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ÇáÊÓÌíá

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ÞÏíã 26-02-10, 06:05 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 21
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ÇáãÔÇÑßÇÊ: 262
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18






Doc, vous trichez, c’est la mienne

A trop rêver, la réalité échappe, Emmanuelle, souvenez-vous de cette leçon. Vous n’aviez qu’à mieux surveiller votre pique, c’est devant la cheminée que tout se joue, pas de si loin

Elle est assise à même le sol, appuyée au fauteuil où Brice est installé, heureuse du contact de la main sur son cou et son épaule, de voir un enfant, à la chevelure blanche, se brûler les doigts au sucre fondu, et elle se laisse aller à les écouter, tous deux, sagement silencieuse, pour mieux pénétrer leur complicité

Ils se sont régalés de marrons cuits sous la cendre et de boules de guimauve roussies, d’un épais chocolat chaud et de brioches fondantes et dorées, et de pommes ridées à la chaleur des flammes, brûlantes et juteuses sous leurs couronnes de caramel

Ils ont ri devant l’air ébahi du vieux docteur quand il les a découverts, tous deux, s’enlaçant l’un l’autre, devant sa porte. Et ils ont apprécié également sa gentille discrétion, et de les recevoir ainsi, sans question, comprenant d’un regard, se *******ant de leur montrer toute sa satisfaction, dans un sourire heureux

Emmanuelle mesurant l’affection que Brice a pour le vieil homme dans son attitude envers lui, comme s’il en quémandait un consentement. Elle l’a deviné attentif, tendu dans l’attente de sa réaction, et soulagé de le constater complice de leur joie

Votre présence m’a fait le plus grand bien, j’ai l’impression de revenir au temps... Enfin... c’est du passé
Doc, je vous en prie, pas de mélancolie

Pas du tout, mon cher Brice, en vérité, je suis ravi, de vous voir sourire, et ce qui est mieux encore, de vous entendre rire à nouveau, et enfin, surtout, de découvrir, sur vous, des taches de peinture. Alors

Alors, rien, Doc, seulement quelques vieilleries que j’ai triées, et de vieux tubes que j’ai jetés... J’ai fui si vite que je n’ai pas eu le temps d’effacer toutes ces traces

Fuir ? Emmanuelle, rassurez-moi, pas à cause de vous

Non, nous avons eu peur de Thérèse

Ah ! Le vieux cerbère... Vous devriez vous en séparer, Brice, elle m’a toujours terrorisé, et ce... durant plus de trente ans

Cela fait si longtemps que vous la connaissez ! Brice, je ne comprends pas. Et toi ? Depuis quand

Depuis mon enfance... Depuis toujours, en fait. Mais c’est une femme aigrie, et rongée par l’amertume... Ce qui n’est pas une raison pour la priver de son emploi

Les rires sont oubliés, pour ne leur offrir qu’un front buté et un regard éteint

Nous devons rentrer

Brice, voyons ! Pas question de me laisser tout seul maintenant, et surtout sans satisfaire mon attente. J’ai été sage, au-delà du possible pour un vieux monsieur aussi curieux que moi, je mérite bien quelques éclaircissements. Jeune fille, vous êtes la plus gentille des deux... dites-moi tout... je vous écoute

Emmanuelle ! Nous partons, Doc... et il n’y a rien à raconter

Je ne vous parle plus, et laissez-la répondre

Elle se penche vers lui, émue de le voir déçu, et elle dépose un baiser sur sa joue, le temps de laisser filer un murmure à son oreille, pour lui seul

Il a raison, il y a peu à dire... C’est trop tôt... trop fragile. Laissez-nous un peu de temps... A lui surtout

Brice est déjà à la porte, l’ouvre, sans même attendre qu’elle le rejoigne. Elle perçoit son impatience, et le regarde quitter les lieux comme si une force invisible l’y poussait

A bientôt, et merci de votre accueil

Vous êtes ici, chez vous... Maintenant, rattrapez-le, vite

Brice est déjà sur le chemin, sans se soucier de sa présence ou pas derrière lui, et si elle veut revenir à sa hauteur elle va devoir accélérer le pas. Elle se refuse à courir après lui comme une gamine désemparée de se deviner tenue à l’écart, et elle le laisse seul, regardant la distance qui les sépare croître à chaque foulée des longues jambes, l’éloignant d’elle davantage à chaque pas

S’il tient tellement à sa solitude, elle ne va pas l’en priver ! Elle ne comprend pas son brusque changement d’humeur, et elle n’est pas disposée du tout à en subir les contrecoups pour ne s’en sentir en rien responsable... Elle ralentit même son allure, jusqu'à le voir se perdre sous les arbres

Chez elle, dans sa famille, entre frères et sœurs, ils ont eu des querelles, et des bouderies, pas souvent et jamais rien de sérieux, mais pour une rivalité ou un caprice d’enfant... pas ainsi... sans raison apparente... Rien qu’une bonne explication n’ait pu résoudre

Elle en vient à s’arrêter tout à fait et cherche dans ses poches, soulagée d’y trouver ses cigarettes et aussitôt déçue de ne pas avoir de briquet. Elle doit se calmer et juguler la colère qui l’envahit

Un cylindre blanc inutile entre les doigts, elle se laisse aller contre un tronc rugueux

Elle ne connaît rien de la vie de Brice... Rien, surtout, de son passé, et elle aimerait en apprendre un peu... juste ce qu’il faut pour comprendre, pour deviner d’où lui viennent ses élans de colère. Sans cela, elle ne peut rien pour lui, elle ne sera en mesure de l’aider, de le soutenir que lorsqu’il lui fera partager ses angoisses... Lorsqu’il acceptera de lui en parler

Emmanuelle est sur le point de rebrousser chemin, d’affronter le vieux Doc, et tenter d’obtenir, par lui, quelques informations

Tu fumes ? Je l’ignorais

Tournée vers la maison accrochée, plus haut, au flanc de la montagne, elle n’a pas entendu Brice revenir vers elle

J’aimerais bien si j’avais du feu. Je prends tous les deux jours la décision d’arrêter. Sans m’y tenir. Ça t’ennuie

Non, pas spécialement... sinon le mal que ça peut te faire. Tu y tiens vraiment ? J’ai des allumettes

En ce moment ? Oui, très. Tu permets

Emmanuelle fait deux pas, et doit s’y reprendre à plusieurs fois avant de réussir à inhaler la première bouffée

Tu es en colère, et ce n’est pas un motif valable pour passer tes nerfs sur du tabac

Non ? Tu te soucies pour lui ? C’est quelque chose d’inerte... d’insensible... qui ne peut se poser de question, ni se plaindre, pour ne rien ressentir

C’est bon... j’ai compris et... je suis désolé

Ah ? Et alors ? Crois-tu que deux mots d’excuse suffisent à tout régler ? Crois-tu qu’ainsi tout va s’effacer... se faire oublier... jusqu'à la prochaine fois ! Dis-moi... c’est pour quand ? Préviens-moi à l’avance, je ferai celle qui ne voit rien

Tu vas m’en vouloir longtemps

Tu te trompes complètement, il n’est nullement question de t’en garder rancune ou pas, mais simplement définir si je peux accepter ton attitude. Je n’y suis pas habituée et je n’ai aucun désir de l’être un jour

Rien n’est jamais... tout blanc ou tout noir. Chez personne

Ce qui n’a rien à voir à l’affaire... J’ai besoin de comprendre les choses, je ne me supporte pas impuissante, et je suis incapable de subir sans réagir. Je ne saurai jamais demeurer dans l’attente de ton bon vouloir ni me demander, à chaque instant, de quelle couleur est ton humeur

Il ne s’agit pas de cela... c’est toi qui es dans l’erreur. Viens, rentrons. Laisse-moi un peu de temps

Brice, tout le temps dont tu auras besoin. C’est ton exigence, ton droit le plus absolu. N’oublie pas que j’en ai, moi aussi. Je ne veux pas être punie pour une faute que je n’ai pas commise. Il faut accepter de parler, également, et dire ce qui ne va pas... pour ne pas laisser le doute s’installer entre nous, à cause de fausses questions ou de supposées réponses... Est-ce beaucoup espérer de toi ? Trop

Oui, c’est trop tôt pour moi... Je peux affirmer, sans te mentir, que j’ai besoin de toi et bien plus que je ne le pensais possible, que je te veux près de moi, mais... Veux-tu vraiment savoir ? Jusqu’au bout

Oui

Même si cela peut être douloureux ? Pour toi

Surtout ainsi

Je croyais sincèrement pouvoir tout te promettre et puis, chez Doc, j’ai compris que, nous deux, pour lui, c’était un fait établi et j’ai soudain réalisé que je ne suis pas du tout prêt pour envisager cela, je ne sais même pas si je pourrai l’être un jour ou seulement y aspirer

Eh bien, voilà ! Pas plus compliqué que ça et, au moins, je suis fixée. Tu as encore des allumettes

Tiens... Emmanuelle... tu trembles

Merci... ce n’est rien... c’est à cause du vent. Regarde, le soleil n’est pas assez haut pour dissiper les ombres

En aucun cas, je n’ai voulu te blesser

Me blesser ? Brice... il ne t’est pas venu à l’esprit que je n’ai jamais envisagé partager ton existence jusqu'à la fin de mes jours ! As-tu pensé à cela

Pas vraiment ! Non... pas un instant

Eh bien, je te conseille de t’y mettre sans tarder ! Et ta douce Thérèse, pour combien de temps en a-t-elle encore ? Il gèle à pierre fendre et j’ai hâte de retrouver la chaleur, et d’écouter un peu de musique. Pas toi

Jusqu'à quel point es-tu sincère en disant cela

Autant que je puis l’être... en fait, je suis littéralement glacée.

Emmanuelle ! Je te parle de demain, de ce que tu en attend.. pour toi... pour nous

Nous ? Il faudrait pour cela que ce mot signifie quelque chose...

Et ce n’est pas le cas

A ton avis ? Et puis... j’ai bien trop froid pour discuter davantage. Je rentre

Elle le laisse sur place, semblant ignorer l’interrogation incrédule qu’elle lit dans ses yeux, et sans attendre un quelconque commentaire. Quelques pas seulement, avant d’être rattrapée par une main légère sur l’épaule, et d’entendre sa voix, douce comme une prière

Chérie, viens... tu seras mieux, là... comme ça

C’est avec tendresse qu’il l’entoure d’un bras, hésitant et maladroit, comme étourdi après un choc, posant sur elle le regard égaré de ceux qui abordent un rivage inconnu, et il se rassure de la trouver docile, de la sentir se blottir au plus près de lui, sans aucune agressivité en elle... Et c’est silencieux et serrés l’un contre l’autre, qu’ils reprennent leur descente

Thérèse est sur le point de partir, emmitouflée dans un manteau gris boutonné jusqu’au menton, et achève d’enfiler ses gants avant de se tourner vers eux

J’ai branché le téléphone. Tout est en ordre, et chaque chose est à sa place

Merci Thérèse, à demain

Pas plus souriante qu’au matin, sans un regard en direction d’Emmanuelle, ni un geste de salut, elle s’éloigne, silhouette raide et froide... très vide absorbée par l’ombre qui noie le sentier

Je ne sais pas ce qu’elle a

Je suis l’intruse, Brice

Pas toi... Ne redis jamais ça

C’est ainsi qu’elle me perçoit

Alors, elle devra s’y faire

Tu as le téléphone ? Ici

Evidemment

Et tu ne m’as rien dit

Tu étais ma prisonnière et il n’était pas question de te procurer le moyen de faire appel à la cavalerie
Ce qui est tout à fait logique

Tu veux appeler tes parents

Non, pas déjà, mais dans deux minutes, certainement. Seigneur ! Viens voir ! Au moins, à l’avenir, je saurai à quoi m’en tenir

Quoi donc ? Je... Hé bien

Ils se tiennent à l’entrée du salon, impeccable, mais aussi froid et impersonnel que lors de l’arrivée d’Emmanuelle. Quant à ses efforts pour donner un aspect chaleureux, et les signes de sa présence dans les lieux... purement et simplement effacés

Je suppose que pour le reste, c’est pareil. Quand elle a parlé d’ordre, je ne m’attendais pas à cela

Je suis navré. J’aimais bien, tu sais. On recommence

Quand ? Maintenant ? Tu oserais

Autrefois, le décor... tout ça... rien ne m’importait, mais ce n’est plus vrai... plus depuis ces derniers jours, et c’est grâce à toi... Alors, de mon côté, je crois que je peux affronter un dragon en jupon... Je lui parlerai demain. Au travail, et il n’est pas question que j’en fasse plus que toi

Brice, tu vas la mettre de mauvaise humeur. Est-ce que cela en vaut la peine

Il est temps que je reprenne... certaines choses en mains... Autant commencer par ça

 
 

 

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Le silence est revenu. Alors qu’autour de la maison, l’obscurité
a repris possession de la terre, à l’intérieur, elle est tenue à distance par les lueurs rougeoyantes des braises, et la douce clarté d’une lampe

Comme à leur habitude, les chiens dorment, côte à côte, devant l’âtre apaisé, d’un sommeil immobile et tranquille pour Gus, et émaillé de grognements pour Flamme, revivant en songes ses courses diurnes et enivrantes jusqu'à en agiter les pattes

Assise sur le sol, des disques éparpillés à ses pieds, adossée au canapé, et la tête reposant près de celle de Brice, Emmanuelle, par ses yeux fermés, semble aussi rêver

Semble seulement

Attentive à une atmosphère particulière, bien trop intuitive, ou trop sensible, pour ne pas deviner la tension qui s’y dissimule

Ils ont oeuvré à créer leur propre décor. Ils ont déplacé les meubles, en ont remplacé certains. Ils ont pillé le grenier, fouinant comme des enfants lancés dans une fascinante chasse aux trésors

Ils ont éparpillé un merveilleux désordre de recherches inachevées. De coffres, de valises, de boites, de malles, ouverts sur des objets presque ressuscités de revenir à la lumière. Draps élimés de trop d'usage, nappes aux dentelles jaunies, photos sépia, lettres à l'encre délavée, céramiques à l'émail craquelé, poupées aux mains et visage de porcelaire, aux chevelures hirsutes d'après un trop long sommeil

Bibelots extirpés au hasard, offerts pêle-mêle à leurs doigts fébriles. Bribes de souvenirs, secrets hermétiques, pour appartenir aux derniers occupants des lieux

Aucun qui se rattachait à Brice, il les a découverts en même temps qu'elle. Et ils leur ont inventé une histoire... insuflant à chacun un nouvel élan de vie

Ils ont joué ainsi, longtemps, jusqu'à ce que, insensiblement, leurs rires soient devenus moins spontanés, que leurs regards s’évitent, que leurs mains, soudain timides et hésitantes, tremblent de se frôler

Brice n’a pas cherché à retenir Emmanuelle quand elle l’a abandonné sous prétexte de fatigue et de trop de poussière, pour s’enfermer, bien plus que nécessaire, dans la salle de bains, et pas davantage lorsqu’elle s’est éclipsée sous celui de leur préparer un dîner rapide, l’observant évoluer, silhouette mouvante et fuyante, corps invisible dans un peignoir qu’elle a fait sien mais bien trop grand pour elle, pieds nus, toujours, et cheveux à peine retenus. La laissant fixer ses distance, à son gré, et suivant ses traces, dans un reste de buée sur un miroir, la présence d’un pull et d’un jeans dans le panier à linge, la brosse de ses cheveux... Hier encore, une violation de sa solitude, mais aujourd’hui... comme un appel en lui

Il l’a retrouvée, accroupie à hauteur des rayonnages de la discothèque, et il s’est assis devant la table basse où patientent deux plateaux pour un repas à la lueur des flammes, remplissant ses yeux du mouvement de ses doigts effleurant les coffrets ou les pochettes de disques, semblant attendre d’eux un signe, prenant celui-ci, puis un autre, et encore un, sans avoir l’air de vouloir vraiment s’arrêter sur l’un en particulier, mais plutôt se laisser capturer par un titre, un nom, une image

Peu de mots, l’impression de rejouer la pièce de la veille, acte après acte, avec en plus, cette fois, en chacun, l’envie d’aller au bout, de ne pas déserter, de ne pas fuir, avant la dernière scène

C’est lui qui a débarrassé la table, emportant les plats à peine picorés, pour revenir, très vite, près d’elle, déjà dans cette même position, s’allongeant derrière elle, jusqu'à mêler leurs chevelures et accorder leurs respirations. Et il souffre de contenir le désir de l’attirer sur lui, de glisser ses mains sous un tissu éponge jusqu'à rencontrer la douceur de sa peau, ayant de plus en plus de mal à la laisser s’éloigner de lui et scinder leur réalité, le temps de remplacer un CD, d’ajouter une bûche, ou simplement allumer une cigarette

Et, la dernière note absorbée par le silence, il la voudrait au plus près de lui, et reprendre leur histoire aux premières heures de la matinée.

Emmanuelle

Oui ? Encore un disque

Non, pas vraiment. Tu n’as pas froid, comme ça, sur le sol ? Tu serais mieux là, il y a de la place pour deux

Je sais... bien mieux

Alors qu’attends-tu ? Viens

Je n’ai pas envie de me lever, pas même de bouger, comme si, à le faire, j’allais abîmer l’instant. J’ai peur, Brice... C’est la première fois que j’ai peur

De moi

De demain

Demain sera ce que nous voudrons qu’il soit

Il est debout, se penche, la prend contre lui, la soulève, abandonnée, sans force, visage contre son cou

Je te ramène dans ta chambre

Emmène-moi où tu veux, là où tu souhaites que j’aille

Tu en es sûre

Uniquement si tu l’es toi aussi

Il ne peut pas lui répondre, pour ne savoir comment lui expliquer qu’il n’est conscient que du besoin vital de la garder contre lui, bien plus important que le désir de la posséder. Juste la tenir, la sentir, comme une promesse que la vie lui apporte, et qu’il n’est certain que de cette fraction de réalité, qu’il ne peut pas voir au-delà, qu’il refuse de nourrir un espoir lumineux et fragile qu’une banale et indifférente platitude routinière ternirait jusqu'à l’insoutenable, qu’il ne veut plus entretenir des rêves que la vie pourrait lui arracher, ou qui pourraient disparaître dans les tôles noircies d’un véhicule en flammes

Attendri, par une docilité émouvante qui la lui livre sans résistance... sans un geste pour retenir le peignoir qui glisse sur elle, sans rien tenter pour se dérober à son regard... sinon... baisser à peine la tête, jusqu'à appuyer le front contre son épaule, et n’être plus qu’obéissance entre ses bras, et s’abandonner entre eux, et se laisser soulever et porter jusqu’au milieu de la chambre et déposer au creux du lit ouvert

Envoûté, par ce que son attitude silencieuse lui offre d’attente et de crainte, fasciné de la sentir trembler à le recevoir contre elle, et déjà vaincu pour la voir oser le geste qui la rapproche davantage, et lui apporter sa chaleur et sa douceur au plus près

Surpris, de n’abriter aucune urgence, pas même un semblant de violence... Après des années de solitude froide et aride, il ne ressent que la nécessité de laisser ses mains parcourir, lire, et apprendre un autre corps, et il se découvre attentif aux réactions qu’elles provoquent, plus bouleversé par cela qu’il ne l’a jamais été

Troublé, du besoin inconnu jusqu'à lors, en lui, de la rassurer... de la volonté imprévue de ne lui prendre rien qu’elle ne veuille céder et uniquement cela... et du plaisir insoupçonné qu’il découvre à la guider, à l’attendre, à l’espérer

Submergé, par une émotion étrange et jamais ressentie, de l’entendre gémir... de recevoir ses mains sur sa nuque, doigts perdus dans ses cheveux, le tirant à elle, lèvres avides et regard ancré au sien... de déceler, en elle, de l’impatience

Appliqué, à ne pas céder trop vide, pour mieux remplir ses yeux des émotions qu’il lit sur son visage, pour suivre la vague du désir enfler et monter en elle, pour satisfaire à l’impérieux besoin de la conduire aux limites de ce qu’elle peut endurer

Et la suivre, et accorder leur souffle, et réunir leur fièvre, et ne plus résister à lui-même

Effrayé, par ce qu’il découvre soudain, par la douleur qu’il pouvait lui infliger, et esquisser un mouvement pour s’éloigner, la libérer, se retirer, retenu en elle, par elle, sans un mot, par la pression des mains sur son dos, et il se fait douceur, devient caresse, guettant la moindre crispation d’un corps qu’il ignorait intact, stupéfait par son silence et par ce qu’il trahit, et il s’en veut d’avoir oublié si vite son frère, ses parents, tous les mots captés, et leur vérité

Soucieux, comme jamais avec une autre qu’elle, de répondre à chaque geste, de satisfaire au moindre appel, il la regarde naître au mouvement, l’accompagnant jusqu’au bout, et se refusant à la précéder, sans besoin de l’attendre

Heureux, de leur paix commune, du sourire qui flotte sur sa bouche, du regard lumineux qu’elle pose sur lui, de la main qui vient effleurer sa joue, du doigt qui dessine ses lèvres. Pour un corps, calme, qui se coule près du sien, qui s’endort, qui le rassure quelque part

Pour elle, combien de temps, avant de sentir des mains exigeantes la ramener à la vie, l’arracher au sommeil, et devenir esquif oublié sur la grève, happé par la marée montante, et se retrouver engloutie, bousculée, emportée, envahie. Et prendre plaisir à lutter contre les flots, à opposer sa violence à la leur, et se laisser hisser sur la crête d’une déferlante, et la chevaucher, et plonger dans l’abîme qui s’ouvre en elle, et en jaillir, et encore, et plus haut, et plus fort... Et se laisser porter, et s’accrocher à l’homme sous elle, et rouler ensemble, et dériver sur l’onde, et s’échouer toujours enlacée à lui, et sentir s’enfuir d’eux, apaisante, rafraîchissante une dernière vague. Et demeurer, corps brisé, cœur palpitant, âme ivre... pas effrayée d’un désir brutal mais tremblante d’en être la cause... Et attentive à sa voix, aux mots murmurés à son oreille, à sa main fermement posée sur sa taille, déjà possessive

Pour, aux premiers rayons de soleil, s’éveiller et se retrouver, seule, dans le lit, se laisser glisser jusqu'à occuper la place désertée à son côté et y ranimer un reste de chaleur, et respirer son odeur, se fondre dans l’empreinte creusée par son corps, et l’entendre siffler à côté, et rire aussi, sans doute aux facéties des chiens, heureuse pour une porte entrouverte qui la relie à sa présence dans la pièce voisine, et guetter, sans impatience, son retour près d’elle. Elle entend les jappements de Gus et Flamme, et elle les devine se ruer à l’extérieur, craignant qu’il ne les suive, aussitôt rassurée par un arôme de café, le bruit d’une cuillère contre une tasse, et elle sourit à une poignée qui s’anime, à une porte qui s’ouvre totalement, et elle regarde Brice avancer, l’air réjoui, portant, tel une offrande, un plateau pour elle

Bonjour ! C’est mon plus beau matin

Et ce n’est que le premier... si tu m’accueilles aussi joliment à chacun des suivants, je te promets un petit déjeuner au lit chaque jour

Sous l’intensité du regard posé sur elle, elle réalise le spectacle qu’elle lui offre, à peine couverte, encore grise de la nuit dernière, et elle remonte les draps, et rougit, bien plus à deviner le même trouble en lui

J’en prends note... j’ai une faim de loup ! Combien de toasts

Pas beaucoup... j’étais trop pressé de te rejoindre.

La meilleure excuse qui soit... On partage

Tout

Tout ce que tu voudras

Ce que je veux ! Emmanuelle... pourquoi n’avoir rien dit

Que devais-je te dire

Tu le sais bien.... Pourquoi ne pas m’avoir prévenu

Ce n’était pas nécessaire

J’aurais pu te blesser
Certaines blessures sont douces

Je n’en voudrais aucune pour toi... ni qu’une seule te vienne de moi, jamais. Je te laisse, mais dépêche-toi ! Il vaut mieux que je t’attende ailleurs qu’ici sinon je vais finir par t’effrayer vraiment

Seulement si tu ne désires qu’une partie de moi

Non, je te veux toute, sans rien laisser, sans rien perdre, sans partage, et c’est moi que j’effraie en t’avouant cela. Ne dis plus rien, je vais prendre l’air... Il n’y a rien de mieux pour me remettre les idées en place

 
 

 

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Neuf heures quinze. Quelques minutes encore de solitude pour
un couple merveilleux... ils s’adoraient. Au point que, lorsqu’elle est partie... quand elle a disparu, il a renoncé à tout, même à sa peinture.

Alors c’est pour cela qu’il ne peint plus

C’est dramatique, n’est-ce pas ! Mais, son atelier est rempli de sa présence... il a conservé tous ses portraits. C’est une véritable obsession en lui... Quel dommage... ma petite Eléonore

Qu’elle se taise ! Qu’elle cesse de lui envoyer un bonheur défunt au visage, pour ramener le sien à n’être qu’une passade, ou, à peine, un moment d’égarement

Je ne veux pas en parler, c’est son passé, son histoire... ils lui appartiennent. Je ne veux plus vous écoutez

Je ne voulais surtout pas vous bouleverser... je ne souhaitais que vous faire comprendre mon attitude d’hier. J’avais peur que vous ne preniez sa place, mais Monsieur m’a tout expliqué, et je suis rassurée maintenant

La garce ! un coup encore, et plus fort que les précédents. Trop, bien plus qu’Emmanuelle ne peut en supporter, et c’est elle qui n’aspire qu’à fuir, à quitter la pièce

C’est bien, Thérèse, je suis *******e pour vous. Je... Je dois vous laisser. Si vous avez besoin de moi, je serai dans ma chambre.

Votre chambre ? Oh, oui, la plus belle, celle qui donne sur la vallée ! C’était la

La sienne, n’est-ce pas ? Et l’autre ? Celle que Brice occupe en ce moment

Elle était réservée aux amis de passage, il s’y est installé après

Oui, je comprends pourquoi... A bientôt, Thérèse

Elle ne se sent plus chez elle nulle part. Un séjour qui la rejette, une chambre, où elle est indésirable, pour se révéler brutalement trop pleine de la présence d’une autre

Elle s’est précipitée hors de la maison, avec l’intention de s’en éloigner, de l’oublier, et le désir amer de n’y être jamais venue

Jusqu'à regretter l’amour qu’elle porte en elle

Non, pas le refus du bonheur qu’il lui a donné. Au moins cela, elle peut le garder comme un cadeau, rien que pour elle, à l’abri des autres. Il ne lui a pas menti, rien en lui n’a pu le faire. Elle l’a deviné aussi émerveillé qu’elle devant leurs émotions jumelles

Elle doit se calmer, laisser ses pensées s’ordonner, comme pour un problème quelconque. Analyser la situation avec logique, sans se laisser distraire par les allusions de cette femme. Et si tout était vrai

Elle s’est tenue longtemps, isolée du reste du monde, assise à même le sol, genoux remontés sous le menton, jambes retenues entre ses bras, regard perdu vers la vallée, insensible au froid, indifférente aux chiens qui viennent la voir, tournent autour d’elle et s’en vont, sourde aux pas qui font crisser le tapis de neige, sans réaction sous les doigts qui glissent sur ses cheveux, agrippent sa nuque, et l’obligent à redresser le front

C’est ta troisième cigarette, et j’ai réalisé que tu ne fumes que lorsque tu es contrariée, agacée, ou inquiète.

Tu m’observais

Oui, de la fenêtre, là... Depuis pas mal de temps. Assez pour me rendre compte que quelque chose te préoccupe

Ton atelier ? Tu portes une blouse

Elle le regarde comme si elle le voyait pour la première fois, souriant devant son grand corps recouvert jusqu’aux hanches d’une espèce de tablier gris, maculé de taches de peinture. Sur les mains aussi, elle remarque une odeur

C’est merveilleux ! Tu as vraiment repris tes pinceaux

Le secret le plus mal gardé à ce jour. *******e

Oui, et tu ne peux savoir à quel point. Pour toi

Je suis ravi par ton exubérance

Mais je suis sincère, tu sais, j’en suis très heureuse

Et moi, je suis surpris de voir un bonheur aussi calme alors que je l’attendais éclatant. Bon, voyons ce qui trotte derrière ce joli front, bien trop pour y abriter le moindre tracas

Il s’installe près d’elle, sans se soucier de la neige, ni de l’inconfort de leur position

Tu vas mouiller ton pantalon

Pas plus que le tien. Dis-moi, puis-je savoir où tu comptes te rendre cet après-midi, ou demain... au plus tard ! C’est ce qui t’ennuie

Partir ? Oh ! Oui, dans les Alpes. C’est le travail dont je t’avais parlé... quelques vues pour une brochure touristique... mais pas très longtemps, une semaine tout au plus.

Est-ce que demain ce sera assez tôt pour toi

Oui, bien sûr

Tant mieux, car j’ai du mal à accepter de te voir partir, ainsi j’ai quelques heures devant moi pour me faire à cette idée

Brice, je

Mais il y a autre chose de plus grave, n’est-ce pas

Oui... D’ailleurs j’avais presque oublié. C’est... Eléonore... Peux-tu me parler d’elle

Encore Thérèse ? Je suis désolé de tout cela... j’aurais dû le faire avant, non

Oui, sans doute

Tu es arrivée si vite dans ma vie... De toi aussi j’ignore beaucoup

Il y a si peu à raconter sur mon compte, tu as tout vu en une journée, chez moi. Mon existence n’a rien de compliqué, tu sais

J’ai épousé Eléonore il y a sept ans. Nous étions des amis d’enfance et je ne vivais que par elle... je la courtisais déjà alors que nous n’étions pas même sortis de l’adolescence, et durant des années elle m’a repoussé... Elle a cédé quand je ne l’espérais plus. Pour tout dire, je n’ai pas compris, à ce jour, ce qui l’y a poussée. Elle est morte, il y a un peu plus de quatre ans

Et elle te manque toujours aujourd’hui

Me manquer ? Seigneur ! Si je pouvais revenir en arrière

Tu l’aimais donc tant

Tais-toi ! Je voudrais pouvoir fermer ma mémoire à certains souvenirs. Il te suffit de savoir que c’est terminé... depuis longtemps. Elle appartient au passé, et je veux qu’elle y reste. Toi, tu fais partie de mon présent

Jusqu'à quand, Brice

Eh bien... si je m’en tiens à tes propos, tu n’es pas vraiment fixée sur la durée que tu comptes donner à notre relation

Touchée ! Tu marques un point... Tu m’as crue

A peine une fraction de seconde... Si nous laissions le temps au temps... Tu connais la formule


Presque une phrase magique. C’est d’accord, Brice

 
 

 

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ÞÏíã 02-03-10, 12:32 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 24
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ÇáÊÓÌíá: Aug 2006
ÇáÚÖæíÉ: 9435
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 262
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21






Il ne s’est pas éloigné d’elle, il lui a consacré chaque minute, délaissant ses chiens, la gardant à distance de Thérèse, la préservant ainsi de ce que cette dernière pourrait lui apporter de tristesse en lui décrivant des images du passé. Il est resté près d’elle pendant qu’elle préparait le repas de midi, et il a renoncé à rendre visite au Docteur Bonnel, pour ne pouvoir se résoudre à la quitter un seul instant

Il est conscient de toutes les questions qu’elle voudrait poser, des interrogations qui s’agitent en elle et il n’est pas prêt, pas encore, pas pour lui dévoiler l’aspect sombre de sa vie. Il veut la garder hors d’atteinte de ses douleurs anciennes, et, ainsi, il se protège aussi

La nuit dernière, dans l’atelier, il a pu retourner un tableau, puis un second, et observer, sans souffrance, des traits inanimés, des yeux qu’il a découvert froids, à l’opposé du souvenir qu’il en conservait. Sur les deux toiles, ils offrent exactement la même expression, alors qu’il l’a voulue, il ne peut en être autrement, à chaque fois, différente. Il a eu l’impression de s’immerger dans une réalité qui ne lui a jamais appartenu... à laquelle il est totalement étranger. La vie de quelqu’un d’autre

Sur le chevalet, un visage... inachevé, et si vivant pourtant ! D’autres esquisses également, plus loin. Depuis l’intrusion d’Emmanuelle dans son univers, il n’est plus maître d’une frénésie de couleurs, de regards à capturer, de sourires à retrouver, de gestes à fixer, avec autant, sinon plus, de force qu’autrefois... mais pas suffisamment pour l’éloigner très longtemps d’elle. Pas assez pour seulement l’oublier un instant. Combien de fois a-t-il posé palette et pinceaux pour la rejoindre... à peine quelques minutes... et la regarder dormir, et l’écouter respirer, et effleurer sa peau, et enfouir le front dans sa chevelure... tremblant de l’éveiller et maîtrisant le désir de le faire pour entendre sa voix, cueillir son rire, se perdre dans ses yeux... Et fuir avant que d’y céder

Encore maintenant à la regarder ainsi, à genoux près de Gus, à se torturer pour des caresses qu’il ne reçoit pas, pour des mains qu’il aimerait sentir sur lui

Ils ont le temps, et il peut l’aimer sans crainte... il peut se permettre à nouveau la joie et l’espérance... et même croire en elle, faire taire ses doutes et se livrer... il faudra bien qu’il y parvienne... qu’il s’autorise enfin la paix et la douceur. Elle ne ressemble en rien à Eléonore, elle n’est pas de la même étoffe, elle n’a pas les mêmes attentes devant la vie

Il refuse l’image qui s’impose à lui, il ne veut pas abîmer le souvenir de quelqu’un qui ne peut plus se défendre. Il s’efforce de rejeter l’idée d’avoir aimé un rêve... de s’être trompé, avant... de peur d’en faire autant maintenant. Non, pas elle. Pas cette femme-là, rieuse, ouverte, spontanée, plus vraie, plus réelle que... Il n’ose pas les comparer, pour ne pas s’en consentir le droit

Brice, tu rêves ? Tu ne m’écoutes pas

Pardonne-moi, j’étais ailleurs. Pas loin, très près de toi, en fait

C’est vrai ? Demain, je prendrai le train de dix heures

Combien de jours pour finir ? Combien, avant de revenir

Une semaine, pas plus. Je pourrai t’appeler de là-bas

Si tu ne le fais pas, je t’en voudrai. Dès que tu connaîtras l’heure de ton retour, avertis-moi, j’irai te chercher à la gare

Pas la peine, j’ai une petite, toute petite auto, et je reviendrai avec

Non ! Pas jusqu’ici en voiture ! C’est trop risqué. Tu m’attends en bas, au début du chemin

Brice, je vais conduire dans des endroits aussi enneigés qu’ici, pas moins hasardeux que la route qui mène à ta maison. Tu as si peu confiance en mes talents de conductrice

Ne dis plus rien, sinon je pars avec toi

Si tu veux, mais je n’aurai pas beaucoup de temps à te consacrer

Et ce ne serait pas raisonnable non plus

Il a peur, peur de ne pas la voir revenir, alors qu’elle est encore là, toute proche. Quelques jours... quelques heures seulement... Il se demande si cette séparation est vraiment nécessaire pour mesurer combien elle lui est devenue indispensable. Quand elle lui en a parlé, il s’est dit que ce serait, pour lui, pour eux, l’occasion de faire le point... Comment a-t-il pu seulement supposer ça, alors que le simple fait de la regarder rire, de l’entendre plaisanter avec un autre homme, l’a rendu fou de rage. Comme si cela seul ne suffisait pas ! Un accès de jalousie, qu’il n’avait jamais éprouvé... pas même pour Eléonore ! Ne jamais la partager... avec personne

Flamme est à la porte, renifle, grogne, revient vers eux et aboie, puis retourne prendre sa place de gardien vigilant

Du monde qui nous arrive, Emmanuelle. Je parie que c’est ce brave Doc. Avant de lui ouvrir, il faut que je te dise.. Eléonore était sa fille

Brice ! Pauvre Doc. Alors c’est la raison de ton attitude d’hier... ton besoin de fuir, ton silence... ton attente aussi de sa réaction devant moi

Oui, quelque part, il me fallait son consentement. Et nous l’avons, sans réserve. C’est un grand bonhomme

Je sais, je l’aime beaucoup

Viens, nous allons le rendre plus heureux encore, nous avons un début d’histoire à lui rapporter maintenant

C’est bien le Docteur Bonnel qui se tient sur le seuil, emmitouflé jusqu’au nez, les bras encombrés de sacs débordants de marrons et de boules multicolores, et d’une brioche énorme qu’il dépose entre les mains d’Emmanuelle

Alors, vous abandonnez un vieil homme solitaire ! Que diriez-vous d’un petit goûter d’enfants turbulents

Nous sommes prêts à tout ! Regardez, notre gamine s’en régale déjà, vous n’auriez jamais dû lui confier votre brioche, elle n’en laissera pas une miette

Je l’ai à peine grignotée ! Mais, sois sans inquiétude, il y en aura suffisamment pour Doc et moi

Deux heures de plaisanteries et de bousculades devant les flammes, Brice, se tenant en retrait, comme la veille. Il n’a jamais eu vraiment d’aptitude pour de tels jeux... trop de sérieux en lui, trop de gravité... De toujours... Mais ce qui est nouveau c’est le bien-être, le *******ement, qu’il éprouve à les contempler, elle surtout, quand elle court vers lui, glisser une boule fondante entre ses lèvres, passer les doigts sur son menton pour y recueillir une goutte égarée, et mimer sa gourmandise. Une envie folle de la capturer ! Elle, et elle toujours... une envie qu’elle devine, qu’elle entretient à plaisir... il le lit dans la lueur taquine de ses yeux

Jusqu'à ce que la nuit qui approche leur rappelle qu’il est grand temps pour Doc de rentrer chez lui, et incite Brice à le raccompagner. Pour le soutenir le long d’un chemin trop raide pour des jambes à chaque jour plus faibles et plus hésitantes, mais aussi pour saisir l’occasion de s’entretenir un instant avec lui, de se raconter... de se confier. Et il sait que, seul, le vieil homme peut lui prêter l’oreille attentive qui lui est indispensable pour l’aider à y voir clair au milieu des émotions qui le bouleversent... trop en si peu de temps. Mais aussi être certain de n’éveiller, en lui, aucun ressentiment, qu’il ne lui tiendra pas rigueur d’aspirer à reléguer les souvenirs qu’ils partagent au plus profond de son esprit, de les y enfermer, de les y oublier, et d’oser aimer... enfin. Et il est soulagé de l’entendre déclarer leur être tout acquis, et n’émettre aucune réserve à l’encontre d’un bonheur à venir pour eux, de s’avouer satisfait de le prédire inévitable et heureux de le voir revenir à la vie, même auprès d’une autre que sa fille... Auprès d’Emmanuelle... qui l’attend... et il savoure l’urgence de la retrouver, et il mesure l’impatience qu’il a d’elle, de la prendre contre lui et la garder, et ne plus s’en séparer avant de donner l’éternité aux prochaines heures. Il veut faire provision de sa présence, remplir par avance les jours à venir par des images, des endroits, des mots, des gestes où la retrouver... Et, plus bas, la lumière le guide, l’appelle et il se hâte, et il court presque, pour, à quelques mètres de la maison, ralentir soudain, aussi surpris qu’inquiet d’entendre un rire... son rire... fuser dans l’espace malgré les fenêtres closes, et s’élancer pour ne s’immobiliser qu’à l’entrée du salon, effaré de ne pas l’y trouver seule

Brian ! Te voilà, enfin

A quel jeu joue-t-elle ? Deux fois dans la même journée... un homme... encore un ! Mais, celui-là, il croit le reconnaître. D’où sort-il, à la nuit tombée ? Que vient-il faire ici

Tu te souviens de Marc

Emmanuelle le regarde, avec comme une prière au fond des yeux, et sa voix semble chargée d’angoisse... Bien trop

Oui, il me semble. Ton... ton compagnon de route

Il est venu récupérer son véhicule, et il est passé pour te remercier de t’être si bien occupé de moi, de nous

Il était inutile de se déplacer pour si peu. Ensuite

Brian ! C’est gentil de sa part de s’être hasardé jusqu’ici

Devant leur expression stupéfaite, Brice doit faire appel à toute son énergie pour sourire, tendre la main vers l’homme qu’il a trouvé trop proche d’elle

Excusez-moi, je suis navré, Marc, bienvenu chez moi. J’ai cru à un importun, l’endroit est isolé et, pour avoir laissé Emmanuelle seule, j’ai pensé au pire

Je comprends... Je suis ******* de la revoir en si bonne forme. Cela fait des jours que je la cherche partout... Jusqu'à ses parents qui m’ont dit ignorer où elle s’en était allée. C’est une cachottière et vous aussi. Je voulais vous voir avant de partir, alors imaginez ma surprise de la trouver derrière votre porte. Vous êtes un sacré veinard

Un veinard ? Vraiment ! Il faudra me donner des précisions sur ce que vous entendez par-là

Je... Rien de spécial. Mais, je connais assez Emma pour... pour savoir que

Quoi donc

Pour rien... C’est une façon de parler... je crois que

Hé ! Ça suffit vous deux ! Toi, Marc, va t’asseoir, j’ai deux mots à dire à Brian... et en tête-à-tête

Brice est troublé de ne la deviner furieuse qu’après lui, de ne pas en vouloir à un imbécile, qui les dérange, qui les sépare, qui devrait les rendre à leur solitude

Qu’y a-t-il ? Pourquoi un tel accueil ? Brice, il n’est pas dangereux, il ne sait pas qui tu es

Qui je suis ? Cela m’est égal... Qu’il sache mais qu’il s’en aille

Chut ! Il va nous entendre. Et je ne veux pas qu’une indiscrétion de sa part te crée des problèmes, tu sais que je ne partage en rien son goût pour pister les êtres qui se cachent, alors fais un effort... il ne va pas rester longtemps... fais-le pour nous, pour moi

Pour toi ? Que t’importe que je sois aimable ou pas avec lui

C’est un ami, enfin... pas vraiment... plutôt une relation de travail.

Et uniquement d’ordre professionnel

Brice ! Tu penses vraiment ce que tu insinues

Non, pardonne-moi... Mais tu riais et tu riais avec lui, et... c’est vrai, je suis en rage qu’il soit venu se mettre entre nous alors que j’avais tant de hâte de te retrouver, et

Je suis là, tout contre toi... je ne peux pas l’être davantage

Je vois... Tu tiens vraiment à ce que je fasse un effort

Un tout petit

Pas si petit que ça ! Eh bien, puisqu’il le faut... je te suis... Alors, je suis de nouveau Brian ? Je vais tâcher de m’en souvenir

Poli, mais à peine, amène, mais sans forcer la mesure, l’obligeant, elle, à l’être pour deux, gommant par un sourire ou une pression des doigts, un mot désagréable ou un regard trop froid sous les paupières alourdies par la colère

L’autre, l’intrus, enfin mal à l’aise, se décidant à se lever, à les quitter, mais qui pose, par défi, deux baisers sonores sur les joues d’Emmanuelle éveillant en Brice des idées déplaisantes

Il lui a fallu penser très fort à leur nuit, à son corps préservé, pour faire reculer le doute en lui, pour l’effacer, à jamais... Se garder si longtemps, pour offrir autant, à lui, et à lui seulement, un don total, absolu... et se distraire maintenant avec celui-là ? Non, pas elle

S’accrocher à cette image, et dissiper toute pulsion de violence en lui, éteindre l’envie de la blesser, et refuser de la punir pour les sourires et les regards accordés à un autre que lui, et pour sa main sur une autre que la sienne

Pour accepter de la partager, en partie, avec d’autres

C’est avec sincérité qu’il souhaite bonne route à Marc, qu’il lui assure avoir du plaisir à le revoir prochainement, au point de ne plus comprendre devant l’expression effarée sur son visage, de s’étonner devant le fou rire, mal retenu, d’Emmanuelle, mais s’il ne se formalise pas à la regarder se pencher vers leur visiteur pour lui murmurer quelques mots à l’oreille, il fronce les sourcils devant l’air entendu qu’il lit dans leurs regards, un peu moqueur chez lui, presque attendri chez elle

Encore pendant que l’autre s’éloigne

Bien la peine d’être gentil sur le pas de la porte ! Tu l’as fait fuir

Tant mieux ! J’ai vraiment été désagréable ? Tu es sûre

Pire que cela ! Brice, dis-moi, es-tu... jaloux

Plus maintenant. Terminé

C’est vrai

Oui, promis... plus jamais

Ah ! Ce sera bien plus reposant, pour toi, pour moi, pour tout le monde. Tu es sûr ? Plus du tout

Je ne sais pas... en tous cas, plus pour le moment. J’ai eu peur, puis j’ai pensé à toi, à nous, et j’ai senti que je devais avoir confiance en ce que tu es

Dommage ! Je me suis bien amusée

Ravi de voir que je suis parvenu à te distraire à ce point. Mais, lui, ton soupirant, il n’en menait pas large

Je reconnais bien l’attitude d’un homme là-dedans. Allez, viens, je vais te faire voir ce qu’il va t’en coûter de me soupçonner du pire

Et moi, de me faire subir une telle torture. Je meurs d’envie de t’avoir toute à moi, et pas de te partager avec n’importe qui. Nous sommes quittes

Tu crois

Réflexion faite, pas complètement, j’ai encore des reproches à te faire, je suis même certain, que toute une nuit n’y suffira pas.

J’en tremble d’avance. Alors, qu’attends-tu

Je le savais, tu n’es qu’une diablesse... pour m’avoir envoûté à ce point, pour me réduire à merci, pour m’être devenue indispensable. Je ne pourrai pas te laisser partir, demain. Tu le sais

Je m’enfuirai

Et si je te poursuivais

Essaie déjà de me rattraper maintenant

 
 

 

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ÞÏíã 02-03-10, 12:44 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 25
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Elle va haïr la petite gare de Chapeauroux, définitivement, parce que le train n’est pas en retard, parce qu’elle n’en peut plus de se retenir de faire demi-tour, de ne pas s’accrocher à Brice, raide à son côté, aussi malheureux qu’elle, ne trouvant aucune consolation en cela, sinon une douleur supplémentaire de lui en apporter

Ils n’ont pas dormi, pas une seconde, ne voulant en perdre aucune, et ils ont parlé, beaucoup, et longuement... Brice, surtout

Libéré par l’attitude de Doc, exempte de toute condamnation, abrité dans l’obscurité qui les entourait et qui les dissimulait l’un à l’autre, il s’est livré en vrac, mot après mot, phrase après phrase, un souvenir en appelant un autre, sans ordre, tous ceux qu’il cachait en lui

Son enfance partagée entre Paris et Florensac

Paris, où il est né, où il a grandi, bridé par une discipline stricte imposée par des parents sévères et exigeants, trop pour un garçon aussi turbulent et curieux que lui

Florensac, et la maison du Docteur Bonnel, un ami de la famille

A l’opposé de ce qu’il a connu chez lui

La liberté de courir sans crainte de rentrer crotté et de se faire gronder, celle de passer des heures, et des nuits parfois, caché dans les arbres, à rêver, à peindre déjà dans sa tête une vallée offerte sans limite à ses yeux émerveillés, des vacances partagées avec une autre enfant de son âge, la fille du vieux Doc... Eléonore

Seul à l’élever, la gâtant à outrance, sans doute pour compenser l’absence d’une mère jamais connue... cédant à tous ses caprices, sans volonté devant une moue boudeuse ou une larme simulée

Et lui, garçonnet plaidant pour elle, lui accordant tout avant même que d’être exigé.... longtemps, des années durant, chaque séjour identique au précédent pour apporter la même ivresse, les mêmes plaisirs

Et puis, un jour... sur le quai de la gare de Chapeauroux, à la descente du train, la surprise de se trouver face à une presque étrangère. Quelques mois... seulement quelques mois pour qu’une image de gamine s’estompe et cède la place à celle d’une jeune fille belle et troublante. Il se souvient l’avoir dévisagée comme une inconnue, se détournant d’elle pour chercher des yeux une enfant, ailleurs, plus loin, derrière elle, autour d’eux... Il entend encore son rire

Depuis ce temps-là, il n’a vécu que pour elle, il n’a vu qu’elle, il n’a pensé qu’à elle pour partager un avenir qu’il voulait unique, incomparable. Il était prêt à tout concéder pour lui offrir le monde

Elle souriait quand il lui disait n’exister que par elle, ne jamais vouloir la quitter, elle riait quand il lui disait l’aimer. Parfois elle disparaissait quelques jours, sans prévenir personne... pas même son père

De brèves escapades dont elle leur revenait le regard un peu perdu, un peu blessé, et elle s’accrochait à lui, et elle lui demandait de la distraire, de l’empêcher de partir à nouveau... et il s’y employait de son mieux, heureux de s’imaginer y réussir tout à fait

Au point de la croire entièrement conquise... Au point d’avouer la vouloir sienne... Au point de lui offrir d’unir leurs lendemains

Elle a refusé... une fois, et une autre... et à chacune qu’il osait lui proposer de partager ses rêves

Et puis la vie, peu à peu, les a séparés et les a entraînés sur des chemins différents

Il ne s’y est pas nettement opposé

Peut-être par lassitude devant trop de résistance... ou pour avoir cessé de poursuivre un rêve d’enfance... ou encore et surtout pour avoir cédé à l’appel d’une autre passion... plus forte, bien plus exigeante

Il s’est laissé distraire jusqu'à l’oubli... Jusqu'à presque oublier

Il y a eu le long apprentissage de la peinture, des années de recherches, de tâtonnement et de doutes avant de trouver sa voie, de parvenir à exprimer ce qu’il portait en lui au mieux, comme il rêvait de le faire

Un jour, alors qu’il ne s’y attendait pas, sans l’avoir souhaité, à cause d’une exposition qui a su séduire et de quelques toiles vendues, le succès s’est annoncé... Un succès auquel il ne s’était jamais véritablement préparé, pour ne l’avoir nullement espéré, ni même recherché, satisfait du plaisir qu’il trouvait, pour lui seul, à transformer, avec ses couleurs, ses spatules et ses pinceaux, des toiles vierges en objets animés et vivants

C’est sans doute pour cela qu’elles sont si belles

Tu crois

Pour moi, c’est une évidence

C’est la conclusion de ton analyse

Analyser ? Je ne sais pas le faire... il me suffit de ressentir, c’est comme ça, je ne cherche pas à comprendre... et j’aime ce que tu fais

Parce que tu dis m’aimer, moi
Je ne te connaissais pas... c’était avant... avant nous

C’est vrai... il y a eu un avant

Il a appris, très vite, à se tenir à distance de certains individus, à ne jamais se laisser entraîner, et moins encore enfermer, dans une situation contraignante

Et il a acheté la maison... Il l’a fait sans le vouloir vraiment, presque inconsciemment, peut-être à cause de la vallée, qui, sans être des plus belles ni des plus recherchées, lui donne la sensation de s’y sentir chez lui, ou assez isolée pour lui offrir un vrai refuge

Et pour te rapprocher d’Eléonore

Je n’en sais rien... Non, je ne crois pas. Pas à ce moment-là

D’ailleurs, pendant des mois ils n’ont fait que se croiser, dans les rues de Grandrieu, ou de Florensac, et dans les bois, surtout. Puis un jour, elle s’est arrêtée, un autre encore, s’attardant près de lui, s’installant dans sa vie, reprenant peu à peu la direction de ses pensées, et l’arrachant à une liaison, - plus que cela en fait -, qu’il entretenait à l’époque

Tu te souviens de son prénom

Serais-tu jalouse, toi aussi, d’une image du passé ?
Penses-tu ! Mais... moi... m’aurais-tu oubliée, comme cette femme ? -Vois-tu, il me semble qu’Eléonore n’aurait rien pu contre toi

Brice, je t’aime

Laisse-moi aller au bout, tu m’enlèves tout courage

Il ne saurait dire comment ils en sont arrivés au mariage. Finalement c’est Eléonore qui a décidé... de la date, de l’endroit, et du reste aussi. Beaucoup de faste pour une cérémonie qu’il aurait préférée intime, un caprice auquel il a volontiers cédé, comme autrefois à chacun de ses désirs. A l’exception d’un seul... Elle ne voulait pas de son père, trop fruste à son avis pour paraître au milieu de tant de luxe

Le premier désaccord, violent, qui les ait opposés. Il est allé jusqu'à la menacer de tout annuler, de renoncer à une union qui, pour lui, prenait des allures de caricature burlesque, effrayé par ce qu’il découvrait en elle. Aussitôt rassuré de l’entendre affirmer qu’il avait mal compris, qu’elle ne souhaitait que ménager un homme âgé et fatigué en lui évitant un rituel épuisant... et ajouter qu’elle avait de la peine, qu’il l’avait blessée, et il se revoit, lui, comme un idiot, à la consoler

Mais avec la satisfaction d’avoir obtenu gain de cause. Il n’oubliera jamais le rayonnement sur le visage du vieux Doc conduisant sa fille vers l’autel

Et ensuite... des querelles... une épuisante succession de querelles, parfois innocentes, souvent cruelles, et d’autres déchirures dont il a gardé des cicatrices plus profondes que celle qu’il exhibe aux yeux de tous

Dès le début tout a foiré... Dès leur retour de Paris... Un réveil brutal et inattendu dans une réalité démente après quelques semaines d’euphorie. Il ne sait plus comment cela a commencé... presque rien, des détails anodins... Le lendemain même de leur arrivée... elle lui reprochait les heures qu’il « perdait » à gribouiller, l’abandonnant à l’ennui, à la solitude, mais refusant de demeurer près de lui pendant qu’il travaillait... la proximité de son père et ses incursions journalières dans sa vie... et la maison... elle disait la trouver trop grande, trop froide et impossible à entretenir. Il a perdu des heures, des journées entières à tenter de recruter celle qui aurait su satisfaire à toutes les attentes d’un caractère inconstant, jusqu'à ce qu’elle exige la présence de Thérèse, alléguant ne pouvoir se passer de celle qui avait su veiller sur elle depuis sa plus tendre enfance

Et Thérèse est arrivée chez lui, s’y installant à demeure, se partageant, dans un premier temps, entre le vieux Doc et sa fille, puis délaissant le vieil homme davantage chaque jour, pour, finalement, se consacrer exclusivement à « sa toute petite », à « sa jolie poupée »... Il ne supportait pas l’entendre employer ces termes à propos d’Eléonor

Et pas que cela

Il la souhaitait totalement sienne, et elle ne lui a appartenu qu’épisodiquement, se donnant à lui avec parcimonie, mais, pire encore, comme si elle lui accordait une faveur... ou une récompense, lui refusant sa chambre à la moindre bouderie

Sa chambre

Celle que tu connais, nous avions chacun la nôtre... j’occupais la pièce voisine. J’ai préféré la céder à Thérèse et je me suis installé dans celle-ci

Ici ? J’ai été stupide de croire que

Quoi donc

Thérèse a prétendu que tu t’y étais réfugié uniquement pour fuir tes souvenirs dans l’autre

Cette femme est folle ! Doc a raison, je devrais m’en séparer, ne serait ce que pour te protéger de ce qu’elle pourrait inventer pour te blesser

Je n’ai pas peur d’elle, et puis je ne crois qu’en toi... quoi qu’elle m’ait raconté

Qu’y a-t-il de plus

Rien d’important... car elle ne sait pas, elle ne peut pas savoir que, toi et moi... que
Que... ? Continue...

Que tu as été heureux... l’as été, n’est-ce pas

Autant qu’en ce moment... autant qu’à chaque instant avec toi... Et pas seulement à cause d’hier, de ce qui s’est passé la nuit dernière... Pour moi, ce n’est pas l’essentiel... Que t’a-t-elle dit

Que je ne pourrai jamais prendre la place d’Eléonore

Toi ! C’est absurde ! Mais... finalement, elle ne s’est pas trompée

Brice

Je ne voudrais jamais te la voir remplacer, tu es tellement différente d’elle. Supposer que tu puisses lui ressembler, un jour, m’effraie davantage que de penser à ton départ, demain... dans quelques heures. Ecoute encore, j’ai bientôt fini, tout est presque dit

Rien n’est important, sinon ce que tu ressens pour moi et seulement cela

Je vais te le dire... je ne te demande qu’un peu de patience

Trois années, houleuses, tout au long desquelles il s’est débattu entre un amour aux racines ancrées dans ses rêves d’adolescence et une réalité empoisonnée par des affrontements répétés, ne trouvant de répit qu’à l’occasion de ses absences

Elle disparaissait, parfois seulement deux ou trois jours, quelquefois davantage... Sans explication, sans rien dire qui puisse justifier ou éclairer le pourquoi d’une telle attitude, et très vite, il a préféré fermer les yeux là-dessus. Des cris n’y auraient rien changé, et puis elle était libre, libre d’aller et venir, à son gré... Il faut dire qu’elle ne partait jamais seule, Thérèse l’accompagnait partout, à chaque fois. Il savait qu’elle ne risquait rien, et du moment que ces moments d’évasion lui étaient nécessaires pour être heureuse... Et lui-même

Je reconnais volontiers que j’appréciais ces intermèdes de paix et de solitude

Et puis... il y a eu une éclipse plus longue... six longues semaines, sans la moindre nouvelle, mais sans que cela éveille, en lui, une inquiétude particulière, sinon un étrange sentiment de soulagement... et de liberté également. Au point d’en être honteux, jusqu'à éprouver le besoin de se confier au Docteur Bonnel, de s’en défendre auprès de lui

Il a confessé ses doutes au vieux Doc, exhibant, devant lui, sa déception, son amertume et sa colère

Il a été surpris de trouver en ce dernier un soutien inattendu, d’en recevoir le conseil de mettre un terme à une situation aberrante, de se résoudre, une fois pour toutes, à trancher des liens inutiles, mais bien davantage de l’entendre préciser que, s’il en avait eu le pouvoir, il se serait opposé à ce mariage, pour trop connaître sa fille, pour la savoir futile et inconséquente, versatile et égocentrique

Il a écouté un père raconter sa fille et rapporter leurs entrevues, orageuses... douloureuses également... à cause d’un aveu... d’autant plus cruel pour le vieil homme qu’il lui interdisait désormais de refuser l’évidence d’une vérité soupçonnée depuis toujours... Sa fille... confessant n’avoir accepté de s’unir à Brice qu’en raison d’une célébrité naissante et d’un avenir prometteur... pour avoir cru trouver en lui celui qui pouvait lui faire enfin accessibles les lumières et les fastes d’une vie trépidante au cœur de la capitale... et sa déception de n’avoir pour horizon que les contours d’un trou perdu

Lorsque Eléonore lui est revenue, comme à chaque fois, sans explication, comme après une banale incursion dans les boutiques de Langogne ou de Mende, il a commencé à la regarder autrement, avec moins d’indulgence, presque avec méfiance... mais il s’est laissé enjôler, par des sourires, des caresses... et un abandon imprévisible et inespéré... et il s’est évertué à lui trouver des excuses, à justifier sa déception, à mieux comprendre son comportement... allant jusqu'à envisager transporter leurs existences à Paris... Quelques semaines... pas même le temps de donner une consistance à une illusion... Un matin... un pareil à d’autres, il s’est réveillé dans une maison vide. Un départ... encore un... un de trop, et il a décidé que celui-ci serait définitif

Mais deux jours plus tard, alors qu’il rentrait d’une balade, il l’a trouvée, l’attendant, nerveuse et pressée, faisant les cent pas dans le salon. Avant qu’il ait pu ouvrir la bouche, elle lui a annoncé, froidement, avec indifférence, être enceinte, et ne pas vouloir du bébé... qu’elle arrivait de chez son père et que ce dernier s’était catégoriquement refusé à l’aider à interrompre une grossesse inopportune. Il a cru sombrer dans la démence lorsqu’elle l’a purement et simplement mis en demeure de s’en charger, de prendre toutes les dispositions nécessaires et de la tenir informée du lieu, du jour et de l’heure de l’intervention

En lui, une brutale envie de la détruire, elle... Il se souvient encore de la pression de ses mains autour de son cou. Il n’a reculé qu’en pensant à l’enfant... à son enfant, réalisant que, brisant sa vie, il en brisait une autre, soudain plus importante, plus chère pour lui. Il l’a laissée fuir, il l’a regardée dévaler la pente hurlant de terreur... il est resté, hébété, quelques secondes... pas longtemps... et puis... et puis

Brice

C’était... c’est un cauchemar qui me poursuit encore

Il a pensé au Doc... au choc qu’elle avait dû infliger à un vieux cœur malade et il a couru... vers elle, pour la rattraper, pour tenter de l’empêcher de détruire une vie... et il a entendu un claquement... le bruit d’une portière fermée avec violence... Il a coupé à travers bois... Elle lançait à peine le moteur de sa voiture quand il a déboulé sur la route

Il voit encore le véhicule s’élancer dans sa direction, dans un rugissement de fauve enragé, l’obligeant à un écart pour lui échapper... et il ne pourra jamais oublier le regard d’Eléonore, ni son visage déformé par la colère ou la peur

Elle a fini sa course dans le ravin, pas loin de l’endroit où Marc et Emmanuelle ont eu leur accident, mais elle n’a pas eu leur chance... Le feu a pris... et... tout s’est passé très vite... trop vite... Il n’a rien pu faire pour l’extraire des tôles tordues... il a haï ses mains pour ne pas posséder davantage de forces, il s’est haï, lui, de n’être qu’impuissance... et il y a eu une explosion... il ne se souvient de rien d’autre, il n’a plus rien senti, il n’a plus rien vu... Il s’est réveillé à l’hôpital, les mains lacérées, et une joue marquée à jamais

Tu n’es coupable de rien
Rien ! Si je ne m’étais pas précipité sur la route, presque devant les pneus de la voiture... Eléonore serait vivante

Ne dis pas cela

A cause d’une rage folle, j’ai souhaité sa mort, et elle l’a lu dans mes yeux... elle est partie avec cette image... en emportant la certitude de ma haine. Pas coupable ! Alors que sans moi... je suis responsable de sa mort, et de celle de mon enfant... A cause de moi

Brice, tu te trompes, j’en suis certaine. Elle ne pouvait ignorer que tu ne ferais rien contre elle, uniquement dans le but de préserver la vie qu’elle abritait. Je pense que... elle devait être effrayée... effrayée par ce qu’elle envisageait de faire, à... à votre enfant, mais aussi... à toi

Me faire ? A moi ? Qu’aurait-elle pu me faire encore ? Elle m’avait déjà tout pris... elle avait déjà détruit tellement en moi

Je... viens, viens... Si je pouvais te décharger de ta peine, l’effacer, et te ramener à hier... Rien ne peut être changé... nous ne pouvons rien refaire et... je ne sais comment t’aider

- M’aider ? Je ne veux pas que tu m’aides... je ne veux pas que tu supportes cela et nous n’en parlerons plus jamais. Demain, les jours qui viennent, je ne les veux qu’à nous. Tu peux répéter ? Tes mots, il y a un instant, les seuls que je veuille entendre désormais... Maintenant... et demain... tous les demain que tu voudras partager avec moi

Brice

Elle les lui a chuchotés, façonnés, hurlés. Allant le chercher, l’appelant, lui rendant tout, lui confiant sa vie, ses rêves

Elle l’a fait rire avec ses souvenirs à elle, ses querelles d’enfant et ses blagues à Pile et Face, ses sœurs jumelles. Elle lui a décrit toute l’adoration qu’elle a pour Patrick, son frère aîné, de tous, le plus chaleureux, le plus doux, le plus solide

Elle l’a amusé en lui racontant ses aventures, pas sentimentales pour deux sous, Comme lorsque, pour avoir voulu jouer au globe-trotter, elle est rentrée au bercail, sans un centime en poche, avec une douzaine de vagabonds en guise de gardes du corps... Des coureurs de route, tous, juchés sur de puissantes motos, semant la terreur dans leur quartier si tranquille

Et ils ne t’ont pas... importunée ? Aucune approche plus

Dis donc ! Ils ont vite vu à qui ils avaient affaire

Oh ! Je n’en doute pas... Ensuite

Ensuite... Que voulais-tu dire par approche ? Quelque chose comme ça

Non... plutôt comme ça

Ne cédant aucun instant à la nuit, se refusant au sommeil, guettant, redoutant, les premières lueurs de l’aube

Indifférents à ce qui n’est pas eux

Attendant le tout dernier instant pour se lever, se préparer, à la hâte, passant devant Thérèse, l’ignorant totalement

Pour Brice, déjà disparue de son univers, et invisible pour Emmanuelle

Et, enfin, se retrouver sur un quai et regarder un train avancer et leur voler d’autres moments

Sans oser même effleurer le bras de Brice de crainte de ne plus pouvoir s’en séparer, elle est montée dans le wagon, regard brouillé, fixé droit devant elle, sur des marches, une porte ouverte, le sol grisâtre d’un couloir, jusqu'à se laisser tomber sur le premier siège libre rencontré

Et c’est là qu’elle s’est souvenue... Il ne les a pas dits... Elle est debout, prête à courir, à se précipiter... prise de court par le départ, et elle s’accroche à une fenêtre ouverte... Il ne lui a rien dit

Le train s’ébroue, vibre et avance vers une ombre immobile... vers une ombre qui s’anime... qui épouse l’allure lente de la locomotive poussive... mécanique rodée qui ajuste son souffle et excite ses bras métalliques... les active à pousser plus vite sur des rails d’acier ses roues obéissantes... jusqu'à rattraper une silhouette... jusqu'à amener Emmanuelle à hauteur d’une main tendue... d’un visage tourné vers elle... Et elle sourit à deviner un message... à le dessiner sur des lèvres... et se préciser... et elle rit quand Brice court... un peu... pour qu’elle puisse les entendre... à peine... juste assez pour ne pas se tromper... trois mots

A Clermont, elle a retrouvé ses parents, ne leur livrant que l’essentiel, et elle se prépare déjà à repartir et mettre un terme, dans les plus brefs délais, à un maudit engagement. Et elle téléphone à son frère, à Patrick, elle le prie de se libérer, de la rejoindre dans leur café habituel. Elle ne prendra la route qu’après l’avoir rencontré, qu’après lui avoir raconté son bonheur tout neuf

Elle est sur le point de raccrocher quand elle l’entend crier son nom, et elle reprend le combiné, riant d’une dernière plaisanterie

Emma ! Tu es toujours là ? J’ai oublié de te dire... nous avons ouvert tous tes cadeaux... même celui de Brice. Ceux de Brice, il y en avait deux. Monte vite dans ta chambre, je peux te garantir, qu’à savoir comment il te voit, il est fou de toi. Allô. Emmanuelle ? Raccroche, bon sang

Il est là, soigneusement encadré et protégé, et elle se regarde

Son portrait ! Une esquisse au fusain, une simple ébauche, mais parfaite d’être inachevée, ou pour n’exprimer que ce qui est invisible, et dans le coin, juste au-dessus de la signature

« Si je ne t’aimais déjà, il s’en faudrait d’un rien » B.D.O

Sur la coiffeuse, des paquets, défaits, et à part, isolé, un petit coffret. Elle ne se souvient pas, ayant à peine fait attention à ce qu’il lui a remis ce jour-là. Elle revoit l’étui long et rond, pareil aux tubes de carton où elle range ses posters, et qui devait renfermer le dessin suspendu au mur... mais rien d’autre

Elle hésite à l’ouvrir, se décide enfin, et rit... Elle rit à en pleurer devant deux chiens en céramique, copies fidèles de Gus et Flamme. Sur les parois du coffre de bois, Brice a peint l’intérieur de la maison, elle retrouve la cheminée, le canapé, la table, les boiseries qui courent sur les murs

Sous les statuettes inanimées de Gus et Flamme, elle découvre deux étiquettes. « Nous » « t’attendons ». Même à ce moment-là, même avant de se décider à l’enlever, de la ramener avec lui, il avait trouvé le moyen de tout lui dire

Il le savait... bien avant elle, bien avant qu’elle-même en soit consciente

Près de son lit, le téléphone attend, et elle est pressée d’entendre sa voix, de lui dire... Et elle maudit un appareil qui ne fonctionne pas, et celui qui a dû mal le raccrocher... et elle rit encore d’être la responsable, et elle court, se hâte, redescend, rassurée de ne trouver personne au bout de la ligne... de ne pas devoir attendre et elle rit, toujours, à imaginer son frère s’égosiller dans le vide... Et elle tremble en composant un numéro... Bien plus de la percevoir tendre et tellement proche... tout contre elle... La voix de Brice

Emmanuelle, c’est enfin toi

J’ai tout trouvé

Ah ! C’est bien... Tout

Je n’avais rien ouvert... et... toi... toi, tu le savais déjà

Avant toi... Avant ton départ... J’en ai refusé longtemps la certitude... jusqu'à la dernière nuit, pendant que tu dormais dans la chambre voisine de l’atelier, au moment de te laisser sortir de ma vie.

Brice

En fait... je l’ai su dès que ta main s’est posée sur moi... Au Puy. J’ai regretté d’être parti, de ne pas t’avoir suivie, ou... entraînée après moi. Je n’avais qu’une idée, te rechercher, partout, et te retrouver. Tu n’as pas cessé de hanter mon esprit... Je parlais encore de toi, à Doc et à Hervé, quand Flamme nous a alertés. J’ai été heureux comme jamais quand je t’ai reconnue, furieux aussi, ensuite, quand j’ai cru que tu me traquais comme les autres... mais surtout... tellement malheureux... Tu aurais pu suivre Marc dès le premier jour et... je t’ai gardée près de moi

Pourquoi

Par colère... pour te punir de trop de déception

Seulement pour cela

En partie

Et... tu n’as rien dit

J’ignorais si toi aussi... Emmanuelle, c’est venu comme ça, tu sais. Une idée idiote. Une bouteille à la mer, à ton intention, et te laisser le choix. Un message et la liberté d’y répondre ou pas. Tu reviens bientôt

Le plus vite possible. Tu vas voir, à peine le temps de te manquer

C’est trop tard pour cela, tu me manques déjà. Fais attention à toi, promis

Tout ce que tu veux. Je t’aime, tu sais

C’est ce qui me rassure. Va vite, Chérie... je t’attends

 
 

 

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