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ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


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6





- On arrête ! Suzanne, tu n’y es pas !

Xavier se redressa brusquement entre deux rangées de fauteuils alors qu’un murmure consterné s’élevait autour de lui. Cheveux en bataille et doigts crispés sur l’étoffe pourpre, tendu vers le plateau à demi éclairé, il inspira et expira profondément et longuement, dans le vain espoir de recouvrer son calme, alors qu’une jeune femme s’avançait jusqu’au bord de la fosse.

- Je ne comprends pas où tu veux en venir, Xavier. Voilà deux heures que…

- Et nous y passerons la nuit s’il le faut !

Autour de lui, le bourdonnement s’intensifia, et il secoua la tête comme pour s’en extraire. Prenant assise sur le haut des dossiers devant lui, il bascula le torse tout en passant lestement ses jambes au-dessus des sièges, et d’un coup de reins se propulsa dans la travée voisine, avançant ainsi d’un rang.

- N’oublie pas que tu te bats contre un homme...

- Je le sais !

- … à qui tu ne veux pas céder, en rien… tu refuses toute soumission à…

- Nous en avons déjà parlé…

- Pas suffisamment, de toute évidence ! Tu ne traduis en cet instant que le rejet de cet homme… Tu oublies que cet homme, tu l’aimes… oui… Tu l’aimes et tu repousses cet amour…

Il ferma les yeux sur une image d’hier, sur un visage, des mains, un corps, une voix traduisant cette scène exactement comme il la ressentait, comme il la rêvait exprimée.

- …écoute-moi… cet amour, tu l’espères et tu le redoutes…c’est en cela que ta bataille est double… tu te bats aussi contre toi-même … C’est cela que tu dois ressentir et cela que tu dois… Un peu de retenue, s’il vous plaît, hurla-t-il subitement en jetant autour de lui un regard furieux. Que cela vous convienne ou pas, je vous rappelle que vous vous trouvez ici pour travailler !

Un silence pesant s’instaura aussitôt, alors que lui-même surpris et choqué par la virulence de sa protestation, s’en trouva démonté.

- Xavier, murmura Suzanne…

- Non ! ça suffit ! Un quart d’heure de pause. Si on me cherche, je serai dans mon bureau.

Il amorça un demi-tour et se heurta à une sautillante brunette au nez retroussé.

- Ah, Monique ! C’est maintenant que tu arrives ? Encore un peu et nous finissions sans toi ! Tiens… tu vois tout ça ?

La prenant par le coude, il l’orienta vers un tas de livres posés à même le sol.

- Il faudrait les ramener à la bibliothèque. Merci de t’en charger.

Et il les abandonna, eux, abasourdis, et lui irrité contre tous, contre lui-même. Ils ne progressaient et il en était seul responsable.

À peine eut-il disparu dans les coulisses que Suzanne se laissa tomber dans le premier fauteuil venu.

- Ouf ! Monique, je n’en peux plus, c’est un vrai tyran !

- Il n’est pas dans son état normal. As-tu vu comment il s’est comporté avec moi ! C’est bien la première fois qu’il me parle sur ce ton !

- Il doit avoir des problèmes.

La jeune femme secoua la tête. Des problèmes ? Xavier ? Pas plus que d’habitude. Du moins sur le plan professionnel ! Elle en serait la première informée.

Ou bien d’ordre sentimental ? Pas lui ! Qui savait mieux que quiconque résister aux chants des sirènes... une véritable anguille, habile à se glisser au travers des mailles du filet le mieux tendu.

Mais d’où pouvait lui venir cette humeur exécrable qu’ils subissaient depuis leur retour des Baux ?

Écoutant distraitement les plaintes de Suzanne, elle tentait de définir à quel moment précis l’humeur de Xavier avait changé. Et c’était bien depuis ce dimanche-là…

Au matin duquel il avait filé à l’anglaise. Pour ne reparaître qu’en fin d’après-midi, déjà avec cette mine et s’excusant de les avoir négligés. Navré, il l’était, sans aucun doute ! Mais, et de cela Monique en était convaincue, surtout d’avoir été obligé de les retrouver du fait que son véhicule était leur seul moyen de regagner Aix. S’ils avaient pu se débrouiller autrement, il les aurait abandonnés sur cet escarpement sans le moindre remords.

- Il est infect avec nous, à croire que rien ne peut le satisfaire. Il ne profère jamais un encouragement, ni même un mot gentil.

Monique acquiesça d’un hochement de tête.

C’était justement cela qui inquiétait la jeune assistante. Bien que extrêmement exigeant, avec lui aussi bien qu’avec tous, Xavier restait humain, très respectueux envers les autres, à leur écoute, toujours prêt pour les aider.

Pour preuve, cette tâche qu’il lui avait confiée dès le lundi, avant même de la saluer : chercher parmi les coordonnées des candidates de la dernière audition celles d’une certaine France Belmont et les lui remettre. Ensuite taper plusieurs exemplaires d’une lettre de recommandation qu’il avait pris la peine de rédiger lui-même, et les transmettre de toute urgence à certaines de ses relations professionnelles… et pas les moins importantes. Tout cela déjà avec cette irritation contenue !

Et si cette humeur dont ils pâtissaient depuis cette escapade était due à cette inconnue ? Pas évident… si son intérêt pour elle était assez important pour le réduire à un pareil état, il avait encore la possibilité d’ajouter son nom dans la distribution. Non, elle ne devait voir dans cette démarche qu’un de ces coups de pouce à une connaissance dont il était coutumier. Il y avait autre chose !

La jeune femme sursauta à la voix de Suzanne tout contre son oreille.

- Oups ! le voilà qui revient et pas plus gai qu’avant ! Vaut mieux que j’y retourne, je crois.

- Et moi, je file rendre ces bouquins, ce qui ne m’enchante pas plus que cela mais me mettra un temps à l’abri. Bon courage !

Se souhaitant invisible au regard glacial qui glissait de l’un à l’autre, elle rassembla le plus discrètement possible les volumes éparpillés à ses pieds, et fronça du nez à la voix dure et autoritaire.

- Tout le monde en place ! Nous avons un calendrier à respecter et… et… je suis sincèrement navré de ce que je vous fais endurer à tous. Sachez que j’en suis conscient et le premier à le regretter. On y va.

Ce fut le plus silencieusement du monde que Monique s’esquiva par la porte donnant sur les coulisses. Elle n’en revenait pas : L’ogre Brussac qui, presque, leur demandait pardon ! Tout n’était pas perdu au royaume de l’impossible !

Dans un élan de soudaine gaîté, elle accéléra l’allure tout en calant au mieux la pile de livres sous un bras et soupira d’agacement au feuillet qui s’échappa des pages de l’un d’eux et voleta gracieusement jusqu’au sol.

Maugréant entre ses dents, elle se hâta de le ramasser et alla le déposer sur le proche bureau de leur tortionnaire.

Encore des annotations ! N’en avait-il pas suffisamment ! Ses tiroirs en débordaient et c’était toujours elle qui devait les classer. Pourquoi ne les apprenait-il pas par cœur ? Elles prendraient moins de place et pour elle un travail de moins.

« Le jour où il m’annoncera qu’il a engagé quelqu’un pour m’aider, je ferai un pèlerinage à la Vierge de la Garde. À pied ! » se promit-elle, et, pour s’entraîner sans doute, se mit en route pour la bibliothèque.

Où Francie se partageait au mieux entre toutes les tâches qu’elle devait remplir. L’accueil des abonnés, la recherche d’ouvrages, les conseils aux hésitants… et cela sous le regard inquiet de Joan.

Auprès de Fran, elles étaient trois à se démener pour partager un même amour des livres.

Dans ces lieux où ne devrait régner que le silence et le recueillement, il y avait, autrefois, dans l’air, un peu d’espièglerie… un rien… sinon l’écho d’un rire qui montait du sous-sol, à peine étouffé par les murs épais.

Au son duquel toutes trois échangeaient des regards complices, averties ainsi qu’elles auraient bientôt un bon roman à savourer. Nul mieux que Francie pour repérer la perle rare, l’ami d’un moment... celui qui saurait les faire rire… et pleurer aussi.

Mais cette Francie-là avait disparu, était devenue une autre qui s’absorbait dans une routine la plus monotone possible, ne se laissait plus distraire, n’arrivait plus en retard.

Le sourire bien que toujours présent était moins éclatant. Les yeux, au regard toujours direct, étaient moins lumineux. Les gestes étaient plus lents, aussi, comme englués de lassitude. Ceux d’une Francie qui ne parlait plus de contes ni de légendes, et qui, pire que tout, semblait ne plus savoir rêver !

Plus de château, de roi, de donjon… plus d’oubliettes… plus rien qu’une bibliothèque.

Sur le seuil de laquelle Monique hésita quelques secondes, le temps de laisser ses yeux s’habituer à une fraîche pénombre après l’éblouissante chaleur de l’extérieur et sourit à Joan qui s’avançait vers elle.

- Juste à temps pour m’aider ! Ce que les mots sont lourds dès qu’ils sont fixés sur du papier ! Tenez, tout ceci est à vous ! C’est le lot que Monsieur Brussac a emporté.

- Merci, je vais mettre sa fiche à jour. Oh, Les Brigands ! Les voilà enfin !

- Un problème ?

- Non ! Pas du tout… excusez-moi ! Mais c’est mon amie qui va être *******e ! - expliqua Joan tout en feuilletant le recueil de poèmes - Elle y avait égaré une de ses notes, et…

- Une note ? Dans ce livre ? Je sais… Ne cherchez plus, elle n’y est pas… Je suis désolée, j’ai cru que… c’est bête ! Je l’ai laissée au bureau et j’espère l’y retrouver ! J’y vais et si elle y est toujours, je vous la ferai parvenir dès que possible ! À bientôt.

- Merci beaucoup pour Francie. C’est important pour elle.

- Francie ? Répéta Monique, tous les sens en alerte. Drôle de prénom… Qui est-ce ?

- Là, vous voyez, cette jeune fille avec les deux enfants. Elle se prénomme en réalité France mais trouve cela trop sérieux.

Sauf erreur, Monique avait devant elle la jeune femme des Baux, celle pour laquelle Xavier s’était tant inquiété… Et ce prénom ? Celui que mentionnaient toutes les lettres envoyées tantôt… Une autre France ou bien… et s’il n’y en avait qu’une seule et que…

- Depuis quelque temps, elle n’est plus la même, poursuivait Joan. J’espère que retrouver ces vers lui rendra le sourire.

Alors que Joan clôturait ses explications par ces quelques mots, Monique écoutait sans en perdre un seul !

Prenant très vite congé, elle quitta les lieux avec dans la tête les pièces d’un puzzle qu’elle s’appliqua à assembler, pratiquement certaine d’avoir trouvé l’explication de l’étrange attitude de Xavier.

N’étaient-ils point deux à avoir un comportement inhabituel ? Et cela en même temps ? Ces deux-là ne se connaissaient-ils pas ? Pour qui d’autre Xavier avait-il jamais manifesté autant d’intérêt ?

Monique en claqua la langue de dépit : comment avait-elle pu ne rien remarquer… ne rien sentir ?

Cela aurait dû lui sauter aux yeux simplement en le voyant rechercher frénétiquement sur une liste un nom qu’il avait barré avec rage quelques jours auparavant. Oui mais s’il en était déjà amoureux… pourquoi s’était-il emporté aussi violemment après elle ? Une querelle ?

Et aux Baux… comment avait-elle pu être aussi aveugle ? Et si mal interpréter les fermes dénégations de Xavier devant leurs taquineries à propos d’un possible flirt ?

Lui supposer un banal flirt… Quels idiots !

Elle avait assurément posé les yeux sur la cause de tous leurs maux. Restait à attendre la suite... et s’en régaler à l’avance !

Une envie de rire monta en elle… Xavier amoureux ! Voilà qui promettait…

Lui qui disait ne pas comprendre, et, de ce fait, bien moins admettre qu’un homme puisse perdre toute raison au nom de l’amour ! C’était à son tour d’être à la fête !

Ce qui n’était somme toute que justice !

Et si cette France Belmont, cette ravissante Francie… était attirée aussi par leur Xavier… elle ne devrait pas afficher longtemps une aussi triste mine !

Et pendant que Monique faisait et défaisait allègrement des plans sur sa destinée, Francie écoutait d’une oreille distraite les affirmations d’une joyeuse Joan.

- Tu te souviens de cette fiche égarée ?

- Tu l’as ?

- Non pas encore, mais je sais où elle est.

- Moi aussi… dans l’un des recueils confiés à Xavier Brussac et certainement au panier s’il y est tombé dessus !

- Mais non… sa secrétaire devrait nous la rendre et…

- Ah ? Ce n’était pas la peine de la déranger mais… Bon… je dois y aller… à tout à l’heure.

Sans un sourire ni le plus petit signe d’intérêt réel.

Personne, au désespoir de Victor et de Sylvie, ne semblait parvenir à briser la carapace dont elle s’entourait, jour après jour, ni à réduire l’isolement dans lequel elle s’enfermait.

Elle ne les accompagnait plus, obstinée à rejeter la moindre distraction.

Plus inquiétant encore, Francie demeurait absente, même avec eux

 
 

 

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ÞÏíã 04-03-08, 04:07 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 7
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Victor patientait sous un ciel couleur de plomb d’où suintait une pluie grise, fine et pénétrante.
Francie, sa douce... Il la regarda sortir, attentif à son humeur qui se dénonçait, aujourd’hui encore, en accord avec le temps. Il l’observa alors qu’elle avançait sans hâte, regard éteint.
Les courses étaient oubliées. Et le geste, mille fois répété, de se pendre à son bras avec tendresse, cette étreinte joyeuse n’était plus, désormais, que presque indifférent automatisme.
Se penchant vers elle, il effleura de ses lèvres le front humide.
- Il pleut encore, Fran !
- Et j’ai froid. Cette fois, l’automne est vraiment là.
- Tu n’aimes plus la pluie ?
- Pas en ce moment… elle me ressemble trop.
- Te ressembler ?
- Oui… elle est aussi triste que moi je crois…
- On va s’arrêter quelque part et en discuter autour d’un verre, tu veux bien ? Je suis toujours là, ma Douce, et tu ne me parles plus.
- Je préfère rentrer, mais tu peux rester avec moi, tu sais. Nous nous ferons du chocolat chaud, je sais que tu aimes. Je n’ai plus trop envie de voir du monde.
- Je le vois bien… tu t’isoles, tu nous abandonnes des jours entiers… Je ne comprends plus. Je ne pensais pas qu’un échec pouvait…
- C’est autre chose, Vic… pas seulement cette audition… j’ai… j’ai comme un vide immense en moi… un vide que je ne sais comment combler. T’en parler ? T’expliquer ? Comment le
pourrais-je alors que je n’en sais moi-même ni le pourquoi ni le comment ? [/LEFT
- E
t nous ? Nous ne comptons plus ?
-
vous ! Vous ! Si je vous perdais, il ne me resterait plus rien. Mais cela passera. Je suis certaine que tout va passer.
Nous ! Ce mot qui pour Victor représentait « elle et lui », ensemble, toujours, pour elle n’évoquait uniquement que « Sylvie et lui ». Mais pas eux, pas « Francie et Victor »… pour elle, tous deux ne formeront jamais « nous ».
Ils arrivèrent, gravirent les trois étages et trouvèrent Sylvie dans l’appartement. Une Sylvie tout sourire et qui, visiblement, les y attendait depuis des heures !
Elle avait le visage rayonnant de celui qui porte une bonne nouvelle et qui est décidé à faire languir l’auditoire.
- Salut, vous deux ! La vie est belle.
- Pour toi, ça se voit. Un nouvel amour ?
- Non ! Tiens c’est vrai ! ça fait longtemps que je ne suis plus amoureuse.
Francie se souvint qu’elle pensait avoir deviné ce qui poussait leur bout de chou dans des bras chaque fois différents.
- Ou bien tu l’es sans le savoir !
- Prions pour la victime, s'écria Victor en riant. Qu’elle ne s’en doute jamais ! C’est une vraie calamité que l’amour de Sylvie.
- Tu es méchant. Je ne te dirai rien.
- Je suis désolé, puce. Alors, si ce n’est pas le cœur, soyons plus réalistes. Tu es devenue riche et tu nous offres une croisière ?
- Ça, j’aimerais bien. Bon, tiens, Francie, c’est pour toi, ton voisin me l’a remis en me priant de te suggérer de mettre enfin ton nom sur ta boite aux lettres.
Elle tendait une grande enveloppe brune, épaisse, dont un côté bâillait sur une bonne dizaine de centimètres.
- Tu n’as pas ouvert jusqu’au bout ? Quel courage ! La félicita Francie.
- Oh ! J’ai résisté, tu sais... bon... c’est vrai... à peine. Je crois que c’est un manuscrit. Il y a une lettre aussi mais je ne suis pas parvenue à la lire. L’ouverture n’est pas assez grande. Si vous n’étiez pas arrivés... je saurais déjà ! Allez vite, je n’y tiens plus.
Et ce fut à trois qu’ils déchirèrent le papier, à trois qu’ils en tirèrent une grosse liasse de feuilles noircies... et une lettre pour Francie... une lettre que Victor dut prendre entre ses mains, tant celles de son amie tremblaient.. et ils furent trois à la lire...
- Une proposition pour un rôle, s'exclama-t-il, tu te rends compte ! Une audition dans quinze jours. Francie, c’est inespéré ! Et la pièce entière à lire... pas seulement un extrait. Tu vois, tout se met en place.
- Je sais et je n’y comprends rien. Pourquoi moi, Vic ? Je ne connais personne, j’en suis encore à étudier !
- Assez de questions ! De temps en temps il doit bien y avoir des recommandations de professeurs. Et puis il s’agit de la première oeuvre d’un jeune auteur, et non pas d’une convocation de la Comédie Française... tiens, lis. Un metteur en scène doit chercher de nouveaux talents et il a entendu parler de toi par quelqu’un, sans plus.
- Mais pour un tel rôle ? Il me propose d’étudier le personnage principal, pas celui d’une soubrette, et... mais je deviens folle ! C’est formidable ! Venez,... venez vite, on va voir ce que je peux faire là-dedans.
Et en un instant, une partie lui fut rendue.
Trois têtes se penchèrent sur des feuillets qui passèrent de main en main… et une espèce de fièvre les prit, éclairant leurs regards qui se cherchaient au-dessus des mots.
- C’est bon, c’est vraiment bon... murmura Francie, pas de tragédie, rien de trop grave.
- Juste ce qu’il te faut, lui assura son amie. Quelque chose qui te ressemble un peu.
- Allez, range tout ça, ordonna Victor, ce soir tu revis à la fête. Demain, nous serons là, à te soutenir, à t’aider et surtout te faire répéter, mais, maintenant, je vais t’offrir une énorme glace et nous allons danser jusqu’à l’aube.
- Victor, c’est fabuleux... je n’arrive pas à y croire. Quinze jours ! Encore quinze jours à attendre.
- Et à moi ? Tu ne me dis rien ? J’ai joué le rôle du facteur.
- Rien de moins qu’une envoyée des Dieux. Je t’aime ! Allez on y va. Décida-t-elle, joignant le geste à la parole.
Déjà à la porte, la franchissant une main sur le coeur, l'autre tendue vers un public invisible, déclamant d'une voix haute et claire " Sonnez clairons, raisonnez trompettes !moi, tous les demain du monde, et à vous qui viendrez me voir, je vous donnerai en offrande mon amour, ma tendresse et le meilleur de mon âme. " - Folle ! La réprimanda Victor, tais-toi ! Un de ces jours, tu vas finir par te faire enfermer à force de crier ainsi dans les escaliers.
- Où sont les fous ? Nous le sommes tous, pour une raison ou une autre. Moi, ce soir, c’est de joie. Pour cette chance qui s’offre et pouvoir aussi la partager avec vous.
Mais, le fond n’y était pas. Ce vide en elle, qu’elle lui avait dit ne savoir expliquer, Victor le ressentait chaque jour davantage. Même en ce moment, alors que, visiblement, elle était heureuse.
Mais pas d’un bonheur assez fort, assez grand, pour atteindre ses yeux.
Elle était animée d’une excitation joyeuse, mais le rire éclatait trop rapidement, sans raison réelle, et la voix, parfois, se voilait d’hésitation.
Il devait savoir.
Pour l’aider tout à fait, pour faire renaître sa Douce, il devait arriver à déterminer ce qui la minait, ce qui la blessait autant.
Ce ?
S’agissait-il de quelque chose ou de... quelqu’un ? Et dans ce cas, qui aurait ce pouvoir sur elle ?

 
 

 


ÇáÊÚÏíá ÇáÃÎíÑ Êã ÈæÇÓØÉ classicoofou ; 04-03-08 ÇáÓÇÚÉ 04:29 PM
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8

Ils avaient passé des soirées entières à apprendre, réciter, comprendre, s’imprégner. Et même improviser, pour le plaisir. Ils avaient joué la pièce des dizaines de fois.
Deux à lui donner la réplique, elle vivant une autre vie. S’y mêlant, lui offrant toute son âme.
Elle était prête... et elle avait peur... Rien n’était dit, rien n’était gagné... et elle se gardait un peu en retrait dans son attente, n’osant se livrer sans réserve à un espoir...
« Pas sur une scène de théâtre ». Ces mots, elle voulait les chasser de sa mémoire. Demain, encore demain… et elle saura !
Et elle devait remercier Monsieur Benoît ! Qui s’était révélé d’une extrême gentillesse envers elle. Elle en était encore effarée.
Qui lui avait accordé toutes les facilités possibles, s’était montré soucieux d’alléger au maximum ses tâches.
Jusqu'à la libérer deux grandes journées pour mieux se préparer, et lui avait même souhaité tout le bonheur du monde !
- Vous êtes donc si heureux de vous débarrasser de moi ? S'était-elle inquiétée... Rien n’est décidé encore, vous savez, je peux revenir dans quelques jours, et...
- Votre place vous attendra si besoin est, Francie. Je dois bien jouer mon rôle d’employeur et vos retards, votre exubérance n’ont pas toujours fait bon ménage avec la discipline que je dois maintenir. Mais vous ne ressemblez à personne, Mademoiselle Belmont. J’ai bien dû faire avec et vous garder malgré tout. Bonne chance petite, et au moindre problème, si vous voulez revenir, sachez que nous sommes là.
Et ce fut à trois qu'ils se rendirent à son rendez-vous. Mais si c'est à trois encore qu'ils sonnèrent à une porte, elle se trouva seule à devoir la franchir.
- Tu y vas seule, lui ordonna Victor. C’est ta bataille et nous ne voulons en rien t'en distraire cette fois-ci. Du courage ! Nous restons là, mais nous sommes avec toi.
- Vic, je t’en prie. Ils vont me rejeter encore. Ils sont fous. Ils ne savent rien de moi. Et moi, j’ai trop d’orgueil, trop de confiance, et je suis trop sûre de moi.
- Ce n’est pas vrai, si tu parles ainsi c’est que tu doutes. Ce n’est qu’un rôle, ma douce, un rôle parmi des milliers. Si ce n’est pas celui-là, il y en aura encore et encore. Ce n’est quand même pas comme si tu jouais ta vie à la roulette russe !
- Mais je voudrais seulement savoir si je peux espérer, si tous ces rêves je ne les porte pas en vain. Sylvie, dis quelque chose ! Viens avec moi... au moins toi
- Pas question, allez ! Va Et sois la meilleure !.
Elle ne put que se taire devant la jeune femme qui lui ouvrit la porte, qui l'invita à la suivre,qui la guida jusqu’à une grande pièce où elle lui désigna un siège avant de l'abandonner à la solitude. Quelques minutes insoutenables avant que cette jeune femme ne revienne, l'appelle, l'introduise dans une salle à peine éclairée où ils étaient plusieurs, assis devant un semblant de scène.
Elle allait s’effondrer, se répandre, se dissoudre. Tout ces gens... et elle... Etait-elle donc la seule à être auditionnée ?
- Mademoiselle Belmont, France Belmont ?
- Oui... s'écria-t-elle, sursautant à l'énoncé de son nom. Mais... mais appelez-moi Francie... s'il vous plait... je me sentirai mieux.
- Eh bien Francie, moi c'est Jacques et, croyez-le, je suis ravi de vous rencontrer. C'est votre première audition ?
- Non... Oui... enfin presque... Du moins qui ait autant d’importance. Vous ne vous trompez pas de personne ?
- Me tromper ? Absolument pas, s'exclaffa-t-il... Ne soyez pas inquiète, c’est bien de vous qu’il s’agit. Nous allons parler, vous en apprendrez un peu plus sur nous et nous sur vous. Ensuite, nous verrons quelques passages. Cela fait maintenant près de six mois que nous recherchons l’interprète idéale pour ce personnage. Et nous espérons vivement la trouver en vous.
- En moi ? Mais... je... Heu... Pourquoi moi ? Je n’ai rien fait d’extraordinaire jusqu’à présent.
- Notre attention a été, pour ainsi dire, dirigée vers vous par de très chaudes recommandations.
- De qui ? Je n’ai jamais eu de...
- Cela a-t-il de l'importance ? Oui ? Alors... Quelqu’un qui vous a vue ou entendue sur scène et qui vous a trouvée particulièrement douée. Bien assez pour nous parler de vous.
- Et... et ça a suffit ? Seulement cela ?
- Bien sûr ! Nous procédons tous ainsi, vous savez. A l’occasion, nous relevons un nom, retenons un visage et puis nous attendons, de voir comment il évolue, ce que le temps va en faire. C’est votre tour aujourd’hui. Allons ! Venez... je vais vous présenter tout le monde.
Cela dura deux longues heures avant qu'ils décident en avoir suffisamment entendu. Avant que Jacques ne revienne vers elle.
- Maintenant Francie, si vous voulez bien passer à côté, quelques minutes. Je vais prévenir vos amis, ainsi vous ne serez pas seule. Décontractez-vous, ce ne sera pas long.
Elle se retrouva assise, vidée, épuisée, tremblante et avide de la présence de Vic et Sylvie. Qui arrivèrent, souriants, confiants.
- Alors, c’est terminé ?
Curieuse Sylvie ! Francie devait trouver la force de lui répondre et elle ne savait plus que dire. Elle avait été si mauvaise... et un trac à lui... à lui nouer la gorge ! Elle n’avait rien su restituer... rien de ce qu’elle avait ressenti ces derniers jours, tous ceux durant lesquels elle s’était imprégnée de l’âme d’une autre... d’une inconnue. Durant lesquels elle avait joué et rejoué chaque réplique. Combien de fois avait-elle repris certains extraits ? Elle ne savait plus.
Et pourquoi lui en avoir demandé autant ? Pour obtenir d’elle une autre facette, un nouvel aspect du personnage ? Et cette peur en elle, comment la leur décrire ? Seule... devant six personnes, six visages qu’elle distinguait à peine.
Pour finir, elle avait tout donné, comme ça venait, comme elle le sentait, comme elle le vivait. Ensuite... ils n’avaient plus rien exigé. Et maintenant... ils allaient lui donner leur décision et elle... Victor avait raison, elle devait apprendre l’attente.
- Ils t’ont poussée à bout exprès, pour voir ce dont tu es capable, lui expliquait ce dernier. Tu verras, tu connaîtras cela encore... bien souvent.
- C’était atroce, Vic, à un moment, j’ai eu l’impression de me dédoubler, d’être ailleurs et de me regarder évoluer.
- C’est terminé maintenant. Les voilà, ma douce, courage !
La jeune fille se redressa, tremblante, et fit face à Jacques qui venait vers elle, souriant, bras tendus vers elle, mains ouvertes comme porteuses de mille promesses.
- Francie, vous voyez, nous n’avons pas pris beaucoup de temps.
- Je vous en remercie balbutia-t-elle déjà déçue. Et... ?
- Et nous comptons sur vous dès le 3 Octobre prochain pour les premières répétitions !
Son coeur se serra brusquement, et elle le regarda, stupéfaite.
- Le 3 Octobre ! Moi ? C’est vrai ? Un rôle, pour moi ?
- Et qui est, pour nous, très important, lui dit Jacques, soudain sérieux. Nous vous laissons partir maintenant, il faut vous reposer un peu. Nous reprendrons contact dès la semaine prochaine pour le côté pratique de votre engagement. Mais je tiens à vous dire que je suis personnellement charmé de vous avoir parmi nous.
- Avec vous ! répéta-t-elle, encore incrédule... avec... mais... oui... J’y serai... bien sûr que je serai là !
Un rôle pour elle ! Elle allait jouer sur scène, elle allait pouvoir enfin se libérer, leur prouver ce qu’elle pouvait faire... « Lui » montrer... « Il » allait voir qui était France Belmont ! Elle redevint elfe, tourbillon, et s'accrochant aux bras de ses amis, les tira après elle, dans les couloirs, jusque dans la rue... où elle les embrassa... et éclata en sanglots incontrôlables.
- Eh ! la secoua Sylvie... C’est moi qui pleure d’habitude !
- Sylvie, si tu savais ! Je n’y crois pas.Tout ceci est impossible... Je rêve... Qui confierait le rôle principal à une totale et parfaite inconnue ! C'est...
- Pour un auteur inconnu, la raisonna son amie. Allez, tu y es, tu ne vas pas craquer maintenant ?
Craquer ? Non, mais elle avait tellement mal de tant de bonheur. Comment pourraient-ils comprendre ?
Elle se moquait de la gloire, de la fortune, de tout sauf de la scène. De voir le public, de se faire porter par lui et de s’y abandonner. De lui donner un moment d’évasion, de le distraire puis le regarder partir avec un sourire au fond des yeux.
- Tu as enfin le pied sur la première marche. La félicita Victor... Tu vois : tout commence pour toi.
- Pour nous, Vic... Pour nous trois. Toujours ! Et je vous aime tant tous les deux !

 
 

 

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ÇáÊÓÌíá: Aug 2006
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9



En effet, le pied sur la première marche. Et les répétitions ont pris de plus en plus de place. De très longues réunions, pas toujours faciles et même souvent houleuses, durant lesquelles chacun expose comment il ressent une scène, son approche des situations, et défend âprement sa position. Et elle a encore tellement à apprendre ! De comment maîtriser sa voix jusqu’à comment se placer, et bouger, pas seulement pour être son personnage mais dans le décor, parmi les autres… les écouter, tous, et comprendre l’ensemble.
Heureuse, oui... mais avec toujours ce quelque chose de latent... ce manque indéfinissable
Ce n’est rien, ma Douce, simplement le trac de la première. J’ai assisté à la dernièr répétition et j’ai surpris leurs commentaires... Ils sont tous aux anges et ne jurent que par toi. Tu es, pour eux, la meilleure
Tu crois ? Seulement cela ? Encore un mois et nous y serons. Le moment de vérité. Vic, tu viendras, tu ne me laisseras pas
Comment peux tu imaginer que je ne sois pas à tes côtés ce jour-là ? Sylvie et moi n’attendons que cela
Et Sylvie
Comment Sylvie
Vous vous voyez de plus en plus. Allez, raconte-moi, ça se passe comment entre vous ? Tu dis des bêtises... Arrête ! - Mais pourquoi ? J’en serais tellement heureuse. Mes deux meilleurs, mes seuls amis. Vous avoir toujours ensemble
Tu ne sais pas de quoi tu parles. Ne t’aventure pas sur ce terrain avec moi, Francie.
Je suis désolée. Tu es vraiment en colère ? Mais je vous trouve si bien assortis, et j’ai toujours pensé que c’était inévitable. Excuse-moi, je ne pensais pas te blesser... pour rien au monde, je ne l’aurais souhaité
Allez, ne t’inquiète pas pour si peu. Nous allons nous offrir une bonne récréation. J’ai trois entrées pour un spectacle bien particulier et, puisque Sylvie il y a, elle nous attend. Tu vas te changer, essayer de te faire si possible encore plus belle.
C’est si important
Tu verras bien ! Allez... cours ! Nous allons dîner également. J’ai retenu une table et tu as tout juste le temps
Elle s’est trompée sur eux. Ou alors, son amie n’est pas encore prête. Ou lui ! Mais il faudra bien que tout arrive
Sylvie et Victor ont gardé secret le but de leur sortie. Complices contre elle. Durant tout le repas, rien n’y a fait. Ni suppliques ni menaces. Une enfant gâtée. Elle n’est qu’une enfant pourrie par le destin. Elle s’émeut de les regarder. Ils la câlinent, la dorlotent et elle ne peut rien de plus pour eux que les aimer autant qu’ils l’aiment, elle.
« Elle » Pas Victor ! Pas le blesser comme cela ! Pas elle ! Elle est folle. Depuis tout ce temps et lui... lui n’aurait rien dit ? Non... ils s’attendent, c’est tout
Pas elle ! Et prier le ciel pour ne pas se tromper.
Ils la tirent chacun par un bras, traversent le boulevard pour le remonter sur quelques dizaines de mètres et s’arrêter enfin devant le théâtre. Devant les affiches... Francie ferme les yeux, essaie d’échapper à une vision qui s’impose à elle, qui appartient à un passé trop proche.
Ils l’ont entraînée à la première de La Mégère Apprivoisée.
Pourquoi ce soir
Elle se surprend à chercher sa vieille peur tout au fond de son cœur. La retrouve, tapie en elle, sournoise et perfide, évite soigneusement de la ranimer pour, toute courage, avancer entre eux. Tête haute. Comme devant un défi qu’elle relève ce soir.
Sa place, sa véritable place est à l’intérieur de ces murs, au-delà de cette porte ouverte sur les lumières et la magie des mots
La salle est comble. Pas un seul fauteuil de libre
Une atmosphère joyeuse qui, elle le sait, ne suffit pas à rassurer ceux qui attendent derrière le rideau
Les lumières baissent, s’éteignent, amenant le silence avec l’obscurité
Les trois coups...
C’est maintenant que tout commence vraiment

 
 

 

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10









- C’est un véritable succès, déclara Victor. Les critiques vont être bonnes, très bonnes. Alors, Fran ? *******e

- Vous êtes incroyables et vous n’avez aucun cœur pour m’avoir amenée à regarder cette femme jouer ce que j’ai vécu si fort.

- Tu nous en veux

- Idiot ! Comme si je pouvais vous en vouloir, à vous ! Non, je suis heureuse d’être là. Une façon comme une autre de crever l’abcès qui m’empoisonne l’esprit. Ils sont tous merveilleux, et... je ne regrette rien. De toute façon, je n’aurais pas réussi. Trop de métier dans cette femme, je ne lui arrive pas à la cheville.

- Tu deviens modeste

- Non Vic, je ne fais qu’exprimer la vérité, et quand je dis que je suis géniale, c’est pour rire.

- Vrai pour cela, mais tu aurais été fabuleuse sur scène ce soir. Un jour, qui sait

- Oui, un jour. Et tout ce monde ! Nous allons avoir du mal à regagner nos places et, oh ! pardon... je suis désolée... Non, pas vous ! Pas encore

Au milieu de cette foule, se heurter au seul être que Fran voudrait oublier ! Il lui suffit de croiser le regard de Xavier pour que s’animent, en elle, les doutes et les incertitudes qu’elle canalise à grand-peine depuis des semaines.

- Encore ? Oui... et ce n’est rien, je vais essayer de me souvenir que vous ne regardez jamais devant vous...

- Je me suis excusée

- Et je ne suis pas fâché... Pas ce soir... et pas avec vous... et si j’osais... je dirais même que... que... Eh bien, comment allez-vous tous les trois ? Et vous, depuis cet été ? Pas de séquelle de votre chute

- J’ai déjà oublié.

La main de Xavier qui hésite, à deux doigts de son front, l’obligeant, elle, à presque reculer pour éviter le contact. Et Victor avance, se place près d’elle.

- Nous allions boire un verre, si vous voulez vous joindre à nous, nous en serions ravis.

Vic est fou ! Elle qui ne désire que s’éloigner le plus possible de cet homme... elle les regarde... stupéfaite ! Elle ne veut pas, elle ne peut pas ! Près de cet individu ? Au-dessus de ses forces.

- Va, Sylvie, nous vous suivons, France et toi.

Et il l’appelle France ! Il perd complètement la tête ! Au point de leur laisser prendre de la distance, de s’attarder trop loin pour qu’elles puissent se mêler à leur conversation.

Il est temps pour Victor de s’assurer qu’il ne se trompe pas sur ce qui pousse ce quasi inconnu à intervenir dans la vie de Fran... Au point d’influer sur son cours.

- Nous ne pouvons que vous féliciter pour la réussite de la pièce. C’est un beau succès.

- Le public est satisfait, c’est ce qui compte. Mais... il aurait pu être meilleur.

Francie ! Elle y aurait apporté sa fraîcheur, sa sensibilité, une nouvelle dimension, tellement plus attachantes. Combien de fois a-t-il quitté le théâtre parce qu’il enrageait de voir Suzanne seulement « interpréter » ce rôle, alors que, à Orange, Francie le « vivait ».

Un prénom qui flotte entre deux hommes. Qui se ressemblent d’une certaine manière.

- Je le crois aussi, et nous savons tous deux pourquoi.

- Ce qui est fait est fait, il est trop tard pour y changer quoi que ce soit.

- Xavier... C’est vous n’est ce pas

- Moi ? Quoi donc

- Qui l’avez blessée ainsi.

Le regard de Xavier qui se détourne, erre un instant, qui s’accroche à un dos dénudé, à une nuque fragile, qui caresse un profil souriant. Et Victor est frappé par le désarroi qui s’y dévoile.

- Et c’est pour cela que vous vous tenez loin d’elle.

Ce Victor ! Est-il aveugle au point de ne pas sentir l’aversion que Francie éprouve pour lui ? Comment peut-il espérer s’en approcher

- Vous avez vu sa réaction, ce soir. Ne craignez rien, je ne suis pas celui qui doit vous l’enlever.

- Je n’ai aucune inquiétude à ce sujet. Personne ne peut le faire... pas comme elle m’appartient. Vous ne devez pas la fuir.

- Et la faire souffrir encore

Alors qu’il donnerait son âme pour lui rendre la joie, qu’il est prêt à l’impossible pour lui construire un monde selon ses désirs.

- Vous avez fait beaucoup pour satisfaire ses espoirs.

- Qui vous en a parlé

- Je l’ai deviné, c’est tout. Comment saviez-vous trouver en elle ce don, cette aptitude naturelle

- Depuis Orange, sa petite exhibition sous la statue d’Auguste. Vous ne m’avez pas vu. Personne. J’ai essayé de l’aider un peu. Seulement attirer sur elle l’attention de quelques-uns. Quant au reste, elle ne le doit qu’à son talent.

- Oui, et pourtant cela n’a pas suffi. Ce n’est pas sa seule blessure. Elle l’ignorait c’est tout. Aujourd’hui, elle se rend compte qu’elle attend bien davantage…

- Si cela dépend de moi…

- Je le pense… voyez-vous… ce qui lui manque encore bien plus que de paraître sur scène c’est quelqu’un…

- Non ! Vous êtes assez insensé pour supposer que je pourrais être cet homme-là alors qu’elle me repousse de toutes ses forces !

- Justement, trop, bien trop ! La Francie que je connais vous rirait au nez et vous laisserait, planté là, sur une pirouette. Elle vous craint. Vous, Xavier, et uniquement vous. Un doute sur ses possibilités ? D’autres se sont chargés, à votre place, de la rassurer. En revanche, il suffit que vous paraissiez, ou seulement entendre votre nom, et elle n’est que trouble, confusion exacerbée. Si elle réagit ainsi, c’est qu’il y a bien davantage.

Pour lui ? Victor perd la tête. Il ne réalise pas ce qu’il avance, ni à qui il le fait. Xavier ne veut qu’attendre, que le temps apaise la colère en elle, ne rien tenter qui puisse la ranimer.

- Et moi, ce soir, je veux tout lui donner. Venez, elles nous font signe. Je vous la confie, au moins jusqu’au dernier acte, la suite ne dépend que de Francie. Soyez patient avec elle, Xavier, c’est un être fragile, qu’un rien pourrait détruire.

- J’en suis conscient, et je voudrais pouvoir la préserver de tout, toujours. Pour le reste, vous vous leurrez, entièrement.

- Nous verrons. J’oubliais, elle ne sait rien, ni pour moi, ni pour l’aide que vous lui avez apportée.

Ils se retrouvent tous les quatre, chacun devant un verre dont trois seraient incapables d’en nommer le contenu. Sylvie, à son habitude, babille avec entrain, ravie de l’ambiance autour d’elle, sourde aux appels muets de son amie, et aveugle à sa colère dirigée contre Victor, imperturbable.

Lorsque la sonnerie les rappelle vers leurs sièges, ce dernier reste même en arrière, retenant avec adresse la jeune fille rose d’émotion, laissant Xavier au côté de son amour, se perdre avec elle dans la foule qui avance, marée humaine aux couleurs chatoyantes des soirs de fête.

Et Francie résiste.

- Nous n’allons pas dans la bonne direction, ma place est de ce côté, attendez

- C’est trop tard, vous ne pouvez pas vous plonger dans cette cohue. Venez, vous y verrez aussi bien de ma loge et nous retrouverons vos amis plus tard.

- Ils vont me chercher, et s’inquiéter... Victor surtout.

- Je ne le pense pas, il vous sait avec moi, il sait que vous ne risquez rien, et puis nous leur ferons signe avant l’extinction des lumières. Et ensuite, quand tout ce monde aura quitté les lieux, nous explorerons les coulisses... vous pourrez, tout à loisir, en respirer le parfum, en absorber l’âme qui y règne le rideau baissé. C’est toujours plus émouvant, après.

C’est avec une extrême délicatesse qu’il ose l’entourer d’un bras et poser une main légère sur sa taille, pour la guider, sans l’effaroucher. Et il souffre de la sentir trembler alors qu’il la voudrait abandon.

Et désormais, pourra-t-il seulement s’en séparer ? Il lui fraie un passage au milieu de la foule, prenant garde à la moindre bousculade, jusqu'à une porte capitonnée, qu’il ouvre, l’invitant à pénétrer dans la loge déserte. Il se penche vers la salle, l’appelle près de lui.

- Regardez, d’ici, tout a une autre dimension et... vos amis sont là... ils nous ont vus, eux aussi... et ils ne sont pas inquiets du tout...

- J’aurais dû rester avec eux, je ne suis pas de très bonne compagnie en ce moment, et je vais vous ennuyer.

- Vous, Francie ? Jamais. Venez, asseyons-nous, le rideau va bientôt se lever.

Il la laisse s’installer sur un siège, se place à peine en retrait avant que les lumières ne s’éteignent de nouveau. Et c’est sur son visage qu’il fixe les yeux. Pour vivre chaque émotion à travers la sienne, et trembler, à son tour, au désir de poser la main sur un bras trop proche du sien.

- Vous aimez tout cela n’est ce pas

- L’aimer ! De toute mon âme.

- Je vous crois, Francie. A vous regarder, tout se devine, même la souffrance de ne pas être en bas, où vous seriez sans doute meilleure.

- Non, différente sans plus. Vous vous souvenez de tout

- De tout.

- J’ai honte et je dois vous présenter des excuses pour cela.

- Pourquoi ? Pour avoir ouvert votre cœur à une salle vide ? Ou bien de me découvrir aussi stupide ! Vous aviez raison, je n’ai rien voulu écouter alors que je l’aurais dû.

- Pas vous... non... c’était de ma faute... seulement la mienne... et je n’aurais jamais dû me conduire ainsi... j’ai été méchante avec vous... et agressive... je vous ai insulté de la pire manière qui soit.

- Et moi, je vous ai chassée... alors que vous devriez vous tenir, en ce moment, sur ces planches.

- Nous ne le saurons jamais, mais, en toute sincérité, je ne le pense pas. En revanche, vous aviez le droit de vous fâcher.

- Pas celui de porter atteinte à ce en quoi vous croyez.

- Ça n’a plus d’importance maintenant, tout commence pour moi. J’ai eu une autre chance, pas aussi belle, c’est vrai, mais qui m’apporte beaucoup. Je crois que je voulais surtout recevoir votre avis sur mon travail. Vous êtes le meilleur...

- Non, pas le meilleur... détrompez-vous... mais de cela, vous vous en rendrez compte bientôt, par vous-même... et puis, les « grands » de ce monde dans lequel nous évoluons, je vous les présenterai un jour... à moins qu’ils ne viennent à vous avant. Quant à moi... moi, j’aime ce que je fais, c’est tout...

- Plus que ça... et puis... pour moi... pour moi, vous l’êtes... alors, j’avais espéré que vous me diriez vraiment où j’en étais, combien de chemin il me restait à parcourir.

- Combien de chemin encore ? Croyez-vous vraiment qu’il ait une fin

- Je... quand je saurais tout...

- Tout ? Non... Apprenez surtout comment vous mouvoir, comment jouer avec votre corps, avec vos mains... comment occuper votre place sur scène et... comment maintenir les autres à la leur sans qu’ils empiètent sur la vôtre... Pour le reste, cela ne s’étudie pas comme une leçon quelconque...

- Mais... d’après ce qu’ils me conseillent...

- Ne les écoutez pas, restez ce que vous êtes, et dites-vous que... il suffit de ressentir et de traduire... et cela... vous le faites bien... merveilleusement bien... et puis... un nouveau personnage c’est... c’est une nouvelle aventure, un défi à relever... et, chacun implique une approche différente, un autre apprentissage... cette route sur laquelle vous faites vos premiers pas aujourd’hui est une voie sans limite... Mais dans ce rôle-là, vous êtes parfaite...

- Vous ne pouvez pas savoir...

- Si... je le sais, j’ai assisté à quelques répétitions...

- Vous

- Chut ! Pas si fort... c’est la grande scène de Suzanne...

- Pardon

- Regardez ses yeux...

- Je crois que... qu’elle est en colère

- Tant mieux, ça va l’aider... c’est justement ce qu’elle doit montrer... Si elle le pouvait, elle nous battrait

- Mon Dieu... comment ai-je pu lui faire ça

- Ce n’est rien, et je crois même que son jeu en est meilleur... finalement, elle devrait vous remercier...

- Ne riez pas... je vais lui écrire un mot pour la prier de nous excuser...

- A ce propos... Je dois vous remettre quelque chose qui vous appartient.

- Quoi donc ? A moi

- Tenez, et j’avoue que j’ai du mal à m’en séparer.

Dans une enveloppe, soigneusement pliée, sa fiche. Sa précieuse fiche

- Merci ! Ce n’est rien en soi, seulement quelques vers, quelques phrases... mais je les aime.

- C’est ce qui les rend importants. L’amour qu’on donne...

- Pour prix de celui qu’on reçoit. Gardez-la, s’il vous plaît, pour me montrer que tout est pardonné.

- Alors... cela veut dire que nous ne sommes plus fâchés, qu’il n’y a plus rien à craindre de la sorte entre nous

- Fâchés ? Vous et moi ? Non... jamais ! Tout est oublié. Oh, oui, maintenant, c’est fini... c’est enfin fini !

Et il le reçoit, en plein visage, cet éclat qu’il voulait retrouver. Avec un sourire à illuminer l’espace, et cette manière qu’elle a de se pencher vers celui à qui elle l’adresse. Comme si, avec lui, elle s’offrait tout entière.. c’est de tout son corps qu’elle sourit.

Et ils se taisent, le temps de suivre les dernières scènes, et ils battent des mains, échangeant les regards complices de ceux qui ont ressenti les mêmes joies. Et ils regardent la salle se vider, s’enivrant du brouhaha qui monte jusqu’à eux.

- Mais que font-ils ? Ils s’en vont eux aussi ! Sylvie et Victor... ils ne m’attendent pas.... Je dois les rattraper. Mais qu’a-t-il ce soir

- Il vous sait en sécurité, sinon, il serait là à vous guetter. Venez, nous pouvons commencer à descendre, je vais vous faire voir l’envers du décor.

- Je ne peux pas, il est tard.

- Je vous ramènerai chez vous, immédiatement après, nous ne ferons qu’un petit détour par le chemin des artistes.

Ils marchent à un mètre l’un de l’autre.

Ils passent dans les coulisses, avancent jusqu'à la scène.

- Regardez, tout cela vous appartient. Un jour, vous y serez. Bientôt.

- Je sais, dans un mois. C’est si loin et tellement proche à la fois... et j’ai peur... J’ai peur de ne pas être à la hauteur, de les décevoir, tous... ou encore de faire un faux pas.

- Non, vous êtes prête et vous allez enfin donner votre mesure... J’espère pouvoir être là, je serais heureux d’y assister.

- Devant vous, je crains d’avoir bien plus le trac.

- Il ne le faut pas, jamais. Allez, montrez-moi, offrez-moi vos répliques... celles de votre querelle avec votre amant...

D’un mouvement du bras, il lui ouvre l’espace, l’invite à y pénétrer, et, comme dans un songe, la voilà qui s’anime, qui vit pour lui seul, un instant seulement, son rêve de demain... et s’arrête au milieu d’une phrase et rit, et il rit avec elle.

- Là, dans cette scène, si je me souviens bien, vous vous tenez près d’une table...

- C’est exact.

- Alors, déplacez-vous, avancez de deux pas, éloignez-vous-en, derrière elle vos gestes perdent de leur intensité. Occupez le centre de la scène, que votre désespoir, ou votre rage, en parte, tel un rayonnement vers la salle, sans barrière aucune entre vous et le public... Vous vous en souviendrez

- Oui... je le ferai...

- C’est bien... venez...

Ils sortent du cercle de lumière, s’approchent des marches pour atteindre la salle et il tend une main, qu’elle prend... pour s’en détache aussitôt, et retrouver son geste habituel...

Et elle s’accroche à son bras, souriante, et elle s’y appuie, confiante, encore grise de trop d’émotion.

Ils sont hors du théâtre et elle refuse une voiture qui n’est pas utile... elle habite à deux pas... et la nuit est si belle

Et Xavier ne la presse pas, retardant de son mieux l’instant de la quitter... qui arrive pourtant.

La porte de l’immeuble... contre laquelle elle se laisse aller, tenant toujours son bras, le gardant ainsi près d’elle.

- Je vous remercie pour tout, ce soir, vous m’avez enlevé ce qui me pesait.

- J’en suis heureux.

- Et je suis *******e pour vous... c’était merveilleux.

- Bien plus que vous ne le pensez.

- Je dois y aller maintenant.

- Oui, je sais... il le faut.

- Bonne nuit.

- Xavier, je m’appelle Xavier. Bonne nuit, Francie.

- Bonne nuit, Xavier.

Il regarde ce visage levé vers le sien, se penche jusqu’à effleurer, de la sienne, cette bouche qui le hante pour, à peine, en respirer le frémissement. Il se redresse, inquiet déjà, et se noie dans ce regard, où il lit la surprise, l’étonnement qu’elle éprouve, et où il devine poindre une fièvre qu’il n’a jamais pu qu’imaginer.

Et il suit, sans oser y croire, le mouvement des bras qui se rejoignent sur sa nuque, qui l’attirent vers elle. Il a du mal à brider son ardeur, à maîtriser la fougue en lui, quand il ceinture son corps et qu’il prend possession de ses lèvres. Et c’est avec peine qu’il la libère et avec douceur qu’il la détache de lui.

- Va, va, maintenant. Sinon, je ne pourrai plus te laisser partir.

- Partir ? Déjà

- Il est trop tôt, trop tôt pour toi. Nous allons nous retrouver, demain, et encore et toujours.

- Et si j’étais prête

- Tais-toi...

- Et si encore tu ne le voyais pas

- Je ne veux pas te blesser. Je peux attendre, j’ai tellement attendu, si tu savais depuis quand je t’attends.

- Et si moi, je ne peux plus ?

- Tu ne sais pas, tu ne sais pas combien je t’aime. Je te prendrai tout et j’ai peur d’aller trop vite, de t’effrayer aussi. Tu ne peux pas savoir ce qui se passe en moi.

- Viens...

Et il ne peut plus lutter. C’est corps contre corps, bouche contre bouche, qu’ils gravissent les marches, pris par la même ivresse, par le même désir.

Et c’est vrai qu’il la découvre nouvelle. Prête, pour lui. Seulement pour lui.

Ils se sont aimés, et il l’a regardée s’endormir, et il attend son éveil... Il guette le premier mouvement des paupières et le provoque d’un souffle.

- Tu es belle... le sommeil te va bien.

- Tu es toujours là

- Tu souhaitais que je parte

- Non, j’ai eu peur d’avoir rêvé cette nuit. Merci d’être là.

- Et à toi d’exister.

Il pose les lèvres à la naissance du cou, enfoui le visage au creux de son épaule et sent le corps tiède se tendre contre le sien... Sur cette piste de danse, il avait deviné toute la force, la violence, la volupté de ce corps. A fleur de peau... Pour lui... Il a été le premier... Le seul à tout recevoir. Elle a répondu d’instinct à toutes ses caresses, elle l’a fait plus riche en se donnant sans réserve... comme à lui seul destinée. Et se livre encore comme elle s’offre à la pluie, au vent, à se faire envahir tout entière.

Ils se séparent enfin, et elle lui manque déjà.

- Il est tard, on nous attend.

- Je sais, chérie.

- Je n’ai pas envie que tu partes.

- Alors, je reste.

- Ce n’est pas raisonnable.

- Nous n’avons pas à l’être... rien ne nous y oblige.

- Les autres...

- Il n’y a que nous.

- Dehors...

- Plus personne... Nous sommes seuls sur terre.

- Je te crois... Tu vas revenir

- Je ne pars pas.

- Tu sais bien que tu dois le faire.

- Chut, encore cinq minutes... Encore une éternité.
- Alors, tu reviendras

- Près de toi ? Toujours. Depuis le premier jour, tu ne m’as plus quitté. J’avais si peur de ta haine, de ton indifférence. Tu me donnes tout quand je n’y croyais plus.

- Je ne le savais pas moi-même... c’est venu comme ça, d’un seul coup. J’ai su qu’il ne fallait pas te laisser partir... plus de vide en moi... que toi... C’est à moi d’être raisonnable, il faut y aller

Elle se lève, le tire hors du lit. Et ils rient, de leur bonheur, de leur insouciance, de l’attente qu’ils ont déjà de se retrouver, des heures à venir.

Xavier dévale les marches quatre à quatre, joyeux tel un adolescent à qui la vie sourit, se surprend à siffloter et se moque de lui-même...

Et son rire meurt devant la pâleur de Victor au bas de l’escalier.

- Victor... je suis désolé...

- Non.... rien... ce n’est rien. Je l’ai voulu, mais je ne croyais pas souffrir autant.

- Venez, elle n’est pas prête, nous avons le temps de boire un café.

Ils se retrouvent dans un bar voisin, presque seuls dans la salle.. et Victor a le regard fixe, un regard d’halluciné.

- J’ai espéré m’être trompé. C’est bien vous qu’elle attendait.

- Un soir, je vous ai regardés tous les deux, danser avec une complicité que j’ai crue celle de deux amants. J’ai souffert. Le lendemain avec cette jeune femme, à cette terrasse, je vous ai haï, je vous ai méprisé de lui infliger cela. Nous l’aimons tous les deux... et peut-être, de la même façon.

- Mais elle vous aime vous, et cela seul compte. Depuis longtemps... Sans le savoir, - ni vous d’ailleurs -, et bien avant vous. Depuis l’année dernière, du haut de l’amphi, durant vos conférences sur la mise en scène, le jeu des acteurs.

- Et je ne l’aurais pas remarquée

Comment lui expliquer pourquoi Francie se cachait ? Alors qu’elle, toujours volontaire, sans crainte aucune, devant lui, devenait fragile, vulnérable. Sans pouvoir en définir elle-même la raison. Et ces répétitions, où elle se glissait, au dernier rang, invisible, ombre dans l’ombre. Qu’elle décrivait à chaque fois, et sur son visage, dans ses yeux, Victor ne voyait que Xavier. Elle le vivait déjà, le confondant avec son amour du théâtre, de la scène

- Quand elle prononçait votre nom, ses yeux, mon Dieu, ses yeux devenaient étoiles ! J’ai votre nom entre nous depuis tout ce temps

Xavier ne pouvait le deviner, quand elle est allée vers lui, elle lui apportait ses rêves, mais son âme également. De l’avoir chassée, c’était aussi de sa vie. Et elle ne comprenait pas, pourquoi cette désespérante sensation de manque. Simplement lui. Pour elle inaccessible. Dans un prénom, elle a réuni ses ambitions, ses espoirs, son amour, sans s’en douter... Ce vide en elle ? Deux syllabes suffisaient à le combler.

- Celles de votre prénom, Xavier. Et vous aimer, vous. Depuis, je veillais, j’attendais... Qu’elle comprenne, qu’elle mette un visage sur sa faiblesse. Je ne voulais pas qu’elle se trompe, ni qu’elle s’égare en route, auprès de n’importe qui

- Alors, vous me l’avez donnée

Pas ainsi, pas vraiment. Seulement offrir à Francie la possibilité d’ouvrir son cœur, ses yeux, de décider par elle-même. Mais en espérant faire erreur, et la retrouver intacte au matin.

- Xavier... Je ne peux pas supporter l’idée de la perdre tout à fait

- Nous serons deux à l’aimer, je ne vous prendrai rien, jamais, de ce qu’elle vous offre. Nous deux, nous nous ressemblons trop pour que je doive redouter le pire de votre part. Et vous savez que je ne tenterai rien contre vous, que je suis incapable d’élever un obstacle entre vous. Vous êtes son ami, quelqu’un de très cher à son cœur

- Vous êtes si sûr de son amour pour vous

- Du sien, comme du mien... Comme du vôtre.

- Je vais la chercher, elle m’attend

- Victor ? Amis

- Vous l’avez dit, nous nous ressemblons trop. Bien sûr, amis. Pour elle. Mais aussi pour nous.

Vic s’éloigne, et au travers de la vitre qui le sépare de la rue, Xavier le regarde marquer un temps d’arrêt avant de franchir le seuil de l’immeuble, puis se redresser, comme pour rejeter un fardeau très lourd, et se composer un visage. Tenter d’effacer le rictus d’amertume qui déforme ses lèvres.

Peu après, ils passent, souriants, tous deux, sans le voir. Et à lire le bonheur sur le visage de Francie, il mesure la détresse de Victor, et sa force de n’en rien laisser paraître.

Bien davantage que lui n’en aurait eu.

Et pour cela aussi, son amitié lui devient importante
.

 
 

 

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