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karam 08-01-07 04:05 PM

Souvenir d’une nuit d’été de Marie FERRARELLA
 
ÇáÓáÇã Úáíßã
áßá Çááì íÍÈíÞÑÇ ÑæÇíÇÊ Harlequin ÈÇáÝÑäÓíÉ åÏå ÑæÇíÉ Marie FERRARELLA
ÇäÇ ÈÕÑÇÍÉ áÇ ÇÏÑí ÇÐÇ ßÇäÊ ÇÕáÇ äÒáÊ ÚÑÈì Ãæ áÇ

æ åÏÇ ãáÎÕ ÇáÑæÇíÉ

Souvenir d’une nuit d’été
de Marie FERRARELLA

Sheila Pollack a décidé d’avoir son enfant seule. Et ce n’est pas parce qu’elle a passé une inoubliable nuit d’amour avec le séduisant Slade Garrett qu’elle lui doit la vérité ! De toute façon, depuis neuf mois, il est introuvable. Enfin… elle n’a pas vraiment cherché à le revoir. Aussi qu’elle n’est pas sa surprise de le voir réapparaître dans sa vie alors qu’elle est sur le point d’accoucher ! En moins d’une heure, elle lui apprend qu’il va être père … et se voit proposer le mariage ! Dans la folie du moment, Sheila accepte… et se demande aussitôt si elle ne vient pas de commettre la plus grosse bêtise de toute son existence

ÇÊãäì Çä ÊÚÌÈßã............

ÛíãÉ ÈíÖÇÁ 08-01-07 04:43 PM

merci karam

riham ali 09-01-07 01:21 AM

موضوع رائع يا ريت تكملى الرواية صحيح انا لغتى الفرنسية ضعيفة بس مفيش مانع الواحد يجرب ودى كمان فرصة عظيمة لتقوية اللغة
شكرا جدا على الفكرة الحلوة دى ما تتاخريش علينا بالتكملة

adila.a 09-01-07 05:08 AM

c'est une bonne idee karam
merci biem

karam 09-01-07 01:32 PM

Chapitres : 1


Slade Garrett s’étira autant que le permettait l’exiguïté de sa voiture et contempla d’un air perplexe l’édifice de béton et de verre qui surplombait le parking. Dans le soleil déclinant de ce milieu d’après-midi, les innombrables fenêtres s’ornaient chacune d’un arc-en-ciel. Les yeux plissés, il se passa la main sur le visage. Sa barbe, en un sens, lui manquait. Ces derniers temps, il ne s’était pas beaucoup pomponné, c’était le moins que l’on pouvait en dire. Là où il se trouvait, il en avait perdu le goût. Mais il s’était quand même rasé et douché avant de monter dans l’avion du retour.
Et il était venu le plus vite possible.
Ce n’était pas la meilleure idée de sa vie, mais c’était cette idée-là qui l’avait soutenu depuis, combien ? Huit, neuf mois ? Elle l’avait accompagné comme son ombre, ou plutôt comme une lumière, parmi les atrocités qu’il lui avait fallu voir, et dont il avait rendu compte à ses lecteurs pour qu’ils s’en repaissent au petit déjeuner.
Parfois, il avait eu l’impression de débarquer au milieu d’un film d’horreur — sauf qu’il n’y avait eu personne pour crier : « Coupez ! » C’était dans ces moments-là que l’idée de revoir Sheila lui avait donné la force de continuer. L’avait empêché de devenir fou. Elle, plus que tout, l’avait retenu de céder au découragement, à mesure que les télégrammes arrivaient, lui demandant de se rendre dans un nouveau pays où les gens n’avaient ni nourriture ni toit.
C’était son métier. A une certaine époque, il l’avait aimé. Maintenant, il n’en était plus sûr. Du reste, il n’était plus sûr de rien, si ce n’est qu’il fallait qu’il revoie Sheila, fût-ce une fois.
Voilà pourquoi il était là.
Nerveux, crispé, il porta machinalement la main à la poche de sa chemise et étouffa un juron. Il s’étonna qu’après cinq mois il fût toujours surpris de ne rien y trouver. Il avait curieusement décidé d’arrêter de fumer au beau milieu d’un conflit — ainsi nommé parce que certaines tueries sont si insignifiantes que personne ne songerait à les honorer du titre de guerre.
Le tabac est, de toutes les mauvaises habitudes, la plus difficile à perdre. S’en sevrer brutalise le corps et l’esprit. Slade s’y était astreint parce qu’il ne voulait plus être esclave de quoi que ce soit. La seule chose à laquelle il accordait une relative suprématie sur sa liberté était son propre code d’honneur. A part cela, rien ne devait avoir barre sur lui. Quand il s’était retrouvé, un matin, en train de tendre la main vers son paquet de cigarettes avant même d’être complètement réveillé, il avait compris que le temps était venu d’arrêter. De toutes les fibres de son être, il refusait d’être prisonnier d’un besoin.
Et maintenant, que diable faisait-il ici, les yeux braqués sur l’immeuble où elle devait se trouver, une demi-heure à peine après avoir débarqué de l’avion ?
Il voulait se prouver une fois de plus que rien n’avait pas barre sur lui, pas même le plus beau des rêves.
Du moins, l’espérait-il.
Il n’aurait qu’à la revoir pour constater qu’elle n’était qu’une femme comme les autres et que le reste n’était qu’un mirage, une illusion embellie par le temps, la distance et les circonstances. Et, aussitôt, il recouvrerait sa liberté d’esprit. C’était aussi simple que cela. Enfin, en théorie.
Ils n’avaient eu droit qu’à une seule nuit d’amour. Tout venait de là. S’il avait pu la fréquenter régulièrement pendant un certain temps, Sheila serait désormais de l’histoire ancienne, comme les autres femmes qu’il avait connues, au lieu de s’être métamorphosée en cette vision enchanteresse qui l’avait accompagné à l’autre bout du monde.
Enchanteresse et obsédante. Voilà pourquoi il fallait qu’il s’en débarrasse. Pour redevenir l’homme que, selon lui, il n’aurait jamais dû cesser d’être : un voyageur sans bagages.
Slade baissa la vitre de sa portière et prit une profonde inspiration. Nichées dans les buissons qui encadraient le parking, des fleurs blanches exhalaient des senteurs sucrées.

karam 09-01-07 01:34 PM

Avril en Californie du Sud.
Il avait oublié à quoi cela ressemblait. Ici, le temps était toujours bienveillant. Oh ! il n’était pas rare qu’il se permette de troubler un pique-nique sur la plage ou une partie de campagne. Mais il n’avait rien d’un monstre et personne ne l’avait jamais vu brandir la menace mortelle d’une mousson ou d’un ouragan.
« Certes, se rappela Slade, un sourire ironique sur les lèvres, mais nous avons les tremblements de terre. »
Ce n’était tout de même pas pareil. Lorsque le sol s’ouvre sous les pas d’un homme riche ou que le vent balaie en un clin d’œil le fruit d’une vie d’efforts d’un homme pauvre, on ne peut pas dire que cela revienne au même. Slade ne s’y trompait pas. Dans sa mémoire, la misère du monde avait gravé des images indélébiles qui le mettaient définitivement à l’abri de bien des erreurs de jugement.
Peu à peu, la musique qui sortait de la radio se fraya un chemin jusqu’à son cerveau et changea le cours de ses pensées. Slade reconnut La Valse de Ravel et son sourire s’adoucit. L’orchestre avait joué cette même valse le soir où il avait rencontré Sheila. La tête renversée en arrière, il laissa la musique faire son œuvre. Sur l’écran de ses paupières closes, des images prirent forme et se colorèrent. Et il finit par la revoir, telle qu’elle lui était apparue ce jour-là.
Sitôt la porte franchie, elle captiva son regard. Une foule de gens l’environnaient. Pour le cas qu’il en fit, elle aurait aussi bien pu être seule. Elle se tenait de profil. Mais le profil est l’épreuve suprême de la beauté, son principal écueil ou sa manifestation la plus éclatante. Et le sien était idéalement pur. La plus belle femme qu’il eût jamais vue, pensa-t il alors, tandis qu’il la regardait évoluer avec aisance parmi les invités.

Il ne put résister à la tentation de connaître son nom. Se penchant vers son plus proche voisin, une femme âgée avec une tête de farfadet, il demanda :
— Qui est cette jeune femme, là-bas ? La grande blonde avec une cour de vingt hommes autour d’elle ?
La femme parut s’étonner qu’il ne le sache pas.
— Le Dr Sheila Pollack. La fille de Susan et Théodore Pollack. Ce sont eux qui président ce gala.
Elle dit encore quelque chose à propos de ce qui était inscrit sur le carton d’invitation, mais Slade avait déjà entrepris de se frayer un chemin vers la belle blonde.
Elle portait une robe du soir bleu nuit, dont l’étoffe légère épousait chaque courbe de sa longue silhouette. Le décolleté en cœur laissait deviner sans rien en montrer deux seins parfaits. La finesse de la taille, l’arrondi des hanches, le galbe du mollet atteignaient ce degré de perfection qui se rencontre plus souvent sous le ciseau d’un sculpteur que dans la nature.
A mesure qu’il se rapprochait de l’éblouissante créature, Slade se sentit de plus en plus nerveux. Le bout de ses doigts se mit à picoter, sa gorge s’assécha. Il ressentait le même genre d’excitation que lorsqu’il se trouvait sur le point de découvrir le fin mot d’une histoire. Il adorait débrouiller les mystères. Et cette femme avait l’air d’en receler davantage à elle seule que les œuvres complètes d’Agatha Christie.
— Bonsoir, on m’a dit que vous avez quelque chose à voir avec ce gala de charité.
Sheila se tourna lentement vers lui. Elle avait des yeux turquoise. Immenses. Deux centaurées au printemps. De près, elle était encore plus fascinante que de loin. De telles femmes font bien davantage qu’exister : elles ornent le monde de leur présence.
L’homme avec lequel elle parlait dut se sentir de trop — chat de gouttière s’effaçant devant un lion —, car il bougonna qu’il la verrait plus tard et s’éloigna.
Sheila dévisagea Slade. Si elle l’avait déjà vu quelque part, elle ne s’en souvenait pas. Le mari d’une de ses patientes ?
Elle sourit d’un air suave.
— Nous nous connaissons ?
— Non. Mais je propose de remédier sans tarder à un état de fait aussi navrant.
Avec une grande économie de gestes, il prit Sheila par les épaules et la fit sortir du cercle d’invités empressés autour d’elle.
— Nous avons une grande amie en commun, murmura-t il sur le ton de la confidence. Cela crée des liens. La dame en beige, là-bas.
D’un geste vague, il désigna la vieille femme au visage de farfadet, près de l’entrée. Sheila regarda dans la direction indiquée.
— Vous voulez dire Martha ?
Il confirma d’un hochement de tête. Elle portait un parfum dont il n’aurait rien su dire, sinon qu’il lui mettait le sang en ébullition. Fugitivement, il se demanda si elle avait quelqu’un dans sa vie. Mari, amant, fiancé ? Une chose était sûre : cela n’avait pas la moindre importance pour lui. Du moins, pas à ce moment-là.
— Oui, Martha.
Une lueur amusée passa dans les yeux de Sheila.
— Et si je vous disais qu’elle ne s’appelle pas Martha mais Jane ?
— Alors, je vous répondrais que ma mémoire m’a trahi... ainsi que la vôtre. Car elle ne s’appelle ni Martha ni Jane, n’est-ce pas ?
Ce fut sans doute à ce moment-là qu’elle commença à l’aimer. Ravie de sa réponse, elle partit d’un beau rire perlé.
— Vous avez raison, elle s’appelle Sibyl. Et moi, je suis Sheila Pollack, ajouta-t elle en tendant la main.
Slade s’en saisit.
— Je sais. Je suis du Times.
Surprise par cette nouvelle, elle le toisa un bref instant.
— Curieux, fit-elle. Vous n’avez pas l’air d’un chroniqueur mondain.
— Je ne le suis pas.
Non qu’il eût quoi que ce soit contre les potins. Il faut de tout pour faire un monde et il y a des gens qui n’achètent le journal que pour cela. Mais il ne plaçait pas les chroniqueurs mondains dans la même catégorie que les reporters. Un divorce à Beverly Hills n’a rien à voir avec un charnier au Cambodge. L’un est un vaudeville, l’autre une tragédie. Il y a ceux qui trempent leur plume dans du vinaigre pour raconter ce qui se passe au-dessous de la ceinture des célébrités, et ceux qui la trempent dans le sang, pour que tout le monde sache ce qu’est l’enfer. Ils n’ont pas le même genre d’esprit, et cela finit par se voir sur leur figure.
— Laura Moore a eu un empêchement de dernière minute, expliqua-t il. Intoxication alimentaire. Je la remplace au pied levé.
Un serveur passa à leur portée, un plateau à la main. Slade y saisit deux flûtes de champagne, mettant l’une entre les mains de Sheila. Il avait accepté ce travail comme il aurait aussi bien pu le refuser : sans réfléchir. « Un caprice peut mener loin », songea-t il en contemplant avec délectation la splendide jeune femme.
— Rappelez-moi de lui faire envoyer des fleurs, reprit-il.
Exactement comme il l’espérait, l’air intrigué, elle demanda pourquoi.
— Parce que, grâce à elle, je vous ai rencontrée et que nous avons la chance de passer la soirée ensemble.
Sheila lui lança un charmant regard et mordilla le bord de son verre. Elle devait trouver qu’il allait vite en besogne.
— Ce n’est pas encore fait, murmura-t elle.
Non, mais c’était pourtant bien comme cela que les choses allaient se passer. Il le sentait.
— Oh ! Mais nous avons cette bonne vieille Martha-Jane-Sibyl en commun.
Elle commença à se détourner pour partir. Il accéléra le débit.
— Cela fait de nous de vieux amis, pour ainsi dire.
Parce que cela lui paraissait naturel, il la prit par les épaules une fois de plus.
— Et vous ne refuseriez pas de tenir compagnie à un vieil ami pendant sa dernière soirée aux Etats-Unis, n’est-ce pas ?
Là, elle le prit sûrement pour un fieffé menteur.
— Votre dernière soirée, ah oui ? Vous êtes marin, par-dessus le marché !
Il se donna un air grave.
— Non, reporter. Je pars demain matin pour l’Europe.
Visiblement, Sheila doutait encore. Après tout, ce n’était peut-être qu’une histoire à dormir debout, comme il s’en invente tous les jours à seule fin de séduire les jeunes femmes.
— Londres ? Supposa-t elle.
Slade sourit à cette idée. Comme si, pour couvrir le début des soldes chez Marks & Spencer, on avait besoin d’envoyer un correspondant de guerre !
— Bosnie, laissa-t il tomber avec un hochement de tête.
Sheila réprima un frisson. Les images du siège de Sarajevo, que montrait chaque jour le journal télévisé, n’étaient pas belles à voir.
— Si vous dites cela pour m’impressionner, c’est réussi, murmura-t elle.
— Ce n’est que la vérité, vous savez. Au moment d’envoyer quelqu’un pour couvrir cette soirée, je ne suis pas la première personne à laquelle mon rédacteur en chef a pensé.
Elle l’interrompit d’un rire.
— Je vous crois !
Elle but une gorgée de champagne, et Slade commença à se demander quel goût pouvaient bien avoir ses baisers.
— Je suis ici pour rendre service, reprit-il. Laura avait besoin de quelqu’un pour venir voir à sa place si les petits fours étaient au goût des invités. Elle m’a dit : « Il n’y a rien de tel qu’un de ces raouts entre snobs pour vous faire fuir. Après ça, crois-moi, tu auras vraiment envie de partir pour la Bosnie. »
D’après la manière dont la robe adhérait au corps de Sheila, elle ne devait pas porter grand-chose dessous. Fasciné, Slade se dit qu’il lui faudrait en avoir le cœur net avant la fin de la soirée.
— J’ai bien voulu la croire, enchaîna-t il. Mais c’était avant...
— De me voir ? Acheva Sheila, le menton levé, deux fossettes amusées encadrant sa jolie bouche.
Il la regarda droit dans les yeux et assena gravement que oui. La jeune femme trempa ses lèvres dans le champagne avant de faire un commentaire.
— Vous distribuez toujours les compliments par lots ? dit-elle.
Il n’eut pas le mauvais goût de se vexer. Qu’une femme ait assez de confiance en soi pour ne pas être dupe d’une flagornerie lui plaisait.
— C’était trop ?
— D’une tonne ou deux.
Il avait envie de mieux la connaître, de la garder pour lui toute la soirée. Mais il fallait agir vite. Tous les hommes la regardaient. A n’importe quel moment, l’un d’entre eux pouvait la lui subtiliser. Il sourit d’un air engageant.
— On recommence de zéro ? Proposa-t il.
— Bonne idée.
Elle fit un demi pas en arrière, puis un demi pas en avant, comme un acteur qui refait son entrée, et dit :
— Bonsoir, je suis le Dr Sheila Pollack.
— Un docteur ! s’exclama Spade en prenant la main qu’elle lui tendait et en la plaquant contre son cœur. Cela tombe bien, j’ai très mal là !
Sans s’affoler, Sheila reprit lentement sa main.
— Très drôle, murmura-t elle. A priori, j’aurais plutôt pensé que vos problèmes étaient d’ordre psychologique.
Mutine, elle attendit de le voir sourciller avant d’ajouter :
— Vous êtes d’une timidité maladive, mon bon jeune homme.
Slade savoura cette ironique repartie les yeux clos.
— Quelle sûreté de diagnostic ! Vraiment, vous m’épatez. Cela fait des années que mes médecins cherchent en vain ce que j’ai et vous, en une seconde, vous mettez le doigt dessus. Vous commencez à bien me plaire, docteur Sheila Pollack.
C’était vrai. Avec lui, cela se décidait toujours aussi vite. Il n’était pas du genre à tergiverser.
Et elle devait être de la même race. Car elle arborait un sourire radieux comme le soleil levant.
— Pour tout vous dire, je m’en doutais, murmura-t elle d’un air malin.
— Vous voulez peut-être connaître mon nom ? Poursuivit Slade en jouant le jeu.
Dans ses yeux, il lut qu’elle lui en avait déjà trouvé un. Toute la question était de savoir s’il était flatteur.
— J’aimerais voir votre carte de presse. Il n’y a que cela qui puisse me convaincre que votre histoire n’est pas tout à fait inventé.
Joviale mais pondérée. Intéressante combinaison de qualités. Il aimait assez cela. Lorsqu’il lui tendit son portefeuille, Sheila parut surprise.
— Hum, la photo n’est pas très bonne, bredouilla-t il en feignant l’embarras, mais c’est bien moi.
Elle lut son nom et leva vers lui des yeux où il lui sembla lire une certaine admiration. Cela ne dura qu’une fraction de seconde, avant qu’elle ne se ressaisisse.
— Eh bien, monsieur Garrett, dit-elle en lui rendant son portefeuille, à moins que vous n’ayez dans vos relations un excellent faussaire, vous êtes du Times, exactement comme vous le disiez.
— Je ne mens jamais, conclut-il, avec un sourire qui proclamait le contraire.
Disant cela, il la prit par la main et l’entraîna vers la terrasse. L’orchestre, de bonne tenue, venait d’entamer La Valse de Ravel.
— A propos de ma petite douleur au cœur...
Sheila se pencha vers lui.
— Je recommande la danse, dit-elle en riant.
— La danse ?
— Oui, et de préférence au clair de lune.
Slade tourna les yeux vers le ciel : un dais de velours noir pailleté d’argent. Danser, oui, il n’y avait pas de meilleur pré********************************e au monde pour prendre une femme dans ses bras.
— Soit, murmura-t il en prenant des airs de martyr. Si c’est le médecin qui le recommande...
Cette soirée avait fini en apothéose, sur une plage privée, non loin de l’hôtel où se donnait le gala.
Slade n’aurait jamais cru qu’une femme puisse avoir tant à offrir. Il avait découvert dans ses bras des nuances de plaisir infinies.
Sheila lui avait donné bien plus qu’il n’aurait jamais osé espérer.
Et bien moins.
Moins, parce qu’elle n’avait pas exprimé la moindre exigence personnelle, ni n’avait rien demandé en échange du don total qu’elle faisait d’elle-même.
Jamais il n’avait réagi comme ce soir-là. Il y avait eu du sortilège dans l’air. Oui, une telle harmonie, de telles délices ne pouvaient s’expliquer que par un mot : magie.
Cette seule soirée lui avait procuré de quoi rêver pendant des mois. Plus d’une fois, dans son sommeil, le corps de Sheila, né d’une fausse position du bras ou de la jambe, avait été sa seule consolation dans un monde livré au bruit et à la fureur.
Après une nuit passée à faire l’amour et à ne s’arrêter que pour reprendre haleine, ils s’étaient quittés à l’aube, avec la certitude que ce qu’ils venaient de vivre allait devenir le joyau de leur mémoire.
Et maintenant, il était là, sur le point de la revoir. Serait-elle aussi merveilleuse que dans son souvenir ?
Et, si oui, que ferait-il ? L’inviterait-il à dîner ?
Après avoir fait l’amour avec elle sous un ciel étoilé, un dîner semblait bien ordinaire.
La valse était finie. Slade éteignit la radio. Pensif, il se mordillait la lèvre inférieure.
Ces hésitations ne lui ressemblaient pas. De quoi avait-il peur ? Il n’était pas sur le point de traverser un champ de mines ou de courir cent mètres à découvert, avec des snipers juchés sur les immeubles alentour. Il allait juste mettre un rêve à l’épreuve de la réalité. Ce n’était pas si terrible, personne n’en était jamais mort.
Il descendit de voiture, claqua la portière, et se dirigea vers l’hôpital d’un pas martial.
Sur le grand panneau, dans le hall, le nom qu’il cherchait se trouvait au milieu de la troisième colonne : « Dr Pollack Sheila. Cabinet 812 ».
« De sa fenêtre, elle doit avoir une vue imprenable sur Catalina », pensa-t il. Au moment d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur, il s’étonna d’avoir les mains moites. Il avait pourtant affronté des situations plus impressionnantes. Il avait été réveillé au milieu de la nuit par le bruit des obus ; les balles avaient sifflé à ses oreilles dans des villes en ruines ; il avait vécu au milieu de réfugiés, partageant leur maigre pitance et leurs encore plus maigres espoirs de paix. Tout ça pour glaner la matière d’un article ! Et il ne s’était jamais senti aussi troublé et mal à l’aise qu’aujourd’hui.
Pourquoi maintenant, alors qu’il regardait les numéros des étages défiler sur le cadran d’un ascenseur ? « Parce que l’enjeu n’est pas le même », se répondit-il. Aucune de ces guerres auxquelles il avait assisté n’étaient les siennes. Il n’était que spectateur. Mais aujourd’hui, il se retrouvait face à sa propre vie.
Le huitième étage était aussi le dernier. Lorsqu’il déboucha sur le palier, Slade se demandait encore s’il ne ferait pas mieux de rebrousser chemin et d’oublier toute cette affaire.
La lâcheté de cette pensée le dégoûta aussitôt.
Le cabinet qu’il cherchait était le troisième à droite. 812. Une plaque proclamait : « Dr Sheila Pollack, gynécologue accoucheur ».
La salle d’attente était spacieuse et le bleu pâle des murs répandait une atmosphère douce et paisible. Il y avait douze fauteuils de cuir, de part et d’autre d’une table basse en marbre. On se serait plutôt cru dans un salon que dans le cabinet d’un médecin.
Slade frappa à une porte de verre dépoli. L’infirmière qui l’ouvrit le regarda bizarrement.
— Bonjour, dit Slade. Le Dr Pollack est-il là ?
— Oui, répondit l’infirmière, qui s’appelait Lisa, à en croire le badge épinglé à sa blouse.
Elle attendit qu’il continue.
— Puis-je lui dire deux mots ? demanda Slade, d’un ton impatient.
L’infirmière se demanda s’il avait bien lu la plaque sur la porte.
— Vous cherchez peut-être le Dr Théodore Pollack, suggéra-t elle poliment. C’est au sixième étage. Cabinet numéro...
Théodore Pollack ? Le nom lui disait vaguement quelque chose mais il n’arrivait pas à le situer. Cet homme serait-il le mari de Sheila ? Ainsi, il aurait rêvé d’une femme mariée pendant tous ces longs mois ?
— Non, c’est bien Sheila Pollack que je désire voir, répondit-il.
Il regarda par-dessus son épaule. Trois femmes enceintes venaient d’entrer. Avec un sourire en coin, il ajouta :
— C’est personnel.
L’infirmière le regarda d’un œil scrutateur. Le Dr Pollack ne lui avait pas dit qu’elle attendait quelqu’un.
— Pour le moment, elle est occupée, dit-elle.
Eh bien, il avait déjà patienté si longtemps, quelques minutes de plus ou de moins n’y changeraient pas grand-chose.
— Je vais attendre, dit-il sur un ton résigné.
Il prit un magazine et alla s’asseoir.
— Je vais prévenir le docteur que vous êtes là, monsieur, dit l’infirmière. Votre nom ? Slade hésita.
— Dites-lui seulement qu’il s’agit de quelqu’un qu’une valse au clair de lune n’a pas tout à fait guéri de sa maladie de cœur, répondit-il.
L’infirmière ouvrit la porte de verre dépoli et disparut.

Aichaa 09-01-07 02:49 PM

Merci beaucoup chere Karam,
L'histoire commence bien et j'espere qu'on aura la suite bientot.

En attendant la suite, tu as mes remerciements

Aichaa

karam 09-01-07 08:33 PM

[B]
pas de quoi ma chere
[/B
]

sara89 09-01-07 11:02 PM

cette histoire se trouve dans la site www.harlequin.fr et il se trouve aussi d'autres tres interessante

Aichaa 10-01-07 12:00 PM

Waw, c'est genial ca fait un bout de temps que je cherche ce site. Dis Karam, je peux savoir t'es d'ou.

Aichaa

ÛíãÉ ÈíÖÇÁ 10-01-07 03:54 PM

salut karam nous vous attendons

karam 10-01-07 08:40 PM

slt aicha
mois je m'appel karima et d'ou maroc

karam 10-01-07 08:49 PM

Chapitres : 2
Sheila acheva posément ce qu’elle était en train de faire. Ensuite seulement, elle se tourna vers l’infirmière qui venait d’entrer dans son cabinet.
Lisa avait l’air embarrassé, ce qui éveilla aussitôt son intérêt. Elle connaissait la jeune infirmière depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’il en fallait beaucoup pour l’impressionner.
— Que se passe-t il, Lisa ?
— Il y a un homme dans la salle d’attente, répondit l’infirmière avec un regard indécis en direction de la patiente, sur la table d’examen. Il dit qu’il veut vous voir.
La chose en soi n’était pas inhabituelle.
— Sa femme est avec lui ? demanda Sheila.
— Non.
Sheila haussa les épaules.
— Il veut peut-être voir mon père. Ce n’aurait pas été la première fois qu’un patient se trompait de cabinet. Avec trois Drs Pollack dans le même hôpital, les erreurs étaient inévitables.
Lisa secoua la tête.
— Je lui ai posé la question. C’est bien vous qu’il veut voir.
Sheila n’était toujours pas surprise outre mesure. Cela arrivait parfois qu’elle eût à apaiser les craintes d’un futur papa. Tous n’accueillaient pas l’événement avec le même optimisme. Les maris étaient même parfois plus anxieux que leur femme à l’idée de l’accouchement. Si elle n’avait pas le temps de répondre à ses questions entre deux rendez-vous, elle le verrait en fin de journée.
« Enfin, si je tiens le coup jusque-là », pensa-t elle en caressant son ventre rebondi. Elle avait déjà eu une fausse alerte quelques jours auparavant. Mais aujourd’hui, les douleurs étaient plus fréquentes et plus intenses que jamais. Pas de doute : le dénouement était proche.
— Vous a-t il dit comment il s’appelle ?
— Non. Il m’a juste demandé de vous parler d’une maladie de cœur et d’une valse au clair de lune.
Retenant son souffle, Lisa guetta la réaction du médecin. Elle ne fut pas déçue. Sheila eut un hoquet de surprise et un sursaut qui lui fit bousculer le moniteur tout proche. Adressant à sa patiente un petit sourire crispé, elle murmura :
— Je n’en ai que pour une minute.
Et elle entraîna Lisa dans le couloir.
Non, ce ne pouvait être lui. Et pourtant, qui d’autre aurait pu faire allusion à une valse au clair de lune ?
Sheila regarda vers la salle d’attente, mais la porte de verre dépoli était close. Les silhouettes qu’elle aperçut au travers auraient pu appartenir à n’importe qui.
Slade.
Elle n’était pas prête à affronter les fantômes de son passé. Pas maintenant. Elle avait des patientes à recevoir, des inquiétudes à rassurer, des douleurs à soigner.
Elle agrippa Lisa par le bras.
— Ce mystérieux danseur, à quoi ressemble-t il ?
— Bel homme, répondit Lisa. L’air pas commode mais bel homme. Très bel homme, même.
— Un mètre quatre-vingt-cinq, yeux marron, cheveux châtain foncé, petit sourire en coin ?
Les yeux levés au plafond, Lisa réfléchit un bref instant.
— Je ne l’ai pas vu sourire, mais pour le reste, c’est ça.
« Vous ne l’avez pas vu sourire, songea Sheila. Vous ne connaissez pas votre chance ! »
Car ce sourire, plus que tout autre chose, avait causé sa perte, neuf mois auparavant. C’est à cause de ce singulier retroussement du coin des lèvres, à la fois ironique et charmeur, qu’elle avait oublié toute prudence pour devenir la Mme de Tourvel de ce nouveau Valmont.
Et, cependant, elle ne regrettait rien. Et elle s’apprêtait sereinement à accueillir et à chérir l’enfant qui avait été conçu au cours de cette nuit inoubliable, dont chaque détail parfait brillerait à jamais dans sa mémoire.
Lisa observait Sheila d’un œil inquiet.
— Docteur, vous vous sentez bien ? Vous êtes toute pâle.
— Je suis toujours toute pâle quand je suis sur le point de rencontrer un revenant, murmura Sheila.
Elle avait cru qu’elle ne le reverrait jamais, et maintenant, il était là, de l’autre côté de cette porte opaque. Alors, que faire ?
Sheila se raidit. Elle n’avait aucune raison de céder à la panique. Elle avait pris une décision sage, mûrement raisonnée, lorsque son univers avait été mis sens dessus dessous par la découverte de sa grossesse.
Jusque-là, la jeune femme n’avait jamais pensé à avoir un enfant. Sa propre enfance l’avait convaincue qu’une carrière professionnelle réussie ne laisse pas beaucoup de place à la vie de famille. Mais, lorsqu’elle s’était retrouvée à son tour sur la table d’examen, l’amour maternel qui s’était éveillé en son cœur avait été plus fort que tous les arguments raisonnables. Elle avait décidé de garder l’enfant, et était même résolue à l’élever seule, sans le soutien d’un mari ou d’un compagnon.
D’ailleurs, le père de son enfant était un homme qu’elle s’était convaincue de considérer comme son grand amour impossible. Leur unique nuit avait été trop parfaite pour risquer de tout gâcher par une deuxième rencontre. Et la révélation que leur union avait engendré un petit être risquait de tout compliquer.
Au cours de cette nuit incomparable, Sheila avait le sentiment d’avoir connu Slade autant qu’une femme peut connaître un homme. Elle savait qu’il était farouchement attaché à sa liberté. Et ni lui ni elle ne se laisseraient mettre un fil à la patte. Alors, un enfant !
Sachant cela, Sheila s’était abstenue de le chercher pour lui faire savoir qu’il allait être père. A quoi bon, en effet ? Le père est-il vraiment indispensable au bonheur d’un enfant ? Elle n’en était plus très sûre. Pour l’essentiel, elle se suffisait à elle-même. Et, en cas de besoin, elle pouvait toujours compter sur ses parents. Ils avaient accueilli la nouvelle avec l’enthousiasme et l’élégance suprême qu’ils mettaient en toute chose dans la vie. Certes, Théodore et Susan Pollack n’avaient pas toujours donné à leur fille unique une enfance paradisiaque, mais aujourd’hui ils la soutenaient, et c’était en partie grâce à eux que Sheila avait accepté d’aussi bonne grâce la situation.
Et maintenant, il était là, lui, dans la salle d’attente. A attendre.
Et elle était là, elle, avec dans son ventre, depuis neuf mois, un enfant de lui.
Pour ce qui était d’arriver comme un chien dans un jeu de quilles, Slade Garrett s’y entendait. Sheila fit la moue. Une patiente attendait dans son cabinet, trois autres dans les salles 2 et 3, et elle avait des rendez-vous toutes les demi-heures jusqu’à la fin de l’après-midi.
L’infirmière posa la main sur son bras.
— Je pourrais peut-être lui suggérer de revenir plus tard ? Proposa-t elle.
— Non, dites-lui seulement que je le verrai quand j’en aurai fini avec mes rendez-vous. Ne lui cachez pas que cela prendra quelque temps.
Des fois qu’il se lasse et s’en aille ! Après quoi, chacun de son côté, ils pourraient se remettre à dorloter leurs souvenirs de cette nuit sans pareille.
Trois heures plus tard, Sheila n’avait plus de patiente à examiner. Lisa l’avait informée que la salle d’attente, à part Slade, était vide.
— En êtes-vous sûre ?
— Sûre et certaine. Il n’y a plus que lui... et une pile de magazines en piteux état.
Qu’y avait-il donc entre le Dr Pollack et l’inconnu dans la salle d’attente ? L’infirmière se le demandait depuis le début, sans trouver de réponse, et soudain tout s’éclaira : c’était sans aucun doute le père de son bébé ! Il n’y avait pas d’autre explication possible. Elle n’avait jamais vu Sheila aussi bouleversée.
— Je peux toujours lui dire que vous avez été appelée à l’extérieur en urgence, proposa-t elle pour bien faire.
Sheila fut tentée d’acquiescer, puis y renonça. Il ne servait à rien de remettre à plus tard l’inévitable. Tôt ou tard, Slade apprendrait la vérité. Par exemple, lorsque le bébé s’inscrirait à l’université...
— Non, soupira Sheila. Faites-le entrer. Qu’on en finisse.
Plus lasse que jamais, elle passa dans son cabinet et s’assit derrière son bureau. Dommage qu’il n’ait pas été plus haut pour cacher son ventre. Slade Garrett allait tout de suite comprendre ce qui se passait. Seigneur, comme elle avait peur de le revoir.
L’homme avec lequel elle avait fait l’amour sur une plage de sable fin était paré, dans sa mémoire, de toutes les vertus d’un demi-dieu. Ah ! il avait tort d’insister pour se montrer, car il allait pâtir d’une brutale comparaison entre lui-même et sa légende ! Forcément. Et il ne serait pas le seul à y perdre. Elle aussi le décevrait.
Avec un nouveau soupir navré, elle se prépara à affronter le père de son enfant.
De son côté, Slade n’en pouvait plus d’attendre. Cela faisait une demi-heure qu’il était tombé en panne de journaux, et plus longtemps encore qu’il ne comprenait plus ce qu’il lisait. Il serait bientôt 18 h 30, aucune patiente ne viendrait plus.
La porte de verre dépoli s’ouvrit et Lisa parut. Slade se leva.
— Mon tour, Lisa ?
La jeune femme suffoqua. Il y avait quelque chose dans les yeux sombres de cet homme qui pouvait fasciner une femme au point de lui faire oublier de respirer. Après une seconde, elle hocha la tête.
— Oui, le docteur va vous recevoir.
— Très fair-play de sa part, dit-il avec un sourire.
Pourquoi n’était-il pas reparti une heure plus tôt ? Il n’en savait rien. La patience n’avait jamais été son fort. Attendre l’agaçait vite. Mais la curiosité l’avait rivé à son siège.
Il avait eu trois heures pour se demander si elle pourrait soutenir la comparaison avec l’image qu’il avait gardée d’elle. Sincèrement, il en doutait. Mais il fallait qu’il s’en assure. Aucune femme ne l’avait à ce point troublé, et il avait besoin de savoir si seules les circonstances inattendues et romantiques de leur idylle étaient responsables de son émoi.
Il suivit Lisa jusqu’à la dernière porte, au fond d’un petit couloir. L’infirmière s’effaça en marmonnant quelque chose qu’il ne comprit pas.
— Ah ! le saint des saints, murmura-t il. Enfin !
Elle était là, assise derrière un large bureau noir. La lumière crépusculaire qui baignait la pièce accentuait sa blondeur. Elle avait les mains à plat devant elle, comme une sage écolière qui attend le début de la leçon.
Et elle était aussi belle que dans son souvenir. Davantage, même.
— J’ai bien aimé votre salle d’attente, dit-il en la regardant droit dans les yeux. Un endroit charmant, on ne s’en lasse pas.
Sheila parvint à sourire. Il avait bronzé et ses cheveux, plus longs que cette nuit-là, passaient sur le col de sa chemise. Sa mémoire ne lui avait pas menti.
Il était aussi beau que dans son souvenir. Davantage, même.
— Vous aviez de la lecture. Tout sur le point de croix et la compote de pommes, cela a dû vous passionner, repartit-elle, sur le même ton désinvolte que lui. Comment allez-vous ?
Sans lui laisser le temps de répondre, elle écarta ses mains et se laissa glisser contre le dossier de son fauteuil, exposant son gros ventre.
Slade resta interdit... l’espace d’une fraction de seconde.
— Bien. Mais il faut préciser que c’est en grande partie grâce à un sniper serbe.
— Pardon ?
— Il m’a raté.
Sous son impassibilité apparente, Slade était au supplice. Dès qu’il avait vu le ventre rond de la jeune femme, une ardente jalousie avait commencé à lui consumer les entrailles. Par réflexe, il regarda l’annulaire gauche de Sheila. Pas d’alliance. Pas de bague de fiançailles. Mais peut-être le bouchon de carafe que lui avait offert l’heureux élu était-il trop gros pour qu’elle le porte pendant ses heures de travail ?
— Je pense que des félicitations s’imposent, enchaîna-t il.
Ainsi, depuis des mois, il se languissait pour une femme mariée enceinte jusqu’aux yeux ! Il avait l’air malin, à présent !
— A propos du bébé ? demanda-t elle d’une voix sourde.
— Et du mariage, pour commencer.
Sheila battit des paupières. De quoi parlait-il ? Elle leva un sourcil. Un sourire dansa sur ses lèvres.
— Quel mariage ?
— Le vôtre, pardi !
Une nuance de reproche altérait sa voix. Il n’en avait aucunement le droit, mais ne pouvait s’empêcher de se sentir trahi.
— Je me marie, moi ? rétorqua la jeune femme, interloquée.
Slade comprit alors sa méprise. On était à la fin du XXe siècle. Les us et coutumes traditionnels coexistaient avec des manières anticonformistes. Pourtant, il avait pensé que Sheila, médecin et membre du conseil d’administration d’un des meilleurs hôpitaux de l’Etat, se serait mariée avant d’avoir un enfant.
— Mais alors, vous n’êtes pas...
— Mariée ? Non.
Pour Slade, cela n’avait pas le moindre sens. A priori, il ne l’aurait pas rangée dans la catégorie des femmes pressées de faire un pied de nez à la société.
— Mais alors... comment ?
Sheila se rembrunit. Pas de doute possible, il la menait en bateau.
— Comment ? répéta-t elle en hochant la tête d’un air navré. Je m’étonne qu’un homme de votre âge ne le sache pas.
Slade la dévisagea longuement. Il porta la main à la poche de sa chemise... avant de se maudire, lui et toutes les feuilles de tabac qui avaient jamais mûri sous le soleil !
Soudain, sa pensée s’engagea dans une tout autre voie.
— Vous êtes enceinte de combien de mois ? demanda-t il d’une voix étouffée.
Ainsi, pensa Sheila, il commençait à comprendre.
— D’à peu près autant de temps qu’une femme peut l’être sans révolutionner l’obstétrique, répondit-elle avec un petit air pincé.
Cette conversation ne cesserait donc jamais ! Elle priait pour que le téléphone sonne.
— Neuf mois ?
Slade s’assit sur le bord du bureau. Il n’était plus du tout certain que ses jambes pouvaient le porter.
— Mais alors, ce bébé, c’est...
— Le vôtre, acheva Sheila.
Complètement abasourdi, Slade pâlit. Il avait l’air si désemparé que Sheila ne put s’empêcher de sourire.
— Eh bien ! s’exclama-t il d’une voix blanche. Pour un cadeau de bienvenue, c’est un cadeau de bienvenue !
Un bébé, elle allait avoir un bébé. Il allait avoir un bébé ! Enfin, façon de parler. Slade poussa un profond soupir.
— Vous n’avez pas l’air dans votre assiette, observa Sheila.
— Juste un petit peu dépassé par les événements, c’est tout.
Elle voulait bien le croire.
— Pas la peine de vous mettre martel en tête, dit-elle. Vous savez, les...
Il lui fit signe de se taire. Pour l’heure, une question plus urgente lui brûlait les lèvres.
— Pourquoi ne m’avez-vous rien dit ? demanda-t il, d’un ton dont la sécheresse choqua la jeune femme.
Elle haussa les épaules.
— Je ne savais pas où vous joindre. Et puis, je ne suis plus une petite fille et...
Il braqua ses yeux sur le ventre rond.
— Manifestement !
Toujours ce même ton âpre, de plus en plus difficile à supporter.
— Je suis capable d’élever toute seule un enfant, lança-t elle.
Ainsi, Sheila était une adepte du mouvement de libération des femmes ? Il ne l’aurait jamais imaginé.
— Mais c’est le mien ! s’exclama-t il, sur un ton presque dubitatif.
Vu les circonstances, Sheila était capable de concevoir qu’il ait des doutes sur sa paternité. Pourtant, une douleur sourde lui serra le cœur.
— Je viens de vous le dire.
— Vous êtes sûre ?
Sheila aurait pu se vexer, mais elle fit un effort pour rester calme et mesurée.
— Slade, ce que j’ai fait avec vous, je ne l’ai pas fait deux fois dans ma vie. Il faut croire que j’étais dans un soir de faiblesse ou que votre pouvoir de séduction est hors du commun.
— Mais j’avais mis...
Oui, même dans l’ardeur du moment, ils avaient pris leurs précautions. C’était le côté ironique de la chose. Avec un haussement d’épaules fataliste, Sheila se leva et porta la main à ses reins.
— Ce sont des choses qui arrivent. C’est votre enfant, croyez-moi.
Et il la crut. Non qu’il en eût très envie, mais il lisait dans ses yeux qu’elle disait la vérité.
— Dans ce cas, épousez-moi.
Sheila éclata d’un rire nerveux.
— Pardon ? s’exclama-t elle.
— Epousez-moi. Puisque c’est mon bébé, j’ai des responsabilités envers lui. Je veux vous épouser.
Ainsi, un globe-trotter, un aventurier intrépide comme Slade songeait à se marier ? Mais pour qui se prenait-il ? On ne décide pas de l’avenir de trois personnes aussi cavalièrement !
— La seule bonne raison pour laquelle je n’ai pas essayé de vous joindre, Slade, c’est justement que je n’ai que faire de votre sens des responsabilités. Je suis tout à fait capable d’assumer seule l’éducation de cet enfant.
— Mais il est à moi ! J’ai mon mot à dire. Sheila croisa les bras sur son ventre.
— Et quel est-il, ce mot ?
Il croyait l’avoir déjà prononcé une fois.
— Mariage, répéta-t il avec emphase. Un enfant mérite une famille.
Un père, une mère et un bébé ne faisaient pas nécessairement une famille. Sheila était bien placée pour le savoir.
— S’il veut une famille, il en fondera une quand il sera grand.
— Il ?
— Ou elle. Je ne sais pas ce que ce sera. Je préfère avoir la surprise.
Pour ce qui était des surprises, Slade avait déjà eu son compte ! A moins qu’une soucoupe volante remplie de Martiens ne se pose dans son jardin, ce qui s’était passé aujourd’hui resterait à jamais la surprise de sa vie.
— Nous devons en discuter.
Les douleurs étaient de plus en plus vives et Sheila savait exactement ce qui se passait. Elle allait accoucher d’un instant à l’autre. Il fallait que Slade s’en aille.
— Pour l’heure, je ne vois rien d’autre à vous dire. Si vous voulez bien m’excuser.
Elle le prit par le bras et le poussa dehors.
— Mais...
Sheila referma la porte. En poussant un soupir saccadé, elle s’adossa au mur et compta. Pas d’erreur, elle était en travail. Pour de bon, cette fois-ci

karam 10-01-07 08:58 PM

Chapitres : 3


Les contractions se succédaient avec force et régularité. Rien à voir avec la fausse alerte de la semaine dernière.
Sheila regarda vers la porte. La tentation était grande de courir après Slade. Mais non, elle n’avait aucune raison de revenir sur son premier mouvement. Elle achèverait seule ce qu’elle avait commencé seule.
La contraction qui suivit lui coupa le souffle. Elle dut attendre un instant avant d’avoir de nouveau la force de marcher. Elle s’approcha alors du bureau et décrocha le téléphone pour appeler la maternité, à l’étage en dessous. La secrétaire décrocha à la première sonnerie et débita son refrain d’une voix chantante et sans reprendre haleine.
— Admission-maternité-Rosa-Martinez- bonjour.
— Dr Sheila Pollack. Je pense que le moment est venu pour moi d’utiliser la chambre que j’ai réservée.
A l’autre bout du fil, elle entendit cliqueter un clavier d’ordinateur. Rosa devait être en train de sortir son dossier.
— Maintenant, docteur ?
— Maintenant.
Machinalement, Sheila porta la main à son ventre, comme si cela pouvait la soulager. Ainsi donc, c’était ça, les affres de l’enfantement. « Les hommes ne perdent pas grand-chose à ne pas les connaître ! » pensa-t elle.
— Le temps de me traîner jusqu’à l’ascenseur et j’arrive, reprit-elle.
— Nous vous attendons, conclut Rosa.
Avec une grimace de douleur, Sheila raccrocha. Elle ne se rendit pas compte que la porte s’ouvrait derrière elle.
Slade revenait. D’instinct, comme chaque fois qu’il avait une décision grave à prendre et qu’il n’y voyait pas clair, il avait rebroussé chemin.
— Ecoutez, dit-il dans son dos, je ne suis pas homme à me *******er d’un refus. Je veux que ce bébé ait un nom.
— Il en aura un, répondit Sheila, les dents serrées. Le mien.
Slade s’approcha et lui fit face.
— Je veux vous épouser, Sheila. Je veux vous épouser avant la naissance du bébé.
Elle était très pâle et des perles de sueur constellaient son front. Aussitôt, il la prit par les épaules, comme s’il craignait qu’elle ne s’écroule devant lui.
— Vous... vous allez accoucher !
— J’en ai peur, Slade. Un nouvel éclair de douleur lui arracha une plainte.
Slade s’était déjà trouvé plus d’une fois dans des situations délicates. Mais il n’avait jamais été confronté à ce genre de situation. Au bord de l’affolement, il s’efforça de rester calme.
— Raison de plus pour nous hâter de réparer, dit-il. Je refuse que cet enfant naisse comme il a été conçu.
— C’est-à-dire ?
— Dans le péché, répondit Slade, mi-figue mi-raisin.
Sheila, les yeux au ciel, essaya de faire un pas vers la porte, mais ses jambes refusèrent de coopérer. Profitant de la situation, Slade la prit par la taille.
— Allons-y.
— Où ça ?
— A la maternité, voyons ! Vous allez avoir un bébé, non ?
— Merci de me le rappeler ! lança Sheila d’un ton pincé.
Slade chercha son sac des yeux. Ne le voyant pas tout de suite, il renonça. A la maternité, tout le monde la connaissait, et pour cause ! Les infirmières régleraient plus tard les petits détails administratifs.
— Etes-vous toujours aussi susceptible ?
— Seulement quand je suis sur le point d’ac...
Une grimace de douleur l’empêcha d’achever sa phrase. Elle se serait pliée en deux si son amour-propre ne le lui avait interdit. Avec le soutien de Slade, elle sortit dans le couloir. Lisa se précipita à leur rencontre. Un seul coup d’œil avait suffi à lui faire comprendre que l’instant était grave.
— Docteur, vous ne vous sentez pas bien ?
— Si, si, répondit Sheila, très pince-sans-rire malgré sa petite mine. Comme je ne cesse de le répéter à mes patientes : avoir un bébé n’est pas une maladie.
— Vous pensez que le bébé arrive ? demanda Lisa.
Sheila confirma d’un battement de paupières.
— Mais avant, nous allons nous marier, dit Slade.
Les yeux agrandis par la stupeur, Lisa se tourna vers Sheila.
— Docteur ?
— Ne vous en faites pas, je suis assez grande pour me débrouiller seule.
Il fut clair pour tout le monde qu’elle faisait davantage allusion à Slade qu’à son état.
— J’ai appelé la maternité, ils m’attendent, reprit-elle. S’il vous plaît, appelez le Dr Kelly pour lui demander de me réserver sa soirée.
Lisa se hâta de retourner à son bureau pour téléphoner.
— Efficace, même quand elle souffre, commenta Slade. Et sans rien perdre de son sens de l’humour ! Vous êtes admirable.
Sheila ne répondit rien. L’ascenseur n’était qu’à quelques dizaines de mètres, mais jamais le trajet ne lui avait paru aussi long. Lorsqu’ils y arrivèrent enfin, elle lui lança un regard soupçonneux.
— Vous n’avez tout de même pas l’intention de m’emmener de force jusqu’à l’église la plus proche ? demanda-t elle.
Slade appuya sur le bouton d’appel de l’ascenseur.
— Non, mais il y a une chapelle ici même. Et qui dit chapelle dit aumônier.
Les soupçons, dans les yeux de Sheila, cédèrent la place à la panique.
— Je l’ai interviewé l’an passé, continua Slade.
— Le brave homme, murmura Sheila dans un sarcasme.
Et l’ascenseur qui n’arrivait pas ! En l’attendant, elle devenait de plus en plus grave et sombre. Après tout, que savait-elle de Slade ? Il lui avait peut-être menti. Et si ce n’était qu’un mythomane, un fou, un maniaque ?
— Vous ne pouvez pas me contraindre à vous épouser, dit-elle pour se rassurer.
Il posa sur elle un regard indéchiffrable.
— Vous contraindre ? Je n’y ai jamais songé. J’ai seulement cru qu’en faisant appel à votre bon sens...
La formule ne devait pas être très bien choisie car Sheila éclata de rire.
— Si j’avais du bon sens, Garrett, je ne serais jamais allée danser avec vous au clair de lune !
Quoi qu’elle en dise, elle n’arrivait pas à se convaincre de regretter ni cette fameuse nuit ni rien de ce qui en avait résulté. La bouche incurvée dans un demi-sourire, elle le regarda droit dans les yeux.
— J’ai fini avec du sable dans mes chaussures... entre autres choses !
— Cela s’appelle se tricoter des souvenirs.
— Tricoter, vous dites ?
— Oui, parce qu’ils sont destinés à nous tenir chaud pendant l’hiver de nos vies.
Poétique... et vrai, songea Sheila. Mais en convenir n’aurait réussi qu’à apporter de l’eau au moulin de Slade. Et, quant à l’épouser, pas question. Même si une moitié d’elle-même était tentée d’accepter, elle était convaincue que ce serait une irrémédiable bêtise.
Les douleurs avaient repris. C’était à peine si elle sentait le contact du sol sous ses pieds. Et cet ascenseur qui ne venait toujours pas ! Les brancardiers des urgences, au rez-de-chaussée, avaient dû bloquer les portes, comme cela arrivait souvent.
— Je n’ai pas l’intention de commettre une seconde erreur sous pré********************************e de corriger la première, dit-elle.
Slade s’empourpra.
— Un bébé, vous appelez ça une erreur, vous !
— Ce n’est pas ce que je voulais dire, se défendit Sheila.
— Alors, que vouliez-vous dire ?
— Qu’il y a neuf mois, le moment et le lieu étaient mal choisis pour fonder une famille. Et qu’aujourd’hui, c’est pareil.
Si elle était la même que neuf mois auparavant, pas lui ! Slade s’aperçut que son séjour en Bosnie l’avait beaucoup changé. Depuis cette mission, il ne concevait plus la vie de la même manière. Ce qui, jusqu’ici, lui avait paru de première importance glissait au second plan et inversement. Un nouveau système de valeurs remplaçait l’ancien. Prêt à brûler ce qu’il avait adoré et à adorer ce qu’il avait brûlé, il était mûr pour une conversion.
Pendant ces neuf derniers mois, il n’avait vu que guerres, famines, épidémies. Ou qu’il soit allé, il avait été confronté à la mort, à la souffrance, à la folie. Il s’était alors aperçu qu’il lui restait une foule de choses à faire. Des choses toutes petites et précieuses. Des choses idiotes et douces. Des choses qu’il ne voulait pas mourir sans avoir connues.
Il voulait se réveiller tous les matins à côté de la même femme, année après année, jusqu’à ce que la mort les sépare. Il voulait se regarder vieillir sans nostalgie ni crainte à mesure que grandiraient ses enfants.
Et il était là, près de la femme qui attendait son enfant, comme si les dieux avaient lu dans ses pensées.
En y réfléchissant, Slade se rendait compte qu’il était las de son rôle de témoin désenchanté. Il se sentait prêt à vivre pour lui-même désormais, et rêvait de profiter d’une vie quotidienne sans heurts.
Sheila lui en donnait enfin la possibilité. Un vrai don du ciel ! Comment aurait-il pu passer à côté d’un bonheur aussi complet, aussi parfait, aussi inespéré ?
— Vous devez donner un nom à ce bébé, dit-il avec force.
Sheila entrouvrit les lèvres pour répliquer mais il fut plus rapide.
— Un nom décent.
— Décent ? Répéta-t elle d’une voix sans timbre. Avez-vous jamais pris la peine de regarder la date des journaux dans lesquels paraissent vos articles ? Nous sommes en 1996. La société a évolué, Slade.
— Ah oui ?
Il ricana. Ces histoires de mentalités qui changent à la vitesse de la lumière l’avaient toujours diverti. A lire les écrivains de l’Antiquité, chacun voit bien que les gens sont restés les mêmes pendant vingt-cinq siècles. Et soudain, en cinq ou dix ans, ils auraient changé du tout au tout ? Balivernes ! Les vieux préjugés ont la vie dure. Et Slade voulait épargner à son enfant de vivre sans père.
Ils avaient fait l’amour cette fameuse nuit, mais avaient parlé aussi. De leur liberté, qu’ils avaient prétendu placer au-dessus de tout. De la tranquillité d’esprit, qui vaudra toujours mieux que les affres de la passion. Des plaisirs de l’amour, qui sont la seule vérité, et de l’amour, qui est le seul mensonge.
Discussion très divertissante sur le moment.
Et très creuse, comme Slade s’en apercevait à présent.
— Ainsi, vous pensez que les mères sans mari et les enfants sans père sont les plus heureux ? Sincèrement ?
Sheila se tut. Elle s’entêta dans le silence.
— Je ne suis pas sûr que vos patientes apprécient que leur gynécologue ne soit pas mariée.
Ce discours moralisateur agaça la jeune femme au plus haut point.
— Tout ce que je dois à mes patientes, c’est mon savoir-faire. Et, à l’occasion, mon oreille pour leurs confidences et mon épaule pour qu’elles y pleurent.
L’ascenseur arriva enfin.
— Et au bébé ? Insista Slade. Que lui devez-vous, à lui ?
— De l’amour.
— Une mère aimante, très bien. Une mère aimante et responsable, c’est mieux.
Sheila aurait éclaté de rire si elle en avait eu la force. De telles paroles étaient risibles dans la bouche d’un homme qui avait juré qu’il ne détestait rien tant qu’un fil à la patte !
— Et je ferais montre de mon sens des responsabilités en vous épousant ?
— Evidemment ! Qu’ai-je donc de si déplaisant ?
— Rien.
Comme amant, il était parfait. Mais on n’épouse pas un homme parce qu’il est expert aux jeux de l’amour.
— Le problème, c’est que je ne vois également rien en vous qui me plaise, ajouta-t elle.
— Vous aurez tout le loisir de découvrir mes bons côtés après la cérémonie, répliqua Slade du tac au tac
Cette simple affirmation laissa Sheila sans voix quelques secondes.
— Garrett, murmura-t elle enfin, il ne va pas y avoir de cérémonie.
Ils arrivaient à l’étage du dessous.
— Le mariage est une institution périmée, reprit Sheila. Je n’y crois pas.
Slade ne pouvait pas lui en vouloir de penser ainsi. Le mariage est un acte difficile, une sorte de plongeon dans l’inconnu.
— Eh bien moi, j’y crois, affirma-t il en aidant Sheila à sortir de l’ascenseur. Allons, docteur, qu’avez-vous fait de votre sens de l’aventure ?
Sheila porta les deux mains à son ventre. Les douleurs devenaient intolérables.
— Il est occupé ailleurs pour le moment, répondit-elle.
Soudain, Slade aperçut toute l’ironie de la situation. Il dépensait des trésors d’éloquence pour se faire passer la corde au cou !
— Sheila, écoutez, dit-il. Je ne veux pas que mon enfant naisse avec la même blessure que moi.
— Blessure ? Répéta Sheila, sans comprendre.
Slade opina de la tête.
— Je suis un enfant illégitime, dit-il d’une voix sourde.
— La belle affaire ! Repartit Sheila. Vous y avez survécu, non ?
— Peut-être, mais je ne veux pas que mon enfant porte l’épouvantable fardeau de l’illégitimité. Non, je ne veux pas qu’il entende sa mère se faire traiter de fille mère. Ce sont des mots qui résonnent à vos oreilles toute votre vie. Je refuse qu’il grandisse en se demandant pourquoi il est différent des autres, et ce qu’il peut bien avoir fait de mal pour que son père le renie. Je ne veux pas qu’il se convainque un jour que sa naissance a été le plus grand malheur dans la vie de sa mère. Parce que cela, figurez-vous, c’est l’histoire de ma vie, et je ne souhaiterais pas la même chose à mon pire ennemi...
La compassion avait remplacé l’ironie dans les yeux de Sheila, et Slade décida d’enfoncer le clou.
— Une femme trouvera toujours des arguments pour se justifier. Mais l’enfant, tout ce qu’il veut, c’est un père pour le défendre contre les fantômes qui l’assaillent. Et moi, continua-t il, de plus en plus emporté, de plus en plus persuasif, moi, je veux être là pour le défendre contre les fantômes ! Je veux faire partie de sa vie. Et de la vôtre.
Il lui darda un sourire désarmant et murmura :
— Cette soirée était si merveilleuse... Sheila inclina tristement la tête sur le côté.
— Nous n’avons eu qu’une nuit, soupira-t elle.
A son cœur défendant, elle était pourtant de plus en plus nostalgique.
— Oui, et regardez ce que nous avons accompli, répliqua Slade en posant un regard attendri sur son ventre arrondi. Songez à ce que nous pourrons faire, avec tout l’avenir devant nous.
Les gens les regardèrent avec bienveillance lorsqu’ils entrèrent dans la maternité, Sheila appuyée sur le bras de Slade. La réceptionniste leur recommanda d’aller tout droit aux admissions.
— Ils ont un fauteuil roulant qui vous attend, dit-elle à Sheila.
— Epousez-moi, lui chuchota Slade à l’oreille. Essayons. Si cela ne marche pas, le divorce existe. Mais qu’au moins notre enfant puisse naître, si j’ose dire, la tête haute. Faisons en sorte qu’il ait une maman et un papa.
Sheila subissait son charme, exactement comme cette fameuse nuit.
— C’est insensé, dit-elle à mi-voix, davantage pour elle-même que pour lui.
Il éclata de rire.
— Mais non ! C’est le monde qui est fou. Ce qui se passe entre nous est la chose la plus normale et la plus sensée que j’aie vue depuis neuf mois !
Sheila se mordilla les lèvres.
— Mettons que je dise oui...
A ces mots, Slade l’embrassa à pleine bouche. Surprise, Sheila se laissa faire. Après quoi, tout étourdie, elle reprit son souffle avec difficulté. Il avait réussi à lui troubler l’esprit davantage encore que les contractions.
— Si je dis oui, répéta-t elle d’une voix mal assurée, il faut que vous sachiez que ce sera temporaire. Je veux bien vous épouser pour que le bébé ait un nom, rien de plus.
Ils marchaient lentement vers les admissions.
— D’accord. Mais même une banale télévision est garantie un an.
Sheila fit la moue.
— Je ne vous suis pas.
— Eh bien, expliqua Slade, je vous demande de patienter au moins un an avant de décréter que notre mariage ne marche pas.
Sheila se dit qu’il fallait qu’elle soit folle pour accepter d’écouter une proposition aussi aberrante.
— Je ne... euh, je ne sais pas si..., balbutia-t elle.
Slade accrocha son regard et lui pressa l’épaule.
— Pensez au bébé, dit-il.
Là, il plaisantait, fatalement.
— Penser au bébé ! s’exclama-t elle. Et comment pourrais-je penser à autre chose, avec les coups de pied qu’il me donne !
Slade sentit que Sheila se raidissait dans ses bras. Démuni, il chercha du regard quelqu’un pour les secourir. Par bonheur, une femme en blanc venait à leur rencontre en poussant un fauteuil roulant.
Il embrassa Sheila sur le front.
— Tenez bon, dit-il.
Elle hocha la tête.
— Je vais essayer.
« Tant d’autres y sont arrivées avant moi », songea-t elle au même moment.
— Je reviens avec le père Cullum.
— Mon nom est Rosa, dit l’infirmière qui poussait le fauteuil roulant. Tout est prêt. Le Dr Kelly est prévenu.
Sheila s’installa dans le fauteuil.
— Vous parliez du père Cullum, reprit Rosa en se tournant vers Slade. Il est au troisième étage. Mais le Dr Pollack n’est pas à l’article de la mort, que je sache ! Elle va juste avoir un bébé.
Slade éclata de rire et s’éloigna. Ecroulée contre le dossier du fauteuil, Sheila lui fit un petit signe de la main.
— Allez le chercher si vous voulez, murmura-t elle. Mais je ne promets rien.

karam 10-01-07 09:06 PM



Chapitres : 4

— Père Cullum ?
Slade frappa une fois, puis entrouvrit la porte et jeta un coup d’œil dans la chambre. L’infirmière lui avait dit que l’aumônier était soit à la 324 soit à la 326. Slade le trouva du premier coup. La chance continuait de lui sourire.
L’homme en noir s’illumina en le reconnaissant.
— Slade, comment vas-tu, mon garçon ?
— Cela dépendra de vous.
Slade regarda le jeune homme allongé dans le lit. Il n’avait pas l’air mal en point.
— Je vous le vole, d’accord ? Sans attendre de réponse, il prit le prêtre par le bras et l’entraîna dans le couloir.
Le père Jon Cullum était un colosse au teint rosé, aux yeux bleus délavés et aux cheveux argentés. Slade l’avait connu à l’occasion d’une série d’articles qu’il avait écrits sur les sentiments de la communauté catholique d’origine irlandaise vis-à-vis des troubles en Ulster. Pendant l’interview, les deux hommes avaient sympathisé.
— Quelque chose ne va pas ? demanda le père.
— Je vous expliquerai en route, répondit Slade en le guidant vers l’ascenseur.
Le père Cullum lui lança un regard interloqué.
— En route pour où ?
— Le septième étage. Où va avoir lieu mon mariage. Enfin, j’espère...
L’ascenseur, pour une fois, arriva vite et les deux hommes y montèrent. Slade appuya sur le bouton du septième.
— Tu te maries ? demanda le bon curé.
— Si vous voulez bien me faire l’honneur de m’y aider, oui.
— Serait-ce un effet de ta bonté de me redire tout cela lentement ?
— Je vais être père, mon père.
Le curé sourit à cette phrase qui sonnait bizarrement.
— Il y a une demi-heure, je l’ignorais encore, enchaîna Slade. Mais je tiens à épouser la future maman.
Il poussa un soupir accablé. Son discours devait paraître insensé, il était le premier à s’en rendre compte. Il savait pourtant qu’il avait raison d’agir ainsi. Son instinct le lui commandait.
— Elle est sur le point d’accoucher, reprit-il.
Ses yeux accrochèrent ceux du prêtre.
— Vous voulez bien, mon père ?
Habituellement, un mariage se préparait, et le père Cullum savait que ses supérieurs auraient tout de suite dit non. Il aimait toutefois à se considérer comme progressiste.
Les portes du septième étage s’ouvrirent et les deux hommes sortirent sur le palier. Lorsque Slade voulut l’entraîner dans le couloir, le père Cullum lui signifia qu’il devait lui en dire davantage avant d’aller plus loin.
— Slade, es-tu certain que c’est ce que tu veux ? As-tu bien réfléchi ? demanda-t il.
Slade devait savoir que le mariage est une affaire grave, un engagement solennel, mais il ne semblait pas dans son état normal, aujourd’hui.
— Sais-tu bien à quoi tu t’engages ?
Slade savait. Ou croyait savoir. Il hocha la tête.
— Parfois, mon père, il faut écouter ses tripes.
Un sourire indulgent passa sur les lèvres du prêtre.
— Oui, mais ce ne sont pas seulement tes tripes qui se marient. Et puis, il me faut des ************************************************************ ****s officiels. Un certificat de mariage que je puisse remplir, les résultats de l’analyse de sang.
Broutilles que tout cela, songea Slade.
— On verra les détails plus tard, dit-il.
Le père Cullum fronça ses sourcils broussailleux et blancs.
— Tu aurais pu y penser avant.
— Avant, je ne savais pas, répliqua Slade en se passant nerveusement une main dans les cheveux.
— Elle ne t’avait rien dit ?
Slade secoua la tête avec énergie.
— Rien de rien. C’est une têtue.
— Je vois, fit le prêtre.
Il voyait ! Slade poussa un soupir de soulagement. On était sur la bonne voie.
— Elle est fière, mon père, mais moi aussi, je suis fier. Fier de cet enfant que nous allons avoir. Un enfant à qui je veux donner mon nom.
Il posa une main sur l’avant-bras du colosse.
— L’analyse de sang, la paperasserie, je pourrais les avoir, mais ce serait trop tard. Le bébé est en train de naître. C’est maintenant qu’il a besoin d’un nom.
Tout doucement, il reprit sa marche, entraînant à sa suite le père Cullum. D’après sa mine, le prêtre était déjà plus qu’à demi convaincu.
— Eh bien, c’est contraire à tous les règlements.
Slade décida de jouer son va-tout.
— Je sais que nous pourrions nous marier seuls... mais j’aimerais quand même mieux recevoir votre bénédiction.
Le prêtre entendait déjà les remontrances de son évêque. Et de l’autre oreille, il entendait l’appel du bébé. Une petite âme toute neuve qui avait besoin de son aide.
— Pour les ************************************************************ ****s légaux...
— Nous verrons cela plus tard, acheva Slade.
Le prêtre sourit, vaincu.
— Eh bien, soit. Je suppose que c’est ce qui s’appelle un cas de force majeure.
Slade sauta de joie.
— Oh, pour ça, oui !
Le père Cullum le dévisagea.
— Et la jeune femme, elle est consentante ?
Slade pensa que, étant donné les circonstances, il était excusable de prendre quelques libertés avec la vérité.
— Elle m’a dit d’aller vous chercher.
Le père Cullum posa une main sur son épaule.
— Les choses étaient bien différentes de mon temps, dit-il avec bonhomie. Les jeunes gens se mariaient d’abord et faisaient des enfants ensuite, pas le contraire.
Il eut l’air de s’apprêter à raconter une longue histoire. Mais le temps était précieux. L’accouchement pouvait prendre quelques minutes comme des heures.
— Mon père, dit Slade, je propose que nous nous dépêchions.
Le prêtre rit sous cape mais accéléra le pas.
— La précipitation ! Voilà ton problème, dit-il. Tu n’en serais pas là si tu ne t’étais pas tellement dépêché. Mais tu as raison, ajouta-t il, devant le regard appréhensif que lui lança Slade, le moment est mal choisi pour un sermon
Il n’y avait qu’une infirmière dans la salle de garde de la maternité. Elle se leva de son siège à leur approche et ouvrit des yeux ronds à la vue du prêtre.
— Où est le Dr Pollack ? demanda Slade.
— 720, répondit la jeune femme.
La mine grave, les deux hommes partirent vers la chambre indiquée. L’infirmière trottinait sur leurs talons.
— Messieurs, j’espère qu’il n’y a rien de grave, dit-elle d’une voix essoufflée. Personne ne m’a dit qu’on avait besoin d’un prêtre.
— Simple précaution, répondit Slade.
L’infirmière cessa de les suivre mais ses inquiétudes n’étaient toujours pas apaisées.
— Monsieur ! lança-t elle. Les amis ne sont pas admis dans le service. Il y a une salle d’attente.
— Je ne suis pas un ami, répondit Slade, par-dessus son épaule.
Et puisque ce ne serait bientôt plus un secret pour personne, il précisa :
— Je suis le père de l’enfant. Dans son dos, la nouvelle fut accueillie avec un cri de stupeur.
Arrivé devant la porte de la chambre 720, le père Cullum hésita. Il n’avait encore jamais assisté à un accouchement.
— Je ne sais pas s’il est convenable que...
Pour Slade, de telles délicatesses n’aient pas cours en un pareil moment.
— Bien sûr que si ! Trancha-t il. Après ce que vous devez avoir entendu à confesse.
D’une main ferme, il fit entrer le prêtre dans la chambre. Sheila était allongée sur un lit étroit, agrippée à la tête du lit. Son visage était trempé de sueur. Chaque muscle de son corps était tendu à craquer.
A ce spectacle, le cœur de Slade se gonfla de tendresse.
— Sheila ?
Quand la contraction prit fin, la jeune femme retomba mollement sur le matelas, épuisée. Dire qu’elle avait assisté à cela si souvent en tant que médecin ! Jamais elle n’avait soupçonné l’intensité des souffrances qu’enduraient ses patientes.
Elle rouvrit les yeux et fut heureuse de découvrir Slade à son chevet.
— Vous voici, soupira-t elle. Je croyais que vous aviez changé d’avis.
— Aucune chance, ma jolie !
Il lui prit la main.
— Mon père, je vous présente le Dr Sheila Pollack. La mère de mon enfant.
Le père Cullum serra la main de Sheila.
— Slade me dit que vous voulez vous marier, dit-il.
Elle souffrait, certes, mais pas au point de laisser s’installer un malentendu.
— C’est son idée, mon père, murmura-t elle.
Le prêtre perçut clairement sa réticence. Il n’était pas du genre à forcer la main à quiconque, mais ne vit pas d’inconvénients à rappeler quelques-unes des vérités qui étaient chères à son cœur.
— Avoir ses deux parents à ses côtés est un grand avantage pour un enfant, dit-il. Quand on peut choisir, il ne faut pas l’en priver.
Sheila sourit et lança un coup d’œil vers Slade avant de répondre.
— Il vous a tout raconté, n’est-ce pas ?
— Pas tout, répondit le père Cullum avec une moue facétieuse. Soyez tranquille, il n’a pas soulevé le voile sur certains détails qui doivent demeurer un secret entre vous et lui. Maintenant, madame, si j’ai bien compris, ces justes noces sont également votre désir ?
Par la tournure de sa question, il suggérait que la bonne réponse, selon lui, était oui. Depuis qu’il avait franchi le seuil de la chambre, le père Cullum s’était peu à peu convaincu que la Providence l’avait choisi pour unir ces deux êtres.
Sheila était épuisée. Elle n’avait plus la force de discuter. D’ailleurs, les arguments de Slade n’étaient peut-être pas si absurdes que cela, après tout. De plus, elle n’avait oublié ni cette merveilleuse nuit sur la plage ni l’homme qui avait décroché les étoiles et arrêté le cours du temps pour elle.
— Oui, répondit-elle d’une voix sifflante, au moment où une nouvelle contraction se déclenchait.
Un cri de douleur s’échappa de sa mâchoire serrée. Voyant cela, le père Cullum se hâta d’ouvrir son livre de prières, plus par habitude que par besoin, car il connaissait les formules par cœur. Depuis plus de trente ans qu’il officiait, on aurait pu remplir un grand théâtre avec tous les couples qu’il avait mariés !
— Dans ce cas, je pense que nous aurions intérêt à nous dépêcher d’en finir, dit-il.
Slade prit la main de Sheila dans la sienne.
— La version abrégée, mon père, s’il vous plaît.
Sheila se crispa.
— On y va, dit encore Slade.
En secret, le père Cullum eut une pensée pour son évêque, espérant que le vieux prélat serait dans un bon jour lorsqu’il entendrait parler de cette histoire.
— Sheila Pollack, acceptez-vous de prendre pour époux Slade Garrett, ici présent, pour le meilleur et pour le pire, et de l’aimer jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
Sheila se contorsionna dans son lit. Tant qu’elle avait encore assez de souffle pour le faire, elle répondit.
— Oui.
A ces mots, elle enfonça ses ongles dans la paume de Slade.
— Slade Garrett, acceptez-vous de prendre pour épouse Sheila Pollack, ici présente, pour le meilleur et pour le pire et...
Sheila sentit la tête du bébé qui commençait à s’engager. Elle leva vers Slade un regard affolé.
— Je crois qu’il arrive ! dit-elle dans un souffle.
Le père Cullum accéléra le débit, chaque mot chevauchant le suivant.
— ... et de l’aimer jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
Agrippée à la main de Slade, Sheila essaya de s’asseoir.
— Oh ! Slade, appelez l’infirmière. Tout de suite !
Se tournant vers le prêtre, le jeune homme dit prestement oui et lui fit signe de continuer, aussi vite qu’il le pourrait.
— En-vertu-des-pouvoirs-qui-me-sont-conférés-par-l’Etat-de-Californie-je-vous-déclare-unis-par-les-liens-du-mariage.
Le père Cullum referma son livre et prit une profonde inspiration.
— A ce stade, dit-il, vous devez embrasser la mariée. Enfin, comme il semblerait que tu as déjà fait bien davantage que cela...
Sheila geignit et attendit que la douleur reflue avant de parler.
— Slade...
Elle lui étreignait toujours la main et, sous l’effet d’une subite monté d’adrénaline, Slade ressentit une excitation aussi forte qu’au cours de certains événements qu’il avait couverte comme journaliste.
— Je vais la chercher.
Le père Cullum se faufilait déjà dehors. Slade le rattrapa devant la porte.
— Merci, mon père.
Il tira de son portefeuille tous les billets qui s’y trouvaient.
— Pour les bonnes œuvres de la paroisse, insista-t il en les plaçant de force dans la main du prêtre, qui hésitait à les accepter.
Cela fait, il ouvrit la porte et partit à grandes enjambées vers la salle de garde.
— Félicitations ! Lança le prêtre dans son dos. N’oublie pas de m’apporter le certificat de mariage, que je le signe.
— Demain sans faute, répondit Slade sans se retourner.
Il ne se rendait pas encore compte de la gravité de ce qui venait de se passer.
— Infirmière !
Alertée par son ton pressant, Rosa accourut.
— Le bébé arrive !
L’infirmière tourna les talons.
— Je vais chercher le Dr Kelly.
Après avoir examiné Sheila, le médecin était allé voir une autre patiente au même étage.
Slade retourna en toute hâte auprès de Sheila.
Mariés ! pensa-t il. Ils étaient mariés. Sincèrement, il espérait avoir fait le bon choix. Un simple regard vers la jeune femme balaya ses doutes. Allons, tout allait bien se passer. C’était un merveilleux conte de fées qui commençait !
— Le Dr Kelly arrive, dit-il.
Sheila se mordit la lèvre si fort qu’elle crut l’avoir coupée. La vue brouillée par la souffrance, elle agita la tête en tous sens.
— Il est trop tard, dit-elle entre ses dents serrées. Allez chercher l’infirmière.
— Mais elle est en train de...
Il n’était plus temps de parler. Arc-boutée sur les bords du lit, Sheila s’assit à demi et respira. Un long gémissement se glissa entre ses lèvres closes.
— Mon Dieu, Sheila, il est en train de naître !
Sheila se laissa retomber en arrière. Toute pantelante, elle trouva quand même la force d’ironiser :
— Qu’est-ce qui vous a mis sur la voie ?
— Qu’est-ce que je peux faire ? demanda Slade, affolé.
— Tenez-moi les épaules.
Sheila fut vaguement consciente que la porte de la chambre s’ouvrait et que des gens entraient.
— Alors, Sheila, il faut toujours que tu ailles trop vite, lança le Dr James Kelly, un échalas avec un visage en lame de couteau.
— Je sais, James, je crois que je suis à dilatation complète.
— On va voir ça.
Sheila avait besoin de se raccrocher à quelque chose ou à quelqu’un. Elle n’aurait jamais cru que l’accouchement s’accompagnait d’un tel sentiment de solitude.
— Slade ?
— Je suis là.
Le médecin examina Sheila. Le bébé n’arriverait que dans quelques minutes. Il fit signe à l’infirmière d’aller préparer la salle de travail.
— Y a-t il quelque chose que je puisse faire ? Lui demanda Slade.
— Par exemple me dire qui vous êtes, ce serait un bon début.
— Eh bien, euh..., bredouilla Slade. Drôle de moment pour des présentations !
— Mon mari, intervint Sheila d’une voix hachée.
Son confrère tomba des nues. Cela faisait trois ans qu’ils travaillaient au coude à coude, tous les deux, et Kelly croyait connaître Sheila aussi bien que quiconque. Jusqu’ici, il s’était figuré qu’elle était célibataire et ne lui avait jamais connu de prétendant !
— Eh bien, on peut dire que tu sais garder un secret, toi ! s’exclama-t il.
Du coup, il envisagea Slade d’un autre œil.
— Monsieur le mari de Sheila, dit-il d’un ton enjoué, allez vous déguiser en médecin et rejoignez-nous dans la salle de travail.
— Tout se passera bien, n’est-ce pas ? S’inquiéta Slade.
— Mais oui, répondit Kelly, avec un sourire narquois. Maintenant, filez ! si vous ne voulez pas rater l’entrée en scène de votre progéniture. Les vêtements stériles sont dans le vestiaire, en face de la salle de garde.
Il sourit à Sheila.
— On y va, lui dit-il. Le bébé ne va plus tarder.
— Dépêche-toi, James, supplia-t elle.
Slade s’essuya le front avec le dos de la main. Il était en nage.
— Je ne suis pas près d’oublier cette journée, dit-il avec un sourire tendre. En débarquant de l’avion, j’étais encore célibataire, et voilà qu’à 7 heures du soir je me retrouve avec femme et enfant. Je ne crois pas pouvoir faire mieux avant longtemps !
Il se pencha pour embrasser les lèvres palpitantes de Sheila.
— Pour sceller notre mariage, dit-il. Maintenant, madame Garrett, si voulez bien m’excuser une minute, il faut que j’aille me changer si je veux pouvoir accueillir dignement notre enfant.
L’infirmière revint, aida Sheila à s’asseoir dans le fauteuil roulant, et la poussa jusqu’à la salle de travail.
— Tout va bien se passer, murmura-t elle.
Rassurez-vous. Sheila essaya de sourire.
— C’est drôle, répondit-elle. Ces mots-là, j’ai dû les dire à des centaines de jeunes mamans. Et maintenant, je m’aperçois qu’elles n’ont pas dû me croire elles non plus !
Slade revint, vêtu de vert des pieds à la tête. Deux infirmières hissèrent Sheila sur la table d’accouchement.
— O.K., Sheila, dit James Kelly. La théorie, c’est bien beau, mais maintenant, montre-nous ce que tu sais faire.
Une petite heure plus tard, tout était fini, et le premier cri de triomphe du nouveau-né se mêlait aux soupirs de soulagement de sa mère.
Slade se pencha pour parler à l’oreille de Sheila. Son visage était redevenu lisse et paisible. Elle souriait.
— C’est une fille, murmura-t il d’une voix étranglée par l’émotion. Nous avons une belle petite fille toute rose.
— Tenez, puisque vous êtes là, rendez-vous utile, bougonna Kelly en lui tendant une paire de ciseaux. Coupez vous-même le cordon ombilical. Il paraît que cela crée un lien indéfectible entre le père et l’enfant. Au niveau symbolique, si vous voyez ce que je veux dire. Enfin, si l’on en croit les psy !
Slade consentit de bonne grâce à commettre cet acte plein de promesses. Ses yeux se mouillèrent de larmes brûlantes. Autant qu’il s’en souvienne, il n’avait jamais été aussi heureux de toute sa vie.




karam 11-01-07 03:44 PM


Chapitres : 5
La plus atroce migraine accueillit Sheila à son réveil, le lendemain matin. Mais pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que le malaise n’avait rien à voir avec son état de jeune maman et tout à voir avec sa nouvelle situation matrimoniale.
L’idée lui apparut avec la brutalité d’un diable qui sort de sa boîte.
Elle avait épousé Slade ! Au milieu des douleurs de l’enfantement, elle avait prononcé le oui fatidique et se retrouvait l’épouse de Slade Garrett.
Etait-elle devenue folle ?
Une main sur le front, elle poussa un profond soupir. Elle ne pouvait même pas accuser une quelconque médication de lui avoir obscurci l’esprit. Après cette colossale erreur, elle n’avait à s’en prendre qu’à elle-même.
A elle-même et à ce journaliste beau parleur qui n’avait pas son pareil pour charmer les femmes.
— Comment ça va, ce matin, docteur Pollack ?
Surprise, Sheila leva les yeux. Elle n’avait entendu personne entrer dans la pièce. Avec peine, elle se composa une contenance et sourit. La jeune infirmière lui était vaguement familière, mais elle n’arrivait pas à retrouver son nom.
— Je me sens tout étourdie et j’ai mal partout.
— Il fallait s’y attendre, non ? répondit l’infirmière.
Sheila approuva. Elle avait eu beau clamer à qui voulait l’entendre que la grossesse n’était pas une maladie, l’accouchement, lui, était un rude traumatisme. Ne mourait-il pas autrefois autant de femmes en couches que d’hommes à la guerre ?
L’infirmière lui prit sa tension et sa température et les nota sur le tableau accroché au pied du lit.
— Bon, tout va bien. Je vous apporte votre bébé.
Son bébé ! Une fille ! Exactement comme elle l’avait espéré. Ce trésor inestimable valait bien qu’elle ait un peu souffert pour l’avoir.
— Oh oui, il me tarde de la voir, dit-elle.
Elle s’assit bien droit dans son lit et lissa le drap tout autour d’elle. L’infirmière revint quelques minutes plus tard. D’émouvants petits piaulements s’échappaient du paquet de layette rose qu’elle tenait contre sa poitrine.
— Nous avons fait un sondage d’opinion à l’étage, dit-elle à Sheila avec un sourire rayonnant. Tout le monde trouve que c’est le plus joli bébé !
« Ce n’est pas moi qui dirai le contraire », pensa Sheila, en prenant sa fille des bras de l’infirmière. Son cœur se gonfla d’émotion, au point qu’elle en fut presque asphyxiée.
L’apparition de ce petit être dans sa vie était aussi difficile à croire qu’un miracle. Elle avait déjà tenu dans ses bras d’innombrables bébés, mais cette fois-ci, elle eut le sentiment que son existence tout entière était illuminée par un rayon de bonheur infini.
Sheila sourit à l’infirmière d’un air entendu.
— Vous dites cela à toutes les mères, j’en suis sûre.
L’infirmière hocha la tête avec conviction.
— Mais pas du tout, elle est magnifique.
Sheila contempla le petit visage de sa fille. Elle était un peu rouge et chiffonnée, mais son petit visage était le plus beau du monde. Sa tête bien ronde était couverte d’un duvet châtain foncé qui lui rappela aussitôt Slade.
— Savez-vous comment vous allez l’appeler ? demanda l’infirmière.
Pendant neuf mois, Sheila avait pensé au petit habitant de ses entrailles sans jamais réussir à se décider pour un prénom.
— Que diriez-vous de Rebecca ?
La voix d’homme fit tressaillir Sheila. Elle découvrit Slade dans l’encadrement de la porte, les bras chargés d’une gigantesque gerbe de roses rouges, blanches, roses et jaunes.
— Rebecca ? Répéta Sheila en faisant tourner le nom dans sa bouche comme un bonbon.
Tandis que l’infirmière se retirait, Slade déposa les fleurs sur la table de chevet et se pencha sur sa femme et sa fille. Ce spectacle lui fit l’effet d’un coup de poing dans la poitrine. Tout s’était passé si vite qu’il n’arrivait toujours pas à croire à son bonheur.
— C’est le nom de ma mère, dit-il. Je l’ai toujours bien aimé.
— Rebecca, répéta Sheila. En y ajoutant le prénom de maman, cela donnerait Rebecca Susan. Quel grand nom pour une si petite fille !
Timidement, Slade avança la main et toucha le petit poing fermé du bébé. Sa gorge se noua et ses yeux s’emplirent de larmes. Dieu sait s’il avait affronté des épreuves dans sa carrière de grand reporter. Il avait vu des horreurs sans se laisser impressionner, et voilà qu’il menaçait de s’évanouir devant un petit bout de femme de rien du tout !
— On pourra l’appeler Becky Sue, c’est plus court, suggéra-t il.
— Becky Sue, répéta Sheila, avec un sourire involontaire sur les lèvres. Cela me plaît bien. Becky Sue ?
Le bébé émit une sorte de petit miaulement et Sheila rit.
— Eh bien, on dirait qu’elle aime bien, elle aussi.
Slade hocha la tête.
— Puisque tout le monde est d’accord, dit-il.
— Et moi ? s’exclama Sheila en sourcillant. Je n’ai donc pas mon mot à dire ?
— J’ai peur que cela ne change pas grand-chose. Rebecca l’emporte par deux voix sur trois votants. C’est la démocratie, Sheila.
Sheila rit. Rebecca Susan. Oui, cela sonnait joliment.
— Je vous reconnais bien là, soupira-t elle. Autoritaire et déterminé. Je l’avais perçu dans vos articles.
Il la regarda d’un œil surpris et *******.
— Vous avez lu mes articles ?
— Quelques-uns, répondit Sheila, avec une nonchalance feinte.
Elle n’avait pas envie d’admettre que la lecture des éditoriaux de Slade lui avait permis de le suivre dans son périple et de se sentir plus proche de lui. Le talent de plume et la générosité de caractère qu’elle y avait trouvés l’avaient réjouie. Et elle en avait même découpé certains pour les coller dans un cahier, pensant les montrer plus tard à son bébé, quand elle estimerait le moment venu de lui parler de son père.
Les bras croisés sur la poitrine, Slade demanda :
— Alors, qu’avez-vous pensé de mon travail ?
Il ne s’attendait pas à des louanges. Il avait tout juste envie de savoir ce qu’elle pensait. De son côté, Sheila n’avait que du bien à en dire. Ce qu’elle avait lu de Slade témoignait d’un style ferme au service d’un œil aiguisé et d’un cœur compatissant. Mais leur relation était trop récente pour qu’elle puisse le lui dire sans lui donner l’impression de le flatter.
Les yeux baissés sur Rebecca, elle murmura :
— Le voilà, le meilleur échantillon de ce que vous savez faire.
Slade se garda de laisser éclater sa fierté.
— J’en conviens, dit-il sobrement.
Sheila resta un long moment sans rien dire, à contempler son bébé, un sourire timide sur les lèvres.
— Tout de même, dit-elle en soupirant, ce n’est pas normal, ce qui nous arrive.
— Quoi ?
Slade se redressa et s’assit au bord du lit.
— J’ai vu tant de lieux, tant de gens, tant de choses, reprit-il, qu’il y a longtemps que je ne connais plus le sens du mot « normal », vous savez.
Evidemment, elle n’avait pas les mêmes références que lui. Mis à part le soir où elle s’était donnée à lui, sa vie n’était jamais sortie des sentiers battus. Elle le contempla, cherchant sur son visage l’empreinte de tout ce qu’il disait avoir vu. Et elle le trouva dans ses yeux. Il avait le regard aigu et bon des voyageurs revenus de l’enfer.
C’est alors que, sans crier gare, Slade la saisit par la nuque. Elle n’eut pas le temps de se reculer que, déjà, il l’embrassait avec passion.
Son baiser, d’abord mélodie à peine murmurée, s’amplifia jusqu’à devenir une symphonie. Eberluée, Sheila adressa à Slade un regard qui demandait l’explication de cette soudaine fougue.
— Je ne crois que ce que je vois et touche, affirma-t il, dans un sourire d’une sensualité à couper le souffle.
Pourtant, Sheila refusa de se laisser charmer.
— Slade, hier..., commença-t elle d’une voix sourde.
— Oui ?
— Je n’avais pas toute ma tête, je...
Il l’interrompit. Si elle avait des regrets, il se chargerait de les effacer.
— Moi, si, dit-il suavement.
Ils n’étaient pas deux adolescents enfuis de chez leurs parents pour se marier à la va-vite. Ils étaient deux adultes, majeurs et vaccinés, qui s’étaient mariés parce qu’ils allaient avoir un enfant. Aux yeux de Sheila, cette situation était pire encore.
Elle dévisagea Slade. Il n’avait pourtant pas l’air fou.
— Vous n’allez pas me faire croire que vous prenez cette histoire de mariage au sérieux ?
Le sourire de Slade s’épanouit.
— Bien sûr que si !
Sheila s’aperçut alors qu’elle n’avait vu cet homme que deux fois dans sa vie et que, les deux fois, elle avait commis une énorme folie. Comment était-ce possible ?
— Ecoutez, Slade, tout cela est très romantique, mais...
— Romantique ? S’étonna-t il en l’interrompant. Il s’agit juste d’une attitude sensée et raisonnable, Sheila.
Sheila leva les sourcils si haut qu’ils disparurent sous sa frange. Elle n’aurait jamais pensé à qualifier leur conduite de raisonnable !
— Nous avons fait un enfant, Sheila.
— Et alors ? répliqua la jeune femme. Cela ne signifie pas que nous devions passer le reste de nos vies ensemble.
— Rien que le reste de nos vies ?
Il réussit à garder son sérieux.
— Je ne donne pas ma parole facilement, poursuivit-il, mais une fois que c’est fait, je la tiens. Dans mon idée, quand je vous ai prise pour légitime épouse, je me liais à vous pour l’éternité.
Ses yeux pétillaient de malice et Sheila ne put s’empêcher de se demander s’il était sérieux ou s’il s’amusait à ses dépens.
— Je suis sûr que vous serez adorable avec des ailes, conclut-il.
Pour la défense de son point de vue, Sheila ne trouva rien de mieux qu’un vieil adage :
— Qui en hâte se marie, à loisir se repent, dit-elle sentencieusement.
Slade haussa les épaules.
— Dans mon métier comme dans le vôtre, on n’a guère de loisirs.
Sheila sourit malgré elle. Quel charmeur ! Etait-ce naturel ou s’exerçait-il deux heures tous les matins devant sa glace ?
— De quoi avez-vous peur, au juste ? reprit-il. D’y prendre goût ?
— Cela m’étonnerait.
Pour autant qu’elle s’en souvienne, Sheila n’avait jamais eu une haute idée du mariage. L’union de deux êtres lui faisait plutôt penser à une tombe dans laquelle deux malheureux trompaient leur ennui. Ses parents en étaient un merveilleux exemple. Ils avaient passé leur vie à s’éviter.
Sous ses paupières mi-closes, elle considéra Slade d’un regard scrutateur.
— Qui êtes-vous au juste ? demanda-t elle, comme s’il s’agissait du personnage le plus énigmatique de la terre.
Slade tira les épaules en arrière, pointa le menton, dans la position d’une jeune recrue devant son sergent et, les yeux fixes, commença à réciter :
— Slade Garrett, numéro de Sécurité sociale un, soixante-quatre...
Sheila leva la main. Le procédé était habile mais ce n’était pas ce qu’elle attendait.
— Slade, vous êtes mon mari, le père de mon enfant, et je ne sais rien de vous.
Les yeux détournés, Slade resta un instant silencieux.
— Nous avons le temps de faire connaissance, dit-il enfin. Toute la vie si vous voulez... ou un an, si vous décidez de faire usage de la clause de résiliation.
Cet homme était décidément incompréhensible.
— Vous êtes sérieux à propos de ce délai d’un an ?
— Oui, à la fin de la première année, si vous estimez que cela ne marchera jamais entre nous, je m’effacerai.
— Mais pourquoi faites-vous tout cela ? demanda-t elle.
— Je vous l’ai dit hier. Je ne veux pas que notre bébé...
Ils avaient déjà parlé de tout cela, et Sheila avait fini par se ranger à ses arguments. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il obéissait à d’autres motifs.
— Est-ce la seule raison ?
— Non. Avant tout, il y a vous. Ecoutez, Sheila, lorsque j’étais là-bas, je me suis raccroché à votre image. Vous m’avez donné la force de continuer. Sans vous, je...
Pendant un bref instant, Slade garda le silence.
— Un jour, j’ai frôlé la mort. En Erythrée. J’étais dans un camp de rebelles quand les forces gouvernementales nous sont tombées dessus. J’ai vu la tente dans laquelle j’avais dormi s’embraser comme une torche, et une certaine nuit, notre nuit m’est apparue. J’ai décidé qu’il fallait que je vous revoie, Sheila. Coûte que coûte.
Et elle, pendant ce temps, qui pensait qu’il l’avait oubliée ! Qu’elle n’était rien de plus qu’un agréable souvenir, mêlé à d’autres agréables souvenirs du même genre. Une passade de plus, un visage d’un soir, qui se confondait avec d’autres.
Une nouvelle fois, elle songea à ses parents. Ils étaient l’un comme l’autre de braves gens qui n’avaient plus rien à faire ensemble. Comme la plupart des gens, se dit-elle.
— Et voilà, j’ai tenu ma promesse. Je suis venu, je vous ai vue... et je vous ai convaincue.
— Vous le regretterez peut-être bientôt, dit-elle dans un soupir.
— Pourquoi ? Qu’y a-t il à redouter ?
Sheila se contraignit à donner une réponse honnête.
— Je n’aime pas l’échec, avoua-t elle.
— Dans ce cas, n’échouez pas !
— Pas si simple, repartit Sheila, avec un petit rire sans joie.
— Pas si compliqué, rétorqua Slade. Quand on veut vraiment quelque chose, on l’obtient. Croyez-moi.

karam 11-01-07 03:48 PM

Chapitres : 6
Slade avait l’habitude des lieux nouveaux. Un coup d’œil circulaire lui suffit à se faire une idée du duplex de Sheila, discrètement luxueux et d’un goût exquis.
— C’est joli chez vous, murmura-t il en refermant la porte derrière lui.
Il chercha du regard un endroit où déposer l’énorme lapin en peluche rose qui l’encombrait — cadeau des infirmières ! Il opta pour le sofa. Le lapin, une fois assis, tomba en avant et s’arrêta, le front contre la table basse, ses longues oreilles sur la moquette.
Slade se retourna vers Sheila.
— Vous me la donnez ? dit-il en ouvrant les bras. Alors, Becky Sue, ça t’a plu, ta première balade en voiture ?
Son bébé dans les bras, il déambula dans le salon, comme s’il lui faisait faire le tour du propriétaire. Deux grandes bibliothèques, de part et d’autre de la cheminée, attirèrent son attention. Il regarda les livres. Astronomie, histoire ancienne, peinture abstraite. Au moins dix biographies de Lincoln. Des classiques à foison, de Milton à Dickens en passant par Shakespeare. Une traduction des Misérables. Sheila semblait avoir des goûts aussi éclectiques que lui.
— Si tu es sage, dit-il au bébé, je t’offrirai une Corvette rouge pour ton seizième anniversaire.
« Il se prend vraiment au jeu », pensa Sheila en le regardant. Elle n’aurait jamais cru qu’il serait un papa poule.
— Vous avez de la chance qu’elle ne comprenne pas, dit-elle. Sinon, le moment venu, elle pourrait bien vous rappeler votre promesse !
— Mais je suis sérieux. Tout le monde a besoin d’un but dans la vie, pas vrai, Becky Sue ?
Sheila avait envie de récupérer sa fille mais elle se retint. Après tout, Slade aussi avait bien le droit d’en profiter un peu. Il avait des gestes de mère. La plupart des hommes sont si désemparés lorsqu’on leur met un bébé dans les bras !
— Pour le moment, elle a surtout besoin d’être nourrie et changée, dit Sheila.
Comme Slade sourit à belles dents, elle demanda :
— Quoi ?
— Il y a eu un jour, en Bosnie, où je me suis dit qu’il n’y avait sûrement rien de plus beau dans la vie que de donner le biberon à un bébé. Et voilà que mes vœux les plus chers se réalisent, comme par enchantement !
Il parlait de la Bosnie comme d’un pays comme les autres, et Sheila admira son cran.
— Ils vous ont vraiment envoyé là-bas ?
demanda-t elle. Slade haussa les épaules avec fatalisme.
— Eh oui. Je dois être où les choses se passent.
Sheila n’en dit pas plus. Si elle avait été amoureuse de lui, l’idée qu’il risquait sa vie pour un article lui aurait été insupportable.
En y repensant, elle se demanda alors ce qu’elle éprouvait vraiment pour cet homme. Par malheur, elle n’en savait encore rien. Le sol sous ses pas étaient mouvants et elle ne voulait pas faire de projets — encore moins laisser ses sentiments prendre des décisions à sa place.
Slade allait lui rendre Rebecca Susan lorsqu’il entendit quelqu’un toussoter derrière lui.
— Vous êtes revenue ! Pardonnez-moi, tout n’est pas encore tout à fait prêt.
Slade se retourna pour voir qui venait d’entrer dans le salon et découvrit une jeune fille en jean et corsage blanc. Elle était grande, mince, avec de longs cheveux blonds.
Infirmière ? Femme de chambre ? Il se demanda si la nouvelle venue habitait ici. Quelles que soient les circonstances, il s’adapterait. Bon sang, il avait vécu avec cinq hommes dans une tranchée pendant une éternité. Cohabiter dans un superbe duplex avec deux femmes et demie, ce ne serait pas l’enfer !
— Slade, je vous présente Ingrid Swenson, la fille de ma femme de ménage, dit Sheila. Ingrid va m’aider à m’occuper du bébé. Elle est étudiante.
« Les étudiants étudient, pensa Slade. Quand ils ne font pas la fête. » Et Ingrid était précisément le genre de jolie fille qui ne dépare aucune fête.
— Mais alors, comment... ?
— Cours du soir, répondit Sheila. Ingrid m’aide jusqu’à ce que je trouve une nounou.
— Oh ! docteur Pollack, elle est magnifique ! s’écria Ingrid, lorsqu’elle vit l’enfant. Puis-je la tenir, s’il vous plaît ?
— Vous êtes un peu là pour ça, répondit Sheila avec un rire. Exercez-vous donc sans attendre.
Ingrid était faite pour s’occuper d’un bébé. Elle savait exactement comment le prendre et son visage s’illumina quand Becky Sue leva ses grands yeux vers elle.
— Je m’y connais en bébés, dit la jeune fille. J’ai aidé à élever mes quatre frères et sœurs. Comment s’appelle-t elle ?
— Rebecca, répondit Sheila. Rebecca Susan.
— Diminutif : Becky Sue, précisa Slade.
Sheila était embarrassée. Lorsqu’elle avait engagé Ingrid, elle était mère célibataire. Depuis la dernière fois qu’elle avait parlé avec la jeune fille, tant de changements étaient intervenus dans sa vie qu’elle eut un peu peur de la choquer.
— Ingrid, dit-elle en se pétrissant le menton, je vous présente Slade Garrett, euh, mon mari.
La jeune fille ouvrit de grands yeux interloqués.
— Maman ne m’avait pas dit que vous étiez mariée.
— Votre mère n’en savait rien, répondit Sheila. C’est... récent.
Bizarrement, elle fut fière de présenter Slade comme son mari.
— M. Garrett à des conceptions d’un autre âge, reprit-elle. Il croit que tout enfant doit vivre avec un papa et une maman.
Sheila soupira. Elle était épuisée. D’ordinaire, elle était capable de travailler vingt heures d’affilée et de voir toujours clair. Elle avait appris à se passer de sommeil depuis l’internat. Mais depuis la naissance, elle ne tenait plus debout.
— Je crois que je vais aller me reposer un peu, dit-elle à Slade.
— Bien. Avez-vous besoin de quoi que ce soit ?
Que faisait-elle là, en train de jouer au papa et à la maman avec un homme qu’elle connaissait à peine ?
Qu’elle connaissait à peine mais qu’elle trouvait irrésistible, dut-elle s’avouer.
Tout cela allait à l’encontre de ses croyances les plus anciennes et les mieux ancrées. Ce n’était pas ce qu’elle voulait. Ses choix de vie, il y a longtemps qu’ils étaient faits. La réussite professionnelle, voilà son but. Son seul et unique but après une seule et unique histoire d’amour à l’épilogue calamiteux. Elle voulait être la meilleure dans son métier. Et lorsqu’elle s’était retrouvée enceinte, elle s’était arrangée pour faire une place dans sa vie au bébé, mais n’avait jamais pensé à un mari.
Où aurait-elle trouvé de la place pour lui ? Son père et sa mère n’y étaient jamais parvenus. Ils avaient vogué sur la mer houleuse de la vie comme deux personnes bien élevées qu’un naufrage a projetées sur le même radeau.
Si elle avait besoin de quoi que ce soit ? Sheila hocha la tête avec un peu trop de véhémence.
— Non merci, tout va bien.
— Dans ce cas, je vais chercher mes affaires.
Avait-il intention d’emménager ? Un instant, Sheila fut prise de panique.
— Vos affaires ? Quelles affaires ?
— Pas des meubles, si c’est ce que vous craignez. J’ai sous-loué mon appartement. Non, je vais juste apporter quelques vêtements et mes appareils photo.
Sheila ne sentait plus sa mâchoire inférieure.
— Vous voulez que je fasse quelques courses en revenant ? demanda Slade, la main sur la poignée de la porte. Quelque chose pour célébrer dignement notre mariage ?
Sa bouche souriait mais ses yeux étaient graves.
— Oui, répondit soudain Sheila. Rapportez donc le moka le plus crémeux, le plus écœurant que vous pourrez trouver.
Slade fit une petite moue approbatrice.
— Je pensais que vous étiez censée avoir des envies de femme enceinte avant, pas après l’accouchement.
— Avant, je n’ai jamais eu le temps.
— Un moka, un !
Il se pencha pour l’embrasser, mais la jeune femme détourna le visage.
— Bien, dit-il. Je serai de retour dans une heure ou deux.
Sheila se surprit plus d’une fois à surveiller la pendule. Expérience nouvelle pour elle. Attendre le retour de Slade était comme attendre que la musique commence.
Lorsque la sonnette de la porte d’entrée retentit, elle sursauta. Ingrid apparut dans l’encadrement de la porte de la cuisine et elle lui fit signe de retourner à ses occupations.
— Je vais ouvrir.
— Je croyais que vous deviez vous reposer, lui rappela Ingrid.
— Plus tard, plus tard. Elle ouvrit la porte avant que Slade ait le temps de sonner une seconde fois.
« Elle est *******e de me revoir », pensa-t il en la voyant.
— Je vous ai manqué ?
— Pas vous. Le moka.
Sheila s’empara du carton de pâtissier qui pendait au bout de son index tendu. Le reste de ses mains et de ses bras était encombré de sacs et de paquets.
— Où puis-je mettre tout ça ?
« Tout ça » était une valise de vêtements, une valise de livres et de disques, et deux boîtes remplies de choses en vrac, qu’il considérait sans doute comme hautement indispensables. Sheila contempla cet assortiment de bagages avec inquiétude. Elle n’arrivait encore pas à se représenter Slade chez elle.
Et, maintenant, il était là, avec son mètre quatre-vingt-cinq.
— Il y en a encore beaucoup ? demanda-t elle.
— Tout est là, sauf mes appareils photo.
Un nomade comme moi apprend à vivre avec presque rien.
Voilà précisément ce qu’elle craignait. Que leur mariage précipité n’ait attelé au même joug deux personnes trop différentes pour aller dans le même sens.
— Où est votre chambre ? demanda-t il. Je dépose mes affaires et on s’occupe du moka. Je vous garantis qu’il est aussi écœurant que possible. Il y a des couches de crème au beurre épaisses comme mon pouce.
— Ma chambre ? fit Sheila, qui n’avait plus rien entendu après ce mot-là.
— Eh bien, oui. Vous ne voulez quand même pas que je dorme dans le salon ?
— Non, mais...
Sheila se mordit la lèvre. De toute évidence, elle n’avait pas mesuré les implications de son oui solennel.
— Euh, c’est-à-dire..., balbutia-t elle.
Slade était visiblement intrigué par ses réticences.
— Vos parents ne dorment donc pas ensemble ?
Un sourire amer naquit sur les lèvres de Sheila.
— Ma foi, je n’en sais rien, dit-elle. Ils n’étaient jamais à la maison en même temps.
Avec un soupir résigné, elle lui montra le chemin jusqu’à l’étage.
— Vous pouvez me croire, affirma Slade en la suivant, les gens mariés dorment dans le même lit. C’est une information que j’ai puisée aux meilleures sources.
Arrivés sur le palier, Sheila dit :
— La dernière porte à droite.
Puis elle le suivit d’un œil morne, jusqu’à ce qu’il ait disparu dans la chambre. « Ma chambre, enfin, notre chambre », pensa-t elle. Elle aurait indéniablement besoin d’un peu de temps pour s’y habituer
.

korabika 14-01-07 12:45 AM

j'ai lu cette histoire elle est formidable mais pourais-je te demander une faveur? pouvez vous ecrire d'autres histoires d'harlequin mais qui ne sont pas dans le site www.harlequin.fr? PLZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ

sara89 14-01-07 11:56 PM

je m'appele ibtissam et je suis marocaine
et il y a aussi le site www.eharlequin.com qui est aussi tres interessant

sara89 14-01-07 11:58 PM

moi aussi j'aimerais bien que vous ecrivais des harlequin français mais qui ne se trouve pas au site www.harlequin.fr

GKarima 30-01-07 05:58 PM

تكملت الرواية

GKarima 30-01-07 06:00 PM

Chapitre 7


Il était plus de 11 heures lorsque Sheila monta se coucher. Slade regardait le dernier journal télévisé. Assis dans le lit, torse nu, elle le trouva plus désirable que jamais !
Lorsqu’il se retourna, la jeune femme remarqua la profonde lassitude qui empreignait ses traits. Elle songea que le matin même elle était seule et le croyait perdu, et ne put empêcher une vive émotion de lui étreindre la poitrine.
— Comment vous sentez-vous ? dit Slade en posant la télécommande sur la table de nuit.
— Je suis presque trop fatiguée pour avoir la force de m’en plaindre.
Il tapota le matelas, juste à côté de lui.
— Allons, venez vous coucher.
Sheila hésita. Le moment était pourtant mal choisi pour jouer les timides.
— Je..., fit-elle.
Slade se leva et vint vers elle. Il lui prit la main.
— Venez, dit-il d’une voix douce. Mes intentions sont chastes. Du moins... jusqu’à ce que vous estimiez qu’il peut en être autrement. Je suis un gentil garçon, rappelez-vous.
Sans réfléchir, Sheila s’allongea avec lui. Slade commença à lui masser les épaules.
— Sheila, j’ai rejoué mille fois tout ce qui s’est passé entre nous. Tout ce qui s’est passé après que nous avons nagé dans cette petite crique.
Après coup, Sheila s’en était voulu d’avoir commis une telle folie. Cette nuit avait pourtant été si magique.
— Si quelqu’un nous avait surpris...
— Mais personne ne nous a surpris.
Après un imperceptible silence, il poursuivit sur un autre ton.
— Dites-moi, à part cette nuit-là, avez-vous toujours été bien sage ?
Sheila voulut se retourner, mais il insista d’un geste pour qu’elle reste allongée. Elle consentit d’autant plus volontiers que ses mains faisaient merveille.
— Si vous voulez savoir si j’ai l’habitude de prendre des bains de minuit avec des inconnus, la réponse est non.
— Rien qu’avec moi ?
Une joie très perceptible colorait sa voix.
— Rien qu’avec vous.
— Ma foi, cela me va.
Sans cesser de la masser, il déposa de petits baisers tendres sur sa nuque.
— Cela me va même tout à fait.
Le cœur de Sheila se mit à battre à tout rompre. Malgré sa fatigue, elle sentait son désir s’éveiller. Il était toutefois trop tôt pour cela.
— Orgueil de mâle ? demanda-t elle, une pointe de provocation dans la voix.
— Légitime fierté de mari, rectifia Slade.
Et... un brin d’orgueil, j’en conviens. Il continuait de lui pétrir les épaules.
— Vos muscles sont durs comme de la fonte. Détendez-vous, Sheila. Vous êtes revenue à la maison.
Elle était revenue à la maison, certes. Mais la situation était très différente. Lorsqu’elle aperçut le reflet de Slade sur l’écran de la télévision, elle ne put réprimer un frisson. Elle avait épousé un inconnu !
— Vous savez, commença-t elle d’une voix hésitante, on m’a toujours dit de ne pas croire à ce qui est trop beau pour être vrai.
Oui, mais toute règle comporte des exceptions. Et Slade savait maintenant que Sheila était cette exception dans sa vie.
— Et que vous a-t on dit d’autre ?
— De réfléchir avant d’agir.
Elle rit.
— Je suis ravi que vous n’ayez pas pris ce conseil-là trop à cœur, rétorqua-t il en souriant.
La jeune femme se retourna pour le regarder.
— C’est pourtant ce que j’ai toujours fait.
— Même avant de faire l’amour avec moi ?
Elle prit une profonde inspiration.
— J’ai fait l’amour avec vous parce que...
Mais elle n’alla pas plus loin, s’apercevant un peu tard qu’elle n’avait jamais vraiment réfléchi aux raisons de sa conduite.
— Oui ? fit-il.
— Eh bien, j’ai fait l’amour avec vous parce que... parce que vous êtes l’homme le plus séduisant que j’aie jamais rencontré.
Slade reçut chaque mot comme une caresse parfumée.
— Je sentais une sorte d’inexplicable harmonie entre nous, continua Sheila. Et puis, vous alliez quitter le pays.
— Je m’en doutais un peu, dit Slade. Est-ce ce genre de commodités qui vous guide dans le choix de vos amants ?
Si elle voulait que leur couple ait l’ombre d’une chance de réussir, il ne voulait pas laisser s’installer la moindre équivoque sur un sujet aussi délicat.
— Pour ce qui est des amants, n’en parlez pas comme si j’en avais eu des centaines, s’il vous plaît.
— Combien ?
Une lueur d’exaspération passa dans les yeux de Sheila.
— Excusez-moi, ajouta Slade. Vous aussi, vous avez le droit de me poser des questions.
Elle lui lança un coup d’œil sceptique.
— Vous me répondrez ?
— Oui.
Du côté de Slade, pas la moindre hésitation.
— La vérité ?
Il sourit en hochant la tête d’un air faussement navré.
— Qu’est-ce qui a bien pu vous rendre aussi soupçonneuse ?
— Je suis le dernier rejeton d’une longue lignée de méfiants.
Incapable de résister, Slade lui caressa la joue. Elle portait ses cheveux dénoués comme cette nuit-là. Il les aimait ainsi, cascadant le long de ses épaules veloutées.
— Vos ancêtres étaient-ils tous aussi splendides que vous ?
Sheila chercha à s’écarter mais il la retint.
— Ne changez pas de sujet, s’il vous plaît.
Slade enfouit ses mains dans la masse des cheveux blonds de la jeune femme et l’obligea à tourner le visage vers lui.
— Embrassez-moi, continua-t il. Embrassez-moi comme cette nuit-là. Embrassez-moi comme si je m’en allais de nouveau.
Si elle avait été debout, ses jambes se seraient dérobées sous elle.
— Vous vous en allez ?
— Pas dans un prochain avenir.
— Mais un jour ?
— Peut-être.
Et, cette fois-ci, Sheila aurait peur pour lui. Déjà, elle éprouvait un petit pincement au cœur. Mais elle refusait de s’inquiéter pour quiconque. Ce n’était pas pour rien qu’elle s’était si longtemps défendue d’aimer.

— Le journal m’enverra loin. Un jour au l’autre...
— Vous vous en irez donc encore ? murmura-t elle.
— Pour une semaine ou deux, par-ci par-là. Pas pour toujours.
Slade chercha une raison à la soudaine détresse qu’il lisait dans les yeux de Sheila.
— Qu’y a-t il ? Quelqu’un vous a-t il déjà quittée pour toujours ?
— Non.
Sheila avait toujours pris l’initiative des ruptures. Même si, au fond, elle n’avait pas vraiment eu le choix.
— Personne ne m’est jamais devenu assez cher pour me faire du mal en partant. J’y ai veillé.
— Pourquoi ? demanda Slade.
— Ma nature soupçonneuse, n’oubliez pas.
Il lui prit la main et déposa un petit baiser au creux de sa paume. Puis, lentement, il l’attira contre lui et lui donna un baiser profond. Comme pour la dernière fois. Comme un jeune marié entrant dans la chambre nuptiale. Comme un amant qui retrouve sa maîtresse après une trop longue absence.
Il l’embrassa comme un homme qui vient de comprendre que la femme qu’il tient dans ses bras détient l’autre moitié de son âme et incarne le bonheur de toute sa vie.
Lorsqu’il s’écarta, Sheila s’agrippa à sa nuque. Un baiser aussi magnifique n’aurait jamais dû cesser. Il leur faudrait pourtant attendre plusieurs jours avant de satisfaire les désirs qui leur faisaient bouillonner le sang.
Slade sourit.
— Dépêchez-vous de vous endormir, avant que je ne déniche un médecin prêt à certifier que vous êtes apte à remplir votre devoir conjugal !
— Et mon consentement, dans tout ça ?
— Je viens de le savourer sur vos lèvres.
Il lui baisa le front et se glissa sous les couvertures.
— Bonne nuit, doc. Faites de beaux rêves. Sheila se coucha auprès de lui et se tourna de l’autre côté. De beaux rêves !
Pour cela, il faudrait d’abord qu’elle réussisse à s’endormir.

GKarima 30-01-07 06:02 PM

Chapitre 8


La nuit se passa étonnamment bien. Sheila avait cru qu’elle n’arriverait pas à fermer l’œil. Mais son instinct de conservation l’emporta. Il ne lui fallut que quelques minutes pour s’endormir.
Après le biberon de 7 heures, Sheila décida de ne pas se recoucher. Son bébé dans les bras, elle retourna dans sa chambre pour se changer. Le lit était vide.
— Ah ! on dirait que l’oiseau s’est envolé, murmura-t elle à Rebecca. Elle coucha sa fille dans le grand lit défait et s’habilla.
Penser qu’elle était mariée lui faisait toujours une impression bizarre. Pour s’habituer au fait d’avoir un bébé, elle avait eu neuf mois. Mais son mariage avait été comme de se retrouver au milieu d’un ouragan une seconde après avoir regardé le ciel et l’avoir trouvé serein.
Sheila se brossa les cheveux et jeta un coup d’œil à son reflet, dans le miroir. Pour le moment, il faudrait que ça aille. Elle se maquillerait plus tard, quand elle y verrait clair.
— Maintenant, on va descendre dans la cuisine, dit-elle à son bébé. Je vais prendre un thé bien fort, d’accord ?
Rebecca accueillit cette déclaration avec des yeux ronds.
— Bien, dit Sheila, j’aime un auditoire qui réagit.
L’enfant trouvait sa place au creux de son bras avec un naturel incroyable. Sheila l’embrassa sur la nuque et huma le doux parfum de sa chair. « Quelles délices, mon Dieu ! » Quoi qu’il puisse arriver par la suite, elle serait éternellement reconnaissante à Slade pour le bonheur inouï qu’elle éprouvait en ce moment même.
Au bas de l’escalier, elle faillit buter contre lui. Il portait un jean qui semblait avoir été cousu sur lui et une chemise brune.
Sheila frémit lorsque leurs regards se croisèrent.
— Bonjour, dit-elle.
— Bonjour, répondit-il avec un sourire.
Il regarda Rebecca. Le bébé avait un petit air bougon qui l’amusa.
— Bonjour, vous.
Sheila remarqua qu’il s’était rasé. Un discret parfum d’eau de Cologne flottait autour de lui.
— Je vois que vous avez mis vos yeux assortis à votre chemise, dit-elle. Vous sortez ?
Il hocha la tête.
— J’en ai pour une heure. Quelque chose à régler au journal.
Machinalement, elle épousseta une miette de biscotte sur sa chemise. S’était-il *******é d’une biscotte pour son petit déjeuner ? Grands dieux, elle ignorait tant de choses sur lui. Et puis d’abord, comment s’y prenait-on pour être une épouse ?
— Je croyais que vous étiez en vacances.
— Je le suis. Sinon, je serais déjà dans un avion en partance pour Dieu sait où.
Il allait voir son rédacteur en chef pour lui en parler. Slade était décidé à lui demander de le rayer de la liste des correspondants à l’étranger. Il y avait ce Jake Seavers, qui l’avait accompagné en Europe et en Afrique à plusieurs reprises. Il manquait encore un peu d’expérience mais il avait du talent. Il serait sans doute ravi de voler de ses propres ailes. Jeune, sans attaches, prêt à prendre des risques, le remplaçant idéal ! Slade était prêt à passer le flambeau.
Le bébé s’agita dans les bras de sa mère.
— Hé, petite chose, tu nous as fait un de ces vacarmes, la nuit dernière. Quels poumons !
Il se tourna vers Sheila.
— Elle doit tenir de ma mère, lui dit-il. Elle était sur le point d’obtenir un premier rôle à l’Opéra de New York quand elle a rencontré mon père.
— L’homme qui vous a laissé tomber ? demanda Sheila, attendrie.
La compassion qu’il perçut dans sa voix réchauffa le cœur du jeune homme. Il enfonça ses mains dans les poches arrière de son jean.
— Ouais.
Sheila regarda par-dessus son épaule.
— Vous avez déjà pris votre petit déjeuner ?
— Un petit morceau en vitesse.
— Vous voyez, encore une chose que j’ignore à votre sujet. Je ne sais pas si vous êtes un adepte des petits déjeuners copieux ni comment vous aimez votre café.
— J’aime les petits déjeuners légers et le café très fort. Mais ce sont des détails sans importance.
— Bien sûr que non, rétorqua Sheila. Ces détails sont le secret d’un mariage réussi. Ce sont les boulons, les rouages...
— Boulons, rouages ! répéta Slade avec un froncement de sourcils amusé. Vous en parlez comme d’une machine. L’amour, voilà ce qui fait marcher un mariage.
Il songea qu’elle ne lui avait pas encore dit qu’elle l’aimait. Mais cela viendrait.
— L’amour, insista-t il. Et l’indulgence.
Il la regarda attentivement et s’inquiéta de la trouver si lasse et soucieuse. Certes, elle n’avait pas beaucoup dormi. Becky Sue les avait réveillés au moins trois fois, et il s’était juré de se faire expliquer le maniement du biberon pour permettre à Sheila d’avoir une vraie nuit de sommeil sur deux.
— Sur ces bonnes paroles, il ne me reste plus qu’à m’en aller.
Il embrassa ses lèvres roses.
— Je ne suis pas encore parti que vous me manquez déjà, dit-il. Et toi aussi, ajouta-t il en caressant le nez du bébé. Sois bien gentille avec ta maman. Elle est nouvelle dans le métier.
En route vers la porte, il croisa la jeune nurse.
— Bonjour, Ingrid.
Ingrid, ses cheveux blonds au vent, avait un air conquérant.
— Bonjour, monsieur Pollack.
— Garrett, rectifia-t il.
— Il est gentil, votre M. Garrett, dit Ingrid à Sheila, dès que Slade fut sorti.
— Oui, il est gentil, approuva Sheila. Alors, continua-t elle en se tournant vers Becky Sue, qu’est-ce que ta maman va bien pouvoir manger pour se revigorer un peu ?
Elle ouvrit le réfrigérateur et en examina le contenu.
— Oh ! je vous en prie, dit Ingrid. Vous avez bien assez à faire comme cela. Dites-moi ce qui vous ferait plaisir et je vais vous le préparer.
— Je vous ai embauchée comme nourrice, pas comme bonne à tout faire, rappela Sheila.
Mais Ingrid n’en démordit pas.
— Je peux faire les deux, docteur Pollack.
Maintenant, qu’est-ce que... ? La sonnette de la porte d’entrée retentit. Slade, pensa Sheila. Il devait avoir oublié quelque chose. Mais pourquoi ne se servait-il pas de sa clé ? Elle lui en avait donné une la veille au soir.
— Je vais ouvrir, dit Ingrid en se précipitant dans le couloir.
Sheila se replongea dans la contemplation du réfrigérateur.
— Il y a trop de gens qui vont et viennent dans cette maison, Rebecca, murmura-t elle. Cela m’étourdit. Je n’ai pas l’habitude.
— Docteur Pollack ?
Sheila se retourna pour découvrir un sourire énigmatique sur les lèvres de la jeune fille.
— Oui ?
— Vos parents !
Derrière Ingrid se tenaient Susan et Théodore Pollack. Ils n’apparaissaient ensemble que dans les solennités et Sheila se demanda si elle tombait désormais sous cette rubrique.
Elle ne se souvenait pas non plus de les avoir jamais vus habillés d’une façon aussi décontractée. Elle n’avait pas de pique-nique en famille à se remémorer ni de randonnée en montagne ni de balade au bord de la mer. Dans un pays réputé pour ses lieux de villégiature et ses stations balnéaires, ses parents n’avaient fait que travailler, travailler.
Mais il y avait encore autre chose. Un grand changement était intervenu : Sheila le vit dans le regard de sa mère.
Quand Susan Pollack porta la main à sa bouche, Sheila crut voir des larmes briller dans ses yeux saphir.
— Oh ! mon Dieu, Ted, c’est donc vrai !
Susan regarda son mari pour s’assurer qu’il était aussi ému qu’elle.
— Elle a eu son bébé...
Sans attendre le commentaire de l’homme auquel elle était mariée depuis presque trente-cinq ans, Susan alla enlacer dans une même étreinte sa fille unique et sa petite-fille.
Sheila put ainsi s’en assurer : Susan Pollack pleurait. Elle ne se souvenait pas d’avoir jamais vu sa mère pleurer !
— C’est charmant ! Apprendre qu’on est grand-mère par un message sur répondeur.
Sheila avait appelé ses parents dès qu’elle était sortie de la salle de travail. Ils n’étaient pas là, comme prévu.
— Bonjour, maman.
Sheila tendit sa joue à son père. Elle s’étonna de le sentir lui caresser furtivement les cheveux.
— Vous étiez en croisière, ajouta-t elle.
Ce seul fait sortait de l’ordinaire. Ses parents ne prenaient jamais de vacances et ils ne s’éloignaient de leurs cabinets ou de leurs blocs opératoires que pour assister à des congrès médicaux où, le plus souvent, ils ne se rendaient pas ensemble.
— Tu aurais pu nous télégraphier sur le paquebot, dit Susan sur un ton de reproche. Notre gouvernante savait sur quelle ligne nous étions. Tu pouvais aussi...
Mais elle n’eut qu’à regarder de nouveau sa petite-fille pour perdre aussitôt l’envie de réprimander sa fille.
— Oh ! qu’elle est belle ! N’est-ce pas, Ted ?
Deux fois plus à l’aise dans la vie à cinquante-cinq ans qu’à vingt-cinq, le Dr Théodore Pollack sourit.
— Oui, c’est vrai qu’elle est belle. Pas comme Sheila, évidemment, mais...
Il regarda sa femme avec le même émerveillement que s’il la voyait pour la première fois.
— Mais il faut dire que Sheila avait vos yeux, votre bouche. Même si cette petite-là porte votre nom.
Susan sourit et Sheila aurait juré qu’elle rougissait sous son maquillage.
— Rebecca Susan, c’est un choix fabuleux, chérie.
Sheila regardait ses parents avec des yeux ahuris. Ce n’était pas possible. Ce n’étaient pas les mêmes Susan et Théodore Pollack. On les lui avait changés !
— Maman, papa, qu’est-ce qui ne va pas ?
Je vous trouve..., balbutia-t elle. Ils attendirent poliment la suite.
— ... bizarres, acheva Sheila, qui ne voyait pas comment le dire autrement.
Théodore éclata de rire.
— Nous, bizarres ? fit-il avec un regard plein de malice. Comme c’est bizarre !
— Tu veux dire, intervint Susan, que nous n’avons plus l’air d’avoir avalé un parapluie.
Sheila n’aurait insulté ses parents pour rien au monde mais, oui, le premier qualificatif qui venait à l’esprit lorsqu’on pensait à eux, c’était collet monté. Réservés. Distants. Froids.
— Je veux dire que vous êtes différents. Je m’attendais à une carte de félicitations avec un bon du Trésor, pas à une visite.
— Le bon du Trésor ! s’écria Susan, à qui ces mots rappelaient soudain quelque chose.
Elle se tourna vers son mari.
— Tu t’es souvenu d’en acheter un ? Sheila leva la main pour arrêter son père.
— Ce n’était pas un appel du pied, juste une constatation.
Elle fit un pas en arrière pour mieux les voir.
— Que vous est-il arrivé ?
Ils échangèrent un tendre regard et, à la grande joie de sa fille, Théodore passa un bras autour des épaules de sa femme.
— Je crois simplement, dit-il, qu’après trente-cinq ans de mariage nous nous sommes enfin trouvés.
— La maison était grande mais pas à ce point-là, plaisanta Sheila.
Ce ne pouvait être la seule explication. Il y avait encore quelque chose qu’on ne lui disait pas.
Susan se blottit contre son mari.
— Nos carrières nous accaparaient. Mais nous n’avons pas besoin de te le dire, tu ne le sais que trop.
Oui, leurs carrières étaient toujours passées avant tout. Son père, qui partait deux fois par an dans des pays du tiers-monde ; sa mère, qui passait deux jours par semaine dans un dispensaire ; sans compter les dix heures par jour qu’ils passaient dans leurs cabinets respectifs, tout cela avait fini par réduire à rien leur vie de famille.
— Alors, que s’est-il passé ?
Susan lança un regard à son mari, mais il ne répondit pas tout de suite. Ils venaient tous deux de traverser la pire épreuve de toute leur vie, et le vieil homme avait encore du mal à en parler.
— Un moment, nous avons craint que ta mère n’ait un cancer du sein.
Sheila n’était pas au courant. Horrifiée, elle s’écria :
— Maman !
Susan leva la main pour endiguer le flot de questions qu’elle pressentait.
— Nous ne t’avons rien dit, Sheila, parce que nous ne voulions pas t’affoler pour rien. La tumeur s’est révélée bénigne. Cela nous a amenés à faire un bilan de santé de notre mariage.
Elle se tourna vers son mari. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir de l’amour dans son regard.
— Tout à coup, nous nous sommes trouvés confrontés à une situation insolite, continua Théodore Pollack. Alors, nous nous sommes posé des questions. Comme, par exemple : être un automate qui fonctionne bien, cela suffit-il au bonheur ? Et qu’est-ce qui est vraiment important dans la vie ?
Susan poursuivit :
— La réponse est simplement : lui pour moi, moi pour lui et toi pour nous deux, Sheila.
Sa mère l’embrassa avec plus de tendresse qu’elle n’en avait jamais mis dans ce geste.
— Pauvre petite. Tandis que nous nous occupions de soulager la misère du monde, toi, tu étais seule et malheureuse.
Maintenant qu’elle était adulte, Sheila ne voulait se souvenir que des aspects positifs de son enfance.
— J’étais très fière de vous, dit-elle avec sincérité.
Susan caressa les cheveux de sa fille.
— Et très solitaire. Je m’en rends compte maintenant. Ton père et moi, nous sommes pourtant des gens charitables... mais tu n’en as guère profité.
Elle posa sur sa petite-fille un regard caressant.
— Mais les choses vont changer, maintenant qu’elle est là.
Un sourire illumina son visage lorsque Sheila lui tendit le bébé.
— Oui, poursuivit Susan, tout va changer. Nous allons la gâter, celle-ci.
Sheila feignit la frayeur. D’un regard, elle implora l’aide de son père.
— Papa ?
Il rit. Cette saynète lui plaisait. La vie en général lui plaisait. Il profitait de chaque minute, de chaque bonheur, avec l’enthousiasme d’un homme qui avait failli perdre ce qu’il avait de plus cher au monde.
— Je tâcherai de la modérer, promit-il. Susan pouffa.
— Ah ! on voit que tu ne connais pas ton père quand il s’y met ! Avant longtemps, il faudra louer un hangar pour entreposer les jouets qu’il lui aura offerts.
Sheila ne croyait pas à son bonheur. Ses parents se disputaient l’honneur de gâter sa fille !
Susan regarda tout autour d’elle, comme si elle s’attendait que quelqu’un surgisse du réfrigérateur ou du garde-manger.
— Et ton mari dans tout cela, où est-il ? Car il était également question d’un mari dans ton message. A moins que ce n’ait été un défaut de la bande magnétique ?
Sheila hocha la tête.
— Non, maman. Slade est parti travailler.
Ted remonta ses lunettes sur son nez et prit un air grave.
— Ce qui nous renseigne déjà sur un point : notre gendre n’est pas un clochard.
Susan écarta d’un revers de main la remarque de son mari.
— Excuse ton père, chérie. Son sens de l’humour est un peu rouillé. Il faut dire qu’il n’a pas servi depuis une trentaine d’années !
Elle berça sa petite-fille dans ses bras avec tendresse.
— Est-il digne de toi, au moins ?
— A vrai dire non, répondit Sheila sans hésiter. Mais saint François d’Assise est mort et le pape n’est pas libre. Alors, il a bien fallu que je m’en *******e !
— Ça, Ted, c’est de l’humour ! proclama Susan en se tournant vers son mari. Elle le tient de moi.
Sheila était heureuse, cela se voyait. Et le soulagement de Susan était incommensurable. N’en avait-elle pas rencontré, de ces jeunes femmes mal mariées, avec leurs vies et celles de leurs enfants gâchées d’avance.
— Maintenant, dit-elle, je propose que nous passions dans le salon. Ce n’est pas une petite visite de rien du tout que nous te faisons. Ton père a un collègue qui le remplace et j’ai fermé mon cabinet. Nous n’avons pas à craindre d’être dérangés et nous avons bien l’intention de passer autant de temps que possible avec vous deux.

GKarima 30-01-07 06:04 PM

Chapitre 9


Une Mercedes bleu foncé était garée devant l’immeuble. D’un modèle plutôt ancien, elle était en parfait état. Slade en déduisit qu’il s’agissait sans doute d’un des collègues de Sheila qui venait voir le bébé.
Un ami qui rend une visite de courtoisie à une jeune accouchée : comme tout cela était banal, normal, quotidien ! Pourtant, après ce qu’il avait été contraint de vivre depuis des mois, le banal, le normal, le quotidien ne cessaient de l’étonner.
Il se glissa dans l’appartement par l’escalier de service. Il voulait faire un brin de toilette et se changer avant de se présenter devant l’ami de Sheila. Comme il se faufilait à pas de loup vers la salle de bains, il aperçut la jeune femme du coin de l’œil. En pantalon, penchée profondément en avant, elle lui offrait une vue imprenable et tentante sur ses courbes avantageuses.
Cédant à un caprice, Slade arriva derrière elle sur la pointe des pieds et la saisit par la taille.
— Vous étiez censée vous reposer, dit-il.
En riant, il la fit se retourner et s’apprêta à l’embrasser. Leurs lèvres n’étaient plus séparées que par un espace infinitésimal lorsqu’il s’arrêta net, sidéré.
— Mais... vous n’êtes pas Sheila.
Tour à tour, Susan hoqueta de surprise, poussa un soupir saccadé et rit de bon cœur. Il ne pouvait s’agir que de Slade.
— Eh bien, non, dit-elle.
Elle sourit chaleureusement au jeune homme, félicitant en secret Sheila pour son choix.
— D’ailleurs, pour cette fois, ajouta-t elle, je le regrette un peu !
S’apercevant qu’il tenait encore l’inconnue par la taille, Slade se hâta de la lâcher. Elle ressemblait beaucoup à Sheila.
Il fit un pas en arrière.
— Qui... ? Euh... Sheila ne m’avait pas dit qu’elle avait une sœur.
Susan le trouva aussitôt charmant.
— Pour la bonne raison qu’elle n’en a pas, dit-elle. Je suis sa mère.
Elle remit de l’ordre dans ses cheveux. La coquetterie n’avait jamais été son fort, mais pour l’heure, elle regrettait de ne pas avoir de peigne.
— Susan ?
Théodore venait d’entrer dans la cuisine. Il regarda alternativement sa femme et l’inconnu.
— Que se passe-t il ici ?
Susan crut voir une étincelle de jalousie briller dans les yeux de son mari. N’était-ce pas merveilleux, après toutes ces années ?
— Il se passe, dit-elle, que j’ai failli découvrir ce qui a décidé notre Sheila à se marier si vite.
Avec un temps de retard, Sheila entra à son tour dans la cuisine. Ce n’était pas exactement la manière dont elle avait eu l’intention de présenter Slade à ses parents, mais, depuis quelques jours, plus rien ne se déroulait selon ses plans.
Le désarroi de Sheila n’avait d’égal que celui de Slade. Lentement, il considéra ses beaux-parents, l’un après l’autre. Il les avait vus au gala de charité, le soir où il avait rencontré Sheila et ne les reconnaissait pas. Ils avaient l’air si sympathiques qu’il n’arrivait pas à croire qu’il s’agissait des mêmes personnes.
— Vous êtes les docteurs Pollack ? s’étonna-t il.
Slade s’interrompit. Ils devaient être en train de le prendre pour un triple idiot.
— Au fait, comment s’adresse-t on à un couple quand l’un et l’autre sont médecins ?
Théodore s’empara de la main de Slade et la serra cordialement.
— Dans ce cas précis : maman et papa. Vous savez, j’ai toujours rêvé d’avoir un fils.
Susan lança à son mari un regard surpris. Après la naissance de Sheila, ils avaient renoncé d’un commun accord à avoir d’autres enfants.
— Pourquoi ne m’en avez-vous jamais parlé, mon ami ?
Il y avait tant de choses qu’ils ne s’étaient pas dites. Mais, à partir de maintenant, ils étaient résolus à tout partager.
— J’ai pensé qu’il n’aurait pas été loyal de vous mettre dans la confidence d’un tel désir. Vous ne trouviez pas le temps de vous occuper de Sheila. Avec deux enfants, vous n’y seriez jamais arrivée.
Il tourna vers sa fille un regard désolé. Tout ce gâchis, grand Dieu, tout ce temps perdu qui ne se rattraperait jamais.
— Ce n’est pas pour cela que tu as été mieux traitée, ma pauvre petite, conclut-il.
Il y avait des siècles que Sheila espérait entendre de telles paroles. En d’autres temps, elle les aurait accueillies comme l’expression d’une justice tardive, certes, mais toujours bonne à prendre. Mais désormais, mère et médecin elle-même, elle comprenait mieux comment ils avaient pu en arriver à vivre de telles situations. D’une main levée, elle interrompit les excuses de son père.
— Assez de mea culpa, d’accord ? Nous allons repartir du bon pied et oublier le reste.
— Bien dit ! s’exclama Susan. Maintenant, si nous retournions dans le salon pour faire connaissance ?
En chemin, Slade demanda tout bas à Sheila si c’étaient bien là ses parents, l’homme et la femme dont elle avait prétendu qu’ils s’ignoraient au point de ne jamais dormir dans le même lit. Selon lui, ils avaient plutôt l’air de s’entendre à merveille.
— Mes parents ? Je n’en suis plus très sûre, répondit-elle dans un murmure. Ce sont peut-être des sosies, allez savoir ! Il va falloir que je vérifie. Mais en attendant, j’ai l’intention de profiter de ces braves gens, quels qu’ils puissent être. Et vous, continua-t elle un ton plus haut, comment cela s’est-il passé au journal ?
Slade n’avait rien arrêté avec son rédacteur en chef et jugeait qu’il était trop tôt pour en parler.
— Ni bien ni mal, répondit-il.
Sheila n’insista pas. L’énigme que lui posaient ses parents suffisait à lui occuper l’esprit.
Sheila alluma la veilleuse au chevet de Rebecca, qui dormait à poings fermés.
Ses parents étaient restés toute la journée et elle ne se souvenait pas d’avoir jamais passé une journée entière avec l’un ou l’autre, alors, les deux ! Elle était presque tentée de se pincer pour s’assurer que tout cela n’était pas un rêve.
Revenue dans leur chambre, Sheila suivit Slade des yeux. Il baissait les stores et lorsqu’il tirait sur la cordelette, ses muscles déliés ondulaient sous sa peau hâlée. Accoutumé à dormir nu ou tout habillé, il ne possédait pas un seul pyjama et se promenait en caleçon court. Un caleçon léger qui moulait ses formes viriles.
Sheila alla ouvrir une fenêtre. On étouffait ici, tout à coup. Son regard rencontrant celui de Slade, elle lui sourit. Il avait passé l’après-midi à raconter des anecdotes pour divertir ses parents. Et Théodore avait répliqué avec quelques-unes de son cru. Pour être moins exotiques et effrayantes, les aventures engrangées par le chirurgien n’étaient pas moins émouvantes que celles du grand reporter. Les deux hommes s’étaient entendus comme de vieux amis.
— Mes parents vous aiment bien, dit-elle.
Slade se retourna pour la regarder. Derrière elle, un rayon de lune doré filtrait à travers les lattes du store. A contre-jour, son corps, tout en courbes sensuelles, transparaissait sous sa chemise de nuit comme derrière le voile d’un théâtre d’ombres. Il avala sa salive. Tant de beauté faisait mal à contempler.
— C’est le contraire qui serait étonnant, lança-t il plaisamment. Je suis un type sympa.
Si vous ne me croyez pas, demandez à Becky Sue. Cette petite est folle de moi.
Sheila s’esclaffa.
— Vous, au moins, ce n’est pas la modestie qui vous étouffe !
Lorsqu’il s’approcha d’elle, Sheila frissonna. Sa démarche souple et silencieuse évoquait celle d’un grand prédateur. Elle l’attendit. Peut-être même alla-t elle à sa rencontre. Et la seconde d’après, elle se retrouvait sur la pointe des pieds, la tête rejetée en arrière, les lèvres écrasées contre celles de Slade.
Aussitôt, toute pensée l’abandonna. Seules restèrent les sensations que lui procurait cette étreinte. Le battement de son sang à ses tempes, cette chaleur qui prenait naissance dans son ventre et irradiait dans tout son corps. Sur la bouche de Slade, elle buvait un philtre aussi enivrant que le soir où ils s’étaient connus. D’où tenait-il ce pouvoir de lui donner envie de courir nue sur une plage à minuit ? Cet homme avait quelque chose de magique. Et chaque fois qu’il l’embrassait, elle se sentait décoller du sol. Dieu, comme elle le désirait ! Même si elle était encore loin d’avoir remis de l’ordre dans sa vie après tous ces chamboulements. Même si elle avait grandi dans la certitude que le mot « mariage » ne ferait jamais partie de son existence...
Et voilà que ses propres parents venaient de réduire à rien ce credo désenchanté. Elle ne savait plus que croire.
Sheila soupira tristement lorsque Slade s’écarta d’elle. Elle se sentait si apaisée dans ses bras. Il lui donnait l’impression sublime et rare d’être en sécurité.
— Au dodo, fit-elle en se glissant sous les couvertures. J’ai trois heures devant moi avant que Sa Seigneurie ne m’appelle.
Slade s’allongea à côté d’elle. Les mains croisées derrière la tête, il regarda le plafond.
— Je suis en bonne voie vers la sainteté, dit-il.
Sheila leva un sourcil interrogateur.
— Etre couché près de vous sans vous toucher doit bien mériter une récompense dans l’au-delà, non ?
Sheila se pencha sur lui et déposa un petit baiser humide sur son front.
— Vous êtes admirable, chuchota-t elle.
Slade se demanda alors combien d’hommes avaient déjà partagé son lit. Il avait vu une photo d’elle à l’âge de quinze ou seize ans, sur le manteau de la cheminée, et l’avait trouvée déjà très désirable. Sheila était de ces femmes qui naissent et restent belles. Beaucoup d’hommes avaient dû la courtiser.
— Comment étiez-vous à quinze ans ? demanda-t il, sans oser en dire davantage.
— Oh ! un vrai garçon manqué. Je n’avais pas de grand frère pour me protéger, alors, il fallait bien que je m’en charge moi-même. J’ai fendu quelques lèvres et poché quelques yeux avec ça, affirma-t elle, montrant son poing fermé.
Slade sourit. Il lui prit la main et y déposa un long baiser.
— Hum... Quelle arme redoutable ! Vous n’en aurez heureusement pas besoin contre moi. Je suis un pacifiste.
Sheila n’était pas assez naïve pour croire cela. Pas après les anecdotes qu’il avait racontées. Non qu’il ait joué au guerrier, mais il n’était pas de ceux qui se *******ent de prendre des notes pendant que les gens se font massacrer. Elle se rappelait tout particulièrement ce jour où il avait aidé un homme à fuir au péril de sa vie. A cet instant, elle avait été fière de lui.
— Je suis sûre que vous avez fait les quatre cents coups quand vous étiez jeune, dit-elle.
— Comme tous les gosses, admit-il.
Repensant à sa mère et à ses cheveux blancs, il ajouta :
— Peut-être un peu plus que la moyenne.
Sheila était épuisée. Ses paupières s’alourdissaient et une irrépressible envie de bâiller faisait vibrer sa mâchoire.
— Cela n’a pas dû être facile pour vous. Je veux dire, de grandir sans père.
— En fait, je..., commença-t il.
Sheila l’interrompit.
— Pour moi, ça n’a pas été drôle, croyez-moi, dit-elle d’une voix de plus en plus alanguie. J’avais parfois l’impression d’être orpheline. Mon père et ma mère étaient toujours partis aider les autres. J’en suis parfois venue à me dire qu’il faudrait que j’attrape une maladie rare pour qu’ils s’intéressent à moi.
Slade la prit dans ses bras.
— Slade ? dit-elle dans un souffle.
— Oui ?
— Vous pensez vraiment que nous allons y arriver ?
— Bien sûr, répondit-il simplement, sans la moindre trace d’hésitation dans la voix.
A l’abri de la pénombre, Sheila eut un sourire doux-amer. Elle aurait donné cher pour être aussi confiante que lui.

GKarima 30-01-07 06:05 PM

Chapitre 10


Les jours passèrent. Sheila découvrait avec une immense surprise et un plaisir insoupçonné que la vie conjugale lui convenait tout à fait. Passionnée par son métier, habituée à de longues journées de travail, elle s’était attendue à s’ennuyer à périr pendant son congé de maternité. Elle avait aussi craint d’avoir de la peine à faire une place au bébé dans sa routine, et à Slade davantage encore.
Mais quand vint l’heure des premiers compromis, vint aussi pour Sheila l’heure des premiers ébahissements. Elle s’aperçut très vite que son mari était merveilleusement conciliant et attentif.
— Cela ne vous dérange pas ? Vraiment ? demanda-t elle, étonnée qu’il prenne sa requête en considération.
Elle s’était inquiétée de le voir partir loin, et il venait de l’informer de sa décision de cesser ses voyages. Selon lui, le rédacteur en chef du Times ne demandait d’ailleurs qu’à se laisser convaincre.
Pour sa femme et sa fille, Slade semblait prêt à tous les renoncements.
— Puisque je vous dis que c’est d’accord. Bien sûr, cela va me manquer, admit-il. Le fait est que le danger est séduisant. Mais vous l’êtes bien plus encore, toutes les deux.
Sheila écarquilla les yeux. Le pensait-il vraiment ?
— Quand on a vécu au jour le jour pendant aussi longtemps que moi, quand on a regardé chaque matin se lever le soleil sans pouvoir jurer de le voir se coucher, eh bien, la question de savoir de quel côté du lit on va dormir est tout à fait rassurante.
Comme elle le regardait bizarrement, il embrassa Sheila sur le bout du nez.
— La vie est belle, non ? Qu’en pensez-vous, madame Garrett ?
Sheila se sentit fondre. Sans l’admettre, elle comptait les jours avant de pouvoir faire l’amour avec lui.
— Il va falloir que je sorte, dit Slade. Le rédacteur en chef veut me voir. Je sais que je peux le persuader de me changer d’affectation. Mais il va falloir marchander.
— Marchander ?
— Oui, je vais sans doute devoir consentir à une solution bancale. Je ne partirai plus à l’étranger, mais en échange, je serai envoyé n’importe où dans le pays.
Il eut un sourire sardonique.
— Comme ça, reprit-il, quand quelqu’un me dira : « Crève, sale fouineur ! » avant de me tirer dessus, ce sera en anglais !
— Vous tirer dessus ! répéta Sheila, mal à l’aise.
— Je vois que vous n’êtes pas encore habituée à mon humour noir, dit-il, tout en se réjouissant secrètement qu’elle s’inquiète pour lui. Et puis, je ne m’absenterai jamais plus d’une semaine.
Ce n’était certes pas insurmontable, mais Sheila commençait à aimer le sentir près d’elle. Elle savait qu’elle pouvait compter sur lui et redoutait maintenant de dormir seule.
Devant sa mine boudeuse, Slade eut envie de la taquiner.
— Ne me dites pas que vous me voulez pour vous toute seule.
— Mais pas du tout.
« Bien sûr que si », pensa-t il, ravi.
— Que me vaut cette petite mine, dans ce cas ?
— D’accord, reconnut enfin la jeune femme, vous allez me manquer. Là, vous êtes *******, j’espère.
— Pour le moment, ça ira, murmura Slade en la prenant par la taille. Mais avant de m’en aller, j’essaierai de vous apprendre à dire des choses comme : « Quoi de plus cruel que votre absence, mon bien-aimé ? » ou : « Il suffit que vous partiez pour que tout se dépeuple ! »
Maintenant, femme, accompagnez-moi jusqu’à la porte, je suis en train de me mettre en retard.
— Oui, mon seigneur et maître.
— C’est bien, ça. C’est même très bien. Vous apprenez vite.
Sheila souriait aux anges en refermant la porte derrière lui. Oui, leur mariage leur promettait des jours merveilleux.
Slade était un homme sensible, charmant et doux. Que pouvait-elle attendre de plus de la part d’un époux ? Elle aimait se réveiller chaque matin à son côté. Elle aimait surprendre ses regards tendres. Sous ses airs sombres, il avait un sens de l’humour mêlé à une rigueur et un sérieux qu’elle appréciait chaque jour davantage.
« Jusqu’ici, vous pensiez que toute médaille a son revers, lui avait-il dit un jour. Eh bien, peu à peu, je me charge de vous démontrer que tout revers a également sa médaille. »
Voilà ce qu’elle aimait en lui : qu’il soit parvenu à préserver cette fraîcheur d’âme, cet optimisme à toute épreuve, en dépit des horreurs qu’il avait vues et vécues.
L’avenir s’annonçait radieux.
Peut-être même étaient-ils faits l’un pour l’autre.
Ingrid, avec ses yeux bleu pâle et ses quatre ans d’études supérieures, l’avait lu dans les feuilles de thé !
« Elles ne mentent pas, avait-elle déclaré. Quelles raisons auraient-elles de le faire ? Elles disent que M. Garrett et vous êtes faits l’un pour l’autre, et vous pouvez les croire. »
Ces paroles résonnaient encore aux oreilles de Sheila, lorsqu’elle alla s’installer dans le canapé du salon pour un instant de repos.
Comme chaque fois qu’elle fermait les yeux, des images de cette nuit extraordinaire se formèrent dans son esprit. Ils étaient sur la plage et faisaient l’amour jusqu’à l’aube. Elle avait dû tomber amoureuse de lui cette nuit-là. Oui, elle en était certaine à présent. Un sourire de béatitude s’étira sur ses lèvres.
Le téléphone la tira brutalement de sa rêverie.
— Je prends, Ingrid !
Elle décrocha et coinça le combiné entre son oreille et son épaule.
— Allô ?
— Allô, je suis bien chez M. Garrett ?
demanda une voix de femme. Sheila hésita.
— Euh, oui, en somme...
Silence gêné de l’autre côté.
— Slade est-il là ?
— Non, il vient de sortir. Mais je peux prendre un message, si vous voulez. Je suis sa femme.
Elle prononçait ces paroles pour la première fois et en ressentit une émotion étrange.
— La femme de Slade ?
Quelle qu’elle soit, la correspondante semblait s’en réjouir. Ce n’était donc pas une de ses anciennes petites amies, pensa Sheila, avec un petit pincement au cœur proche de la jalousie.
— Oui, que puis-je faire pour vous ?
Elle n’alla pas plus loin.
— Comme c’est merveilleux ! Je suis sa mère. Rebecca.
La femme, au bout du fil, parlait sur un rythme saccadé, sans reprendre son souffle.
— Vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureuse que vous ayez convaincu mon gredin de fils de dire oui !
Sheila lui aurait volontiers expliqué que c’était lui qui l’avait convaincue, mais elle n’en eut pas l’occasion.
— Il m’a dit que vous êtes superbe !
Sheila retrouva le naturel et la désinvolture de Slade dans les paroles de sa mère. Pas de doute, Rebecca allait lui plaire.
— Il exagère toujours, répliqua-t elle, un peu gênée.
— Je ne crois pas, dit Rebecca Garrett. Et il n’a pas dit moins de bien du bébé. Ah ! j’ai hâte de vous connaître, toutes les deux !
Ainsi, elle avait une belle-mère ! Et adorable par-dessus le marché.
— Pourquoi ne viendriez-vous pas dîner ce soir ? proposa-t elle. Nous pourrons faire connaissance.
Rebecca Garrett éclata de rire. L’invitation semblait la réjouir.
— Ce n’est pas si simple, dit-elle. Nous habitons Phoenix.
— Nous ?
— Mon mari et moi.
— Votre mari...
D’abord prise au dépourvu, Sheila se ressaisit bientôt.
— Excusez-moi, je ne savais pas que vous étiez remariée.
Slade avait omis de le lui dire.
— Remariée ? répéta Rebecca. Oh ! mon Dieu, non. Je n’ai jamais épousé qu’un seul homme !
Cette idée paraissait grandement la divertir.
— Mon cher mari ne m’a jamais déçue et je n’ai jamais songé une seule seconde à en changer, reprit-elle. Vous me comprendrez quand vous le verrez. Le portrait de Slade ! J’ai eu le coup de foudre dès que je l’ai vu, et trente-six ans plus tard je n’en suis toujours pas remise !
Elle marqua une petite pause, le temps de pousser un soupir nostalgique.
— Si je vous appelle, enchaîna-t elle, c’est pour vous demander si nous pouvons venir le mois prochain. Son père va avoir deux semaines de vacances, et j’ai oublié d’en parler à Slade quand il m’a appelée pour la naissance du bébé.
Sheila était abasourdie.
— Le mois prochain... Parfait, s’entendit-elle répondre.
Mais cela ne pouvait pas être parfait, pensa-t elle. A partir de maintenant, rien ne pouvait plus être parfait en ce bas monde.
Comme un automate, elle réussit à terminer cette conversation, sans la moindre idée de ce qu’elle avait pu dire. Passé le moment où elle avait entendu Rebecca Garrett parler du père de Slade, elle ne se souvenait plus de rien.
Le père de Slade !
— Va au diable, Slade, tu m’as menti ! s’écria-t elle, après avoir raccroché.
Elle avait l’impression que le sol s’ouvrait sous ses pieds.
— Et tu m’as sûrement menti pour tout le reste !
Attirée par le son de la voix de Sheila, Ingrid pointa le nez à la porte de la cuisine.
— Vous m’avez appelée ? demanda-t elle. Sheila regardait le téléphone avec hargne.
— Oui, dit-elle en se levant. A partir de maintenant, personne ne boira plus de thé dans cette maison. Les feuilles de thé sont des menteuses.
Sans se donner la peine de s’expliquer, elle quitta la pièce, laissant derrière elle une Ingrid muette de stupéfaction.
D’un pas de somnambule, elle monta à l’étage, où elle avait des bagages à préparer.

GKarima 30-01-07 06:07 PM

Chapitre 11


L’entretien de Slade avec son rédacteur en chef s’éternisa jusqu’au milieu de l’après-midi. Il avait appelé Sheila pour la prévenir de son retard, mais Ingrid lui avait répondu qu’elle ne prenait aucun appel. Que s’était-il passé ? Etait-elle souffrante ?
Slade avait été sur des charbons ardents jusqu’à la fin de la réunion.
— Je suis rentré ! s’écria-t il en franchissant le seuil de l’appartement.
Il faillit trébucher sur des valises, rangées dans l’entrée. Ses propres valises, s’aperçut-il en y regardant mieux.
Sheila apparut alors, Rebecca dans les bras. Elle avait compté les minutes jusqu’à son retour. Elle avait hâte d’en finir. Mais maintenant qu’il était là, elle était si furieuse qu’elle ne savait plus par où commencer.
Slade fit un geste en direction des valises.
— Je vais quelque part ? plaisanta-t il. La lueur mauvaise qu’il avait cru lire dans les yeux de sa femme ne lui disait rien qui vaille.
— Oui, dit-elle d’une voix glaciale.
— Et j’ai besoin de tous mes bagages ?
— Oui.
— Je peux savoir où je vais ?
— Cela vous regarde.
— Et je... je pars pour combien de temps ?
— Pour toujours, Slade.
Pour se rassurer, Slade se dit aussitôt que ce n’était qu’une saute d’humeur, qu’il ne fallait pas s’affoler.
— Sheila, que se passe-t il ? Vous avez rencontré un jeune homme si beau qu’il vous a fait tout oublier ?
Sheila plissa méchamment les yeux.
— Gardez désormais ces plaisanteries pour une autre, Garrett, lança-t elle. Avec moi, ça ne marche plus.
Slade perdit soudain toute envie de rire. Il se passait quelque chose de grave. Quelque chose dont il ne viendrait pas à bout avec des clowneries.
— Qu’y a-t il, Sheila ?
— J’ai reçu un coup de fil, ce matin.
Slade ne voyait toujours pas où cela menait. A quoi devait-il s’attendre ?
— Et ?
— C’était votre mère. Elle voulait savoir si elle pouvait venir nous voir le mois prochain.
Elle accrocha le regard de Slade et attendit qu’il se trahisse. Impassible, il ne broncha pas.
— Avec votre père, lui assena-t elle pour finir.
« Oh, mon Dieu », pensa Slade. Elle était folle de rage et il ne pouvait pas le lui reprocher.
Avant de dire quoi que ce soit pour sa défense, il appela Ingrid.
— Pouvez-vous prendre le bébé, s’il vous plaît ? Le Dr Pollack et moi avons deux ou trois petites choses à nous dire.
D’après la mine de Sheila, il n’y avait pas de raison de penser que la discussion serait facile.
— Bien sûr, se hâta de répondre la jeune fille, intriguée par les visages tendus du couple.
— C’est l’heure de la coucher, dit Sheila. Elle eut du mal à ne pas laisser transparaître sa colère dans sa voix.
La jeune femme avait la terrible impression de revivre ses déboires avec Edward. Elle déposa doucement Rebecca dans les bras d’Ingrid et ouvrit les hostilités.
— Je n’ai rien à dire, commença-t elle. Nous nous sommes mariés sous un faux pré********************************e. Vous m’avez menti. Le débat est clos.
Sur ce, elle tourna les talons.
Ainsi, elle ne lui laissait pas la moindre chance de s’expliquer ? Elle n’écoutait pas ses arguments ? Slade ne l’aurait jamais crue capable d’une telle intolérance. Il la rattrapa par le bras et l’obligea à lui faire face.
— Je vous ai menti pour que vous m’épousiez, Sheila.
Il avait menti à seule fin de la tromper. Exactement comme Edward. Edward, le jeune et brillant chirurgien qui avait omis de lui avouer qu’il avait une femme et un enfant dans son Colorado natal ! Cette histoire datait de plus de huit ans, et son souvenir lui faisait encore mal.
Plus personne, plus jamais, ne la tromperait. Sheila se l’était juré.
— Qu’est-ce que cela signifie, sinon que j’ai épousé un menteur ? Je ne pourrai plus vous croire, Slade. C’est fini.
Slade la regarda avec bienveillance. Il comprenait qu’elle lui en veuille, même s’il trouvait sa réaction disproportionnée.
— Vous exagérez un peu, non ?
Visiblement, il ne comprenait pas à quel point elle se sentait bafouée. Si elle ne pouvait plus lui faire confiance, que restait-il ?
Elle leva le menton et retint ses larmes.
— Non, je ne crois pas que j’exagère. Vous m’avez menti sur un sujet grave, Slade. Je ne pense pas pouvoir vous le pardonner.
— Ecoutez, Sheila. Je vous ai menti parce que...
Il fallait qu’elle l’écoute et qu’elle comprenne. Il ne pouvait la perdre sur un malentendu.
— ... parce que vous alliez accoucher et que je n’avais que quelques secondes pour vous convaincre.
Sheila balaya d’un geste cette fallacieuse excuse. Comment avait-elle pu être assez sotte pour se laisser prendre au piège de ses jérémiades ?
— Slade, notre relation est minée à la base. Maintenant, quand vous me direz que le soleil se lève, j’irai vérifier moi-même à la fenêtre !
Et alors ? Pourquoi en faire un tel drame ? Ce n’était tout de même pas comme s’il avait eu une femme et une ribambelle d’enfants cachés quelque part. Il avait un père. Seulement un père, un père merveilleux qui l’aimait et qui aimerait Sheila et Becky Sue comme ses propres enfants.
Slade s’efforça de garder son calme.
— Si seulement vous acceptiez de m’écouter, dit-il d’une voix sourde.
Slade Garrett était un beau parleur, il ne fallait pas qu’elle l’oublie. Tout le contraire d’Edward, en vérité. Sheila revoyait avec netteté ce jour où elle avait décroché le téléphone et avait entendu une femme demander son mari. Edward avait alors bafouillé des excuses. « Lâches ! Tous les hommes sont des lâches ! »
— Laissez tomber, rétorqua-t elle avec une moue de dégoût.
Tout cela n’avait pas beaucoup de sens, elle s’en rendait bien compte. Elle se passa une main dans les cheveux en poussant un long soupir. A qui d’autre qu’elle-même pouvait-elle s’en prendre ? Elle n’aurait jamais dû s’imaginer que Slade serait différent des autres.
— Slade, reprit-elle, j’avais des doutes sur le bien-fondé de ce mariage. Je pesais sans cesse le pour et le contre. Et, par votre faute, la balance penche désormais du côté du contre, c’est tout. Et maintenant, j’ai besoin d’être un peu seule. Pour réfléchir, faire le point...
« Et reprendre le cours normal de ma vie », ajouta-t elle en secret. Slade n’en croyait pas ses oreilles.
— Vous me jetez dehors ?
Sheila se mordit la lèvre. Elle aurait voulu trouver la force de le mettre à la porte, mais pour l’heure, elle se sentait trop abattue pour le chasser.
— Je vous demande simplement de me laisser seule, rectifia-t elle.
Slade regarda vers la fenêtre.
— Sous la pluie ?
— Pardon ? murmura-t elle.
Il eut un petit rire bref et triste.
— Vous avez tellement crié que vous n’avez même pas entendu l’orage ! Maintenant, écoutez-moi, je vous en prie. Je vous ai peut-être menti, mais...
Sheila sursauta, comme s’il lui avait planté une aiguille dans le dos.
— Peut-être ! s’écria-t elle. Vous ne manquez pas d’aplomb !
Il avait vraiment l’air de penser qu’elle faisait un monde d’une histoire sans importance. Et si un jour il prenait une maîtresse, trouverait-il que c’était sans importance ? Pourquoi pas, après tout ?
— Votre mère sera bien surprise d’apprendre que son fils est un enfant illégitime, dit-elle avec un sourire amer.
Bon sang ! Il avait téléphoné à ses parents la nuit de la naissance de Rebecca. Il n’avait jamais été un fils modèle, mais il les avait toujours tenus au courant des grands événements de sa vie. Et son mariage et la naissance du bébé avaient été les plus importants de tous. Quant à son pieux mensonge, il avait eu l’intention de l’avouer à Sheila à la première occasion. Comment diable se serait-il douté qu’elle le découvrirait par hasard ?
Slade se frotta le menton.
— Lui avez-vous dit quelque chose ?
— Quoi, qu’elle avait mis au monde un mythomane ? rétorqua Sheila avec morgue. Bien sûr que non, Slade. J’ai heureusement plus de tact et de délicatesse que vous !
A ce stade, Slade ne voyait pas comment s’y prendre pour limiter les dégâts. Il n’avait aucune expérience des situations passionnées.
— Sheila, j’ai essayé de vous dire la vérité.
Oh non, elle n’allait pas le laisser s’en tirer avec un autre mensonge !
— Ah bon ? demanda-t elle. Et quand avez-vous essayé ?
— Hier soir, après le départ de vos parents. Sheila chercha à se souvenir et finit par hocher la tête.
Sur son visage, Slade put lire l’arrêt qui le condamnait sans appel.
— Non, si vous aviez bredouillé une quelconque explication, je m’en souviendrais.
— Vous m’avez interrompu sans vous en rendre compte, dit-il. La journée avait été longue, vous étiez fatiguée, alors je n’ai pas insisté.
Il le regrettait maintenant. Mais enfin, pourquoi Sheila refusait-elle de comprendre qu’il lui avait menti pour ne pas les perdre, elle et le bébé ?
— J’avoue que j’ai été lâche, reprit-il. Je me doutais que vous le prendriez mal et j’ai préféré repousser l’échéance.
Il essaya de lui caresser le bras, mais elle écarta sa main d’un geste sec.
— On ne fonde pas un mariage sur un mensonge, Slade.
Slade coula un regard triste vers ses valises. Et si une séparation d’un jour ou deux était la solution ? Le temps que Sheila surmonte sa colère et son amertume. Après quoi, ils parleraient calmement.
— Vous voulez toujours que je m’en aille ?
— Oui.
— Ce soir ?
— Non. Comme vous l’avez dit, il pleut.
Elle n’allait quand même pas jeter dehors comme un chien le père de son enfant.
— Mais je veux vous voir quitter cet appartement dès demain matin.
L’espace d’une brève seconde, Slade réussit à lui caresser la joue.
— Ne trouvez-vous pas la punition excessive ? demanda-t il dans un murmure.
Malgré elle, cette caresse mit Sheila en émoi. Elle n’apprendrait donc jamais ! Furieuse contre elle-même, elle le défia du regard.
— Je ne trouve pas, non. N’oubliez pas que je ne sais rien de vous, si ce n’est que vous êtes séduisant et que vous n’hésitez pas à mentir quand ça vous arrange.
— Je ne peux pas vous démontrer le contraire, Sheila. Il faut que vous me croyiez sur parole.
— Sur parole ! répéta-t elle avec dédain. Le drame, figurez-vous, c’est précisément que je ne crois pas que vous en ayez, Slade.
Elle sentit des larmes lui monter aux yeux.
— C’est ma faute, dit-elle dans un souffle. Je n’aurais jamais dû dire oui.
— Mais vous l’avez dit.
Le calme de Slade lui fit presque peur. Edward avait hurlé lorsqu’elle lui avait dit ce qu’elle savait. Très vite à court d’arguments, il avait même cherché à la frapper.
— Je peux dire non tout aussi facilement.
— Vous ne le ferez pas, Sheila.
— Vu les circonstances, je vous trouve bien téméraire de l’affirmer.
— Vous ne le ferez pas, répéta-t il avec aplomb. Au fond de votre cœur, vous êtes aussi fascinée que moi par les sentiments qui nous unissent.
Comme il voyait clair en elle ! Pourtant, elle choisit de nier.
— Vous êtes plus malin que moi si vous savez ce qu’il y a au fond de mon cœur. Car en ce moment, je n’y vois que ténèbres et confusion.
— Non, Sheila. Vous n’auriez qu’à ouvrir les yeux pour vous rendre compte que vous m’aimez.
La jeune femme hésitait entre fuir et se jeter dans ses bras.
— Ils sont ouverts, mes yeux ! cria-t elle, désespérée. Grands ouverts ! Et ce que je vois ne me plaît pas du tout.
En signe d’impuissance, Slade enfonça ses mains dans ses poches.
— Bien. Où voulez-vous que je dorme ?
Sheila se laissa tomber sur le canapé. Elle avait gagné, mais la victoire avait un goût amer.
— Où vous voudrez, sauf dans mon lit. Sur ce, elle se leva et monta l’escalier.
— Si vous avez faim, Ingrid a préparé un gratin, lança-t elle par-dessus son épaule.
Avec un hochement de tête résigné, Slade partit dans la cuisine.
— Et le condamné à mort mangea de bon appétit, lança-t il sur un ton de récitation.
Sheila l’entendit, mais elle continua de gravir l’escalier. Elle eut même l’élégance d’attendre d’avoir refermé la porte de sa chambre pour éclater en sanglots.

GKarima 30-01-07 06:10 PM

Chapitre 12



Au beau milieu de la nuit, Sheila et Slade se croisèrent dans l’escalier. Ni l’un ni l’autre n’avaient dormi. Ni l’un ni l’autre n’avaient même eu l’inconscience d’essayer.
— J’allais vous voir, dit-elle.
— Moi aussi, Sheila.
— J’ai réfléchi.
— Moi aussi.
— A propos de cette querelle...
— Je venais vous proposer qu’on n’en parle plus, l’interrompit Slade.
— Et moi, je venais vous proposer d’en reparler, insista-t elle. Il y a une chose que je ne vous ai pas dite et qui explique sans doute beaucoup de choses.
De son côté, Slade était arrivé à la conclusion qu’il n’avait pas toutes les cartes en main.
— Je vous écoute.
Ils montèrent dans la chambre et s’assirent côte à côte sur le lit.
— J’ai un aveu à vous faire, commença Sheila d’une voix au timbre voilé. J’ai eu un autre homme dans ma vie. Longtemps avant vous. Je n’en ai jamais parlé à personne. Il s’appelait Edward et c’était un brillant chirurgien.
Elle marqua une pause et chercha son souffle.
— Ce sont des souvenirs pénibles. Vous n’êtes pas obligée de me les raconter, murmura Slade.
— Si, il le faut. Je l’aimais, Slade. J’avais confiance en lui et il m’a trahie. Il avait une épouse et une petite fille dont il avait négligé de me parler. Un jour, sa femme a appelé à la maison.
— Et quand vous avez découvert que je vous avais menti à propos de mon père...
— Je me suis dit que je revivais la même histoire.
Mais Slade n’était pas Edward. Un abîme les séparait et Sheila le savait désormais.
— Voilà pourquoi je me suis emportée, Slade. Vous ne m’en voulez pas trop ?
— Pas du tout, répondit-il sans hésiter. Ils scellèrent leur réconciliation par un magnifique et interminable baiser.
Lorsqu’ils eurent repris leur souffle, Sheila regarda le jeune homme avec une petite moue espiègle.
— Vous savez ce qui me ferait plaisir maintenant ? demanda-t elle.
— Vos désirs sont des ordres, madame Garrett.
— Eh bien, j’aimerais aller faire un peu de tourisme.
— Du tourisme ? A cette heure ?
— Oui, dit-elle. Et j’aimerais également que l’on se tutoie. Si nous devons passer notre vie ensemble...
Slade reconnut dans le regard de sa femme la même lueur de malice que le soir où il l’avait connue.
— Avec plaisir. Et puis-je savoir où nous allons ?
— Il y a une petite crique que j’aime beaucoup, dit-elle avec un sourire charmeur. J’ai envie de la revoir. Ce n’est pas très loin d’ici.
Slade la serra très fort dans ses bras.
— Hmm... C’est tentant, murmura-t il. Mais Becky Sue ?
— Ingrid peut s’en occuper. Pour une fois...
— Cela veut-il dire que je peux défaire mes valises ?
— Plus tard. Pour l’instant, nous avons plus urgent à faire.
Elle prenait déjà son manteau et descendait l’escalier.
— Mais..., fit Slade, interloqué.
— Oui ?
— Nous ne pourrons pas...
— Pas encore, répondit-elle.
Elle avait bien compris à quoi il faisait allusion et en était aussi désolée que lui.
Une heure plus tard, un pêcheur matinal ou un noceur attardé auraient pu les apercevoir, la main dans la main, leurs chevilles léchées par l’écume de l’océan, un ciel sans étoiles au-dessus de leurs têtes. Majestueux comme deux amants de légende en pèlerinage, ils couraient sur la plage qui avait vu naître leur amour.

GKarima 30-01-07 06:11 PM

Fin de l'histoire

ÍææÑ 11-02-07 01:26 PM

merci karam

katia.q 07-09-12 09:48 PM

Êã ÊÚÏíá ÇáÚäæÇä æÝÊÍ ÇáãæÖæÚ ãÌÏÏÇ

majdouline two 27-11-13 11:10 PM

ÑÏ: Souvenir d’une nuit d’été de Marie FERRARELLA
 
merci infiniment

GKarima 22-02-14 02:26 AM

ÑÏ: Souvenir d’une nuit d’été de Marie FERRARELLA
 
Tt l plaisir est pour moi


Envoyé de mon iPhone à l'aide de Tapatalk

ÓíãÇä ÑíÝ 24-03-16 11:47 PM

ÑÏ: Souvenir d’une nuit d’été de Marie FERRARELLA
 
Merciiiiii infiniment


ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 06:27 AM.

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