[CENTER][En descendant du véhicule pour permettre à Tom de sortir,
il avisa une j e u n e femme dans la file qui patientait devant la porte. Avait-il la berlue? N'était-ce pas Bridget Weiss, en train de parlementer avec le videur? — Merci pour le taxi, Adam, à lundi, dit Tom en s'éloignant. Pétrifié, Adam regarda la fille s'engouffrer à l'intérieur en compagnie du videur. Au même instant, le néon illumina son visage. Si ce n'était pas Bridget, c'était son sosie. — Attends, j ' a i changé d'avis ! cria-t-il à Tom en tendant un billet au chauffeur. — Tant mieux. Plus on est de fous, plus on s'amuse... Eberlué, son collègue s'interrompit en le voyant se ruer vers la porte du club. — Laissez-moi entrer, tonitrua-t-il, indifférent aux protes¬ tations indignées des autres clients. — Vous n'êtes pas tout seul. Faites la queue comme tout le monde, s'insurgea quelqu'un. — Désolé, monsieur, mais vous devez attendre votre tour, renchérit le second videur. Ne vous bilez pas, les filles ne vont pas s'envoler, ajouta-t-il avec un clin d'oeil. — Vous connaissez celle qui vient d'entrer? Elle a fait allusion à une nouvelle danseuse, une certaine Sugar, intervint un homme derrière lui. — Qui est censée être super canon, compléta son voisin. Et, maintenant, si vous permettez, c'est à nous. L'esprit en ébullition, Adam marmonna des excuses, tandis que Tom l'entraînait au bout de la queue. Et si Bridget dansait réellement au club sous le pseudonyme de Sugar ? Elle devait jongler avec un budget très serré... Pourtant, cen'était pas son genre, elle qui empruntait les chemises en flanelle de ses frères pour dissimuler ses courbes voluptueuses. Bon sang, ses frères ! Si j a m a i s ils apprenaient qu'elle était une effeuilleuse, ils se précipiteraient à Chicago pour la ramener dans le Wisconsin en la traînant par les cheveux. Quant à lui, ils le ligoteraient sur la scène du Frisky's jusqu'à ce que mort s'ensuive. Leur tour arriva enfin. Il fouilla du regard la salle plongée dans la pénombre. A son grand soulagement, il ne vit Bridget nulle part. Tom l'entraîna au bar. — Je prendrai bien un double scotch. Et toi ? — Un Perrier, répondit Adam, voulant garder les idées claires. Tom fit la grimace. — Un Perrier? Un vendredi soir? Lâche-toi un peu, mon vieux ! — D'accord, va pour une Guinness, consentit Adam. Je cherche une fille, dit-il au barman en exhibant un gros billet, dans l'espoir de lui tirer les vers du nez. — Vous êtes au bon endroit. Il scruta les filles dénudées qui se contorsionnaient sur la scène pour s'assurer que Bridget ne se trouvait pas parmi elles. — Non. Celle que je cherche est de taille moyenne. Elle a les cheveux châtains ondulés, striés de mèches blondes, les yeux bleu nuit, des taches de rousseur... Et un corps de rêve, souligna-t-il à contrecoeur. Tom échangea un regard entendu avec le barman. — Tu ne trouveras j a m a i s ce genre de nana ici, mon vieux. Au fait, qu'est-ce qui t'a pris de plaquer le mannequin avec qui tu sortais l'automne dernier? Comment s'appelait-elle, déjà? — Daria, répondit Adam en avalant une généreuse rasadede bière dans l'espoir de chasser le goût amer qu'il avait dans la bouche. — C'est ça, Daria. Elle avait les cheveux et les yeux noirs, n'est-ce pas ? Rien à voir avec celle que tu cherches. Il acquiesça. Effectivement, Daria était noire jusqu'au fond de l'âme. Heureusement qu'il s'en était aperçu à temps. — Y a-t-il une danseuse qui s'appelle Bridget ici ? demanda- t-il au barman. — Elles ont toutes un pseudo. Mais vous pouvez toujours aller voir, conclut le serveur avant de s'occuper d'un autre client. Tom lui allongea une bourrade dans les côtes. — Viens ! On ne verra pas grand-chose si on reste vissés au bar. Une fille genre sadomaso aux cheveux noirs, entièrement vêtue de cuir, le fouet à la main, remplaça la bergère rousse et ses moutons en peluche. Avec sa poitrine menue, ce ne pouvait être Bridget, même avec une perruque. Et elle avait des piercings sur les mamelons, nota-t-il, incrédule. Certains hommes devaient aimer cela, mais pas lui, il avait des goûts plus conformistes. Tom s'était volatilisé. Il le repéra affalé sur une banquette, une Hispanique gigotant voluptueusement au-dessus de lui. A son regard vitreux, il présuma qu'il serait hors j e u un bon moment. Adam secoua la tête, désabusé. Les deux premières années où il travaillait à la Bourse, il avait beaucoup fréquenté les clubs de strip-tease avec ses collègues. Jusqu'au jour où il avait compris que les danseuses n'avaient rien à leur envier quant au professionnalisme. Au contraire.Tout le monde spéculait sur quelque chose. Mais, tandis qu'ils vendaient des céréales et du bétail, des biens tangibles, les stripteaseuses spéculaient sur leur personne en tant que partenaires potentielles — hypothèse fort douteuse au demeurant, car elles se laissaient rarement approcher, et ceux qui s'y risquaient le payaient très cher. Le DJ mit de la musique soul sensuelle. — Bienvenue à Sugar, notre nouvelle danseuse, clama¬ t-il. Il faillit s'étrangler avec sa bière : c'était le nom mentionné par Bridget. Et si c'était elle, se déhanchant à moitié nue sous les yeux concupiscents de tous ces types surexcités, alors que son corps satiné n'était réservé qu'à lui? Il débloquait ou quoi ? Personne ne devait la voir nue, surtout pas lui. Pris d'une sorte de vertige, il s'approcha de la scène. Il aperçut de longues j a m b e s bien galbées, et son regard remonta ensuite sur des seins volumineux. Autant qu'il s'en souvienne, Bridget n'avait quand même pas une poitrine aussi généreuse. Quand les spots éclairèrent le visage de la danseuse, il soupira de soulagement : Sugar était j o l i e , certes, mais pas autant que Bridget. Des sifflets et des cris assourdissants accompagnèrent le numéro de la strip-teaseuse, qu'il regarda distraitement, occupé qu'il était à scruter la salle obscure. Toujours aucune trace de Bridget. On lui tapa sur l'épaule. — Vous m'offrez un verre ? demanda une fille brune et athlétique. Il hésita, puis se dit qu'il pourrait lui soutirer des rensei¬ gnements.— Avec plaisir. Il commanda une autre Guinness, tandis que le barman versait à la danseuse un breuvage d'une bouteille qu'il tira de sous le comptoir. Probablement du thé glacé. Il paya les consommations, et ils s'installèrent sur une banquette libre. — Je m'appelle Electra. — Enchanté. Moi, c'est Adam. — C'est la première fois que vous venez, n'est-ce pas ? Je m'en serais souvenu, ajouta-t-elle avec un sourire. — Exact, c'est la première fois depuis deux ans. Je m'aper¬ çois que j ' a i raté quelque chose. C'est une amie, Bridget, qui m'a recommandé ce club. La danseuse se renfrogna. — Bridget? Vraiment? Adam s'en voulut d'avoir montré son j e u trop vite. Il avait éveillé sa méfiance. — Vous la connaissez ? Je suis un vieil ami de la famille, et je suis venu m'assurer qu'elle va bien, bredouilla-t-il, conscient qu'il s'enferrait. Electra lui adressa un sourire pincé. — Merci pour le verre. Excusez-moi, je dois y aller. — O.K. Mais, si vous voyez Bridget, dites-lui qu'Adam s'inquiète pour elle. — Je n'y manquerai pas, fit Electra avec une grimace sarcastique. Elle se leva et se fraya un passage dans la foule, s'arrêtant pour sourire à un type malingre qui la dévorait des yeux. Une minute plus tard, elle ondulait au-dessus de lui. On aurait cru qu'elle allait le broyer entre ses cuisses musculeuses. Les filles se serraient les coudes, apparemment. Il n'y avait rien à en attendre./CENTER] |
Adam déambula dans la salle en sirotant sa bière à petites gorgées. Toujours pas de Bridget. Tom savait peut-être où se trouvait la loge des danseuses ? Passablement éméché, son collègue parvint tant bien que mal à lui désigner l'endroit, derrière la cabine du DJ. Il se dirigea dans cette direction et, profitant d'un moment d'inattention du DJ, se faufila discrètement dans un couloir où il repéra trois portes. L'une donnait sur un placard à balais, l'autre était verrouillée — probablement le bureau du directeur — et la troisième s'ouvrit sur sa poussée. Il se retrouva nez à nez avec la danseuse sadomaso au fouet. — Fichez le camp tout de suite, où j ' a p p e l l e la sécurité, I ordonna-t-elle. — Ecoutez, je voudrais j u s t e voir Bridget, plaida-t-il. — Il n'y a pas de Bridget ici. Surprenant le regard furtif qu'elle jetait par-dessus son épaule, il se mit à crier. — Bridget ! C'est moi, Adam ! Il faut que je te parle. — Sortez ! répéta la fille gothique en faisant claquer son fouet. Il leva instinctivement les mains. — Sonny ! Sonny ! brailla la fille. Le videur arriva au petit trot et le reconnut. — Encore vous ! dit-il en lui empoignant le bras. Vous ne pouvez pas attendre votre tour pour une lap dance, comme tout le monde ? Adam se dégagea si violemment qu'il heurta la fille au fouet, laquelle l'envoya valdinguer contre le mur d'un coup de manchette bien senti.Tandis que le videur lui tordait le bras derrière le dos et l'entraînait dehors, la pommette tuméfiée, il aperçut Bridget, qui le regardait avec stupéfaction. — Adam Haie ! Qu'est-ce que tu fiches ici ? 3 . Bridget déverrouilla la porte, alluma la lumière et récupéra sa valise, qu'Adam s'apprêtait à porter à sa place. — Maintenant, tu peux m'expliquer pourquoi tu tenais tant à me raccompagner ? demanda-t-elle. Adam la suivit à l'intérieur, une douleur cuisante à la joue. Il n'avait pas remis les pieds chez elle depuis son emména¬ gement. Il nota la machine à coudre trônant sur la lourde table de ping-pong encombrée de bouts d'étoffe satinée. — Je voulais te parler. — Me parler ? De quoi ? De ta bagarre avec une strip-teaseuse et de la brillante façon dont le videur t'a éjecté ? — Minute, je ne me suis pas bagarré avec elle. J'ai perdu l'équilibre, et elle en a profité. — Tu as de la chance que Jinx ne t'ait pas frappé avec son fouet. Il frémit d'horreur à cette pensée. — Cette fille est une folle dangereuse. — Qu'est-ce que tu fabriquais dans cette boîte? Je croyais que tu t'étais assagi avec l'âge. — Exact. Qui t'a dit que j ' y allais autrefois ? Elle le dévisagea avec une perplexité feinte. — Colin, ou peut-être Dane ? Je ne sais plus. C'est sûrementDane, vu qu'il est célibataire. Je pense que tu l'emmenais dans ce genre de club quand il se rendait à Chicago pour ses affaires. — Ce sont de vraies pipelettes, tes frères, à ce que je vois. — Je n'ai pas envie d'en discuter. Et, si tu veux un conseil d'amie, tu devrais rentrer chez toi et te mettre de la glace sur la j o u e . Bien j o u é . La meilleure défense, c'est l'attaque, comme chacun sait. Il fit mine de tourner docilement les talons et de gagner la porte, avant de revenir brusquement sur ses pas. — Je déposais un collègue en taxi, quand je t'ai aperçue en train de parlementer avec le videur. 1b peux m'expliquer ce que tu fabriquais dans un club de strip-tease ? — Logiquement, tu en as conclu queje dansais au Frisky's, c'est ça? Il s'esclaffa. — Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, s'écria Bridget, vexée. Je ne suis pas assez sexy, à ton avis ? — Toi, une strip-teaseuse ? Arrête un peu, Bridget. Ta t'ingénies à porter les vêtements les plus amples possible. Tu rougis comme une pivoine, si on regarde t e s . . . , ajouta-t-il en désignant ses seins du menton, trop gêné pour être plus clair. — Qui te dit que je n'ai pas changé depuis tout ce temps ? Ça ne ressemble pas au costume d'une strip-teaseuse, à ton avis ? poursuivit Bridget en brandissant un soutien-gorge chatoyant, couleur vert citron, qu'elle récupéra sur sa table de travail. Il roula des yeux effarés. — C'est vrai ? Tu danses au Frisky's ? Bridget tint le soutien-gorge devant elle en se déhanchant. — A ton avis, Adam ? Il promena son regard dans la pièce et avisa un portant chromé où étaient suspendus une guêpière noire, une brassièreet un string rose fluo et un body en vinyle blanc, ou plutôt une minijupe microscopique. Des rouleaux de Lycra argent, rouge et or étaient rangés dans un coin. Le clou consistait en une paire de sandales à lanières dont les talons mesuraient au moins quinze centimètres de haut. Seule une strip-teaseuse pouvait se jucher sur des engins pareils. — Tu as dansé, ce soir? — Aurais-tu raté mon numéro ? demanda-t-elle en reposant le soutien-gorge. Il émit un petit rire nerveux en se débarrassant de son manteau. Il commençait à transpirer. — De quoi parles-tu ? Je suis entré presque en même temps que toi, et je ne t'ai jamais vue sur scène. Bridget gloussa. — Je croyais que tu étais un expert. Tu ne sais pas qu'il existe des box privés ? Il s'écroula sur le canapé, atterré. Elle se moquait du scandale, de la colère et de la déception de ses parents. Elle avait beaucoup changé depuis qu'elle vivait à Chicago, et pas à son avantage. — Arrête, Bridge. Ce n'est pas drôle ! Que va penser ta famille? Bridget décrocha le soutien-gorge rose de son cintre et s'en frotta la j o u e . — Adam, tu prends tout au tragique. Le rose lui allait bien au teint. Il l'imagina ôtant le bout de tissu brillant avec une affolante lenteur, pour lui seul. — Non! — Non, quoi? Il bondit sur ses pieds et s'approcha de la jeune femme— Tu ne peux pas continuer. En l'absence de tes parents, je te l'interdis. — Ah oui ? Comment comptes-tu t'y prendre ? — Je ne sais pas encore... Je peux te prêter de l'argent, si tu en as besoin. Combien veux-tu ? Bridget sourit et lui caressa le torse avec le petit bout de tissu rose. — Tu paries sur les céréales, le soja, le bétail, n'est-ce pas ? C'est ton métier. Nous allons donc parier. — Sur quoi ? questionna-t-il, de plus en plus troublé, imaginant les seins généreux de la j e u n e femme gainés dans la brassière rose. — Sur ton objectivité. Si tu penses que je ne suis pas assez bonne pour danser au Frisky's, je te promets de renoncer à ma carrière d'effeuilleuse. — Tu as l'intention de me faire une démonstration ? s'étrangla- t-il. Le regard bleu de Bridget ne cilla pas. — Alors, on parie? Où était passée la fille innocente qui s'empourprait pour un oui ou pour un non? — D'accord. Elle le repoussa vers le canapé où il se laissa choir lourde¬ ment. — Parfait. Il admira ses formes pleines, qui tendaient ses vêtements moulants, quand elle se pencha pour choisir un CD dans la pile, et il s'agita, mal à l'aise. Si elle lui faisait autant d'effet habillée, qu'adviendrait-il quand il la verrait à moitié nue ? Elle alluma le lecteur et se mit à onduler au son de Let 's Get It On, de Marvin Gaye. Une musique langoureuse, qui réveilla.les pulsions qu'il cherchait à refréner. Après quoi, elle dénoua ses cheveux et les secoua avec un petit sourire. Des cascades couleur de miel, de café et d'or se répandirent sur ses épaules. Il frémit, rêvant de les sentir ruisseler entre ses doigts. Elle redressa la tête et prit une profonde inspiration. —- Bridge, tu n'es p a s obligée de le faire si tu n'en as pas envie, risqua-t-il. Elle parut aussitôt reprendre du poil de la bête. — Primo, arrête de m'appeler Bridge, c'est un prénom masculin. Deusio, j e ne suis pas un garçon, comme tu vas t'en apercevoir tout de suite, conclut-elle en déboutonnant sa tunique avec une affolante lenteur, avant de la laisser tomber à terre, dévoilant son soutien-gorge et son ventre plat. Il se cramponna au divan à la vue de ses dessous affriolants, l e corps bandé comme un arc, l e sexe en émoi. Le soutien-gorge révélait la courbe crémeuse de ses seins, contrastant avec la dentelle noire sous laquelle pointaient les mamelons érigés. La j e u n e femme fixa son bas-ventre et écarquilla les yeux en remarquant le renflement de son pantalon. Il savait qu'il allait perdre le pari, mais il était trop tard : le loup s'apprêtait à bondir sur sa proie. Il fallait qu'elle poursuive. Ce qu'elle f i t. Elle ouvrit la fermeture Eclair de sa j u p e et la laissa glisser sur ses chevilles en ondulant des hanches. Il l'examina des pieds à la tête, depuis ses hauts talons jusqu'au porte-jarretelles de dentelle noire, en passant par les bas résille noirs et la culotte de satin noir. Oh, toute cette dentelle, tout ce n o i r . . . Ce spectacle le rendait fou. Le mouvement qu'elle f i t pour enjamber le petit tas d'étoffe gisant à ses pieds confirma ses soupçons : elle portait bien unstring, et l'envie le démangea de faire courir ses mains sur sa chair rebondie. Il déposa les armes quand elle s'attaqua aux agrafes de son porte-jarretelles. — Bon, bon, d'accord. Tu as gagné. Tu p o u r r a i s faire fortune au Frisky's. Dis-moi que tu n'y penses pas, Bridget, je t'en prie ! Elle sourit de toutes ses dents. — Pas si vite, je n'ai pas encore fini. — Tu n'as p a s fini 1 Bridget chaloupa vers le canapé sur ses hauts talons. — Le strip-tease ne suffit pas. Le l a p d a n c e est d ix fois plus lucratif. Tu veux voir ? Il sentit sa raison défaillir, surtout avec Marvin qui roucoulait sa romance. Comment imaginer une séance de l ap dance platonique avec une femme qu'il désirait depuis des lustres ? Il fallait vraiment être maso. B r i d g e t se c a m p a d e v a n t A d a m , les p o i n g s sur les hanches. Elle aurait cru mourir de honte à l'idée de se pavaner en petite tenue devant lui, les seins et les fesses à moitié à l'air. Eh bien non, c'était tout le contraire. Elle nota l'érection qui gonflait le devant de son pantalon et son regard trouble, tandis qu'il la fixait comme s'il n'avait jamais regardé une femme avant elle. Elle n'était plus la petite soeur. C'était déjà ça ! Elle se sentait toute-puissante, la déesse du sexe. Elle prit son courage à deux mains et, grimpant sur le canapé, se jucha sur ses genoux.— Bridge... , gémit Adam. Décidément, il avait la tête dure. — Bridget, corrigea-t-elle en entamant une sorte de danse. Elle ne le touchait pas, mais la chaleur qui irradiait de son corps viril suffisait à l'embraser toute. Elle se tortilla davantage et, prenant ses seins en coupe, les approcha du visage d'Adam et se mit à en caresser les tétons durcis à travers la dentelle. Il déglutit, les pupilles dilatées. Sans le quitter des yeux, elle passa les bras derrière son dos pour dégrafer son soutien-gorge, et il étouffa un hoquet tandis qu'elle s'en débarrassait d'une chiquenaude, dénudant ses seins fermes et puissants aux formes voluptueuses. Elle s'interrompit un bref instant, pour faire monter la tension d'un cran. Longtemps, elle avait détesté ses larges aréoles, qu'elle s'ingé¬ niait à dissimuler du mieux qu'elle pouvait. Plus maintenant. Adam leva la main, puis suspendit son geste. — Tu peux toucher. Il la dévisagea gravement. — Si je commence, je ne pourrai plus m'arrêter, je te préviens. Elle l'enfourcha carrément, son sexe bandé se pressant exquisément entre ses cuisses. — Je n'ai pas la moindre envie que tu t'arrêtes. Ce contact mit fin aux hésitations d'Adam. Curieusement, il ne chercha pas à caresser ses seins mais, l'agrippant par les épaules, il s'empara de ses lèvres. Sa bouche était avide et douce à la fois, et, quand elle y insinua la langue, il ne tenta pas de se dérober et lui rendit son baiser, sa langue entamant avec la sienne un lent ballet voluptueux. Il l'embrassa passionnément, la rendant folle d'excitation. |
Ce baiser, elle l'avait attendu si longtemps, et voilà que la réalité dépassait ses rêves les plus extravagants ! Elle enfouit les doigts dans la soie de ses cheveux sombres et entreprit de lui masser la nuque, j u s q u ' à ce qu'il lâche un long gémissement rauque. Il la plaqua alors contre lui et se pencha pour lui mordiller le lobe de l'oreille et tracer un sillon de baisers brûlants le long de sa j o u e jusqu'au creux de sa clavicule, tandis que les bouts de ses seins nus frottaient délicieusement contre le tissu de sa chemise. Elle la déboutonna fébrilement et en écarta les pans. Dessous, il avait la peau douce et ferme, couverte d'une toison bouclée contre laquelle elle pressa ses tétons sans vergogne. Divine sensation ! Adam referma les mains sur le creux de ses reins, tandis que sa bouche descendait sur le renflement de ses seins, sans s'y poser. Evitait-il de les toucher? Aurait-il compris sa gêne? Tout cela, c'était de l'histoire ancienne. Soutenant ses seins des deux mains, elle les lui offrit sans retenue. — Caresse-moi, Adam. Il sourit et laissa courir son index délicatement le long de sa gorge, puis autour de la pointe rose qu'il encercla et fit rouler entre ses doigts, lui arrachant un râle de plaisir. Il intensifia ses caresses, titillant ses mamelons j u s q u ' à ce qu'elle se tortille sous ses doigts, défaillante. Elle croyait atteindre l'extase, quand il captura l'autre téton entre ses lèvres. Il le câlina, le goûta de la langue et du bout des dents, lui infligeant la plus exquise torture. Chaque succion sur ses seins gonflés la plongeait dans un océan de voluptés insoupçonnées. Elle sentit de délicieuxpicotements entre les j a m b e s , et elle était si moite que la fine dentelle de son string fut rapidement trempée. Elle se cambra et se frotta effrontément contre le sexe durci d'Adam, dans l'espoir de trouver l'apaisement. Il parut le deviner, car il glissa l'index dans son slip et l'écarta. Puis il enfouit deux doigts entre les replis de dans son sexe, découvrit son clitoris et commença à caresser la chair si vulnérable. Délaissant son mamelon, il balaya de l'autre main sa cuisse gainée de soie, là où la peau était dénudée entre le bas et la petite culotte. — J'adore tes bas, même s'ils ne sont pas aussi satinés que ton corps. Troublée par la douceur de ses attouchements et de ses compliments, elle détourna le regard et dissimula son embarras derrière le rideau de ses cheveux. Déjà, il intensifiait ses caresses, refermant sa paume sur son clitoris qu'il se mit à masser encore et encore, pendant que le frottement intermittent du string entre ses fesses la portait au comble de l'excitation. Elle posa la main sur son torse et sentit qu'il tremblait. — Bridget, dis-moi d'arrêter avant qu'il soit trop tard, supplia-t-il. Elle savoura l'étendue de son pouvoir. C'était elle qui menait le j e u , et elle allait lui faire perdre la tête. Elle lui présenta un sein. — S'il te plaît, suce-moi encore. Les yeux clos, il se j e t a sur le bouton durci qu'elle lui offrait et se mit à le téter voracement. En même temps qu'il plaquait une main sur ses fesses, il replongea l'autre dans son intimité liquéfiée, à croire que sa vie en dépendait. Elle se tordit lascivement sur la main qui allait et venait àun rythme régulier. L'érection d'Adam frottait contre son sexe brûlant avec une douceur insoutenable. Elle se pencha et referma les doigts sur ses bourses à travers l'étoffe de son pantalon, les pétrissant et les caressant. Pantelant, Adam rouvrit les yeux et délaissa son sein. Elle en profita pour parsemer son front, ses j o u e s , son cou d'une pluie de baisers. La main d'Adam accéléra son va-et-vient, tandis que son pénis durcissait davantage. Quand il augmenta la cadence, elle vibra comme une corde sur le point de rompre et explosa, chaque spasme se répercutant depuis son clitoris palpitant jusqu'à la pointe de ses mamelons tendus à l'extrême. Elle poussa un cri d'extase, savourant son triomphe. Jamais elle n'aurait cru éprouver pareille jouissance. Elle avait tellement désiré cet instant, adolescente, quand A le se caressait en fantasmant sur Adam... Mâchoires serrées, le souffle court, Adam se pressa plus fort contre sa main. — Bridget, arrête, non..., haleta-t-il. Sans l'écouter, elle intensifia encore ses caresses, et il jouit dans un râle, son souffle brûlant chatouillant voluptueusement la pointe encore sensible de ses seins. Elle se blottit contre son épaule, écoutant son coeur cogner dans sa poitrine, et effleura du doigt la douce toison brune. Elle en rêvait depuis qu'elle l'avait vu faucher, torse nu, la première fois où il avait séjourné à la ferme familiale. Hélas, elle savait que ce moment de grâce serait de courte durée, qu'il allait regretter son geste. De fait, une minute plus tard, Adam se tortilla nerveusement sous elle. — Oh, Seigneur ! gémit-il, évitant le contact de ses seins.Elle s'allongea voluptueusement sur le canapé à son côté. A présent, il s'agissait de l'entraîner dans sa chambre pour le prochain round. Plus facile à dire qu'à faire, car il bondit sur ses pieds et se précipita vers la salle de bains. Qu'à cela ne tienne, elle n'avait rien contre une douche à deux, au contraire. Elle se releva et se dirigea à son tour vers la salle de bains. Elle avait vraiment l'air d'une call-girl avec son porte-jarretelles, son string et ses hauts talons, songea-t-elle avec satisfaction en j e t a n t un coup d'oeil au miroir. Il ne lui manquait que le fouet pour ressembler à Jinx. Et les piercings aux mamelons, bien sûr. Elle frappa à la porte. — Adam? Pas de réponse. Elle tourna le bouton de la porte, qu'elle trouva verrouillée. — Adam? Ça va? — Oui. Pourrais-je t'emprunter un pantalon ? — Une minute, je vais voir si j ' e n ai un à ta taille. Elle s'observa de nouveau dans le miroir de la penderie. Elle avait des étoiles dans les yeux, les cheveux fous, la peau rosie. Et si elle refusait de lui prêter un pantalon pour l'empêcher de repartir? Toute émoustillée à l'idée de séquestrer Adam chez elle, elle n'en fouilla pas moins son armoire, au fond de laquelle elle dénicha un vieux pantalon de jogging gris trop grand pour elle qui ferait sans doute l'affaire. Elle retourna frapper à la porte de la salle de bains. — J'ai trouvé.Il entrebâilla le battant pour s'emparer du vêtement et la referma aussitôt. Soudain, elle eut froid et elle regagna sa chambre pour enfiler son peignoir en éponge bleu ciel. L'étoffe la caressa voluptueusement, faisant courir de longs frissons sur sa peau encore à vif. Elle se précipita en entendant du bruit et réprima son hilarité quand Adam émergea de la salle de bains : le pantalon, beaucoup trop court, découvrait ses jambes poilues au-dessus de ses chaussettes et de ses mocassins. Sa mine lugubre lui ôta toute envie de rire. — Que t'arrive-t-il ? demanda-t-elle, connaissant déjà la réponse. — Tu oses me poser cette question, après ce que nous venons de faire? — Je ne sais pas pour toi, mais moi, j ' a i beaucoup aimé. Doux euphémisme. C'était hédonistique, extatique, orgastique... — J'ai perdu le pari, constata-t-il sombrement. Personne ne pourra te résister, au Frisky's. Si j ' é t a i s ton client, je me ruinerais, je m'endetterais jusqu'au cou, j ' i r a i s même j u s q u ' à donner un de mes reins sans anesthésie pour une seule prestation de lap dance avec toi. Ouah ! Le compliment était peut-être un peu excessif, mais elle se sentait flattée. Adam la saisit par le bras. — Tu dois songer à ta famille, Bridget ! — Tu vas le leur dire ? Au fond, ce ne serait pas si grave, elle pourrait toujours leur avouer la vérité en expliquant qu'elle créait des dessous un peu osés pour ses amies— Non, je ne veux pas leur faire de mal, si je peux l'éviter. N'oublie pas que tu es leur petite fille chérie. Elle fit la moue. — Chacune des danseuses du Frisky's est la petite fille chérie de quelqu'un, tu sais. Sauf peut-être Electra. — Réfléchis, Bridget ! Tu n'imagines pas où te mèneront leurs moeurs dépravées, la drogue, l'alcool, en plus du reste. Elle se croisa les bras sur la poitrine. — Je te signale que ces filles ne boivent j a m a i s quand elles travaillent et que la seule chose qu'elles s'injectent, c'est du botox. La moitié d'entre elles sont étudiantes, et les autres font ce métier pour élever leurs enfants. Si tu veux le savoir, Sugar prépare un diplôme de commerce, et Jinx, un master de littérature comparée à l'université de Chicago. Adam secoua la tête. — J'ai eu un moment de faiblesse, Bridget. Mieux vaut oublier ce qui s'est passé entre nous. C'était une très mauvaise idée. On en reparlera plus tard, mais, en attendant, jure-moi de ne plus t'exhiber au Frisky's, d'accord? Un moment de faiblesse ? Ah bon ? — Ecoute, peut-être, je ne sais p a s . . . , commença-t-elle, feignant l'indécision. Bon, d'accord, je te promets de ne pas enlever mes dessous sexy au Frisky's pour un type qui me suppliera de voir mes seins se balancer devant sa figure, reprit-elle avec une nonchalance étudiée. Et je ne ferai plus de lap dance en string et porte-jarretelles sur les genoux d'un client qui se tortillera sous moi avec une mégaérection. Adam déglutit avec difficulté. — Parfait, couina-t-il d'une voix éraillée. Merci, Bridget.Tu es une j e u n e fille de la campagne, toute simple. Tu sais bien que tu n'appartiens pas à ce monde. Elle rit j a u n e . Ah oui ? La prochaine fois, la jeune fille en question lui jouerait un tour à sa façon. Il ne perdait rien pour attendre ! |
4 . — Adam a dit quoi ? demanda Electra, prête à en découdre, en tirant l'épée en plastique qui complétait son costume d'Ama¬ zone. Avachie sur le canapé, Bridget leva péniblement sa flûte de Champagne pour porter un toast. Etait-ce la deuxième ou la troisième ? Elle ne se rappelait plus. Mauvais signe. — Il a dit que j ' é t a i s une bonne petite fille et que c'était très mal de lui faire une démonstration de lap dance. Vêtue d'un pantalon de jogging et d'un T-shirt punk rock. Jinx j e t a son nouveau costume de scène en vinyle rouge sur une chaise et s'assit sur le divan à côté d'elle. — C'est le genre coincé, ton Adam, grommela-t-elle en s'étirant paresseusement. Bridget vida sa flûte d'un trait et fit signe à Jinx de la resservir. — C'est curieux. Mes frères le décrivaient comme un coureur de jupons invétéré, collectionnant les flirts et dilapidant tout son argent dans les boîtes de strip-tease. — En tout cas, ce n'est pas un habitué du Frisky's, je m'en souviendrais, assura Sugar en virevoltant devant la glace pour admirer son nouveau costume, un ensemble soutien-gorge et string bleu roi aux couleurs des Chicago Cubs.— Disons que tu ie souviendrais plutôt de son portefeuille, plaisanta Jinx. — On m'a dit qu'il aurait fait une partouze à trois avec deux pom-pom girls, quand il était étudiant, ajouta Bridget. A l'époque, elle l'avait imaginé étalé sur un grand lit, où les deux filles s'activaient à le lécher et à le caresser partout... La scène avait éveillé ses sens en même temps que sa jalousie. Pourquoi ces deux majorettes avaient-elles cette chance, et pas elle? Elle contempla le fond de son verre d'un air morose. C'était vraiment stupide de se soûler à 3 heures du matin, mais les danseuses étaient venues chercher leurs nouveaux costumes après avoir terminé leur numéro, en apportant du champagne acheté au noir. Electra rajusta les plaques amovibles de sa cuirasse avant de l'ôter. Elle aussi avait des implants, quoique plus modestes et mieux adaptés à son corps musclé. Autrefois, lui avait raconté Sugar, elle avait été une athlète de haut niveau, et elle avait dû interrompre sa carrière à cause d'une déchirure à l'épaule au lancer du poids. — Que vas-tu faire ? lui demanda cette dernière. — Aucune idée. Après ce qui s'est passé l'autre j o u r entre nous, je ne vois pas comment on pourrait encore parler d'amitié platonique. — L'amitié platonique entre un homme et une femme, ça n'existe pas, décréta Sugar en suspendant son costume des Cubs, avec la casquette de base-bail assortie, sur le cintre rembourré de satin qu'elle avait apporté à cet effet. Tous les hommes ont un point faible, il suffit de le trouver. — Je n'ai pas l'intention de lui nuire. Je veux seulement... — Coucher avec lui ? compléta Sugar en reprenant un doigt ie champagne.Bridget vira à l'écarlate. — Est-ce que j ' a i l'air vieux j eu ? explosa-t-elle en soulevant son T-shirt pour exhiber son nouveau soutien-gorge en dentelle rouge. J'ai même le string assorti. Elle se leva pour le leur montrer, chancela, et retomba lour¬ dement sur le canapé. — On sait que tu es une fille libérée, fit Jinx en roulant comiquement des yeux. Sugar tapota son verre de l'ongle. — Si on l'habillait? — Comment? Pas avec un de nos costumes, ce n'est pas son genre, intervint Electra. — Ce type n'a pas tort. Avec son côté fleur bleue, elle a l'air d'une bonne petite fille, celle qu'on a envie de présenter à sa maman, tu ne trouves pas ? Il lui faut quelque chose de chic et sexy. Qu'en penses-tu, Bridget? — Oui, oui, chic et checchy, répéta Bridget, qui commençait à avoir des problèmes avec son élocution. — Je sais ! Le Temps de Vinnocence ! s'écria Jinx. Ses deux amies pouffèrent. — Chérie, cette époque est révolue depuis longtemps ! s'exclama Electra. — Ignares que vous êtes, soupira Jinx, l'intellectuelle de la bande. Je veux parler du roman d'Edith Wharton sur la haute société new-yorkaise de la fin du dix-huitième siècle. Bridget se réveilla. — Je vois. Il y a eu une adaptation au cinéma avec Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer et Winona Ryder. Il y avait des super costumes, si je me souviens bien. Sugar acquiesça. — Ah, oui ! Le héros entretient une liaison avec Michelle,la cousine de sa copine Winona, laquelle Winona s'empresse de le récupérer. — J'avais un petit ami qui m'a fait le même coup avec ma soeur, signala Electra, avec une indifférence qui n'avait rien d'affecté. Sauf que moi, je n'ai récupéré ni l'un ni l'autre. Jinx s'éclaircit la voix, brisant le silence qui se prolongeait. — Bref, je verrais bien une guêpière avec des bas, et... une culotte longue fendue, comme du temps de nos grandsmères. Sugar parut impressionnée. Jinx se mit à fourrager dans la penderie, tandis qu'Electra ôtait la barrette retenant les cheveux de Bridget. — Voyons voir. Bridget essaya de se dégager. — Arrête. Il est 3 heures du matin ! Sans se démonter, la danseuse palpa quelques mèches entre ses doigts. — Tu as de beaux cheveux, Bridget. Tu utilises de l'aprèsshampoing ou un masque capillaire? — Rien du tout. Sauf une mixture à base de mayonnaise que je prépare moi-même quand ils sont comme de la paille, l'été. — Beurk ! Tu veux ressembler à un club-sandwich ? A mon avis, tu as besoin d'une couleur. Bridget opina en bâillant. — J'ai acheté un flacon de teinture pour un balayage, mais je n'ai pas eu le temps de l'appliquer. Ecoutez, les filles, on remet la séance à une autre fois, d'accord ? Je tombe de sommeil. — Remarque, je comprends très bien que ce type ne t'intéresse pas, remarqua Jinx. Tu te rappelles l'autre jour, quand je lui ai botté les fesses ? Il n'a même pas réagi. Une vraie mauviette. Bridget se redressa, piquée au vif, sa fatigue oubliée.— Ce n'est pas une mauviette ! Il ne ferait jamais de mal à une femme, c'est tout. Sugar lui agita son index sous le nez. — Tu tiens assez à lui pour faire un petit effort, oui ou non ? Si tu crois que ça va tomber du ciel, tu risques d'attendre longtemps. — Parce que tu penses que des mèches et une guêpière suffiront? C'est d'un frivole ! Bridget regretta aussitôt ses paroles. Ses trois amies consa¬ craient beaucoup de temps et d'argent à leurs costumes et autres produits de beauté. Les trois danseuses se regardèrent. Electra s'assit près d'elle et lui tapota la main. — Tu sais, l'important, ce n'est pas tant la façon dont les autres te perçoivent, mais plutôt ce que tu ressens, toi. L'apparence nous sert à partager un peu de nous-mêmes avec les clients. J'ai choisi un costume de guerrière, par exemple, puisque je suis sportive. Jinx aime les gadgets d'intimidation, vu qu'elle se plaît à dominer les hommes, et les seins faramineux de Sugar, c'est parce qu'elle adore monopoliser leur attention. — J'ai déjà réussi à en rembourser un, se vanta Sugar. — Celui qui est de travers ? plaisanta Jinx. Electra haussa les épaules. — Ecoute, quelle que soit la raison pour laquelle tu veux ce type, nous allons t'aider, point final. Bridget finit par capituler. Si ses amies souhaitaient jouer les bonnes fées, libre à elles. Elle était prête à tout pour conquérir Adam. Sugar lui versa joyeusement une autre coupe de Cham¬ pagne. — Tiens, ma puce, tu vas en avoir besoin. Il faut souffrir pour être belle.Un rayon de soleil réveilla Bridget, qui se retourna en clignant des paupières. Elle ouvrit un oeil et regarda l'heure, effarée. 13 h 15 ! Comment avait-elle pu dormir si longtemps? Elle se mit sur son séant et le regretta aussitôt, le coeur chaviré. En massant ses tempes douloureuses, elle eut la surprise de sentir des boucles sous ses doigts. Les événements de la veille lui revinrent à la mémoire. Elle se rappelait vaguement une séance de coiffure dans un état d'ébriété avancée, la nuit dernière. Elle, en tout cas, était ivre morte. Il fallait espérer que Sugar ne l'était pas. Elle s'extirpa de son lit et se traîna devant la glace, où elle contempla son reflet avec horreur. Oh non ! Les valises qu'elle avait sous ses yeux injectés de sang n'étaient rien, en comparaison de ses cheveux. Un vrai r o s t r e ! Réflexion faite, elle comprit que Sugar les avait dégradés en gardant assez de longueur pour qu'elle puisse les attacher. Des mèches subtilement dorées mettaient sa nouvelle coupe en valeur. Elle se trouvait différente, sans trop savoir pourquoi. Un examen plus attentif lui apprit que ses sourcils avaient été épilés et éclaircis. Elle se rappelait vaguement la séance d'épilation des jambes, oeuvre de Jinx. Apparemment, la danseuse lui avait appliqué la cire brésilienne d'une main sûre. Elle examina son entrejambe. Ouf! Au moins, de ce côté-là, il n'y avait pas de nouveauté... Elle enfila son peignoir et se dirigea vers le coin-cuisine, où die avisa un mot sur la table. Salut, Bridget, j'espère que tu aimes ton nouveau look. Jinx le conseille de coudre une culotte longue fendue pour alUravec ta guêpiere noire. Ça marchera du tonnerre, tu verrax N'oublie pas : les épaules droites, le menton haut, la poitrine offerte, et surtout le sourire! Sugar. Son amie avait dessiné un « bonhomme sourire » au bas de sa signature. Bridget but son thé et mâchonna distraitement un toast à te cannelle en réfléchissant à un plan d'action. Adam occupait toutes ses pensées, elle le désirait plus que jamais. Elle avait décidé de lui avouer la vérité à propos de sa prétendue carrière de strip-teaseuse. Elle l'avait fait marcher pour briser la glace, mais elle n'avait pas l'intention de l'abuser plus longtemps que nécessaire, et maintenant elle était certaine qu'il ne la considérait plus comme une petite soeur. Il l ' a v al d'ailleurs reconnu à son corps défendant. S'armant de courage, elle composa son numéro. Zut, sa messagerie vocale ! Apparemment, elle devrait encore jouer la comédie. — Salut, Adam, c'est Bridget. J'ai discuté avec les filles du Frisky's à propos d'une audition en vue d'un engagement, et j ' a i m e r a i s t'en parler. Pourrais-tu me rappeler, s'il te plaît? A bientôt. Le téléphone sonna deux minutes plus tard. Le stratagème avait réussi. — Il n'en est pas question, Bridget, assena A d am sans préambule. Je me fiche pas mal de ce qu'elles t'ont dit, et sache que l'argent n'entre pas en ligne de compte. Je t'ai proposé de te prêter... — Bonjour, Adam, ça v a ? susurra-t-elle. Je te signale en passant que j e n'ai pas encore dansé au club. — Ah ! Tant mieux. |
Il faut que je te parle de vive voix. Je passerai chez toi vers 18 heures. - Chez moi ? On ne peut pas se voir ailleurs ? Prendre un café quelque part, par exemple ? — Non. Je n'ai jamais été chez toi, j ' a i m e r a i s bien visiter ton appartement. — Ecoute, Bridget, je ne sais p a s . . . Une pensée déplaisante lui effleura l'esprit. — Aurais-tu une nouvelle petite amie, par hasard ? — Tu dérailles ? Je n'ai peut-être pas été à la hauteur la dernière fois, mais je ne... euh... je ne l'aurais jamais fait si j'avais eu une petite amie. Tes frères ont beau casser du sucre sur mon dos, je n'ai jamais trompé qui que ce soit, pas même quand j ' é t a i s à la fac. — Tu as des projets pour ce s o i r? — E u h . . . non, m a i s . .. Parfait. Elle aurait le champ libre. — Maintenant, tu en as. Je serai là à 18 heures. A plus, conclut-elle en raccrochant. Quand la sonnerie retentit immédiatement après, elle renvoya Adam sur sa messagerie vocale en jubilant, avant de se précipiter sur sa machine à coudre. Elle avait une culotte longue fendue à réaliser. Adam frotta ses tempes, qui battaient comme des tambours. Son médecin l'avait prévenu, il risquait l'hypertension et devrait recourir aux bêtabloquants s'il continuait de la sorte. Il enroulait le manchon du sphygmomanomètre autour de son bras, lorsque le téléphone l'interrompit de nouveau. C'était son père. Le sens du devoir l'emporta. Autant en finir le plus vite possible, songea-t-il en décrochant.— Allô? — Enfin ! Tu te décides à répondre ? Ce n'est pas trop tôt. Monsieur ne pourrait pas avoir un téléphone fixe, comme tout le monde, au lieu d'un portable constamment sur répondeur? Adam ne releva pas la critique. Quoi qu'il dise, son père déformerait ses propos, de toute façon. — Salut, papa, comment ça va? répliqua-t-il. — Comment ça va ? Tu me demandes comment ça va ? Ça va mal, voilà comment ça va. Jusque-là, rien de nouveau. Billy Haie se plaignait depuis l'aube des temps. — Je suis désolé, papa. Tu parles qu'il était désolé. Il était désolé de ne pas avoir activé sa messagerie, oui ! — C'est ce fisc de malheur. Ils ont entamé une procédure de redressement et prétendent que ta mère et moi leur devons du pognon. — Un redressement fiscal? Quand? — Début janvier. Ils ont dit que nous n'avions pas déclaré les revenus de l'herboristerie de ta mère. Les fédéraux nous l'avaient fermée, et ils ont le culot de nous réclamer les arriérés, tu te rends compte? C'était un cauchemar. Ses parents faisaient-ils toujours pousser de la marijuana en cachette ? Ils ne lui avaient plus adressé la parole pendant des mois quand il avait détruit toutes les semences. L'avantage, c'était qu'il avait eu une paix royale pendant toute son année de quatrième. — De quelle herboristerie parles-tu ? — Ta mère a gagné pas mal de fric en vendant des complé¬ ments alimentaires à base de plantes aux étudiants du coin, histoire de leur donner un coup de pouce dans leurs études, tu vois ? Mais la FDA a déclaré que ces plantes étaient dange- reuses. Quelques-uns de ces pauvres gosses auraient eu un petit problème cardiaque, paraît-il. Alors, on s'est dit... Bon, laisse tomber ! Les fédés nous ont foutu le commerce en l'air. — Dissimuler au fisc équivaut à une fraude fiscale, et tu ques d'aller en prison si tu refuses de payer. — Je n'irai nulle part, puisque j ' a i dit que je payerai, en plus de ces fichus agios. L'estomac d'Adam fit un looping. Plus besoin de chercher la raison de ce coup de fil. — Combien ? questionna-t-il sèchement. La somme que son père énonça le fit blêmir. Il faillit raccro¬ cher et laisser ses parents se dépatouiller comme ils pouvaient, s, même s'il considérait ses géniteurs comme un couple loups enragés, il n'avait pas vraiment envie de les voir finir en taule. — Je t'envoie dix mille dollars. Ça les aidera à patienter. — Ce n'est pas suffisant, fiston. Je sais que tu gagnes presque « t a n t que la banque centrale, alors tu as intérêt à allonger plus que ça. Il serra les poings. — Dix mille dollars, c'est une grosse somme. C'est tout ce dont je dispose dans l'immédiat. Le reste est placé. — Eh bien, tu n'auras qu'à liquider ton portefeuille. Sauf si fci préfères nous voir en prison, ta pauvre mère et moi ? — Tu pourrais vendre ton Harley-Davidson. Je suis certain cela suffirait à payer le reliquat. — Tu es tombé sur la tête ? Cette Harley me suivra dans la ombe. A moins que je ne me fasse incinérer avec elle, j u s te pour t'enquiquiner. Ce qui était le passe-temps favori de son père. — Dix mille sacs, papa, c'est mon dernier mot.— O.K., envoie-moi un chèque par courrier exprès, s'il te plaît. Adam éclata de rire. Son père le prenait pour un imbé¬ cile? — Certainement pas. Donne-moi le nom du percepteur et ton numéro de dossier. Je paierai le fisc moi-même. Il appellerait le centre des impôts le lundi suivant pour s'assurer que tout était réglo. Si l'on pouvait parler de régularité à propos de fraude fiscale et de vente de substances illicites... Il fallait s'attendre à tout, de la part de son escroc de paternel. Celui-ci obtempéra en grommelant. — Tu as intérêt à ne pas traîner, fiston. Sinon, ta mère et moi pourrions nous retrouver derrière les barreaux un de ces quatre matins. Il y eut un déclic, et la communication fut coupée. Adam éteignit son portable et le j e t a sur le divan. Ça suffisait pour aujourd'hui ! Entre Bridget et son projet insensé de strip-tease et son père, qui lui demandait de l'argent pour éviter la prison, il y avait de quoi devenir fou. Il donna un coup de poing rageur sur la banquette. Le sphygmomanomètre glissa sur le tapis. Sa tension était le dernier de ses soucis ! Comment pourrait-il aider financièrement Bridget en même temps que ses parents ? D n'avait pas menti en affirmant à son père que la presque totalité de son capital était immobilisée. Une petite voix lui dit qu'il n'avait qu'à laisser ses parents se débrouiller tout seuls, mais il l'ignora. Il les tirerait de ce pétrin pour la dernière fois, et basta ! Concernant Bridget, il contracterait un prêt si nécessaire. Après l'avoir vue onduler à moitié nue, il ne supporterait pas qu'elle s'exhibe devant d'autres que lui. Il bondit sur ses pieds. Son appartement n'était pas vraimenten état de la recevoir, et il lui restait à peine le temps de mettre un peu d'ordre. Il avisa une pile de menus à emporter qui traînaient sur une console. Il pourrait commander à dîner chez son traiteur italien favori. Bridget ne devait pas se nourrir convenablement. Colin et Dane l : Aeraient reconnaissants de s'occuper de leur petite soeur. Mais, dans la cuisine, bougre d'idiot, pas dans la chambre à coucher. |
ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 05:38 PM. |
Powered by vBulletin® Version 3.8.11
Copyright ©2000 - 2024, Jelsoft Enterprises Ltd.
SEO by vBSEO 3.3.0 ©2009, Crawlability, Inc.
ÔÈßÉ áíáÇÓ ÇáËÞÇÝíÉ