pas

Elle est déjà penchée sur lui, offrande et caresse apaisantes, et frissonne de voir le visage qui se détourne du sien.

Brice

Ne dis rien

Ils sont partis

Mes amis ? Non ! D’autres sont arrivés

D’autres ? Qui

Tes confrères ! La meute est là... dehors... elle attend sa pitance.

Des journalistes ? Ici
Ils sont venus trop tôt ? Quand les attendais-tu

Moi ? Tu penses que c’est moi

Je voudrais pouvoir en douter, mais j’en ai la preuve. Tiens, lis ! Je te félicite, c’est du très bon boulot

Tu crois que... non, c’est absurde

Quoi donc ? Que je connaisse enfin ton véritable visage ou bien que je ne puisse me résoudre à te chasser de ma vie ? Que j’ai peur que tu en sortes alors que je voudrais te haïr, toi, autant que ce que tu représentes... toi et ce que tu es

Je n’y suis pour rien

Sois sincère, au moins une fois

Tu n’as aucune envie de me croire

Je ne souhaite que cela et je ne le peux pas ! Je n’y parviens pas ! Tu ne sais pas combien je t’aime, à en désirer oublier tout le reste

M’aimer alors que tu me condamnes d’avance ! C’est tellement plus facile... Tu as enfin une raison valable de te conforter dans tes doutes, de te réfugier derrière eux, de quoi justifier ton refus devant ce que la vie peut t’apporter d’espoir, de bonheur. Crois-tu te préserver ainsi de toute douleur ou de la moindre déception ? Regarde où nous en sommes pour seulement me refuser ta confiance

Avec Doc, tu étais la seule... et... tout, jusqu’au plus petit fait... tu n’as rien protégé, tu as tout rapporté ! Et ce sont tes photos, les tiennes ! Pourquoi nier encore

Si tu m’aimais autant que ce que tu le dis, je ne devrais pas avoir à le faire

Evidemment ! L’amour aveugle ! Plus pour moi... j’ai assez donné ! Ça suffit maintenant, il n’y a plus rien à ajouter, sinon que... tu peux être satisfaite, tu as gagné... sur toute la ligne

Gagné ! Alors que tu risques de nous détruire, alors que tu m’enlèves l’essentiel !

Vu ce que tu as déjà déboursé pour en arriver là, il ne doit plus te rester grand-chose à perdre. J’espère que ça en valait la peine, j’aurais bien aimé prendre ma part du marché, mais...

Pas toi ! pas comme ça ! Alors à l’instant, tu ne voulais que... c’était pour me punir

Rassure-toi, c’est au-dessus de mes forces

Je n’ai jamais eu peur de toi... pas une fois, et il n’y avait rien que tu aurais dû forcer... tout en moi t’était acquis... et j’aurais aimé jusqu'à ta violence

Tais-toi

Brice

Je t’attends à côté

Tu ne vas pas laisser toute cette horreur nous séparer, tu sais que je peux pardonner... et il n’y a rien à pardonner... tu sais que je peux comprendre, que je peux admettre ta rage... pourvu qu’elle se détourne de moi... tu n’as qu’un mot à dire, un seul, et... Je t’en prie

C’est à un dos, aveugle et sourd, qu’elle a lancé sa peine. Ses mains tremblent en dépliant les feuillets. Deux pages, des textes signés Marc Morel. Marc ? Comment a-t-il appris tout cela ? Des photos ? Les siennes, sans erreur possible. Celles qu’elle a prises des chiens, de la maison, de Brice, des images innocentes, des instants qu’elle a voulu fixer dans le temps, mais pour eux, exclusivement. Une pellicule pas même développée, abandonnée dans un tiroir, qu’elle n’a pas eu le temps de traiter avant son départ, dont elle comptait lui faire la surprise. Là, c’est réussi, au-delà de ses espérances. Et il peut imaginer qu’elle est capable de tant de bassesse, de tricherie, de calculs

C’est une femme furieuse qui le rattrape et qui affronte les quatre hommes.

Un instant, toi Brice, vous Doc, après tous ces jours, vous envisagez sincèrement que je sois la responsable de ceci

Pas moi, petite, mais lui, ce... il est têtu comme une bourrique

Assez, Doc ! Tu connais Marc Morel. C’est celui qui t’accompagnait, je l’ai trouvé ici avec toi et c’est lui qui a signé cet article. Que te faut-il de plus

Du moment que cela te suffit, c’est parfait, Brice, mais j’aurai le fin mot de cette histoire. Il vaut mieux que je parte

Emmanuelle, laissez-lui le temps de se reprendre

Non, Doc. Je me suis trompée, complètement, sur lui et sur moi-même. Regardez-les, dehors, là, tous, à attendre ! Les croyez-vous tellement dangereux ? Ils font leur boulot, sans plus... C’est peut-être le prix de la célébrité et nul n’est contraint de s’en acquitter... Le mieux, c’est de les affronter, de leur donner l’illusion qu’ils vont obtenir ce qu’ils cherchent

Brice est près d’elle, la retient par le bras, pâle de colère

Emmanuelle, il n’est pas question que tu sortes d’ici

Crois-tu pouvoir me retenir ? Qu’espères-tu m’interdire ? Tu vas voir, je vais t’en débarrasser, au moins pour un temps. Un sourire et deux photos... quelques mots et ils partiraient mais c’est trop te demander, n’est-ce pas ! Tu préfères te cacher, derrière tes murs, ta cicatrice et tes certitudes mal fondées... Continue à rejeter la vie, elle finira bien par t’oublier, un jour ou l’autre. Doc, accompagnez-moi, voulez-vous, j’ai besoin d’un autre personnage dans cette comédie

Un mouvement sec pour se libérer, deux pas en avant, encore quelques-uns pour se retrouver au-delà de la porte, aussitôt entourée

Messieurs, du calme, nous avons tout notre temps, vous êtes arrivés trop tard, l’oiseau s’est envolé. Je vous présente le Docteur Bonnel, un ami très proche. A bientôt Doc, occupez-vous bien des chiens pendant son absence

Rire clair, regard espiègle, un baiser sur la vieille joue ridée, un autre signe de la main. Déjà à s’éloigner, les entraînant après elle, à peine ralentie par eux

Un bruit court à propos d’une romance entre vous et Brice d’Orval

J’ai vu ! Et je regrette que Marc Morel ne m’ait pas contactée avant de faire paraître son article

Emmanuelle, tu nies avoir une liaison avec

Fred ! Tu es là ! Le monde est petit... tu es bien placé pour savoir que je ne suis pas accessible à ce genre de situation...

Je ne suis pas célèbre

Mais tu es hyper séduisant... ça devrait compenser, non ? Comment vas-tu ? Je suis *******e de te voir

Très bien. Alors, rien de rien ? C’est la pure vérité

Hélas ! Tu es déçu

Pas du tout, ça me laisse toutes mes chances. Et pour sa peinture, où en est-il

Je peux dire, sans me tromper, ni trahir un secret d’état, qu’il a repris ses pinceaux

Toujours le même style ? Ou bien y a-t-il une évolution ? Prépare-t-il une exposition

Tu m’en demandes trop, nous ne nous connaissons pas suffisamment pour qu’il se soit laissé aller à se confier à ce sujet. Il y a quelques jours, j’ai eu un accident, près d’ici, et il s’est occupé de moi avec le Docteur Bonnel, et depuis nous... nous sommes devenus amis... sans plus

Mademoiselle, alors il n’est plus question de mariage ni de

Derrière la vitre, Brice la voit trébucher, s’accrocher au premier bras à sa portée, il note l’ébauche d’un geste pour se tourner vers la façade de la maison, retenu, contrôlé

Je n’ai pas lu l’article dans son intégralité... Marc en a vraiment autant écrit ? Seigneur ! Je tiens trop à mon indépendance pour envisager m’enchaîner à ce point

Il se terre toujours

Comme vous y allez ! Il était à Chamonix, il y a deux jours. Devait-il vous en informer ? Et je peux vous assurer que, dans la salle du restaurant, à la vue de chacun et sans user d’un pseudonyme, il n’avait pas du tout l’attitude de quelqu’un qui se cache

Vous y étiez avec lui

Et avec d’autres amis

Tu as un moment à m’accorder

Volontiers, Fred... mais seulement pour parler du bon vieux temps

C’est bien ainsi que je l’entendais

Alors, à Grandrieu, dans dix minutes

C’est parfait, j’y vais et je t’attends... A tout de suite ! Allez, les gars, on remballe

Mademoiselle

C’est assez, il n’y a rien de plus à dire... et j’ai beaucoup de choses à faire. Je vous laisse et n’ennuyez pas le vieux Doc, il a le cœur malade. S’il devait souffrir d’un harcèlement quelconque, je vous en tiendrais tous pour responsables

Elle est trop éloignée pour que Brice puisse entendre la suite... sinon la voir accélérer le pas jusqu'à se perdre entre les arbres. Quant à ceux qui s’attardent, il les observe, totalement invisible derrière les rideaux tirés, hésiter un peu, discuter entre eux, puis ramasser leurs affaires, et il recule instinctivement devant leurs objectifs braqués vers lui pour quelques photos de la maison avant de se disperser en direction de la route

Doc secoue tristement la tête

Brice, vous avez eu tort

Hervé et l’inspecteur se tiennent près de ce dernier et regardent les lieux se déserter

Elle a bien joué, ils partent. Je crois que nous ferions mieux de les suivre. Au moins pour nous assurer qu’il n’en reste aucun, et qu’ils n’ennuient pas cette jeune femme plus bas. Brice, nous vous laissons... Elle a eu beaucoup de cran, vous savez

Sans doute, Hervé, je vous remercie d’être venu jusqu’ici. Et vous, inspecteur, je compte sur vous pour garder à l’affaire toute la discrétion voulue

Nous ferons de notre mieux, malgré ces incidents. Je suis désolé, Monsieur D’Orval. Dès que possible, je vous tiens au courant. A bientôt

Le calme est revenu. Le silence d’une maison vide... le silence de la solitude. Doc est malheureux, Brice le sent bien, et tourmenté surtout, bien trop pour un homme dans son état

Allons, Doc, vous n’allez pas vous laisser abattre maintenant

Ce n’est pas elle, Brice. Vous avez commis là une énorme erreur

Je ne sais plus, je n’arrive plus à réfléchir. L’avenir nous le dira

Déjà détaché d’elle ? De retour dans vos zones oubliées ? Elle a eu raison de vous fuir, vous n’êtes pas digne d’elle. Vous ne la méritez pas. Trop bien pour ma fille, pas assez pour Emmanuelle

Doc ! Que savez-vous de ce que je ressens en ce moment

Rien de bien profond puisque vous l’avez laissée partir

Je ne le voulais pas... elle en a pris, seule, la décision

J’en aurais fait autant. Vous n’avez rien lu de cet article

Vous oubliez que j’ai vécu tout cela... Et j’en ai déchiffré suffisamment pour savoir qu’il ne peut rien m’apprendre de nouveau

Tout ce qu’Emmanuelle sait, de qui le tient-elle

De moi, sans erreur possible. Tout. Sans rien taire

Alors elle devrait ignorer un fait qui est dénoncé dans ces lignes... lisez, et pardonnez-vous si vous le pouvez

De quoi parlez-vous

Lisez et vous saurez... Un détail vous a échappé. Thérèse était au courant... et moi-même... je le tenais de ma fille... d’Eléonore... Je ne vous ai rien avoué, parce que, après sa mort, je n’ai pas voulu salir sa mémoire, ni vous peiner davantage... Je vous demande pardon pour cela. Si je l’avais fait avant, vous en seriez sans doute libéré depuis longtemps

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ classicoofou   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 04-03-10, 12:27 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 29
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ÇáÊÓÌíá: Aug 2006
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25







Le trou est profond, assez pour ce à quoi il est destiné

Brice en retire la pioche et la pelle et y jette des brindilles et du papier froissé, les feuilles d’un maudit journal, cause du cauchemar des dernières heures

Maudit ? Pas vraiment, grâce à lui, il sait ce qu’il veut, où il en est. Pas encore comment recoller les morceaux de sa vie, mais, prêt à tout pour cela

Quelques pas jusqu'à la maison, d’où il ramène un seau rempli de braises ardentes qu’il déverse à l’intérieur de la fosse, et il attend qu’elles se raniment, avant d’y ajouter, peu à peu, du petit-bois puis de grosses bûches. Il alimente un feu énorme, aux proportions de la délivrance qu’il en attend avant de se hâter vers l’atelier d’où il ressort les bras chargés d’images du passé

Debout, à la limite même du brasier qui ordonne ses forces en crachant une fumée rougeoyante et parfumée de cendres incandescentes et de résine fondue vers un ciel limpide, Brice observe les flammes danser et se mêler, puis, d’un geste lent, il tend une toile vers leur avidité destructrice

Une... qui se tord, qui fond, qui disparaît dans le flamboiement de couleurs dissoutes d’un arc-en-ciel inconvenant de trop de merveilleux pour l’occasion... Une autre... et encore une

Non, vous n’avez pas le droit de faire ça

Sous l’emprise d’une fièvre étrange, sur le point de lâcher une nouvelle toile au-dessus du feu, il n’entend pas le cri qui jaillit derrière lui, et il sursaute aux mains qui le retiennent, qui l’éloignent de la chaleur

Et il regarde Thérèse, surpris du désespoir sans nom qui déforme son visage, étonné par ses yeux d’hallucinée, peinant à comprendre l’anxiété qui fait trembler sa voix

Il ne faut pas lui faire encore du mal

Du mal ? A qui

C’est ma toute petite... ma jolie poupée

Allez-vous-en, tout ceci ne vous concerne pas

Monsieur, ne la détruisez pas

Eléonore ? Où la voyez-vous ? Certainement pas dans ces portraits... Cette femme, ces yeux, ces sourires, ils n’ont jamais existé. Vous le savez bien, vous, qu’elle ne ressemblait en rien à ce que je voyais en elle

Vous n’avez jamais rien compris

Qui l’aurait pu

Vous n’avez pas su la rendre heureuse

Elle a su l’être avec un autre... Qui était-il ? De qui portait-elle l’enfant

Le... le bébé... c’était le... le vôtre

Doc connaît la vérité, Thérèse

Et c’est pour cela que vous l’avez tuée

Moi ? C’était un accident. Je ne veux y voir qu’un accident et rien de plus... Mais à cause de vous, de tous vos secrets, j’ai blessé quelqu’un de bien plus précieux

Cette intrigante ? Vous ne savez rien sur elle... mais ce n’est pas fini... je lui ferai payer ce qu’elle lui a fait

Ne vous approchez pas d’Emmanuelle, jamais, ou je saurai vous le faire regretter. L’atelier... c’est votre œuvre, n’est-ce pas

Je devais en chasser cette fille... vous ne pensiez plus qu’à elle... elle prenait sa place

Et l’article ? Vous encore

L’article

Comment avez-vous fait ? D’où connaissez-vous ce Morel

J’ai trouvé sa carte dans l’agenda de cette petite sotte ! Avec des rouleaux de photos. Je parie qu’elle ne vous a rien dit sur son métier, vous voyez bien qu’elle vous a manipulé... mais j’étais là et je l’ai eue... Je nous en ai débarrassé... Et Eléonore peut dormir tranquille...

Tranquille

Elle sait que je veille, alors que tout le monde l’oublie, même son père. Mais tout est rentré dans l’ordre, maintenant c’est fini

Que peut-elle comprendre au désespoir d’un vieil homme ! Il est plus riche de souvenirs qu’elle ne le sera jamais, pour n’en avoir conservé que les meilleurs. Fini ? Quoi donc

Je reprendrai mon travail dès demain matin

Que croit-elle, enlisée dans les brumes de son esprit fragile? Que rien ne s’est passé ? Que la vie va continuer comme autrefois... comme avant Emmanuelle ? Brice est incapable d’un mouvement de pitié envers celle qui se tient, hagarde, devant lui, trop préoccupé par l’éventualité qu’elle puisse faire pire encore... cherchant le moyen de la tenir à distance de son existence

Il est inutile de revenir... Je ne veux plus vous voir, vous allez disparaître de ma vie, de ce qu’il en reste... M’avez vous bien compris

Vous avez besoin de moi

De vous ! Vous êtes malade, Thérèse, de trop de haine... et c’est pour cela que je ne vous dénoncerai pas, mais si vous croisez encore ma route... si vous tentez quoi que ce soit contre Emmanuelle, je n’hésiterai plus... et je suis résolu à vous faire enfermer, si besoin en était. Suis-je assez clair ? Adieu, Thérèse

Il lui tourne le dos, déterminé à poursuivre son œuvre de purification jusqu’au bout... il ne laissera rien... rien de ce qu’Eléonore a choisi... Il va vider la maison de tout ce qui lui a appartenu

Il a déjà donné les appels nécessaires à cet effet, et quelqu’un doit venir, dans le courant de la mâtinée, enlever jusqu’au dernier objet qui se rattache à elle. Les dernières toiles... Il a également contacté un décorateur pour transformer la chambre qui était la sienne... Elles n’en finissent plus de se consumer... Il n’a aucune idée de ce qu’il pourrait en faire tant l’envie de la murer, de la condamner à tout jamais est forte en lui... A moins de faire appel à un architecte, de modifier la maison elle-même, de repenser les pièces et les reconstruire, toutes sauf une... C’est fini... il ne reste que des cendres... Sauf sa chambre à lui, celle qui garde encore un parfum qui l’obsède... En faire le cœur d’un univers tout neuf et inviter Emmanuelle à le partager avec lui... Il va laisser le feu mourir de lui-même, et il aime regarder les flammes perdre de leur virulence... comme l’amertume qui a empoisonné son âme

Quand tout sera achevé... Elle va pardonner, elle va revenir... Elle est de celles qui pardonnent... dès qu’elle saura... sans qu’il ait besoin de se justifier... parce qu’elle le connaît mieux que personne, qu’elle seule peut le comprendre

Brice, tu es fou ! Tu vas déclencher une alerte incendie

Hervé, qui court vers lui, suivi de trois hommes... il n’a rien vu, rien entendu

Pas en cette saison, et puis c’est un feu de joie... auquel je t’invite à participer... qu’en dis-tu

Que tu ferais bien de te calmer, mon vieux

Ils se regardent, surpris d’un tutoiement inusité entre eux, après des années d’une amitié solide qui s’en était dispensé jusqu'à lors... et ils rient au même instant

Aucun risque que tu me verbalises... cela t’est interdit par le règlement des gens heureux. Et tu arrives juste à point... Messieurs, suivez le guide, vous videz tout, sans rien laisser, pas même une épingle à cheveux, et dans les deux pièces, ne laissons rien au hasard. Mais, tout d’abord, une bonne tasse de café avant de nous mettre à l’ouvrage

La cuisine... Là aussi, peut-être que... il regarde autour de lui, rassuré de n’y retrouver rien qui lui rappelle Eléonore... Sinon un rire, une espièglerie... Seulement Emmanuelle

Il revit leur premier matin, il la revoit relevant ses cheveux, et... il ne veut plus d’un autre jour sans elle... et il sursaute à un bruit de verre brisé

Hé ! Fais attention... tu as l’intention de ne rien laisser intact sous ton toit

L’essentiel, il faut que je retrouve l’essentiel

Tu vas transformer les deux chambres du fond

Tout, je vais tout changer... Tu m’excuseras, un appel à donner. Tu sais comment te servir de cette cafetière ? J’en ai pour deux minutes

Il ne peut plus attendre, il doit la ramener, il veut l’entendre rire, il veut respirer son bonheur... c’est à elle de décider ce que doit devenir leur maison, il veut vivre dans un décor qui lui ressemble, qui soit elle, partout, dans le moindre détail... elle le dessinera et il le réalisera pour elle, seulement pour eux

Pourquoi tarde-t-elle autant à lui répondre ! Trop de sonneries... il est presque déçu qu’elle ne devine pas qui appelle... il le fait avec tant d’espoir qu’il lui semble qu’elle devrait le ressentir... même de si loin... même de trop loin... et... elle a décroché

Chérie

Allô, madame Davrey à l’appareil

Yvette ? Excusez-moi... c’est moi... Brice... j’espérais tellement qu’Emmanuelle... Puis-je lui parler... dites-lui que

Brice, je suis navrée, elle n’est pas là, plus depuis ce matin très tôt. Je ne veux pas me montrer indiscrète mais... que s’est il passé entre vous

Partie... Que vous a-t-elle dit

Rien, c’est ce qui m’inquiète... Elle nous est revenue abattue et profondément bouleversée... Mais elle n’a rien voulu nous dire, sinon, qu’elle et vous, c’était terminé, que cela appartenait au passé

Et puis

Elle s’est enfermée dans sa chambre. Mais ce matin, elle était comme d’habitude... en apparence du moins

Je vais tout réparer, je sais comment le faire... Vous ne savez pas où elle se trouve en ce moment

Elle a dit qu’elle devait passer chez elle, mais juste le temps de faire ses bagages et

Ses bagages

Oui... Elle nous quitte, mais je ne sais pas pour où... Elle a parlé d’une proposition qu’elle devait étudier... sans plus de précision... Il va nous falloir attendre, à nous aussi. Ou alors, voyez Patrick, ils sont très proches tous les deux, il est peut-être mieux informé que moi... et il saura quoi faire, je vous donne son numéro, attendez

Elle lui échappe, il le sait, il le sent. Il a mis trop de temps pour se décider à se faire pardonner. Il note les chiffres que lui dicte la mère d’Emmanuelle, sent le reproche dans sa voix

Je ne veux vous obliger à rien mais... mais, entre vous, est-ce si grave

Oui... j’en ai peur... et je suis le seul coupable. Je l’aime, vous savez, au point que, sans elle, le reste... Je vous remercie, pour tout

Encore quelques secondes de patience, il va bien finir par lui parler

Patrick ? C’est Brice

Il redoutait le silence qui l’accueille à l’autre bout de la ligne, et il a peur d’entendre l’homme, en qui il a placé tous ses espoirs, mettre fin très vite à la communication

Ne coupez pas, pas encore, laissez-moi une chance. Je dois la retrouver

Elle n’y tient peut-être pas

Je peux l’admettre d’autant plus aisément que je suis seul à savoir comment je l’ai traitée, mais... je dois essayer

Ecoutez... Elle doit me rappeler... dans la journée, je lui dirai que vous m’avez contacté. Elle décidera, je ne peux rien faire de plus

Comment est-elle

Egale à elle-même, dans la douleur comme dans la joie... Vous nous avez permis de le découvrir, mais je m’en serais passé

Patrick... sans elle, ma vie n’a plus aucun sens

J’en suis navré pour vous, mais c’est d’elle seulement dont je me préoccupe. J’aurais voulu la protéger, lui éviter de souffrir

Je... si elle revenait, si je pouvais lui parler, quelques secondes, et tout lui rendre... Elle et moi, c’est... ne vous méprenez pas, cela n’a rien à voir avec une aventure banale... ni pour elle, ni pour moi. Dès cet instant... nous allons nous attendre, l’un l’autre, et nous regretter

A plus tard, Brice. Je vous tiendrai au courant

Patrick

Je vous le promets. A bientôt

Le silence, et, au bout, à peine l’ébauche d’un espoir. Il devra se *******er de cela

Autant terminer ici, préparer les lieux à ce qu’elle souhaitera qu’ils deviennent, pour eux

Après ? Il sera bien temps de voir

Abandonner

Non, jamais

 
 

 

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ÞÏíã 04-03-10, 12:31 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 30
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Brice a attendu, patiemment, toute une longue journée, traînant sa solitude au hasard de pièces vides, soulagé de pouvoir y pénétrer, de ne plus rien y ressentir qui le ramène en arrière

Toute une longue nuit, tressaillant au moindre bruit, espérant l’invraisemblable, de trop désirer la voir revenir, jusqu'à imaginer la sonnerie du téléphone ou un bruit de moteur

Et encore, devant la baie de la cuisine, tenant entre ses doigts une tige de métal doré, de celles qu’elle utilise pour retenir ses cheveux

Pas de nouvelle et, malgré sa promesse, aucun signe de Patrick. A moins que ce dernier ne fasse qu’obéir aux consignes qu’Emmanuelle lui aurait données. Il ne veut pas le penser... Pas elle ! Elle est incapable de le punir ainsi

Le punir ? Il mérite davantage encore. Et lui, fou, de s’accrocher à l’idée d’un pardon acquis d’avance

Elle s’est battue, pas à pas, toujours sincère, gagnant chaque parcelle de confiance, sans tricher, ne lui cachant rien de ses attitudes avec les autres, se refusant à jouer un rôle près d’eux, pour le rassurer, lui. Même en sa présence

Egale à elle-même ? En tout, avec tous. Combien de temps peut-on se battre contre des moulins à vent avant d’en être finalement découragé

Il est son moulin, sa bataille sans fin. Il voudrait lui offrir sa défaite, totale, sa reddition, complète, sans retour en arrière possible. Et se sentir là, impuissant

Quelqu’un approche. Mais ce n’est pas elle

Un homme ? Trop éloigné pour reconnaître une silhouette imprécise, et Brice recule, se dissimule

Encore un journaliste sans doute, un retardataire, ou un moins crédule que les autres

Et pourtant... un quelque chose... un geste... qui lui est familier... celui de passer des doigts dans une chevelure, pour en rejeter les mèches en arrière... Le même qu’Emmanuelle

Un homme assez proche pour mettre un nom sur son visage, assez pour qu’il se décide à quitter son point d’observation, pour qu’il avance à sa rencontre et pour qu’il tende une main en signe de bienvenue

Bonjour, Patrick. Vous m’arrivez de très loin ! Je devine que ce que vous avez à me dire est pénible, assez, du moins, pour ne pas me l’asséner à distance

Je suis désolé, Brice

J’avoue que... je m’y attendais

J’ai préféré vous parler face-à-face

Elle ne veut plus rien savoir de moi

Elle m’a prié de vous renvoyer ceci par la poste, avec cette lettre

Alors vous avez pris le parti de jouer le rôle du facteur.

Il m’a semblé que je vous devais bien cela

Et... aucun message autre que

Rien de plus... Je crois que, vous et moi, nous aurions dû avoir, dès le départ, une conversation... Cela vous aurait permis d’éviter une grosse erreur.

Elle vous a raconté. Tout

Je le pense. Jusqu’ici, elle n’a eu aucun secret pour moi. Asseyons-nous là, le paysage est splendide

Ils s’installent, à l’extérieur, sur le tas de bois, devant la baie de la cuisine. Un temps. Avant que Brice ne reprenne

Même comment j’ai voulu la blesser

Vous l’avez accusée de trahison et vous l’avez laissée partir, c’est bien suffisant, non ! Plus encore ? Brice, que lui avez-vous fait

J’ai failli me conduire, avec elle, de la pire manière qui soit avec une femme

Vous ! Je devrais vous démolir

Allez-y... je ne me défendrai pas

Si ce n’était pour elle

Elle, elle m’a déjà pardonné... mais il fallait que je le dise, à vous surtout... pour être en paix avec moi-même

Tenez, voici ce que je devais vous envoyer

Avez-vous connaissance de ce qu’elle écrit dans cette lettre

Non... Brice, je suis ici pour... je tenais à vous conter une petite histoire. Vous vous souvenez de Joanna

Joanna

L’épouse de Richard. A l’occasion, demandez-lui de vous chanter un petit air, vous verrez qu’elle possède un timbre de voix magnifique. Moi, je le trouve exceptionnel, et sans aucun parti pris. Elle nous vient d’Angleterre où elle est assez connue, pour son talent, mais également par... comment dire... par quelques fredaines. Que je n’ai pas à vous dévoiler mais plutôt gênantes, suffisamment du moins pour l’avoir contrainte à se réfugier en France

Je ne vois pas ce que cela vient faire entre Emmanuelle et moi, et... je suis désolé, Patrick... continuez

Vous allez comprendre où je veux en venir. Elle a essayé de refaire un semblant de carrière dans notre pays, puis elle a rencontré Richard. Ils se sont aimés, ils se sont fiancés, et, un bonheur ne venant jamais seul, le succès lui a fait signe. Elle est devenue, tout comme vous, quelqu’un à poursuivre, à espionner et à exhiber. Alors ils se sont cachés, ou ils ont essayé de le faire, tant bien que mal, sans y parvenir vraiment... Un jour, quelqu’un à ramené d’outre-Manche, les bribes d’un passé pas très plaisant mais assez croustillant, et, l’intérêt de quelques-uns justifiant l’indélicatesse de certains

Je commence à entrevoir de quoi il est question

Pas encore... La situation s’est envenimée au point de menacer leur amour. Pas celui de Richard, il n’est pas de cette trempe... mais pour Joanna... nous l’avons vue se refermer chaque jour davantage sur elle-même, troublée, effrayée, fuyant chacun, ne supportant plus rien jusqu'à... Emmanuelle l’a retrouvée à temps

Elle ? Cela a dû être très dur

Ça l’a mise surtout dans une rage folle ! C’est arrivé... il y a un peu plus de trois ans maintenant. Les choses se sont calmées depuis, mais cela ne s’est pas fait tout seul... Je vous ai dit un jour, qu’Emmanuelle n’avait aucune faiblesse, ce n’était pas un mot en l’air, il vaut mieux, dans certains cas, ne pas l’avoir contre soi

Qu’a-t-elle pu faire

Ce n’est pas un secret, et rien dont elle aurait à rougir. Il vous suffira de consulter une certaine presse de l’époque. Une jolie série de photos, qui en a fait rire beaucoup, mais pas tous... quelques-uns ont eu un peu de mal à s’en remettre. Mais je crois qu’ils ont pleinement ressenti ce que peut éprouver celui qui est traqué et harcelé... Personne n’aime particulièrement voir étalés au grand jour, ses petits travers, certains penchants, certaines attitudes gênantes, ou, eux-mêmes, carrément exhibés dans une situation autant embarrassante que compromettante

Elle est allée jusque-là

Vous semblez bien mal connaître celle que vous dites tant aimer... Elle est capable de tout pour protéger ceux qui gravitent dans son univers. Rassurez-vous, cela s’est déroulé en finesse, sans la moindre vulgarité... un peu comme une gosse qui fait des blagues tout en invitant ses victimes à en rire avec elle... elle est assez espiègle quelquefois

Je sais

Jamais elle n’aurait dévoilé quoi que ce soit vous concernant sans votre consentement, elle s’exposerait au pire plutôt que de livrer un seul de vos secrets. Si vous aviez su cela avant, vous n’en seriez pas là aujourd’hui. J’ai senti le doute en vous, dès notre rencontre, et votre peur des indiscrétions, j’aurais dû prendre le temps de vous montrer ce que nous sommes, ce qu’elle est et je m’en veux de ne pas l’avoir fait. Pour cela également, j’ai le sentiment de vous devoir quelque chose, et d’avoir failli à mon rôle de frère aîné

Entrez, un moment, nous avons encore à nous dire, beaucoup

Non, désolé, Brice, Un taxi m’attend, le chauffeur doit d’ailleurs se demander où je me suis perdu. J’ai un train dans... dans une demi heure. Juste le temps d’y aller. Elle m’a appelé de chez un certain Paul Denay. Je vous contacterai demain, dès que je lui aurai parlé

Paul ? Je le connais. Merci, Patrick, elle est tout pour moi, vous le savez

Sans cela je ne serais pas là, je l’aiderais à vous oublier et je ne chercherais pas le moyen de vous réunir. Nous verrons bien. Adieu, Brice

Adieu ? Non, à bientôt

Entre les mains, le tube, qu’il reconnaît. Le coffret également

La lettre lui brûle les doigts. Là-bas, Patrick est invisible.

Déchirer l’enveloppe, l’ouvrir et

Brice

Si tu lis ces lignes c’est que Patrick t’aura fait suivre les derniers objets qui peuvent me rattacher encore à toi, à ton souvenir

Le tableau t’appartient, le coffret aussi. A toi d’en faire ce que bon te semble. J’ai conservé les miniatures de Flamme et Gus, sans doute les deux seuls êtres sincères à courir dans tes bois de Margeride, confiants d’instinct, vrais, sans partage

Je sais que tu me cherches... mais... je ne peux pas. Je ne veux plus devoir t’affronter. J’ai vu Marc Morel, il ne sait d’où lui viennent les feuillets qu’il a reçus par courrier. Il a reconnu mes photos, il a sincèrement cru que tout venait de moi. Même ainsi, je ne peux me défendre. Je voudrais ne pas avoir à le faire, je n’ai plus vraiment envie de le faire. Vois-tu, de toi, j’aurais cru même l’invraisemblable, simplement de te l’entendre dire. Je suis malade, malade d’un manque... malade de ce que je n’ai plus... Mais ça passera... il faudra bien que ça passe

Je vais partir... bientôt, et c’est bien comme ça... Je viens de signer un contrat qui va m’entraîner hors de France, durant deux, trois mois, davantage peut-être, au moins jusqu'à ce que la douleur s’estompe... Je m’en vais loin, très loin, vers des terres inconnues. Je les veux vraiment nouvelles, tu sais... pour que rien ne m’y parle de toi

Ne te fais aucun reproche, ce n’est pas une fuite... Seulement une proposition de Paul Denay, un projet intéressant dont je voulais te parler, pour lequel il me fallait ton avis avant de me décider... Ce n’est pas un travail... c’est la photo comme je l’aime... comme je la conçois... Et tu aurais sans doute compris et accepté... tu m’y aurais poussée et moi... moi, j’aurais peut-être trouvé la force de... Dis-toi, pour ne rien regretter, que je l’aurais fait malgré tout

Même si j’ai mal de te laisser derrière moi... Oublie-moi... Il faut m’oublier...

Emmanuelle



Elle est partie et il l’a perdue. Complètement ? Il saura bien attendre, tout réapprendre pour elle et devenir ce qu’elle veut qu’il soit. Idiot ! A se tromper encore... Redevenir lui-même, rien de plus

 
 

 

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