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**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 25-11-09 10:30 PM

Croisière Aux Bahamas, De Michele Dunaway
 
Croisière aux Bahamas
de Michele Dunaway


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Pour que son père, un magnat de la presse new-yorkaise la prenne enfin au sérieux, il faudrait que Kit obtienne ce qu’il souhaite depuis longtemps : une interview de Joshua Parker, le scénariste d’une célèbre série télévisée qui refuse toute rencontre avec les médias.
Aussi, apprenant qu’il doit faire une croisière aux Bahamas, Kit réussit à se faire inviter sur le yacht, prête à jouer de son charme pour obtenir cet entretien. Mais à peine a-t-elle posé le pied sur le pont que Joshua, réputé pourtant pour sa misanthropie, la prend pour confidente. Attirée par cet homme au charme énigmatique, Kit n’ose lui avouer qu’elle est journaliste… Et si elle utilise les informations que Joshua lui abandonne en toute confiance, elle écrira un article sensationnel… mais à quel prix ? 0

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 25-11-09 10:41 PM

chapitre 1



The Tattler — Jeudi 21 novembre

Les potins de Mary Lynn

Les amours orageuses de Kit O’Brien

Cher lecteur, qui aurait pu imaginer ça ?

La plus célèbre des héritières de New York, l’inénarrable Kit O’Brien, a encore sévi. Cette fois, notre adorable et incorrigible héritière s’est particulièrement distinguée en jetant le contenu d’un bol de sauce béarnaise au visage de Blaine Rourke, qui est non seulement son fiancé, ainsi que nous le révélions dans nos colonnes, la semaine dernière, mais également le filleul préféré de son père. De source proche de la famille, Michael O’Brien, président des très prospères Editions O’Brien, est furieux ! Et Kit risque fort, après ce nouveau coup d’éclat, d’avoir toutes les peines du monde à amadouer son richissime papa. Se résoudra-t?elle à accéder aux souhaits de ce dernier en acceptant enfin de se marier ? Une chose est sûre en tout cas : avec Kit, il faut s’attendre à tout.
— Avez-vous déjà fait l’amour dans un avion ?

La sensualité avec laquelle il prononça ces mots, autant que l’audace de la question, laissa Kit O’Brien sans voix. La jeune femme dévisagea un instant son voisin de siège, un mâle d’une beauté diabolique qui voyageait à ses côtés depuis deux heures maintenant.

— C’est une proposition ? parvint-elle enfin à répliquer, le regard provocateur pour mieux masquer sa gêne.

En dépit de sa réputation, jamais un homme ne s’était montré aussi insolent, aussi cavalier avec elle. Un rayon de soleil perça par le hublot de première classe au moment où il lui sourit, malicieux.

— Pourquoi pas ? lança-t?il, tandis qu’une délicate fossette venait creuser sa joue droite.

Kit sentit un frisson la parcourir jusqu’à l’extrémité de ses orteils engourdis par l’immobilité forcée. Elle réfléchit à une réponse sage qui pût atténuer la tension qui régnait depuis peu entre l’inconnu et elle. En vain. Les mots s’envolèrent, effrontés, de sa bouche :

— J’y réfléchirai.

— Faites donc. Et tenez-moi au courant.

Le regard toujours rivé à celui de la jeune femme, il approcha lentement ses lèvres de sa tasse de café. Un geste d’une charge érotique insupportable.

Il se détourna, libérant Kit de son magnétisme. Comme par magie, l’incroyable pulsion qui l’avait poussée un instant plus tôt à envisager de céder à l’indécente proposition disparut. Vaguement soulagée, elle se pencha et voulut poser sa tasse sur le plateau déplié devant elle. Une opération qui s’avéra plus compliquée que prévu, car sa main s’obstinait à trembler. En réalité, c’était tout son corps qui semblait hésiter. Elle espéra que son voisin ne remarquerait rien du trouble dans lequel il l’avait jetée.

Quel culot, tout de même, pensa-t?elle. Ils avaient engagé la conversation sitôt leur envol de New York, à 11 h 00 du matin, et elle commençait tout juste à se détendre. Oui, il avait fallu qu’il détourne son attention pour lui accorder un peu de répit. Jamais, elle n’avait croisé un homme comme celui-ci, un homme capable de mettre tous ses sens en ébullition d’un seul regard.

A qui avait-elle affaire ? Elle l’ignorait. Elle savait seulement que l’inconnu avait un charme fou. Un magazine reposait sur ses genoux, masquant ses cuisses revêtues d’un jean noir. Une bouffée de chaleur submergea la jeune femme et son cœur s’emballa, tout comme il s’était emballé deux heures plus tôt, lorsque l’homme s’était installé à côté d’elle. A peine était-il apparu qu’elle n’avait su que le fixer, pétrifiée, tétanisée, jusqu’à ce qu’il pointe un doigt manucuré vers le siège mitoyen. Alors, elle avait senti ses joues s’embraser et n’avait pu détacher son regard du nouveau venu. Une éternité s’était écoulée, puis l’homme avait eu ce sourire particulier, celui d’un individu habitué à attirer l’attention. Il s’était débarrassé de sa veste de sport et à cette seconde, Kit avait eu l’impression de se vider de son sang. Ensuite, à la vue du T-shirt sous lequel on devinait une musculature parfaite, sa gorge s’était nouée. Enfin, comme il passait devant elle pour rejoindre la place près du hublot, non sans lui effleurer les jambes, elle aurait juré qu’une salve de feux d’artifice était tirée dans tout son corps.

S’arrachant à ses rêveries, elle se sermonna. Elle avait mille sujets de réflexion et il n’était pas question de perdre son temps à fantasmer sur un homme qu’elle n’avait jamais vu et ne reverrait jamais. Dans quatre jours à peine, elle devrait affronter son père et subir des sermons relatifs au dernier scandale public qu’elle avait déclenché. Elle s’agita sur son siège et tenta de tirer sa jupe sur ses genoux. A cet instant, son voisin croisa les jambes et elle se figea. Il portait des bottes noires ferrées !

Un cow-boy ! se dit?elle, se laissant aussitôt emporter par son imagination. Un vrai, un dur. Libre et sauvage. Fermant les yeux, elle s’imagina en train de nouer les longues mèches de ses cheveux châtains rebelles avec le cuir brut de la lanière d’un fouet.

Non, se ravisa-t?elle. Chassant cette image, elle préféra s’imaginer glissant sa tignasse épaisse et soyeuse sous les larges bords d’un Stetson. Lui, stoïque, la laisserait faire, puis il poserait ses mains puissantes sur elle, des mains viriles, mais d’une douceur incroyable pour un homme qui passait sa vie à tenir les rênes d’étalons sauvages. Elle effleurerait tendrement la barbe de plusieurs jours qui ombrait ses joues, tandis qu’il promènerait des doigts impatients le long de son dos, de ses reins…


Rouvrant les yeux, elle regarda de nouveau l’inconnu, admirant son regard noir et son visage taillé à la serpe.

Le voulait-elle vraiment ? Oserait-elle se faufiler avec lui dans les toilettes de première classe ? A la pensée de cette bouche avide s’emparant de la sienne, un frisson la parcourut. Il lui caresserait les seins, s’agenouillerait devant elle pour plaquer les lèvres sur son ventre. Elle retiendrait un cri, agripperait ses cheveux fous. Alors, il la prendrait, comme ça. Il la posséderait, l’emporterait jusqu’à un plaisir inouï qui la laisserait haletante. Epousez-moi, lui chuchoterait-il ensuite, lui caressant le cou de son souffle chaud. Epousez-moi…

Assez ! Au prix d’un redoutable effort, Kit mit un terme à ses divagations. Excepté le trouble qu’il éveillait en elle, elle ne savait rien de cet homme. D’ailleurs, même dans le cas contraire, il ne lui viendrait jamais à l’idée de faire des choses pareilles ! Elle était vierge, oui vierge, même si chacun, dans le pays, imaginait le contraire. Et puis, ce n’était vraiment pas le moment de commettre un nouveau scandale !

Car forcément, l’incident de la sauce béarnaise, désormais connu de tous, ne serait pas classé sans suite. Si son père était furieux contre son comportement de la veille, Blaine en avait certainement gros sur le cœur lui aussi. Et d’ici peu, elle serait contrainte de rendre des comptes à l’un et à l’autre. Le plus tard serait le mieux…

En vérité, la mission que lui avait confiée ce matin même Eléni, sa rédactrice en chef, lui avait fait l’effet d’un miracle. Car oui, tout valait mieux que d’aller affronter ce père après l’article qui venait de paraître. Kit avait donc accepté la proposition sans hésiter et n’avait même pas songé à s’informer sur la personne qu’il lui faudrait interviewer. Elle aurait tout le temps de consulter le press-book qu’Eléni avait promis de lui expédier le lendemain matin, avant l’entretien.

Elle signerait un article impeccable, rédigerait un papier qui forcerait l’admiration de tous. Au grand dam de son père, qui finirait bien par se résigner à laisser Eléni confier à sa fille des missions plus sérieuses. Car Kit commençait à se lasser de la rubrique « Vie mondaine » dans laquelle sa responsable s’obstinait à la faire travailler. Gastronomie, art et société lui avaient déjà permis de s’exercer au journalisme et à présent, elle aspirait à traiter des sujets plus graves.

Et puis, elle en avait assez que son père, ce vénéré patron de presse, lui interdise de signer ses articles sous son vrai nom. Même lorsqu’elle rédigeait un papier respectable, elle était obligée de le faire sous le pseudo de Carol Jones. Pitoyable. Il était grand temps que son père lui donnât sa chance.

Perdue dans ses pensées, Kit serra les dents. Elle voulait réussir. Et elle réussirait.

Un bref instant, elle se demanda à quoi pouvait ressembler la personne qu’elle devait interviewer. Si elle n’avait pas été si pressée de grimper dans cet avion, sans doute le saurait-elle déjà. Et s’il s’agissait d’un homme, d’un homme du genre de celui assis à ses côtés ? Ce serait le rêve…

Quelle allure, tout de même ! se dit-elle en épiant l’inconnu. Les mannequins de Calvin Klein faisaient figure de laiderons à côté de lui. La jeune femme soupira. Les images peu avouables qui dansaient dans sa tête la perturbaient et elle puisa distraitement dans les dernières cacahuètes abandonnées sur le plateau devant elle.

Il fallait penser à autre chose. Détourner son attention de ce cow-boy. De ces doigts longs et effilés qui tapotaient en ce moment même le clavier d’un ordinateur portable, sur lequel il faisait une réussite.

Kit se redressa sur son siège, l’humeur mélancolique. Comme il devait être bon de s’abandonner simplement à ses envies, de vivre une passion sans que personne ne vienne épier vos moindres gestes ! Oui, s’enfermer avec ce séduisant voisin dans les toilettes…

Elle soupira de nouveau sans cesser de l’observer discrètement tandis qu’il cliquait sur les cartes.

— Le huit. Placez-le sur le neuf de cœur.

Elle avait dit cela en désignant sur l’écran de l’ordinateur une rangée de cartes qu’il semblait ne pas voir.

— Et déplacez le quatre, enchaîna-t?elle. Sur le cinq, là !

Fronçant les sourcils, il suggéra :

— Vous voulez jouer ?

— Non.

— Alors, taisez-vous ! La réussite est un jeu solitaire, non ? Enfin, si vous tenez vraiment à faire une partie, je suis sûr que nous pourrons trouver un arrangement…

Son sourire provocateur et narquois aurait dû exaspérer Kit, mais il n’en fut rien. Refermant son portable avec un calme olympien, il se tourna vers elle. Une nouvelle vague de picotements la parcourut.

— Quel dommage, soupira-t?il, alors que la voix du commandant de bord indiquait aux passagers que l’on approchait de Miami. Cela aurait pu être extrêmement intéressant, vous ne croyez pas ? Enfin, tout n’est pas perdu : nous sommes encore à une bonne dizaine de kilomètres de Miami…

Kit rougit, réaction naturelle au ton terriblement voluptueux de la voix masculine. Prenait-il toujours cet accent avec les femmes qu’il accueillait dans son lit ? Elle tressaillit à cette idée, avant de se reprendre.

— Oui, quel gâchis ! lança-t?elle en haussant les épaules, faisant ainsi danser ses cheveux blonds. Moi qui ai toujours rêvé de… de ces rencontres pleines de magie, entre deux avions… Nous passons peut-être à côté de la nuit la plus torride de notre existence, qui sait ? Bah, c’est la vie…

Ah, mais ! Elle savait se montrer cynique quand il le fallait. Elle se félicita et sourit lorsque l’inconnu se fut détourné.

L’avion entama sa descente et le sourire de Kit s’estompa. Les décollages et les atterrissages la terrorisaient.

Elle ferma les yeux, ignorant de ce fait le regard intrigué de son voisin, et commença sans attendre les exercices respiratoires destinés à apaiser son angoisse. Avec lenteur, bruyamment, elle inspira, puis expira, son buste s’élevant et s’abaissant selon un rythme régulier.
Paralysée par la peur, Kit crut soudain qu’un fer rouge s’abattait sur ses doigts. La main de l’inconnu venait de se poser sur la sienne, caressante, réconfortante. Une brusque bouffée de désir la submergea, réchauffant tout son corps. Ce contact avait dissipé sa peur comme par magie et elle s’oublia elle-même, si bien qu’elle ne sentit presque pas l’effet des paliers de descente de l’avion, qui la terrifiaient tant d’ordinaire. Le corps emporté dans une sorte de tourbillon délicieux, elle s’imagina en train d’embrasser l’inconnu, de presser ses lèvres impatientes et indécentes sur cette bouche sensuelle, de jouer avec sa langue.

L’écho tant espéré du train d’atterrissage heurtant le tarmac se fit bientôt entendre, suivi du crissement des freins. Enfin, l’engin s’immobilisa et ce fut le silence. Kit rouvrit les yeux, désorientée. Consciente d’avoir retrouvé le plancher des vaches, elle doutait malgré tout d’être en sécurité. Elle comprit alors que trois petites heures à peine avaient suffi à bouleverser son existence. C’était ainsi, elle en avait la certitude, sans pouvoir néanmoins s’expliquer la cause de ce pressentiment.

Fixant le dossier du siège devant elle, elle tentait de calmer les battements de son cœur lorsque son voisin retira brusquement sa main, qu’il avait laissée jusque-là sur celle de la jeune femme.

— On est arrivés, lâcha-t?il d’un ton un peu sec.

Clignant des yeux, Kit tenta de lutter contre un sentiment de vide. Sa main la brûlait, comme à vif.

— Ah, bon…

S’efforçant d’assurer sa voix pendant que l’avion allait se garer devant le terminal, elle reprit :

— Merci de votre gentillesse pendant l’atterrissage. C’était très charitable de votre part.

Les sourcils levés, il l’observa un instant, puis haussa les épaules.

— Ce n’est rien…, marmonna-t?il.

Soudain déterminée, elle se leva dès que résonna l’autorisation de détacher les ceintures.

— Eh bien, je suis heureuse d’avoir partagé ce vol avec vous. Je me dépêche. J’ai beaucoup de travail devant moi.

— Bonne chance, répondit-il en la fixant comme s’il cherchait à imprimer le visage de la jeune femme dans sa mémoire.

— Merci, articula-t?elle en rougissant.

Il ne dit rien et se leva à son tour pour la rejoindre dans l’allée. Impressionnée, Kit recula ; l’homme la dépassait d’une bonne dizaine de centimètres. Etudiant avec intérêt cette stature d’athlète, elle le regarda extirper ses deux sacs du compartiment à bagages avec une aisance déconcertante.

Elle ne le lâcha pas des yeux — après tout, quel mal y avait-il ? — tandis qu’il enfilait sa veste. Elle laissa ensuite traîner son regard sur le dos puissant, sur la taille, sur les fesses. Pas un poil de graisse, du muscle à cent pour cent ! Oui, convint-elle, visiblement, cet homme était en tout point irréprochable sur le plan physique.
Perdant brutalement l’équilibre, Kit alla s’écraser contre l’inconnu. Celui-ci la rattrapa d’un geste vif et ferme, les bras tendus soudain sous la chemise. Instinctivement, elle plaqua les mains sur le buste qu’il lui offrait. Si puissant, si fort… Elle se laissa alors aller contre lui avec l’impression de s’abandonner, s’enivrant du parfum viril et musqué de l’eau de toilette qu’il portait.

Elle s’aperçut alors qu’il avait posé sur elle ses grands yeux profonds et rêva un instant de se noyer dans ce regard.

— Tout va bien ? demanda-t?il d’une voix douce.

Ebranlée, Kit se redressa et s’écarta en toute hâte, confuse.

— Très bien, mentit-elle, paniquée à l’idée qu’il ait pu surprendre son trouble.

Avait-il seulement conscience de l’état dans lequel elle avait passé ce vol ? Il semblait sur ses gardes et son visage ne laissait rien paraître de ce qu’il pensait. Non, décida-t?elle, elle ne pouvait laisser les choses se terminer ainsi. Cet homme la hanterait jusqu’à la fin de ses jours et elle ne connaissait même pas son nom. Une terrible angoisse la fit suffoquer. Elle devait dire quelque chose, vite, peu importait les conséquences.

— Vous ne voulez pas avancer, s’il vous plaît ? J’ai une correspondance à prendre, moi !

— Pardon ?

Tandis que ses bagages à main manquaient lui échapper, Kit se retourna pour regarder la mé*******e qui venait de s’adresser ainsi à elle.

— Excusez-moi, murmura-t?elle.

— Je vous en prie, rétorqua la femme avec mauvaise humeur.

Kit se détourna d’elle et se lança à l’eau :

— Vous savez, j’ai adoré ce v…

Elle s’interrompit net. Devant elle, l’allée s’étirait, déserte. L’inconnu avait disparu. Envolé.

Moins d’une heure plus tard, Kit se demandait dans quelle galère elle s’était embarquée, alors que pour la dixième fois, elle tentait de déclencher l’ouverture de la porte de la cabine 4648.

— Au moins, il y a un hublot, marmonna-t?elle en pénétrant enfin dans ce qui serait sa chambre le temps du voyage.

Island Voyager, le navire de la modernité et du confort ! proclamait la publicité. Peut-être ce slogan concernait-il la première classe, songea-t?elle. Car la cabine économique qu’on lui avait réservée laissait plutôt à désirer.

Fronçant les sourcils, Kit observa le minuscule espace. De chaque côté du hublot, face à la porte, se trouvaient quatre lits superposés — peut-être le terme de « couchettes » était-il plus approprié.

Kit promena son regard à droite, vers une petite armoire. Puis elle s’intéressa à la partie gauche de la cabine, où l’on avait installé un lavabo et une douche, à côté des WC. Jamais elle n’avait vu salle de bains si exiguë.
Bah ! se dit-elle. Après tout, cela suffirait amplement pour ces trois petites nuits à bord, le temps que durerait la croisière annuelle de la célèbre série télé La dernière frontière.

Kit se souvint tout à coup du visage d’Eléni et comprit pourquoi la responsable éditoriale avait eu cette expression étrange, perplexe pour tout dire, lorsque Kit avait insisté pour effectuer ce reportage.

— Très bien… Euh… Je te ferai parvenir le press-book par bateau demain, avait répondu Eléni. Tu le récupéreras à Nassau.

— Parfait.

— Si tu le dis… Il ne reste qu’une place disponible à bord, avait ajouté Eléni en écartant mollement une mèche de ses cheveux blonds. Le problème, c’est que tu vas être obligée de partager ta cabine.

— Avec une… une co-locataire ? avait interrogé Kit, contrariée.

A cet instant le téléphone avait sonné pour avertir Eléni de la tenue d’une réunion surprise avec Michael O’Brien. Paniquée à l’idée de devoir affronter son père, Kit s’était empressée de clore la conversation.

— C’est parfait. Oui, oui, ça ira. Dis-moi vite ce que je dois faire…

— Ne pas perdre de temps, avait répondu Eléni, énergique. Récupère ton billet à l’aéroport et amuse-toi jusqu’à ce que les documents te parviennent, c’est-à-dire jusqu’à demain. Et je t’en prie, Kit… sois raisonnable !

Sans relever, Kit s’était empressée de disparaître. Et à présent, elle se trouvait coincée là, contrainte de partager son étroite cabine avec une personne qu’elle ne connaissait pas. Tout cela pour interviewer qui, et pour quoi ? Elle n’en savait rien.

Elle consulta sa montre, se demandant comment Eléni s’en était sortie face au patron tout-puissant, à l’éminence grise des Editions O’Brien. Connaissant le caractère entêté de son père et ses théories sur l’irresponsabilité de sa mondaine de fille, Kit imaginait que la réunion du matin avait été houleuse. Oui, son père devait être furieux de la savoir partie en reportage.

Eh bien, tant pis ! Elle avait besoin de ces quatre jours loin de lui, loin de la ville. Et pas dans le seul but de se prouver qu’elle méritait le titre de journaliste. Elle avait également besoin de prendre un peu de recul avant de rentrer. D’ici là, peut-être Cameron, son frère, aurait-il trouvé une nouvelle fiancée. Pour son père, marier Cameron représentait une priorité. Chaque fois que ce dernier entamait une relation, Kit jouissait donc d’un peu de répit.

Elle s’étira, encore tout engourdie par les trois heures de vol. Demain, lorsque le press-book serait arrivé, elle procéderait à l’interview, rédigerait son papier et, dans la foulée, prouverait à son père qu’elle valait quelque chose.

La porte s’ouvrit soudain. Curieuse de découvrir celle qui partagerait sa cabine, Kit se retourna, pour découvrir deux personnes sur le seuil.

— Kit !

Elle réprima un soupir excédé. Celle qui venait de l’interpeller ainsi s’était trouvée assise auprès d’elle dans le bus qui les avait conduites de l’aéroport au bateau. La nouvelle venue poussa un cri perçant et se précipita sur Kit pour l’embrasser.

— Quand on m’a dit que tu serais dans la même cabine que nous, je n’y ai pas cru ! s’exclama Georgia.

— Que nous… ? répéta Kit, tandis que la deuxième jeune femme se faufilait dans la chambre.

— Mais oui ! Nous logeons toutes ensemble, toi, moi Becca et Paula ! Becca est à la piscine. Paula, je te présente Kit. Comme je te l’ai expliqué, Paula, j’ai fait la connaissance de Kit dans le bus. Elle est adorable ! Et depuis toujours fan de La dernière frontière !
Georgia s’interrompit pour aller regarder par le hublot et s’écria :

— Super ! J’aperçois notre hôtel !

— Enchantée, Paula, dit Kit, sous le choc, en tendant une main absente.

Quelle guigne ! Ce n’était pas une, mais trois co-locataires qu’il faudrait supporter. Et toutes trois inconditionnelles de la série La dernière frontière, série dont elle-même n’avait jamais vu la moindre image ! Elle s’efforça de garder son calme.

— Je m’appelle Kit O’Brien, acheva-t?elle de se présenter.

— Paula Sullivan, de Sandpoint, dans l’Idaho, enchaîna Paula en lui serrant la main. C’est drôle, ton visage ne m’est pas inconnu, remarqua-t?elle. Tu n’es jamais passée à la télé ?

— Non, jamais, répondit vivement Kit en s’efforçant d’oublier la fois où elle avait fait l’ouverture du journal du soir, filmée enchaînée à une clôture pour protester contre la destruction d’un bâtiment historique.

Paula repoussa ses longs cheveux noirs en arrière, l’air sceptique.

— Je dois me tromper…

Georgia vint involontairement à la rescousse de Kit en prétendant avec un air de circonstance souffrir de claustrophobie aiguë :

— Il me faut absolument une couchette supérieure ! clama-t?elle. Choisis celle du bas que tu préfères, Kit !
Pourvu qu’elle ne ronfle pas, se dit soudain Kit en s’apercevant qu’elle avait oublié ses boules Quiès.

— Bon sang, il est presque 16 heures ! Allez, hop, j’y vais ! s’exclama Georgia en gagnant la porte. Je ne veux pas rater une seule animation. Je vais vite m’inscrire sur la liste des participants. Le repas est à 19 h 15, et après, il y aura la fête dans le salon VIP. Attention, tenue de soirée exigée !
Kit était atterrée. Cette cohabitation imprévue s’annonçait épuisante. Mais quelle idée elle avait eu d’accepter ce travail ! D’habitude, elle aimait compiler des dizaines et des dizaines de documents, effectuer de minutieuses recherches sur son sujet avant chaque interview.
— Tu es prête, Kit ? l’interpella Georgia depuis le seuil. Nous t’attendons ! Allez, dépêche-toi !

Ne sachant quelle excuse invoquer pour refuser, Kit se laissa entraîner. Au point où elle en était…
Joshua Parker s’accouda au bastingage et offrit son visage à la brise marine, qui fouetta ses longs cheveux châtains, cette tignasse qu’il arborait comme un étendard et qu’une tondeuse raserait dans moins d’une semaine. Clignant des yeux, il regarda le soleil et laissa ses poumons s’emplir de l’air iodé. Le navire avait beau être encore à quai et les odeurs peu ragoûtantes du port s’élever jusqu’à lui, il éprouvait malgré tout un authentique sentiment de plénitude.

En dépit de ses réticences à participer à cette croisière, il devait admettre que ce navire avait de l’allure. Et puis, quel temps merveilleux ! Au diable, le New York frileux de novembre ! Oui, il était las de cette neige crasseuse qui maculait les rues de l’immense cité, fatigué des tours grises dont l’ombre sinistre barrait la route au soleil.

Bientôt, oui bientôt, ces neuf années de vie trépidante, de stress et d’horizon lugubre ne seraient plus qu’un mauvais souvenir. La liberté était là, toute proche, dans des champs immenses et colorés parsemés de pommiers centenaires. Oui, il passerait le reste de sa vie sur cette terre — sa terre —, un espace épargné par l’homme, vierge de tout progrès.

Joshua soupira. Oh, il était loin, l’enfant sauvage, loin, l’adolescent rebelle. Tout ce à quoi il aspirait aujourd’hui, c’était retourner à la vie de gentleman farmer, expression qu’il abhorrait autrefois. Une expression qui plaisait à son père et qui les avait fait maintes fois s’opposer. Aujourd’hui, ces mots étaient devenus synonymes de liberté pour lui.

Joshua se détourna du spectacle magique de l’océan que sa terrasse privée lui offrait et fit glisser la baie vitrée pour rentrer dans sa suite. Il regarda autour de lui et se dit que sa cabine était trois fois trop grande pour un homme seul.
A vrai dire, si cette croisière n’avait pas été aussi importante pour les producteurs de La dernière frontière, Joshua s’en serait bien passé. Il comptait en effet profiter de la dernière diffusion en prime time de la série pour mettre un terme définitif à ce chapitre de son existence. Oh, bien sûr, les fans adoraient le feuilleton et seraient forcément déçus. Mais il en avait assez de La dernière frontière, assez du succès et de la gloire. Oui, il était las des éloges et du vide de son existence. Plus grave, il lui semblait que toute inspiration l’avait déserté et il ne parvenait plus à écrire.

Oui, c’était pour toutes ses raisons qu’il avait acheté la ferme, réalisant finalement le rêve que son père avait toujours eu pour lui.

L’âge, sans doute, n’était pas étranger à sa décision, pensa-t?il avec un sourire amer. A 32 ans, il avait le sentiment d’avoir fait le tour de tout. Et d’être revenu à son point de départ.

Peu à peu, l’adolescent égoïste qui avait ruiné par deux fois les espoirs de carrière politique de son père s’était effacé pour laisser place à un homme qui avait compris combien les parents étaient précieux et méritaient d’être chéris, et non pas tourmentés.

C’était là un constat que tous les enfants faisaient et que ferait aussitôt ou tard cette chipie de Kit O’Brien, à condition qu’elle accepte enfin de grandir.

Il se souvint alors du regard insistant de Kit lorsqu’il avait embarqué à bord de l’avion.

Il sourit en se rappelant son expression quand, le plus naturellement du monde, il lui avait proposé de faire l’amour. Une proposition des plus inconvenantes, il l’admettait, mais l’idée de séduire l’héritière la plus célèbre de New York dans les toilettes d’un Boeing lui avait soudain paru aussi cocasse qu’irrésistible.

Et elle avait failli accepter, pensa-t?il avec un sourire moqueur. Elle avait été à deux doigts de le faire, sans même savoir qui il était. Ce qui, somme toute, l’avait amené à considérer cette fille avec un nouvel intérêt.

D’ordinaire, les gens n’agissaient jamais gratuitement avec lui et espéraient toujours profiter de sa réussite. Depuis le début de La dernière frontière, il en était ainsi. Comme il détestait ce genre de rapports !

Oui, il détestait tout de cette existence superficielle, et même s’il comprenait les raisons de Bill Davies, il ne pourrait jamais lui pardonner de l’avoir poussé sous le feu des projecteurs. Le producteur avait insisté pour qu’il fît quelques apparitions dans la série, insisté également pour qu’il se montre aux rassemblements de fans.

Joshua avait bien protesté, expliquant qu’il préférait rester dans l’anonymat et laisser la vedette aux acteurs. Mais Bill n’avait pas cédé, d’autant que La dernière frontière était vite devenue une série culte.

Et aujourd’hui, sa vie privée ressemblait à un champ de ruines. Des sites web lui étaient consacrés, les internautes de tout le pays discutant à bâtons rompus et sans la moindre pudeur de tout ce qui concernait son intimité, ses conquêtes, sa carrière. Jeté en pâture au public, Joshua Parker, le vrai, n’existait plus ; on l’avait remplacé par un homme hyper-médiatisé.

Il soupira de nouveau, songeur. Avec sa réputation très jet-set et son image de croqueuse d’hommes, sans doute Kit O’Brien devait-elle avoir une cour de prétendants à ses trousses.

Eh bien tant mieux pour elle ! Car, en dépit de la proposition indécente qu’il lui avait faite, jamais il ne lui viendrait à l’idée d’avoir une liaison avec une femme de son espèce. En aucun cas. Le prix à payer pour une relation avec Kit O’Brien serait bien trop élevé. Pas question d’être épinglé par la presse à scandale. Il avait appris à ses dépens qu’il valait mieux fuir ces charognards qu’étaient les journalistes.

Une presse qu’il lui arrivait malgré tout de feuilleter. Et qui relatait régulièrement rumeurs et épisodes fracassants de la vie de Kit O’Brien.

Or, ces rumeurs laissaient entendre qu’actuellement, la jeune femme n’était pas disponible. Il avait appris le matin même son dernier coup d’éclat, l’humiliation infligée en public à un certain Blaine Rourke que tous semblaient considérer comme son fiancé. Le favori du père de la belle.

Sacré bout de femme, tout de même ! se dit-il en se remémorant certains articles illustrés de photos montrant Kit en train de nager en bikini au milieu des phoques pour attirer l’attention sur les droits des animaux. Il y avait eu aussi cette fois où, en plein hiver, elle avait passé la nuit sous un carton en compagnie de clochards, afin d’alerter l’opinion publique sur le sort des SDF.

Kit ne semblait pas réaliser la chance qu’elle avait d’être la fille d’un patron de presse aussi puissant, songea Joshua, amer. Sans doute avait-elle aujourd’hui sauté dans le premier avion pour fuir la colère de ce père qui, en réalité, finissait toujours par lui pardonner et passait le plus clair de son temps à la sortir du pétrin. Lui-même n’avait pas eu ce bonheur. Terriblement déçu de ne pouvoir embrasser la carrière de politicien dont il rêvait, son père s’était muré dans un long silence, désireux de prendre du recul avec ce fils ingrat, source de tous ses malheurs. Kit, pour sa part, se comportait en enfant gâtée, forte malgré tout du repère affectif que représentait son père, aussi sévère fût-il. Oui, c’était sans doute ce qui l’avait séduit autant qu’agacé chez elle, dans l’avion, ce côté enfant gâté, cette passion débridée pour la vie.

Malgré la fatigue, il se sentait fébrile, excité. En temps normal, il profitait des trajets en avion pour faire un somme, mais la proximité de Kit lui avait ôté toute envie de dormir. Il se laissa tomber sur le lit et s’étira, les yeux clos, revoyant l’expression de sa voisine quand il lui avait demandé si elle avait déjà fait l’amour dans un avion. Ses lèvres avaient dessiné un O et ses grands yeux verts avaient pris l’éclat de l’émeraude la plus pure.

Dommage qu’il n’ait pu voir comment réagissait le reste de son corps. S’il s’en tenait à cette électricité qui avait circulé entre eux tout au long du vol, nul doute que faire l’amour avec Kit devait être une expérience enthousiasmante !

En réalité, Joshua n’avait eu d’autre choix que de fuir la cabine de ce satané avion pour cacher le désir inattendu qui l’avait soudain submergé. En effet, quand elle était tombée dans ses bras, son propre corps avait aussitôt réagi, ne laissant aucun doute sur l’intensité du trouble que cette femme déclenchait en lui.

Rouvrant les yeux, il consulta sa montre. Cinq minutes encore et il devrait rejoindre l’équipe de La dernière frontière. Il s’aperçut alors que Kit ne lui avait rien dit des raisons de sa venue à Miami. La ville était grande et la jeune femme pouvait avoir mille endroits où se rendre.

Non pas que cela fût d’une importance capitale pour lui. Un monde, un univers le séparait de Kit O’Brien. Pour elle, la vie n’était que fêtes, haute couture et paillettes. Joshua, lui, ne se sentait bien qu’en jean, un chapeau de cow-boy vissé sur la tête, dans la solitude des plaines s’étalant à perte de vue autour de sa ferme. Kit sillonnait sans doute New York à bord d’une limousine avec chauffeur. Lui-même préférait prendre le métro.

Bah, dans moins de trois semaines, il enfourcherait chaque matin à l’aube son cheval préféré pour s’en aller inspecter les vergers, discuter avec ses hommes — des hommes de la terre, sains et droits— des tâches de la journée. Un peu plus tard, il rentrerait se mettre au travail, reprendrait l’écriture de ce roman qui lui tenait à cœur et qu’il avait jadis abandonné pour ne plus se consacrer qu’au scénario de La dernière frontière.

Il ferma de nouveau les yeux et sourit en se rappelant le galbe parfait des jambes de Kit aperçues quand la jupe s’était relevée sur les cuisses bronzées et musclées, alors qu’elle se redressait sur son siège, tout près de lui. A portée de main.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 25-11-09 10:46 PM

chapitre 2


Quatre heures plus tard, Kit découvrait l’univers de La dernière frontière en compagnie de ses co-locataires, incollables sur l’équipe de l’émission et ne tarissant pas d’éloges sur l’un de ses membres en particulier, un certain Joshua Parker.

— Kit !

Kit leva la tête vers Georgia, qui agitait la main devant ses yeux.

— Oui ?

— Comme tu es pâle ! Tu es malade ?

— Non, merci Georgia, je vais bien. Vraiment, répondit Kit avec un sourire.

Quelle déveine, vraiment, d’avoir une hypocondriaque pour co-locataire ! pesta-t?elle en son for intérieur.

— Comme tu voudras, reprit Georgia, visiblement peu convaincue. Si tu changes d’avis, n’hésite pas à faire appel à moi. Je ne voyage jamais sans ma trousse de premiers secours.

Georgia se détourna pour s’intéresser à la vidéo qui défilait sur l’un des écrans du salon VIP du navire. Un salon tout en chrome et cuir, agencé comme le bar feutré d’un grand hôtel, où sièges et fauteuils étaient disposés par niches intimes jusque sur une terrasse donnant sur le pont. C’était manifestement la partie la plus luxueuse du bateau.

— Voici la serveuse. Que voulez-vous boire ? C’est ma tournée, lança Georgia.

Paula et Becca ne se firent pas prier et commandèrent un cocktail. Kit, pour sa part, refusa la proposition d’un signe de tête. Effort inutile, puisque Georgia passa elle-même la commande.

— J’ai demandé pour toi un verre de vin, expliqua la jeune femme, l’air inquiet. Tu n’as bu qu’une malheureuse coupe de champagne au dîner.

— J’essaie d’être raisonnable et…, commença Kit.

— Tu vas boire ce verre de vin, ma belle, l’interrompit Georgia. C’est excellent pour tes artères et puis, ce n’est pas comme si tu devais prendre le volant… Quelqu’un aurait-il aperçu Bob ou Joshua ? interrogea-t?elle soudain en scrutant le salon, à la recherche de ses idoles.

La serveuse revint avec leur commande à l’instant même où le responsable de la croisière se présentait sur la piste de danse, un micro à la main. Kit avala une petite gorgée de vin et fronça le nez. Un blanc sec, bas de gamme. A l’âge de 21 ans, son père l’avait inscrite à un cours d’œnologie, qu’elle avait trouvé mortellement ennuyeux, mais qui lui avait permis, au bout du compte, de faire son entrée dans le monde du journalisme en signant des critiques gastronomiques.

Des applaudissements l’arrachèrent à ses pensées. Elle n’avait rien entendu de la présentation de l’orateur qui se tenait sur la piste. Elle se pencha et étudia l’homme, qui devait avoir la cinquantaine. Etait-ce lui qu’elle devait interviewer ?

— Qui est-ce ? murmura-t?elle à l’oreille de Paula.

— Bill Davies, le producteur de la série. C’est lui qui a acheté les droits du scénario de Joshua.

— Ah bon…, commenta Kit en se laissant aller sur son siège.

Frustrée de devoir patienter jusqu’au lendemain pour connaître l’identité de son interviewé, elle se mit à observer autour d’elle la foule des « Frontaliers », comme on surnommait les fans de la série. Kit avait appris que chacun d’eux avait payé plus de 1 000 $ le droit de participer à cette croisière.
Elle tressaillit soudain en sentant un poids étrange peser sur sa nuque. Quelqu’un l’observait. Kit se retourna sur son siège et aussitôt, son regard rencontra celui de l’inconnu du vol 813, en provenance de New York.

Mais que diable faisait-il donc ici ? Il l’observait depuis la porte du salon VIP, manifestement surpris lui aussi, mais il se reprit vite pour la fixer avec un aplomb indécent, un sourire diabolique aux lèvres. Kit se raidit, puis releva dignement le menton pour se tourner de nouveau vers la piste de danse, en proie à une désagréable sensation de vide.

— Que se passe-t?il, Kit ? s’enquit Georgia. Quelque chose ne va pas ?

— Euh, non, non… Je viens seulement d’apercevoir un type qui était dans le même avion que moi ce matin.

Quel qu’il fût, en tout cas, elle n’allait pas se soucier d’engager la conversation maintenant. Non, mieux valait agir comme s’ils ne s’étaient jamais vus. Après tout, elle avait une mission à accomplir.

— Georgia ! chuchota Paula à cet instant. Regarde ! Là ! Devant la porte !

Georgia se tourna, imitée par d’autres qui avaient entendu l’avertissement.

— Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu ! s’exclama Georgia, qui semblait près de s’évanouir.

Un murmure s’éleva soudain dans la salle, tandis que Georgia s’extasiait à grands renforts de Oh ! et de Ah ! Un instant plus tard, l’assemblée tout entière se levait et un tonnerre d’applaudissements retentissait, tandis que l’homme de l’avion rejoignait Bill Davies sur la piste de danse. Les fans hurlaient et tapaient du pied autour de Kit qui, atterrée, demeurait rivée à sa chaise.

Oh, mon Dieu ! se lamenta-t?elle à son tour avec les mêmes mots que Georgia, mais animée quant à elle par le dépit plutôt que l’enthousiasme. L’homme de l’avion, celui avec lequel elle avait partagé une inoubliable expérience sexuelle virtuelle, n’était autre que Joshua Parker, l’idole de ses co-locataires. Non seulement Kit ne s’était pas attendue à le revoir, mais en plus, il s’agissait d’une célébrité.

— Désolée, Kit, lui lança Georgia, à bout de souffle. Je deviens folle chaque fois que je le vois. Ce type est si beau ! Oh, je ne peux pas y croire, il est là, devant moi. Comme le noir lui va bien, tu ne trouves pas ?
Le jean lui va mille fois mieux, songea la jeune femme.

— Il n’est pas mal, c’est vrai, répondit-elle cependant, impassible.

Elle porta son verre à ses lèvres et en vida la moitié d’un trait. Et dire qu’elle avait été à deux doigts d’accepter la proposition de cet homme ! Pire encore, frémit-elle, Parker savait pertinemment qu’elle avait été tentée de dire oui.

Et voilà qu’il refaisait son apparition ! Manifestement à l’aise, habitué à occuper le devant de la scène, Joshua répondit un long moment aux questions de ses fans, agrémentant ses interventions d’une plaisanterie, d’un mot aimable. Oui, un vrai professionnel qui savait y faire avec le public.

Il s’était changé et avait revêtu une chemise noire et un pantalon de toile, noir également, tenue ample et souple qui mettait en valeur la puissance et l’élégance naturelle de son corps. D’ailleurs, remarqua Kit, nombre de fans du sexe faible semblaient folles de lui.

Les spots du salon VIP allumaient des reflets dans ses longs cheveux châtains. Quant à sa bouche… Oh, quelle femme pourrait résister à tant de sensualité ?

Malgré tous ses efforts pour rester de marbre, Kit sentit que le trouble dont elle avait été la proie quelques heures plus tôt dans l’avion revenait l’assaillir. Et zut ! Si au moins elle avait su qu’elle était appelée à le revoir, jamais elle ne se serait laissée aller à ce petit jeu avec lui.

Comme alerté par un sixième sens, Joshua braqua soudain les yeux sur elle et lui adressa un discret signe de tête. Kit lui répondit par un regard hautain et dédaigneux qui eut pour effet de faire surgir un sourire amusé sur les lèvres du goujat. Celui-ci détourna enfin le regard, avant de chuchoter quelque chose à l’oreille de Bill Davies.

Kit but une nouvelle gorgée de vin. Pour qui se prenait-il, avec ses airs de macho ? se dit-elle, vexée. La gorge sèche, elle voulut boire encore, mais le verre était vide. Surprise, elle leva les yeux, juste au moment où Joshua la regardait avec un petit sourire narquois. Agacée, Kit préféra se concentrer sur Bill Davies qui invitait les acteurs de La dernière frontière à venir le rejoindre sur scène.

— Chers Frontaliers, à présent que tout le monde est réuni, attaquons les choses sérieuses. Cette soirée est la vôtre ! Faites connaissance avec la famille de La dernière frontière et amusez-vous ! Nous ne vous demandons qu’une seule chose. Vous êtes plus de huit cents fans à bord. Par pitié, pas d’autographes ce soir ! Une séance est prévue pour cela demain matin. Ce soir, c’est la fête ! Dansez, buvez et lâchez-vous ! Joshua ?

Joshua prit le micro que Bill lui tendait.

— Merci, Bill, dit-il de sa voix suave et charmeuse.

A en juger par le soupir collectif qui monta du salon, la majorité de ces dames étaient prêtes à défaillir de plaisir. Une tension douloureuse s’abattit sur les épaules de Kit lorsque Joshua poursuivit :

— Cette croisière des fans de La dernière frontière ne ressemblera à aucune autre.

Oups ! Kit s’empara du second verre que venait de lui apporter la serveuse et en but une longue gorgée, histoire de se donner du courage. Pourquoi ? Elle l’ignorait.

— Ce soir, tous les membres de la série feront la fête avec vous, déclara Joshua. Pour commencer, chacun de nous va danser ce soir avec l’un d’entre vous…

Tout en prononçant ces paroles, il était descendu de scène pour se faufiler entre les tables. Kit le vit s’approcher de la sienne, puis s’arrêter juste devant elle. Horrifiée, elle se demanda ce qui était pire : sentir tous les regards de la salle converger sur elle ou savoir que Georgia était près de tourner de l’œil parce que Joshua Parker se tenait juste à côté d’elle ? L’estomac noué, elle comprit pour la première fois de sa vie le sens du mot terreur.

— M’accorderez-vous cette danse ?

Kit ressentit la panique effroyable qu’éprouve la proie acculée par son prédateur. Le premier choc passé, elle parvint à ouvrir la bouche, dont sortit un non apparemment inaudible, puisque Joshua, refermant la main sur la sienne, l’invita à se lever. Au contact de ses doigts, une onde de désir parcourut la jeune femme.

Elle tenta d’échapper à cette emprise, mais Georgia et Paula eurent la bonne idée de la forcer à se lever, allant jusqu’à la pousser dans les bras de Joshua. Celui-ci sourit et passa le micro à un serveur. Tel un automate, Kit se laissa alors guider jusqu’à la piste de danse, la main de Joshua pesant sur son bras comme un fer rouge.

Une lumière tamisée remplaça l’éclat des spots et la voix suave d’un crooner entama les notes de la première chanson. Kit retint un cri lorsque Joshua l’enlaça. Faisant appel à tout son sang-froid, elle commença à suivre les pas de son cavalier, prenant garde de rester à bonne distance. Des rires et des soupirs montèrent de l’assistance tandis que les membres de la série invitaient les fans à danser. Kit se força à sourire. Après tout, elle avait vécu des situations bien pires et elle survivrait sans peine à celle-ci. Du moins, elle essaierait.

— Vous l’avez fait exprès, dit-elle entre ses dents, sans rien laisser paraître de sa colère.

— Quelle idée ! protesta-t?il faisant mine de s’offusquer. Sérieusement, imaginez ma surprise lorsque je vous ai aperçue. Quel choc ! Jamais je ne vous aurais imaginée dans la peau d’une Frontalière. Enfin, vous êtes là, bien réelle…

En même temps qu’il dit bien réelle, il resserra imperceptiblement son étreinte. Ce à quoi elle réagit en tressaillant.



— De toute manière, reprit-il en la faisant habilement tournoyer, après notre rencontre d’aujourd’hui, je n’avais qu’une envie, sentir votre corps contre le mien.

Il eut un petit rire et Kit se sentit aussitôt parcourue d’un frisson. Il semblait émaner de Joshua un fluide auquel elle n’avait pas le pouvoir de résister. Oui, en sa présence, elle avait le sentiment de perdre toute volonté, toute raison. Les paroles qu’il prononça alors la ramenèrent brutalement à la réalité :

— Je me demande comment vous avez réagi quand vous avez appris que j’étais à bord ? Saviez-vous, dans l’avion, que celui qui vous offrait de monter au septième ciel n’était autre que Joshua Parker ? La majorité des femmes présentes ici ce soir en auraient perdu la tête.

Il déplaça la main sur son dos et la plaqua sur la peau nue de la jeune femme, tout en se rapprochant d’elle. Instantanément, elle sentit une rafale de picotements parcourir sa colonne vertébrale.

— Je ne suis pas la majorité des femmes, répliqua-t?elle vertement, tempérant néanmoins cette mauvaise humeur qui avait fait sa réputation. Et si nous n’étions pas en public, je…

— Quoi ? Vous me jetteriez un bol de béarnaise à la figure ? Ou peut-être un verre de vin ?

— Oh, non ! Alors, vous savez qui je suis ? Vous… vous le saviez déjà dans l’avion ?

Il se mit à rire et la fit glisser sur la piste. Kit comprit son intention avec un temps de retard. En une fraction de seconde, il s’était déjà plaqué contre elle, mains nouées sur ses reins, volontaire et puissant. Kit perdit alors toute notion de temps et d’espace.

— Quelle chance nous avons ! Vous et moi, de nouveau réunis, ici ! chuchota Joshua en lui effleurant le dos du bout des doigts. Oui, bien sûr que je savais qui vous étiez. Votre réputation vous précède.

Quel monstre !

— Eh bien moi, je ne vous ai pas reconnu, siffla-t?elle. Un mufle de votre espèce, je n’aurais pas pu l’oublier, car on n’en rencontre que très rarement.

— J’aime votre humour, ironisa-t?il. Ah, si nous avions mis ce vol à profit… Oh, mais la vie n’est faite que de si, n’est-ce pas, Kit ?

Elle se tut obstinément, rassemblant toute son énergie à lutter contre le trouble qui l’envahissait.

— Il n’empêche que c’est dommage. Vraiment dommage ! reprit-il. Nous aurions pu passer un moment inoubliable, tous les deux. Je sais que vous me désirez, Kit. Votre corps ne sait pas mentir.

— Mais ma tête me dit que je survivrai à ce drame, répliqua-t?elle, glaciale.

— Bien répondu, s’esclaffa-t?il une nouvelle fois. Quel caractère ! C’est mon ego de mâle qui en prend un coup !

Seule l’idée qu’elle aurait sans doute à interviewer l’un des responsables de la série le lendemain empêcha Kit de lui écraser les pieds à cet instant.

— Je suis également certaine que vous en réchapperez, se *******a-t?elle de rétorquer.

Joshua l’entraîna en quelques pas experts vers l’extrémité de la piste, avant de répondre :

— Sans doute. Et je suis quant à moi convaincu que vous allez profiter de cette croisière pour faire encore parler de vous… Comme d’habitude. Vous ne voudriez pas que Papa pense que vous vous êtes achetée une conduite, n’est-ce pas ? Ce navire est rempli d’hommes qui ne demandent que ça…

Kit parvint avec peine à ravaler sa fureur. Quel aplomb ! Quelle arrogance ! Comment osait-il lui parler de la sorte ? Parfait, décida-t?elle. Il voulait jouer à ce petit jeu ? Eh bien, elle ne serait pas en reste ! Elle lui offrit son sourire le plus douceâtre avant de remarquer d’un ton mielleux :

— Oh, tant mieux ! Moi qui redoutais que vous soyez le seul gibier à des kilomètres à la ronde.

Le regard de Joshua s’assombrit, menaçant, et son visage se figea, tel un masque.

— Oui, évidemment… Vous savez, pour un peu, j’éprouverais de la compassion pour votre fiancé. Pauvre garçon !

Il la dévisagea, le regard fixe, et elle finit par détourner les yeux. Etrange, se dit-elle, alors que se bousculaient en elle des sentiments nouveaux. Qu’est-ce qui clochait ? Un petit verre de vin et voilà qu’elle perdait son sens légendaire de la repartie ?

Des étoiles dansaient devant ses yeux. Peut-être les spots dirigés sur la piste de danse ? espéra-t?elle sans trop y croire. Fichtre ! Aucun homme ne l’avait jamais à ce point troublée. Elle ne se rappelait pas le nombre des prétendants sélectionnés par son père, impatient qu’il était de la marier. Même ce bon vieux Pete, le seul avec lequel elle avait été jusqu’à se fiancer, ne la bouleversait pas de cette manière, loin s’en fallait. Rassemblant tout son courage, Kit s’apprêtait à remettre ce macho à sa place quand la chanson s’acheva.

Joshua l’enlaça plus fermement. Elle ne résista pas, mais le fixa avec un air de défi.

— Vous avez été fantastique, merci, chuchota-t?il d’une voix grave.

— Vous n’étiez pas mal non plus, répondit-elle.

Son corps encore collé à celui de Joshua parut soudain s’animer. Ne sentant plus ses jambes, elle s’agrippa à son partenaire. Cette satanée piquette lui avait tourné la tête. Elle pesta en silence, évitant soigneusement de regarder Joshua, priant pour que s’éteigne le feu qui la dévorait.

Il relâcha doucement son étreinte et s’écarta. Alors, les applaudissements retentirent autour d’eux.

— Voilà. Nous nous séparons de nouveau, dit-il.

— J’espère que cette fois sera la bonne, rétorqua-t?elle.

Respirant avec difficulté, les nerfs à fleur de peau, elle entendit à peine les acclamations de la foule lorsqu’il la reconduisit à sa table.

Il ne s’éternisa pas et s’éloigna après l’avoir remerciée. Inconsciemment, Kit caressa son bras encore imprégné de la douceur de la main masculine et le suivit des yeux. Il lui sembla à cet instant surprendre une expression de satisfaction mêlée d’ironie sur le visage masculin. Alors, captant son regard, il la salua d’un air moqueur, en agitant sa bouteille d’eau. Furieuse, Kit se laissa tomber sur son siège pour se soumettre, résignée, au flot des questions de ses co-locataires, avides de tout connaître sur ses impressions.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 25-11-09 10:51 PM

chapitre 3


L’eau rafraîchit délicieusement sa gorge sèche, mais resta impuissante à apaiser une autre espèce de soif. Joshua se maudit. Il tenait désormais à préserver sa vie privée et ne souhaitait surtout pas faire le lendemain les gros titres de la presse à scandale. La nouvelle conquête de Kit O’Brien ! Mais aussi quelle idée d’inviter cette fille à danser ! Que lui avait-il pris de céder ainsi à son impulsion ? C’était impardonnable, indigne de lui, d’autant qu’elle n’était vraiment pas son genre !

Il y avait pire : les flashes n’avaient cessé de crépiter durant leur danse ; or, Joshua savait que plusieurs journaux avaient envoyé des reporters à bord.

D’après la rumeur, Kit O’Brien collectionnait les conquêtes. Et cela devait être vrai. N’avait-elle pas emprunté le terme de gibier devant lui ? Quelle chipie ! marmonna-t?il entre ses dents en se forçant à détourner le regard de la table où Kit faisait visiblement l’objet d’un interrogatoire en règle. Oui, mieux valait passer à autre chose, convint-il. Après tout, le désir que lui inspirait cette femme ne signifiait pas grand-chose. Et il avait appris depuis longtemps à se méfier de ses fantasmes.

Oui, mais… Son corps palpitait encore au souvenir de celui de Kit, collé, serré contre le sien. Agacé, il passa une main dans ses cheveux et regarda sa montre. 21 h 30. Une heure encore de ce calvaire et il pourrait s’échapper sans provoquer le courroux de Bill.

— Marilyn !

Joshua leva les yeux et vit Tatiana Terranova, la star de La dernière frontière, saluer une journaliste comme si elle venait de croiser le messie.

— Tatiana ! s’exclama Marilyn Roth, chroniqueuse au Television Press, en venant occuper le siège vide à côté de Joshua. Désolée, je suis en retard. Tu es ravissante. C’est Viscountie ?

— Exact. Tu sais combien j’aime son style. Lui seul sait habiller les femmes avec cette élégance exotique si raffinée.

Les lèvres carmin de Tatiana dessinèrent un large sourire qui révéla toutes ses dents. Des dents que Joshua avait toujours eu en horreur, sans pouvoir s’en expliquer la raison. Néanmoins, la femme qui venait de prendre place à ses côtés éveillait en lui une répulsion plus vive encore…

— Hello, Joshua ! lança Marilyn.

Une bouteille d’eau à la main, un verre d’eau dans l’autre, Joshua fit mine de boire et s’excusa d’un regard de ne pouvoir répondre. Même aujourd’hui, il ne comprenait pas comment il avait pu un jour trouver Marilyn jolie. Cette femme était un loup, un prédateur froid et calculateur. C’était à son contact qu’il avait appris que les femmes avaient toujours une idée derrière la tête. Manipulatrice, profiteuse, telle était Marilyn.

Aucunement intimidée par la froideur de l’écrivain, Marilyn poursuivit :

— Tu as l’air très en forme, Joshua. Le temps n’a pas de prise sur toi, on dirait. Alors, quand m’accorderas-tu cet interview ? Bill m’a promis le scoop. Je suis impatiente de connaître tes projets professionnels.

— Je crois que tu te fais des illusions, rétorqua Joshua, impassible.

Tout en jouant négligemment avec sa bouteille d’eau, il reporta son regard sur la foule. Il était jeune et naïf lorsqu’il avait rencontré Marilyn et n’avait découvert qu’un peu tard les intentions qui la motivaient. Peu importaient les moyens pour elle, dès lors qu’elle détenait un scoop. Joshua regarda de nouveau cette femme, une vraie hyène, caricature de cette presse à sensation si peu soucieuse de la vie privée de ses proies.

— Tu t’es toujours montré si charmant avec moi, Joshua, reprit Marilyn, apparemment peu troublée par le manque d’intérêt qu’il lui manifestait. Je suis sûre qu’une fois que tu auras…

— Je suis sûr que Tatiana sera heureuse de t’informer des nouveautés prévues pour La dernière frontière, l’interrompit-il, excédé. Elle est actrice dans la série, l’aurais-tu oublié ?

— Tatiana, ce n’est pas toi, trésor, répliqua Marilyn sans s’émouvoir, en se redressant de sorte que le décolleté déjà plongeant de sa robe s’ouvrit un peu plus. Et puis, Bill m’a promis que tu coopérerais cette fois, poursuivit-elle, alors que Joshua fixait la table voisine. Il attend beaucoup de mon papier pour lancer la nouvelle saison de la série. Joshua, La dernière frontière est ton œuvre, tu lui dois bien ça.

— Ce n’est pas tout à fait vrai. Je n’aurai bientôt plus rien à voir avec la série, et c’est très bien ainsi.

Joshua regarda en direction de la table où Kit se tenait encore une minute auparavant. Resserrant ses doigts autour de sa bouteille, il fronça les sourcils. Où était-elle passée ? Il ne la voyait plus. Un instant plus tard, il laissa échapper un long soupir quand le groupe qui la cachait à sa vue se déplaça. Elle était en grande discussion avec l’une de ses camarades de table. Un homme se tenait debout devant elle.
Il serra involontairement les dents lorsque Kit écarta avec grâce une mèche de cheveux. Ce geste, pourtant anodin, lui glaça le sang. Il la dévisagea et sentit aussitôt sa gorge se serrer, car elle affichait à présent un sourire radieux. Un sourire adressé à l’homme qui se tenait devant elle. Et cet homme avait une manière de la regarder qu’il n’aimait pas du tout. Mais en quoi était-ce son problème ? Kit faisait ce qu’elle voulait de sa vie, cela ne le concernait pas.

Elle hocha la tête à cet instant, faisant danser ses boucles blondes d’une façon délicieuse. Joshua ravala avec peine sa salive. De l’air. Il avait besoin d’air.

Brusquement, Kit se leva et chuchota quelque chose à l’oreille de l’homme. Puis elle attrapa son sac à main et quitta la table. Une minute plus tard, l’homme s’éloignait à son tour. Dans la même direction.
— Joshua ? Tout va bien, trésor ? s’enquit Marilyn, l’air suspicieux. Tu n’as pas écouté un seul mot de ce que je viens de te dire.

— Je ne suis pas ton trésor, Marilyn, et je n’écoute jamais quand tu me parles. Excuse-moi.

Joshua se leva vivement et réussit à apercevoir Kit juste au moment où elle franchissait la porte du salon VIP, l’homme sur ses talons. Cette femme avait apparemment besoin d’un garde du corps, se dit-il. Ignorant le regard courroucé de Marilyn, il s’éloigna.
Kit se fraya un chemin dans la foule en direction de la porte. Une fois dans le couloir, elle fit une halte dans les toilettes pour dames, juste le temps nécessaire pour signifier à l’homme que lorsqu’elle disait bonsoir, cela signifiait bonsoir et rien d’autre. Sortant de sa cachette, elle se dirigea ensuite vers le pont avant. Une fois en haut, elle s’accouda à une rampe et huma la brise fraîche tout en observant en contrebas la piscine, déserte à cette heure. Demain, les baigneurs s’y bousculeraient.

Curieuse, elle reprit son exploration et rejoignit le pont arrière. De là où elle se trouvait, elle apercevait nettement l’écume de l’océan qui bouillonnait à la poupe du navire. Elle inspira le parfum iodé de la nuit, détendue. Au moins, elle n’avait pas tout perdu. Elle avait toujours aimé la mer.

L’écho du flux et du reflux de l’océan au pied de la maison de ses parents, à Long Island, restait l’un de ses souvenirs d’enfance les plus chers. Nostalgique, elle leva les yeux et fixa la voûte étoilée. Petite fille, elle adorait faire des vœux en regardant au large… Elle tressaillit puis, choisissant une étoile, murmura : Je voudrais tant que papa cesse de me harceler. J’ai tant besoin de paix…

Elle soupira, perplexe. Elle avait passé l’âge de croire aux miracles et savait depuis longtemps que les vœux ne se réalisaient pas.

Une larme glissa lentement sur sa joue, qu’elle essuya d’un geste impatient. Oui, comme elle était loin, l’enfance ! Loin, les bras tendres et protecteurs de sa mère. Elle sourit tristement. Sa mère chérissait la maison de Long Island, ce havre de paix, si pratique en même temps pour son père qui, chaque jour, devait se rendre à son bureau en ville. Au décès de sa mère, trois ans plus tôt, la demeure avait été fermée, car Kit avait décidé de s’installer à New York. Mais Long Island lui manquait, et l’océan aussi.

Oui, comme tu me manques, maman, chuchota-t?elle.

Un mouvement sur sa gauche la fit alors sursauter.

— Hé, vous ne comptez pas sauter, j’espère ? Je n’ai aucune envie de retirer mes bottes.

Kit se raidit en entendant la voix rauque et grave déjà si familière. S’arrachant à ses rêveries, elle se tourna vers Joshua Parker. Il se tenait à quelques centimètres à peine, accoudé à la rampe. Elle ne put s’empêcher de rire.

— Vous ne portez pas vos bottes.

— Ah ? Exact. Les scripts me reprochent toujours mon absence de précision dans mes scénarios… Il lui sourit, puis ajouta avec plus de sérieux : l’eau doit être glacée.

— Oh, rassurez-vous, répliqua-t?elle, hautaine, même si cette journée a été détestable, je n’ai pas l’intention de plonger.

— Tant mieux, dit-il en se rapprochant. Je voulais vous dire… ajouta-t?il, hésitant, le regard rivé sur l’horizon. Tout à l’heure… Je tenais à vous présenter mes excuses. Je me suis comporté comme un voyou.

Kit le dévisagea, incapable de déterminer s’il parlait sérieusement. Son regard était aussi noir que les profondeurs de l’océan. Un regard impénétrable et… méfiant, oui. Elle le soutint un instant et sentit un souffle brûlant parcourir son dos.

— Que se passe-t?il ? demanda-t?elle, narquoise. Attendez, laissez-moi réfléchir. Vous m’avez vue pleurer et maintenant, vous essayez d’être gentil. Ne vous apitoyez pas sur mon sort. Je n’ai aucun besoin de votre compassion ni de celle de quiconque, d’ailleurs.

— Loin de moi cette idée.

Il attendit une réponse qui ne vint pas et reprit :

— Kit, vous pouvez laisser tomber votre carapace devant moi. Oui, peu importe les ragots véhiculés par la presse. Depuis ce voyage en avion, je sais que sous l’armure se cache une jeune femme sensible et généreuse.

— Mais pour qui vous prenez-vous ? Le digne héritier de Freud ? ironisa Kit en le toisant.

— Ah, ce cher vieux Freud ! soupira Joshua en levant les bras au ciel. Peut-être qu’en le relisant je saurais trouver la clé pour vous séduire. Mais laissons Freud où il est et profitons du clair de lune, voulez-vous ? J’y pense, nous n’avons pas eu l’occasion de nous présenter. Je m’appelle Joshua.

Kit préféra mettre le picotement qui lui parcourut l’échine sur le compte du vent du soir plutôt que sur l’avidité du regard de son interlocuteur.

— Eh bien, Joshua, parvint-elle à articuler, ne vous faites aucune illusion. Il n’y aura rien entre nous.

— J’adore votre façon de prononcer mon prénom, remarqua-t?il, ignorant ses paroles.

Il s’avança vers elle et quand elle voulut reculer, oppressée par la puissance de son magnétisme, son corps refusa de bouger. Tétanisée, elle se recroquevilla contre la rampe.

— Depuis que nous avons dansé ensemble, reprit-il en plongeant ses yeux dans ceux de la jeune femme, je n’ai qu’une envie : recommencer. Pour une fois que je rencontre une femme qui n’attend rien de moi… Oui, saisissons cette chance, Kit, comme deux adultes consentants, irrésistiblement attirés l’un par l’autre.

— Mais vous ne savez rien de moi…

— J’en sais suffisamment.
Kit resserra ses bras autour d’elle. Dans sa petite robe noire décolletée, elle avait soudain l’impression d’être toute nue devant lui.

— Désolée de vous décevoir, mon carnet de bal est complet. De plus, j’ai très mal aux pieds. Mais vous n’aurez aucun mal à trouver une autre partenaire. Je suppose qu’elles sont des centaines à bord à rêver de danser avec vous.

— Et si je ne veux personne d’autre ? insista-t?il d’un ton langoureux. Si je ne veux que vous ?

Oh là là ! Elle allait craquer s’il persistait dans cette voie.

— Alors, vous avez un problème, dit?elle avec brusquerie.

— Et que faites-vous de votre problème à vous ? Car c’en est un d’aller contre ses propres désirs, non ?

Avec quelle facilité il lisait en elle, c’en était agaçant, à la longue, pesta Kit, qui finit par répliquer :

— J’ai des principes, figurez-vous.

— Je commence à m’en rendre compte, dit-il, un sourire amical se substituant à son regard cynique. Et je suis heureux de l’apprendre.

— Oui, euh, bon…, bredouilla-t?elle en s’agrippant à la rampe, déstabilisée par ce changement d’attitude.

— Vous m’intriguez, Kit O’Brien, murmura Joshua en se rapprochant encore. J’ai vraiment envie de savoir ce qui se dissimule sous l’apparence. Quels secrets cachez-vous, Kit ?

— De quel droit cherchez-vous à forcer mon intimité ?

Une rafale souleva à cet instant sa robe, qu’elle rabattit fébrilement.

— Pas de panique. Je ne révèlerai vos secrets à personne. Les aveux les plus indécents, les confidences les plus osées, tout cela restera entre nous.

A la faveur du clair de lune, Kit vit les yeux noirs pétiller et perdit soudain son assurance. Joshua Parker lui ôtait tous ses moyens. Elle se sentait vulnérable devant lui. Oui, son pauvre cœur s’emballait, ses jambes tremblaient sitôt qu’il posait le regard sur elle. Elle frissonna sous l’assaut d’un désir fulgurant.

— Vous avez froid ? Laissez-moi vous réchauffer.

Il posa les mains sur ses bras nus et commença à lui caresser la peau en un mouvement de friction qui, au lieu de simplement la réchauffer, lui fit l’effet d’une brûlure aussi vive que les flammes de l’enfer. Dans son corps, s’éveilla alors un volcan qui anéantit ses dernières forces. Elle ne résista pas, vaincue, quand il l’attira contre lui et au contraire, s’abandonna avec soulagement et bonheur contre son torse. Puis elle leva les yeux et chercha son regard.

— Vous êtes un homme dangereux, Joshua Parker, murmura-t?elle, toute fierté anéantie.

En guise de réponse, il approcha le visage de ses lèvres et l’embrassa. Le contact de cette bouche électrisa la jeune femme, faisant retentir un carillon de plaisirs dans sa tête. Joshua resserra son étreinte et son baiser se fit plus impatient, plus impérieux.

— J’ai attendu cet instant toute la journée, chuchota-t?il en s’écartant, avant de l’embrasser de nouveau.

Kit se plaqua contre lui, concentrée sur les sensations qu’il éveillait en elle. Jamais on ne l’avait embrassée de la sorte. Oui, ce baiser était si sensuel, presque… sexuel, réalisa-t?elle en tressaillant, alors que Joshua jouait avec sa langue. Lentement, presque timidement, elle noua les bras derrière le cou de son compagnon, glissant les doigts dans ses longs cheveux.

Sans faire cesser le baiser, Joshua glissa la main droite sous le menton de la jeune femme et repoussa avec la gauche la bretelle de sa robe sur son épaule. Elle se raidit, pressa son ventre contre lui, puis gémit, tandis que le vertige du désir la saisissait.

— Ah ! Je me disais bien que tu devais être en train de soigner tes relations avec tes fans.

La voix aiguë fit voler en éclats la magie de l’instant. Avec brusquerie, Kit s’arracha aux bras de Joshua qui, de son côté, serra les poings. Une femme qu’elle reconnut comme un membre de l’équipe de la série était accompagnée d’une autre qui, à cet instant, enfouit discrètement un appareil photo numérique dans son sac. Une journaliste ! s’alarma aussitôt Kit. Si cette photo était publiée, son père la tuerait.

— Tu me le paieras, Marilyn, marmonna Joshua entre ses dents.

— Je…

Kit fut incapable de poursuivre. Ramassant son sac à main, elle se précipita vers l’escalier.

Joshua la regarda s’éloigner, impuissant et furieux. Marilyn lui jeta alors un regard ironique tout en allumant une cigarette, avant de tendre le briquet à Tatiana.

— J’avais envie de fumer. Tatiana et moi avons pensé que les fans ne nous suivraient pas jusque sur le pont arrière. Tu connais leur indiscrétion…

Marilyn recracha la fumée de sa cigarette sans le quitter des yeux et poursuivit :

— Ah, j’y pense… Bill te cherche partout.

Indifférente à la colère de son interlocuteur, elle jeta négligemment la cendre de sa cigarette par-dessus le bastingage.

— Je lui ai dit que tu avais quitté le salon, avec l’intention de t’occuper de ton fan-club, dit-elle dans un demi-sourire. Ta conscience professionnelle t’honore.

Joshua se refusa à gratifier Marilyn d’une réponse. Il se garda également de dire quoi que ce fût à propos de Kit. Il savait que quoi qu’il pût dire, Marilyn détournerait le sens de ses propos. Enfouissant les mains dans les poches de son pantalon, il se *******a de fixer la journaliste d’un œil dur.

Comme celle-ci expirait un nouveau nuage de fumée, Joshua observa sa bouche, méprisant. Cette femme l’écœurait. Elle polluait tout, autour d’elle. L’article ordurier et mensonger qu’elle avait écrit sur Joshua sous le pseudonyme de Mary Lynn avait valu à son père de renoncer à ses ambitions. Mais elle ne s’était pas sentie concernée, et elle s’était moquée de la colère de Joshua venu l’insulter, le traitant de naïf et de « nigaud », avant de s’intéresser à une nouvelle victime.

Oui, il détestait cette femme. Et plus encore maintenant, où elle osait l’interrompre en plein milieu d’un baiser. Car ce n’était pas n’importe quel baiser. C’était un baiser d’une intensité comme il n’en avait jamais ressentie. Un baiser d’une fraîcheur inouïe. Il avait découvert, au contact des lèvres de Kit, une saveur délicieuse et inconnue, des parfums enivrants de miel et de raisin.

Des sentiments de mépris et de dégoût le submergèrent, mépris de lui-même pour avoir mis Kit dans une situation délicate, dégoût à l’égard de Marilyn et de son cynisme outrancier.

— C’est étrange, mais j’ai l’impression de connaître cette…, euh…

Marilyn s’interrompit, faisant mine de chercher dans son vocabulaire le terme approprié.

— … de connaître ta camarade. Comment as-tu dit qu’elle s’appelait ?

La colère de Joshua monta d’un cran. Pas question de se laisser abuser par la manœuvre grossière de Marilyn. Elle n’obtiendrait pas cette information. En tout cas, pas de lui. Il avait assez perdu de temps et devait absolument retrouver Kit.

— Je ne pense pas qu’elle souhaite t’être présentée, répliqua-t?il le plus calmement du monde. C’est une femme qui a beaucoup de classe, conclut-il en ignorant les commentaires revanchards de Marilyn quand il la força à s’écarter pour rejoindre l’escalier qui menait dans le salon VIP.

— Tout à fait d’accord, mon trésor. A vrai dire, je sais pertinemment ce que vaut Kit O’Brien. Tu as raison, elle a une classe folle. Et des aventures dont nos lecteurs raffolent. A bientôt, trésor…

Le regard fixe, la gorge nouée, Joshua s’engouffra dans les couloirs et se mit à chercher Kit.
De retour dans la cabine, Kit se laissa lourdement tomber sur son lit. Mais quelle mouche l’avait donc piquée ? se demanda-t?elle en se débarrassant de ses chaussures. Qu’avait-elle fait ? Elle se releva et entreprit de retirer sa robe. Puis elle se rendit dans la salle de bains et scruta son reflet, l’air mauvais.

Ses lèvres étaient pleines, encore brûlantes. Oui, elle devait se rendre à l’évidence, Joshua et elle avaient échangé un baiser enflammé, passionné. Elle tressaillit au souvenir de cette bouche contre la sienne et ferma les yeux, se rappelant avec quelle avidité il avait noué sa langue à la sienne. Puis elle rouvrit les yeux et étudia son reflet dans le miroir. Elle avait grand besoin de se remaquiller. Fébrile, elle s’empara de son vanity et, avec des gestes mécaniques, commença à se nettoyer le visage.

— Kit ?

Elle sursauta. Georgia venait d’entrer dans la cabine.

— Oui, je suis là ! cria-t?elle en s’aspergeant le visage d’eau froide pour en retirer les dernières traces de savon.

— Tu vas bien ? l’interpella Georgia en pénétrant dans la salle de bains. Tout le monde est en train de se réunir dans la salle de spectacle. Je m’inquiétais pour toi. Je croyais que tu viendrais nous retrouver. Ta cheville te fait-elle souffrir ? Veux-tu que je te la bande ?

— Je suis juste un peu fatiguée. Je manque de sommeil et je crois que j’en ai trop fait, expliqua-t?elle avec un sourire angélique.

— Je comprends, opina Georgia, pleine de compassion. Le corps demande parfois grâce, conclut-elle, l’air inspiré.

— Exactement, renchérit Kit, la gorge nouée. Ne te tracasse pas pour moi. Profite du spectacle et régale-toi au buffet. Tu me raconteras demain.

— Tu es sûre que tu ne veux pas venir ?

— Certaine. Vas-y et amuse-toi, insista Kit en s’emparant de sa brosse à dents. Je vais parfaitement bien.

— D’accord, dit Georgia en quittant la salle de bains, avant de suspendre son mouvement, le regard perdu dans le vague. Comme il est beau ! Joshua Parker est décidément l’homme le plus séduisant que je connaisse. Oh oui, et puis, quelle imagination ! Quel romantisme chez cet homme ! Ils vont nous projeter les deux derniers épisodes de la saison et si tu veux bien, je ne voudrais pas rater le début…

— Bonne nuit, Georgia. Je regarderai ces épisodes lorsqu’ils passeront à la télé. Merci de t’être inquiétée pour moi.

Georgia s’éclipsa enfin, la laissant seule, sa brosse à dents à la main, un sourire malicieux aux lèvres. Romantique, Joshua Parker ? Certainement. Passionné ? Encore plus. Par quel enchantement avait-elle atterri dans ses bras, elle ne se l’expliquait pas. Le vin, la brise marine et la nuit étoilée, sans doute. Un baiser, un seul, avait en tout cas suffi pour qu’elle perde le contrôle. Elle, si distante, si maîtresse d’elle-même habituellement ! Jamais personne n’avait éveillé en elle des sensations aussi tumultueuses. Oui, le baiser de Joshua avait eu l’effet d’un révélateur, libérant en elle une sensualité qu’elle ne soupçonnait pas jusqu’à ce soir. Tant d’émotion, tant de désir. Et tout cela à cause d’un inconnu ! En réalité, l’incident de la béarnaise avait été provoqué pour bien moins que ça, seulement parce que Blaine avait pris la liberté d’annoncer leurs fiançailles.

Une fois sa toilette terminée, Kit alluma la télévision. Sur l’écran, le générique annonçait la diffusion de la totalité des épisodes de La dernière frontière. Elle s’assit, curieuse, et décida de s’intéresser de plus près à la série. D’abord désorientée par cette histoire de conquête spatiale et de voyage dans le temps, où se croisaient humains, aliens et mutants, le tout dans un décor psychédélique et à la faveur d’une mise en scène multipliant les effets spéciaux, elle finit néanmoins par reconnaître certaines qualités à cette série de science-fiction devenue culte.

Kit observa un moment les acteurs. Quel était celui, ou celle, qu’elle devrait interviewer ? Un méchant, un gentil, un robot peut-être ? se demanda-t?elle, tendant déjà la main pour éteindre la télévision. Elle se figea soudain en croyant voir Joshua traverser l’écran, tout de noir vêtu. Instantanément, elle tressaillit au souvenir de leur étreinte, puis haussa les épaules et éteignit le poste, avant de consulter sa montre. 23 heures. Tous se trouvaient en ce moment même dans la salle de spectacle, en train de regarder les deux derniers épisodes de la série.

Tel un lion en cage, Kit fit les cent pas dans la cabine, avant d’enfiler son pyjama et de se glisser dans son lit. La minute d’après, elle se levait, ôtait son pyjama, choisissait un pantalon de soie noir et un top assorti, sur lequel elle passa une petite veste.

Bon sang, elle n’allait pas se terrer dans sa cabine ! N’était-elle pas Kit O’Brien ? Et n’avait-elle pas déjà eu maille à partir avec la presse à scandale ? Alors, une fois de plus ou de moins… Elle chassa de son esprit l’image de son père au moment où il découvrirait sa fille à la une, embrassant fougueusement un inconnu. Elle lui expliquerait, voilà tout. Bien décidée à ne plus se soucier ni de près ni de loin de Joshua Parker et à s’accorder un peu de détente, Kit enfila ses escarpins noirs, passa une main énergique dans ses cheveux, attrapa son sac à main et se dirigea vers le casino.0

cocubasha 26-11-09 01:05 AM



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**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 26-11-09 11:34 AM

ÇÞÊÈÇÓ:

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**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 05-12-09 01:09 AM

CHAPITRE 4


Une foule compacte et bruyante s’animait à l’intérieur du casino, une salle qui n’avait certes rien de comparable avec ces temples du jeu que Kit avait fréquentés à Las Vegas, Nice ou Monte-Carlo, mais dont elle aima immédiatement l’atmosphère intimiste.

Elle se dirigea vers la caissière qui lui fournit à sa demande pour un crédit de 100 dollars en jetons, puis elle alla s’installer à une table de black-jack.

— Bonsoir, lui dit le croupier. Je m’appelle Connor. A votre service, mademoiselle. Prête ?

— Prête.

Kit observa ses trois voisins de table, des voisines en réalité, toutes mariées à en juger par leur alliance. Détail que lui parut avoir également remarqué le fameux Connor, qui l’observait avec insistance en souriant, charmeur. Comme tous les employés de casino, il portait à merveille la chemise blanche et la veste noire traditionnelles des croupiers. Pas aussi élégant que Joshua, certes, mais… Elle se sermonna et rendit son sourire à Connor. Après tout n’était-elle pas là pour oublier Joshua ?

— Quand vous voulez, Connor, lança-t?elle de sa voix la plus charmeuse.

— Euh, bien sûr, mademoiselle…, bredouilla l’homme.

— Et soyez gentil de ne pas me ruiner, souffla-t?elle en battant des cils.

— Oh, voyons, mademoiselle. Je suis sûr que vous êtes une gagnante, répliqua Connor sans cesser de la dévorer des yeux.

Parfait. Kit offrit un sourire badin au croupier et se félicita d’avoir déniché en ce Connor un flirt docile, dont elle ferait ce qu’elle voudrait. Si elle le voulait. Connor était exactement ce dont son ego — si brutalement malmené par son père, puis par Joshua — avait besoin.

Oui, Connor était à croquer, décida-t?elle. Elle poussa quelques jetons sur la table, puis la serveuse refit son apparition. Kit leva alors son verre et but avec une lenteur excessive une gorgée du nectar transparent, sous le regard avide de Connor.

— Comme c’est bon, murmura-t?elle.

— C’est ce qu’il vous fallait, commenta le croupier. Mauvaise journée ?

Kit acquiesça tout en se refusant à comparer le sourire de son interlocuteur avec celui de Joshua Parker. Elle ne voulait plus penser à Joshua Parker. Et encore moins à ce satané baiser.

— Cette croisière ne se déroule pas vraiment comme je m’y attendais, expliqua-t?elle avant de boire une nouvelle gorgée de vodka. Ayez pitié de moi, Connor, ajouta-t?elle en poussant d’autres jetons sur la table de jeu.

— Je m’en voudrais de décevoir une dame, répondit celui-ci, avec un clin d’œil cette fois.

Combien de temps elle resta assise là, elle n’aurait su le dire, mais lorsqu’elle termina son verre et en commanda un deuxième, elle s’aperçut que son petit manège avec Connor n’avait aucun effet. Joshua ne cessait en réalité de l’obséder, comme s’il se trouvait assis près d’elle. Elle devait réagir.

A cet instant, la chance tourna à la table et elle remporta trois fois sa mise.

— Je n’y crois pas, s’exclama-t?elle.

— C’est un tort, remarqua Connor, qui fit glisser les jetons vers elle, effleurant sa main au passage.

Contrairement au séisme que les doigts de Joshua avaient déclenché en elle, ce contact la laissa indifférente. Comme la laissa indifférente l’agitation à côté d’elle, au point qu’elle eut à peine conscience qu’un joueur prenait place sur le siège voisin.

— Où est passée la robe ? s’enquit alors une voix grave et chaude.

Kit sentit ses cheveux se hérisser dans sa nuque. Le premier choc passé, elle répondit toutefois d’une voix ferme :

— Au placard, avec toutes sortes de mauvais souvenirs.

Comme si de rien n’était, elle repoussa quelques jetons sur la table, refusant de faire face au nouveau venu dont le genou approchait dangereusement le sien. Feignant de s’intéresser à la partie, elle tressaillit lorsque Joshua se pencha vers elle et lui murmura à l’oreille :

— Je vous ai cherchée partout. Voilà plus d’une heure que j’arpente ce satané bateau.

— J’aurais préféré que vous ne me trouviez pas, répliqua-t?elle, glaciale.

Elle se renfrogna. Mais comment se pouvait-il que son verre fût déjà vide ? A cet instant, comme Connor ramenait les jetons vers lui, elle se redressa :

— Oh, je suis épuisée. Une nuit de sommeil me fera le plus grand bien. Connor, merci de votre gentillesse. Peut-être à demain ?

— Je donne une leçon de poker vers 15 heures. Puis j’irai faire un tour à Paradise Island.

— Paradise Island ? répéta Kit en réunissant ses jetons.

— Oui, le casino. Je parie que vous n’êtes jamais venue à Nassau.

— Exact.

Elle lui décocha un sourire mutin et se leva. Joshua allait comprendre de quoi elle était capable. Ce que séduire voulait dire…

— Bonne fin de soirée, Connor. Peut-être nous verrons-nous demain, à Paradise Island… Peut-être est-ce moi qui vous emmènerai au paradis, qui sait ?

Connor hocha la tête avec un air complice et lui sourit en retour, avant de remarquer :

— J’ai hâte d’être à demain. Si vous ne pouvez pas venir, téléphonez-moi au 5689.

Kit lui adressa un geste amical de la main, puis quitta la table. Elle se dirigea vers la caisse où la jeune femme de service entreprit de convertir ses jetons en espèces, d’abord avec un air indifférent et des gestes d’automate. Soudain, elle s’interrompit et écarquilla les yeux, comme si elle venait de voir une apparition. Kit sut alors qu’elle avait été suivie.

Elle s’efforça de ne pas trembler en sentant Joshua tout proche. Nerveuse, elle croisa les bras, pour les décroiser aussitôt afin de prendre les dollars que lui tendait la caissière. Enfin, elle se retourna et fit face à Joshua. Elle comprit instantanément que celui-ci était fou de rage. Bien fait ! se dit-elle, satisfaite d’avoir donné une leçon au chouchou de ces dames.

— Que voulez-vous ?

— Marcher un peu.

Il lui saisit le bras avec fermeté et l’entraîna hors du casino. Une fois dans le couloir, il l’interpella, agressif :

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Qu’est-ce que ça veut dire, quoi ? répliqua-t?elle en feignant l’innocence, sans s’écarter de lui.

Le temps de ces quelques pas, elle avait ressenti un léger vertige. La vodka commençait à faire son effet.

— Ce manège avec le croupier…, répondit Joshua en lui faisant face.

Kit inspira profondément, tentant de toutes ses forces de résister au magnétisme du regard courroucé. Dieu, comme elle aimait le parfum de cette eau de toilette. Imperceptiblement, elle se dressa sur la pointe des pieds et se cambra, cherchant à se coller à lui. Joshua l’en empêcha et la repoussa.

— Oh, soupira-t?elle alors avec un sourire espiègle, rien de méchant… Je n’ai fait que lui dire que je pourrais l’emmener au paradis…

A peine eut-elle répété ces mots que Joshua se sentit submergé par une rage comme il n’en avait encore jamais éprouvé. Une fraction de seconde, il crut qu’il allait la soulever du sol pour la jeter par-dessus bord.

Il s’était trompé. Kit O’Brien n’avait pas de principes. Aucun sens moral. Quel gâchis ! pesta-t?il en lui-même. Ne comprenait-elle donc pas qu’avec ce comportement, elle ne faisait qu’alimenter les rumeurs ? Qu’elle était la proie rêvée de la presse à scandales ? Elle n’avait somme toute que ce qu’elle méritait. Il ne faudrait pas qu’elle crie au scandale quand, demain, elle découvrirait à la une la photo que Marilyn avait pris d’elle devant la table de black-jack !

A cet instant précis, Joshua devina la silhouette de Marilyn à l’autre bout du couloir. Prenant vivement Kit par le bras, il l’entraîna devant la cage d’ascenseur la plus proche.

— Eh ! Où m’emmenez-vous ? s’écria Kit alors qu’il pressait fébrilement le bouton.

— Pas là où j’aimerais aller, marmonna-t?il.

Enfin, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent devant eux. Il s’engouffra dans la cabine et appuya sur le bouton du Pont A. Ce ne fut que lorsque les portes se furent refermées qu’il laissa éclater sa colère :

— J’ai passé plus d’une heure à vous chercher et lorsque enfin, je vous retrouve, c’est pour vous voir ivre et en train de draguer le croupier !

— Je ne suis pas ivre et je ne draguais personne ! répondit-elle la voix mal assurée, chancelante. Et puis même ! Seriez-vous jaloux ?

— Pourquoi le serais-je, bon sang ? rétorqua-t?il, furieux contre lui-même.

Oui, décidément, cette femme avait grand besoin d’un ange gardien.

— Je ne sais pas, enchaîna-t?elle. Peut-être parce que vous me désirez.

Elle s’approcha, langoureuse, et sans réfléchir, il l’attira contre lui. C’était une erreur, se dit-il alors qu’une vague de désir l’inondait. Il la dévisagea, désemparé, fixant la bouche qu’elle lui offrait.

Elle était ivre et ne savait pas ce qu’elle faisait. Au prix d’un effort surhumain, il parvint à résister à l’invite. Lorsque Kit comprit qu’il ne l’embrasserait pas, elle redressa fièrement le menton et se réfugia à l’extrémité de la cabine d’ascenseur.

— D’accord…, grommela-t?elle.

Joshua ne broncha pas. Il devait la ramener à sa cabine. C’était ça, ou s’attirer de sérieux problèmes.

— J’étais en train de gagner, reprit-elle soudain. Et c’était juste un flirt ! Quel mal y a-t?il à cela ? C’est ma vie, après tout. Et si ça me fait plaisir de flirter ? Si ça me fait du bien, à moi ? Je mérite de me sentir bien ! J’ai eu une rude journée. Je dois partager ma cabine avec trois filles qui sont folles de vous. Je dois me cacher de mon père, qui saura dès demain où me joindre. Tout ça à cause d’une photo qui va se retrouver à la une. Une photo où l’on me voit en train de vous embrasser !

— Vous étiez consentante, il me semble, remarqua-t?il en se rapprochant de la jeune femme en fixant ses yeux, d’un vert émeraude à cette heure.

— Consentante ? Espèce de mufle !

Un peu d’alcool avait manifestement suffi à la libérer de ses inhibitions. Envolée, la bonne éducation !

— Et puis, reprit-elle, qu’est-ce que vous fabriquez là ? Vous trouvez que vous n’en avez pas assez fait ? Mon père me tuera lorsqu’il découvrira la photo ! Oui, vous avez signé mon arrêt de mort, parfaitement, Joshua !

Joshua pesta contre la lenteur de l’ascenseur. Kit était seule responsable de ses malheurs. Mais il était là, à ses côtés, et ressentait l’envie de la protéger contre elle-même, de la sauver d’elle-même. Peut-être parce qu’il pressentait quelque chose de secret chez elle, une fragilité. Mais bah… après tout, qu’en avait-il à faire ?

— Vous savez, je ne connais peut-être rien à La dernière frontière, mais en revanche, je sais tout de vous, recommença-t?elle, toujours aussi agressive. Mes co-locataires ne parlent que de vous. Mais moi, je sais que vous n’en valez pas la peine !

— Que savez-vous de moi ? répliqua-t?il, exaspéré. Vous êtes une fille de la ville et moi, un cow-boy ! Pensez ce que vous voulez, je m’en moque. Nous n’avons rien de commun et… Non, je ne vous désire pas !

— Si, vous me désirez, contra-t?elle, son petit nez relevé avec défi.

— Non, Kit. C’est vous qui me désirez.

— Oh, allez au diable, Joshua Parker ! Je n’ai qu’un désir, rester le plus loin possible de vous !

— Vraiment ? Vous mentez, Kit. Osez encore affirmer cela !

Il ne la laissa pas lui échapper. En une fraction de seconde, il se planta devant elle et posa sa bouche sur la sienne. Elle tenta bien de le repousser, mais sans succès. Il l’embrassa avec détermination et sentit bientôt qu’elle renonçait à toute résistance. Elle était désormais à lui et il sentait le corps féminin répondre avec fièvre à son baiser. Elle s’abandonnait, se laissant aller entre ses bras. Tout son être disait oui, criait encore.

Quant à lui, il ne souhaitait pas voir ce moment s’achever. Kit éveillait en lui des sensations inconnues et passionnées comme il n’en avait jusqu’alors jamais connues. Et il se sentait irrémédiablement glisser, happer par ces lèvres douces et brûlantes contre les siennes.

Elle lui noua les bras autour du cou et se plaqua contre lui, dont le désir était à présent évident. Oui, au-delà de toutes leurs différences, il la voulait, c’était aussi simple que ça. Elle glissa les doigts dans ses cheveux bruns, caressa les longues mèches qui lui retombaient sur les épaules.

— Joshua…, soupira-t?elle.

Il répondit à sa prière en resserrant son étreinte, consumé par le désir, sans plus d’autre conscience que celle de leurs deux corps serrés l’un contre l’autre.

Soudain, le ding discret de l’ascenseur retentit, le ramenant à la réalité. Qu’était-il en train de faire ? Il recula, fixant Kit comme s’il s’agissait d’une extraterrestre. Celle-ci resta bouche bée, choquée, tandis que la porte de l’ascenseur s’ouvrait lentement.

D’un bond, Kit s’écarta de lui et tandis que Joshua empêchait la porte de se refermer, il comprit qu’il venait de révéler un nouveau pan de la personnalité secrète de la riche héritière. Oh, bien sûr, l’alcool pouvait expliquer bien des choses, mais certainement pas la façon dont elle avait répondu à son baiser.

Non, un autre feu brûlait en Kit O’Brien, qui n’avait rien à voir avec le personnage dont la presse s’amusait. Et malgré tout ce qui les opposait, il lui parut soudain vital d’en apprendre davantage sur elle. Mais pas maintenant. Maintenant, elle devait dormir. Dissimulant son trouble sous le masque de l’ironie, il lui lança :

— Faites de beaux rêves, Kit !

Il sortit aussitôt de la cabine et s’éloigna, avant qu’elle ne s’avisât de répliquer.

*
* *

Kit s’avança tel un automate et parcourut les trente mètres qui la séparaient de sa cabine dans un état second. Sacré bon sang ! Mais pour qui se prenait-il ? Un moment, elle pensa se lancer à la recherche de Joshua pour lui dire sa façon de penser, mais elle y renonça. Elle n’avait pas les idées assez claires.

Ses co-locataires n’étaient pas encore rentrées et, pour la seconde fois, Kit se brossa les dents et enfila son pyjama. Une fois couchée, elle remonta le drap jusque sous son menton et fixa le lit au-dessus d’elle. Elle sentait encore la chaleur de la bouche de Joshua, la douceur de ses mains, la puissance de son torse. Elle l’avait follement désiré. Et elle le désirait encore, elle qui, de toute sa vie, n’avait jamais désiré personne. En réalité, ce désir ne l’avait pas lâchée de la journée ! Elle marmonna et s’allongea sur le ventre, martelant l’oreiller de ses poings sans parvenir toutefois à apaiser la tension qui pesait sur elle. Elle décida alors d’essayer de dormir. Les yeux fermés, elle pesta. Même dans le noir, l’image de Joshua la harcelait.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 12-12-09 11:50 PM

chapitre 5

The Tattler — Vendredi 22 novembre

Les potins de Mary Lynn

Les parties de pêche de Kit O’Brien

Kit O’Brien préférerait-elle l’amour en mer ? Moins de vingt-quatre heures après avoir maculé son fiancé, le malheureux Blaine Rourke, de sauce béarnaise, notre héritière a apparemment choisi de se consoler avec Joshua Parker, le scénariste de la célèbre série télé La dernière frontière (voir notre photo en une). Applaudis par les croisiéristes pour leur prestation extrêmement langoureuse sur la piste de danse, nos deux tourtereaux semblent devenus inséparables. Joshua a même volé au secours de la belle et sauvé Kit, joueuse incorrigible, comme chacun sait, des griffes d’un croupier (voir seconde photo) un peu trop entreprenant. Doit-on déceler dans cette idylle les raisons qui ont poussé Kit à offenser Blaine ? Celui-ci a-t?il été supplanté par Joshua, ou ne s’agit-il que d’une dernière incartade avant que Kit ne se résigne à passer devant monsieur le Maire ? Hmm… Que pensera donc son richissime père de tout cela ?

*
* *

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 12-12-09 11:52 PM

— Eléni !

Michael O’Brien poussa brutalement la porte du bureau de sa responsable d’édition et sans un mot, lança un exemplaire du journal devant la jeune femme, manquant renverser une tasse de café au passage.

— Eléni ! Je suppose que tu as une explication pour cela !

— Euh…, bredouilla Eléni en parcourant la première page du tabloïd.

Michael laissa échapper un long soupir et s’affala sur un fauteuil de cuir vieilli.

— Par pitié, reprit-il, dis-moi que ce n’est pas vrai.

— Ce n’est pas vrai, s’exécuta Eleni.

— Oh, je t’en prie, pas de sarcasmes.

— Mais que veux-tu que je te dise ?

Ayant recouvré son calme, Michael croisa les jambes. Il connaissait Eléni et son mari depuis plus de vingt ans. Au décès de Charles, les O’Brien s’étaient rapprochés d’Eléni pour la soutenir, comme elle-même l’avait fait quand il avait perdu sa femme. Il avait toute confiance en elle. C’était à Eléni qu’il avait demandé de chaperonner Kit dans ses velléités journalistiques. Lui, pour sa part, avait toujours vu d’un mauvais œil la vocation de sa fille. En vérité, il ne supportait même pas l’idée qu’elle voulût travailler. Après tout, il avait un fils pour cela !

— Je veux juste qu’elle épouse Blaine, déclara-t?il, le plus calmement possible. Qu’elle s’assagisse et qu’elle ait des enfants. Je ne veux pas la voir embrasser n’importe qui à la une de ce genre de torchon et je ne veux pas que l’on parle d’elle comme d’une croqueuse d’hommes !

— Oh, Michael, je sais que tu veux qu’elle se range. Mais tu ne peux pas choisir pour elle l’homme qu’elle épousera, protesta Eléni. Kit est une rebelle. Elle a envie que tu l’acceptes pour ce qu’elle est, et non pour ce que tu aimerais qu’elle soit.

— Absurde, marmonna Michael. Kit a besoin d’un coup de vis. Il est grand temps que quelqu’un la prenne en main. J’étais certain que travailler ici lui donnerait des idées. Non, ma fille a besoin de protection, pas de liberté. Je suis son père, je sais ce qui est bon pour elle. Non, je ne vais pas la laisser faire sans réagir.

— Michael, gémit Eléni en le suppliant du regard. Que proposes-tu ? Elle se trouve sur un bateau de croisière. En mission. Elle doit, euh… interviewer l’homme qui… avec lequel, euh… Bon, tu as compris ?

— De mieux en mieux ! s’exclama Michael en bondissant sur ses pieds. Et quel est le sujet de l’article, si je ne suis pas trop indiscret ? demanda-t?il, sarcastique.

— Oh, Michael, je t’en prie ! Elle…

— Stop ! intima Michael, la main levée. Ne la défends pas, Eléni ! Pas cette fois. Je veux que tu interrompes cette mission, et tout de suite. Terminé ! Et même si mademoiselle rédige un papier, interdiction de le publier ! Pas même sous le nom de Carol Jones. Ça suffit ! Elle doit mettre un terme à ces bêtises et rentrer immédiatement. J’ai parlé à Blaine ce matin. Sitôt de retour, elle acceptera sa demande en mariage ! Cela fera taire la presse. Voilà ce que j’ai décidé ! C’est comme ça ! Et je vais le lui dire au téléphone !

Eléni le fixa sans mot dire, tandis que Michael se renfrognait. Il savait mieux que quiconque ce qui était bon pour sa fille, non ?

Quelqu’un avait ouvert les rideaux et un soleil aveuglant inondait la cabine. Kit enfouit son visage dans l’oreiller.

— Ah, super ! Tu es réveillée ! s’exclama Georgia en s’affairant bruyamment. J’ai cru que tu allais dormir toute la journée.

— Certainement pas, répondit Kit en se redressant sur son lit. Aïe, j’ai mal à la tête ! gémit-elle en se massant les tempes.

— Aucun problème. Deux cachets de Tylénol et un peu d’air frais et il n’y paraîtra plus, répliqua Georgia sans cesser de s’agiter. Becca et Paula sont déjà sur le pont pour le petit déjeuner. Le ciel est bleu, le soleil brille et nous, nous sommes en retard. Quelle honte !

Kit se tourna vers son réveil. 8 h 40. Ce n’était pas si tard que ça. Surtout qu’elle était en vacances, au moins jusqu’à la livraison du press-book.

En soupirant, elle s’efforça de s’arracher aux brumes tenaces du sommeil. Cette satanée migraine la faisait terriblement souffrir. Quelle idée de boire de la vodka ! Elle qui ne supportait pas la boisson ! Bah, de toute façon, il semblait bien que depuis ce maudit vol, elle faisait un peu n’importe quoi.

Les paupières lourdes, elle observa Georgia. Déjà habillée et toute pimpante dans son petit polo marine.

— Quel est le programme de la journée ? interrogea Kit.

— La foire aux questions à 10 heures. Je sens que ça va être génial ! Ensuite, cet après-midi, nous ferons le tour de Nassau en bateau. A 17 h 30, réunion d’adieu avec l’équipe de la série. Juste après, dîner de gala et ce soir, bal costumé. Tu nous accompagnes pour le tour de la ville ?

— C’est-à-dire… Je n’ai pas acheté mon billet, répondit Kit en prenant le verre d’eau et l’antalgique que lui tendait Georgia. Peut-être irai-je marcher un peu dans le centre-ville. C’est la première fois que je viens à Nassau.

Elle avala consciencieusement ses comprimés. Elle avait tout oublié du croupier Connor. Georgia lui reprit le verre des mains en lui demandant :

— Tu as beaucoup voyagé ?

Kit voulut se lever, mais dut s’y reprendre à deux fois à cause du martèlement des tambours qui résonnait dans sa tête. Elle s’empara de son sac, dont elle sortit son passeport qu’elle tendit à Georgia.

— C’est mon troisième, dit-elle. Et il est plein.

Georgia s’intéressa d’abord à la photo et aux détails concernant l’identité de Kit, puis elle feuilleta le passeport, où étaient imprimés les différents cachets des pays traversés. Elle rendit ensuite le document à Kit sans faire le moindre commentaire, ce que Kit trouva extrêmement reposant.

La démarche hésitante, la jeune femme se dirigea vers le hublot. De somptueux yachts mouillaient aux côtés de paquebots de croisière de luxe. A une centaine de mètres, on apercevait la ville. Oui, une petite visite de Nassau s’imposait et lui remettrait les idées en place.

— Je suis désolée de ne pas pouvoir vous accompagner, mentit-elle tout en fouillant sa valise avant de se décider pour un bermuda rouge et un débardeur blanc.

— Moi aussi, répondit Georgia en feuilletant le bulletin du navire. Nous avions d’abord pensé à aller nous baigner, mais c’est inutile, puisque demain, nous passerons la journée à la plage. Mais dépêchons-nous, les autres nous attendent.

— Je suis sûre que cette visite de Nassau en bateau doit être merveilleuse.

— Je l’espère. Oh, avant que j’oublie, tu as reçu un paquet ! Attends, je ne sais plus où je l’ai posé ! s’exclama Georgia en cherchant autour d’elle, avant de tendre à Kit une grosse enveloppe de papier Kraft.

— Merci, dit Kit en sortant quelques documents de l’enveloppe.

— Woah ! s’extasia Georgia. Si tu ne veux pas cette photo, puis-je l’avoir ? Comme il est beau ! Quelle chance tu as !

Fronçant les sourcils, Kit retourna le papier glacé. Elle venait de découvrir avec horreur le portrait de celui qu’elle s’efforçait d’oublier.

Joshua Parker.

D’une main tremblante, elle glissa le cliché dans l’enveloppe et rangea le tout dans sa valise.

— Le temps d’une toilette rapide et je t’accompagne au petit déjeuner !

Elle s’engouffra dans la salle de bains, dont elle claqua la porte derrière elle. La mémoire des événements de la veille venait de lui revenir et elle tressaillit. Il fallait réfléchir, trouver une solution à cette situation. Le jet brûlant de la douche lui martela le dos, apaisant. Ainsi, c’était Joshua qu’elle avait à interviewer. Quelle ironie que le destin, tout de même ! se dit-elle en repensant à leur tête-à-tête dans l’ascenseur. Mais au fait… Il l’avait raccompagnée ! Comment avait-il su où se trouvait sa cabine ?

Et d’ailleurs, pourquoi cette obstination à la retrouver ? N’étaient-ils pas allés trop loin, déjà ? Leur photo devait s’afficher aujourd’hui à la une d’un journal. Mon Dieu, comment allait réagir son père ? Inquiète, elle frissonna malgré la chaleur de l’eau. Mal, bien entendu. Il s’était certainement déjà renseigné auprès d’Eléni. Il ferait subir à sa fille un interrogatoire en règle, exigerait qu’elle mette un terme à sa carrière. A sa décharge, convint-elle, embrasser à pleine bouche une relation de travail n’était pas du meilleur effet.

Comment se tirer de ce désastre ? Elle avait besoin d’écrire cet article. Si celui-ci était bon, peut-être son père réviserait-il ses positions. Après tout, cela ferait grimper les ventes et son père était un homme d’affaires avant tout. Elle devait donc faire en sorte que son papier fût digne du prix Pulitzer. Rien que ça ! ricana-t?elle en haussant les épaules, se souvenant par ailleurs des remarques de Georgia sur Joshua. Sa haine des journalistes était de notoriété publique et il n’accordait jamais d’interviews.

Kit acheva de se rincer les cheveux, se rejouant en pensée le scénario de la nuit dernière. Joshua Parker l’avait embrassée. Deux fois. Elle posa un doigt sur ses lèvres. Jamais elle n’avait éprouvé de sensations aussi intenses. Oh, bien sûr, certains hommes l’avaient attirée par le passé, mais le désir que Joshua suscitait en elle n’avait rien de commun avec ce vague émoi qu’elle avait ressenti avec d’autres. Joshua… En soupirant, elle s’empara d’un drap de bain et se sécha, rêveuse. Puis elle bâilla, s’étira longuement tout en nouant une serviette autour de ses cheveux et sortit enfin de la salle de bains.

Il était là. En personne. Assis sur son lit. A cette seconde, Kit surprit dans le miroir son propre reflet, image fugitive d’un visage déformé par la stupeur et la gêne.

— Joshua commençait à s’impatienter, lança Georgia. Il a préféré se mettre à l’aise.

— Je vois ça, marmonna Kit, incapable d’ajouter un mot.

Elle fixa l’intrus. Oui, bien sûr, il n’y avait pas de fauteuil dans la cabine et il n’avait eu d’autre choix que de s’asseoir sur son lit. Un lit défait. Encore chaud, certainement, de sa courte nuit. Revêtu d’un short kaki et d’une chemise bleu marine, ses longs cheveux ramenés en arrière, il paraissait en excellente forme.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 12-12-09 11:53 PM

— Bonjour, Kit. Enfin réveillée ? Et cette migraine ? lança-t?il gaiement en promenant les yeux sur les jambes nues de la jeune femme.

Kit frissonna sous le regard indécent avec le sentiment désagréable d’être prise au piège. L’air soupçonneux, elle se tourna vers Georgia, qui s’exclama :

— Je voulais te prévenir hier soir que nous prendrions le petit déjeuner avec Joshua, mais tu dormais à poings fermés. Elle s’interrompit, puis confia à Joshua : Elle ne nous a même pas entendues rentrer.

— Je veux bien le croire, commenta-t?il en souriant. Elle était très fatiguée.

Mais à quoi jouaient-ils, tous les deux ? se demanda Kit, agacée, en passant une main dans ses cheveux. Ses cheveux ? Elle rougit et retira d’un geste sec la serviette qui les entourait, avant de marmonner :

— Je dois me sécher les cheveux.

— Eh bien, au point où nous en sommes, nous pouvons bien attendre encore un peu, soupira Georgia.

Le regard pénétrant de Joshua braqué sur elle, Kit se détourna et s’empara du séchoir. Il lui fallut moins de deux minutes — record absolu — pour se coiffer.

— Je suis prête, annonça-t?elle enfin en venant se poster devant Joshua, la main tendue. J’ai juste besoin de prendre mes chaussures, là, dans ma valise… sous la couchette.

Sans la quitter du regard, Joshua écarta docilement ses jambes puissantes, mais ne daigna pas bouger. Ce fut au prix d’improbables contorsions pour éviter de le toucher que Kit parvint à s’agenouiller et à s’emparer de ses chaussures. Impatiente de rompre cette proximité, sans doute se précipita-t?elle trop, car elle ne réussit qu’à perdre l’équilibre et à s’affaler sur les fesses. Hors d’elle, elle se redressa vivement, enfila ses chaussures et, tête haute, emboîta le pas à Georgia qui sortait déjà de la cabine.

Joshua la rattrapa en quelques foulées et tous deux côte à côte suivirent ainsi Georgia, qui ouvrait la marche.

— Vous êtes ravissante sans maquillage, chuchota-t?il.

— Enchantée que ça vous plaise, marmonna-t?elle sans ralentir le pas. Non, c’est faux. En réalité, je m’en moque, corrigea-t?elle.

A cet instant, Joshua lui prit la main et la força à s’arrêter pour lui faire face.

— Une nouvelle journée commence, dit-il en la regardant droit dans les yeux. Faisons en sorte de partir du bon pied. Oubliés avion, danse et casino ! D’accord ?

Kit le dévisagea. Elle crut un instant qu’il allait l’embrasser et inconsciemment, elle écarta les lèvres. Toutefois, il n’en fit rien et ne parut même pas remarquer son trouble. Au contraire, il enchaîna :

— Pas de sarcasmes, pas d’allusions. Essayons de passer un peu de temps ensemble, simplement, en toute amitié. Voulez-vous ?

— Hé, vous venez, tous les deux ! les interpella Georgia. J’en ai assez de retenir la porte de cet ascenseur et je meurs de faim !

— Vous voulez bien ? répéta Joshua, l’air grave.

Kit, tremblante, ne répondit pas. Pourquoi voulait-il passer du temps avec elle ? Tout ça n’avait pas de sens. Mais avait-elle le choix ? Elle devait absolument écrire cet article sur lui. Son avenir en dépendait. Encore fallait-il trouver le moyen de lui faire accepter l’interview.

— D’accord, finit-elle par opiner en s’éloignant aussitôt, déconcertée par le désir qu’elle avait de l’embrasser encore.

— Parfait, renchérit Joshua.

Il s’empressa de revenir à sa hauteur et lui reprit le bras.

— J’adore cet ascenseur, remarqua Georgia comme les portes s’ouvraient sur le pont supérieur. C’est si pratique ! Hé, regardez dans la piscine : le Jacuzzi fonctionne !

Kit et Joshua échangèrent un regard amusé, presque complice, et la jeune femme se prit soudain à espérer. Oui, il finirait par lui accorder cette interview, décida-t?elle, c’était juste une question de temps.

Toujours dans le sillage de Georgia, Joshua et Kit rejoignirent Becca et Paula, installées à une table de 5, à la terrasse du Voyager Café.

— Pas trop tôt ! la salua Paula en soulevant ses lunettes de soleil pour observer Kit. Nous nous demandions si tu n’étais pas tombée dans le coma.

— Non, je dormais, c’est tout. Je dors si peu à New York !

Kit s’assit et regretta aussitôt de ne pas avoir emporté ses lunettes de soleil. Avec les siennes, Joshua était tout à fait sexy. Et agaçant. Car elle ne pouvait distinguer ses yeux, le seul moyen dont elle disposait pour connaître ses pensées.

— Becca et moi, nous n’avons pas pu attendre. Nous sommes allées nous servir. Le buffet est juste là, expliqua Becca en pointant le doigt vers l’intérieur du Voyager Café.

— Allons-y, dit Joshua.

Kit le suivit jusqu’au buffet, où elle se servit un muffin aux myrtilles et une grappe de raisin.

— C’est tout ? s’exclama Joshua en déposant trois gaufres dans sa propre assiette, complétant ainsi le plateau où trônaient déjà saucisses, œufs et fruits divers.

— Je ne suis pas encore acclimatée, répondit-elle en se servant un verre de jus d’orange.

Comme il devait patienter pour quelques tranches de bacon, elle l’abandonna et retourna à la table. Confortablement installée, elle chercha alors Joshua des yeux. Joshua, incorrigible star ! En ce moment même, il se trouvait en pleine discussion avec une fan.

— J’espère que tu me raconteras tout, Kit, murmura Georgia avec des airs de conspiratrice. Joshua m’a littéralement sauté dessus hier soir. Il voulait te présenter des excuses, ou quelque chose comme ça, et j’étais la dernière personne avec laquelle il t’avait vue. Imagine ma surprise… Enfin, j’ai fini par lui expliquer que nous partagions la même cabine. J’ai fait mieux : je suis allée lui montrer où c’était. Mais tu n’étais pas là.

Kit dégusta consciencieusement un grain de raisin, le temps de digérer ce que Georgia venait de lui révéler.

— Où t’étais-tu donc cachée ? Comme il ne t’a pas vue, il est reparti à ta recherche.

— Je jouais au black-jack au casino, marmonna Kit en s’interrogeant sur l’entêtement de Joshua à retrouver sa trace. Mais rassure-toi, il a fini par me repérer et m’a ensuite ramenée jusqu’à la cabine, conclut-elle.

— Au black-jack ? répéta Paula, bouche bée. Au casino ? Mais Georgia nous a dit que tu étais allée te coucher.

— Après le départ de Georgia pour la salle de spectacles, impossible de fermer l’œil, expliqua Kit.

— Je vois, commenta Paula, visiblement impatiente d’en savoir plus.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 12-12-09 11:53 PM

— J’ai joué à une table tenue par un croupier mignon à croquer. J’ai même gagné 50 dollars. Ensuite, Joshua m’a raccompagnée.

A cet instant, observant l’intéressé qui se faufilait entre les tables, Paula remarqua :

— Je comprends mieux maintenant. Au buffet, après la diffusion des derniers épisodes de la série, il est venu vers nous et a insisté pour que nous partagions le petit déjeuner de ce matin. Evidemment, Georgia a tout de suite accepté.

— Tu imagines ? se pâma celle-ci. Joshua Parker qui m’adresse la parole comme à une vieille connaissance ! A moi ! Comment aurais-je pu refuser ?

— Oui, bien sûr, approuva Kit en mordant dans son muffin.

Ainsi donc, après l’avoir quittée, Joshua s’était rendu à la salle de spectacle. Il avait comploté avec ses co-locataires. Qui sait, peut-être même était-il allé s’expliquer avec Connor ? se demanda-t?elle en tressaillant de plaisir à cette idée.

— Est-il resté longtemps au buffet hier soir ? s’enquit-elle.

— Assez longtemps pour mettre cette rencontre au point, répliqua Paula, qui ajouta en riant : Attention, Georgia, notre entremetteuse en chef, vous a déjà mariés !

— Je n’ai jamais dit ça ! se défendit Georgia en riant elle aussi.

— Il n’y a pas de danger, riposta Kit. Mon père essaie de me marier depuis des années. La dernière fois, c’était avec son filleul préféré, un type qui, gamin, ne savait que me tirer les cheveux et glisser des grenouilles dans mes T-shirts ! Ne le prends pas mal, Georgia, mais tu perds ton temps.

— Oh, je ne le prends pas mal, répondit celle-ci. Sache néanmoins que j’ai vu juste trois fois de suite en la matière. Il y a eu ma cousine Beth, puis…

— Alors, comment est-ce ? les interrompit Joshua en prenant le siège près de Kit.

— Délicieux, mentit-elle.

La proximité soudaine du nouveau venu la troubla soudain, au point qu’elle éprouva autant de mal à avaler son muffin que s’il s’était agi d’un pavé de sable.

Elle demeura silencieuse le reste du petit déjeuner tandis que Georgia, Becca, Paula et Joshua discutaient comme de vieux amis.

— Encore quinze minutes et la foire aux questions commence, annonça soudain Georgia.

— Becca et moi allons réserver les places, s’empressa de dire Paula. Terminez tranquillement votre petit déjeuner. A quelle heure devez-vous y être ? demanda-t?elle à Joshua.

— J’ai encore un peu de temps. Bill doit déjà veiller à ce que tout soit prêt. Nous serons tous à l’heure, excepté Tatiana, bien sûr, qui aura comme à son habitude 10 bonnes minutes de retard !

— Nous nous sommes inscrites pour la visite de Nassau en bateau cet après-midi, enchaîna Georgia en s’adressant à Joshua. Toutes, sauf Kit. Elle préfère visiter la ville.

— Oh, intéressant, remarqua Joshua en se tournant vers Kit. Je meurs d’envie de découvrir les vieux quartiers de Nassau…

— Que voulez-vous dire ? Que nous pourrions faire cette visite ensemble ? interrogea Kit, mal à l’aise.

— Quelle merveilleuse idée ! s’exclama Georgia avec un sourire radieux. Pourquoi ne loueriez-vous pas un scooter ? Ce doit être follement amusant. Oh, comme je regrette de ne pouvoir vous accompagner !

Elle s’interrompit et se tourna vers Joshua, auquel elle confia :

— Savez-vous que Kit en est à son troisième passeport ? Et il est déjà plein, vous imaginez ?

— Allons, Georgia, cela n’intéresse personne, protesta Kit, agacée.

— Oh, mais si ! Vous pourriez discuter de tes voyages tous les deux, ce serait une bonne occasion de mieux vous connaître. Tu ne crois pas, Kit ?

Préférant ravaler sa réponse à l’aide d’une bouchée de muffin, Kit baissa les yeux, en proie à une colère sourde. A sa grande surprise, Joshua approuva aussitôt :

— C’est une excellente idée, en effet !

Et voilà qu’il s’arrangeait à présent avec cette pipelette de Georgia pour décider de son emploi du temps !

— Et j’en profiterai pour l’inviter à déjeuner, renchérit Joshua en lui adressant un clin d’œil qui la fit rougir jusqu’aux oreilles.

— Surtout pas dans l’un de ces restaurants sans âme, conseilla Georgia, le plus sérieusement du monde. Choisissez un endroit chaleureux et authentique.

Tout en sirotant son jus d’orange, Kit observa Georgia, sidérée, puis jeta un regard discret sur Joshua. Un instant, elle hésita à intervenir, mais elle y renonça. Mieux valait s’abstenir de contrarier ou de fâcher Joshua Parker. Après tout, passer toute une journée en sa compagnie présentait un sérieux avantage. Mine de rien, elle pourrait en effet mener son interview sans même qu’il s’en rendit compte. Oui, l’idée était excitante…

— Vous êtes d’accord ? l’interrogea-t?il en cherchant à déchiffrer son regard.

— Très bien, dit-elle, cachée derrière sa serviette.

Joshua se détourna pour poursuivre sa discussion avec Georgia et Kit replongea dans ses pensées. Jamais elle n’avait eu l’occasion de réaliser des reportages qui fassent la une du magazine de son père. Sujets pas assez vendeurs, tel était chaque fois le verdict. Pire encore, son père ne l’autorisait pas à signer ses papiers de son vrai nom. Mais l’interview exclusive de Joshua Parker pourrait peut-être changer les choses ? Si elle réussissait ce coup médiatique d’interviewer l’homme qui détestait la presse, son père serait bien obligé de reconnaître son mérite.

Elle soupira. L’idée d’interviewer Joshua à son insu lui déplaisait. Oui, au fond, elle se moquait bien de cette satanée interview. Elle se réjouissait en revanche de passer simplement la journée avec lui. Rien qu’elle et lui.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 18-12-09 07:26 PM

chapitre 6

— Hé, n’essayez pas de vous échapper ! s’exclama Joshua en venant s’asseoir près d’elle.

La foire aux questions venait de se terminer et les fans s’agitaient en voyant leur idole dans la salle.

— Venez, sortons, ajouta-t?il avec un sourire en lui prenant le bras.

Il l’entraîna jusqu’à l’escalier qui menait au solarium.

— Enfin seuls, dit-il une fois sur le pont supérieur en se tournant vers elle, tout sourire. J’ai une foule de questions à vous poser, Kit. Par exemple, avez-vous bien dormi ?

Elle rougit légèrement, intimidée par tant d’aisance, tandis qu’ils longeaient les vitrines des boutiques de luxe du navire.

— J’ai l’impression d’être passée sous un train, articula-t?elle en s’efforçant de cacher son trouble.

— Pas de rêve ? Pas même de moi ? Quel dommage ! plaisanta-t?il. J’estime que vous me devez cette journée, en dédommagement.

— Bien sûr, acquiesça-t?elle avec un petit rire, se détendant enfin. Vous savez, je me suis fait un cinéma à votre sujet… Je vous prenais pour un vulgaire cow-boy qui passe son temps à cheval sur les plaines du Texas ou du Montana.

— Vous n’êtes pas loin de la vérité, affirma Joshua. Je suis né dans une ferme près de Québec, entre les cochons et les vaches. Enfant, je voulais devenir champion de rodéo. J’ai également joué au hockey, mais mon père a mis fin à ma carrière lorsque je me suis cassé le bras. J’ai toujours aimé la rudesse et l’authenticité de ce pays et d’ailleurs, il y a un an, j’ai acheté une ferme là-bas, dans la région des lacs. Actuellement, la maison est en travaux. Tenez, voilà la sortie.

Ils présentèrent leur carte de croisiériste qui enregistra leur descente, puis quittèrent le navire. Aussitôt, la canicule qui régnait sur Nassau les submergea. Ignorant les taxis en faction sur l’embarcadère, ils marchèrent un moment le long du quai, avant de remonter la voie piétonne qui menait au centre-ville. Plongée dans la lecture de la carte de Nassau qu’elle tenait à la main, Kit avançait, tête baissée, sans s’apercevoir que son compagnon s’était arrêté pour parler au cocher d’une calèche. Soudain, Joshua la rattrapa.

— Hep ! dit-il en l’attirant dans ses bras. Attention, nous sortons de la zone piétonne !

Comme pour confirmer ses dires, un taxi les frôla à cet instant. Joshua entraîna la jeune femme sur le trottoir, en sécurité. En sécurité n’était pas le mot juste, réalisa-t?elle en tressaillant. Dans sa cabine, oui, elle se serait sentie en sécurité, à l’abri du dilemme auquel elle était à présent confrontée. Elle s’arracha aux bras qui l’enlaçaient, cala ses lunettes de soleil sur son nez, puis s’éloigna d’un pas rapide. Joshua revint aussitôt à sa hauteur.

— Du calme ! Où courez-vous ainsi ? lui lança-t?il. Nous nous trouvons en pleine zone commerçante. Que voulez-vous faire ? Boutiques, musées ?

Il tenait à le savoir, vraiment ?

Elle reprit son chemin, exaspérée autant que troublée par cet homme qui représentait tant pour son avenir. Son avenir professionnel, bien évidemment, se mentit-elle, heureuse de pouvoir l’observer à son insu, bien cachée derrière ses lunettes de soleil.

— Je ne sais pas trop, répondit-elle en jetant un œil distrait sur les vitrines des boutiques détaxées. En voyage, j’aime bien regarder simplement autour de moi.

— Moi aussi, approuva Joshua d’un air songeur. Georgia m’a dit que vous aviez beaucoup voyagé.

— Georgia a la langue un peu trop bien pendue, je trouve.

— Elle adore parler.

Aucun doute là-dessus. Kit s’abstint de surenchérir et s’arrêta pour observer les façades roses et les colonnades blanches de grandes demeures en briques. Un peu plus loin, elle admira la statue de la reine Victoria.

— Et vous, vous aimez voyager ?

— Oui, beaucoup, répondit-il, souriant. L’été dernier, j’ai passé cinq semaines à sillonner l’Europe, chargé de mon sac au dos, confia-t?il. Cela restera l’une des expériences les plus enrichissantes de ma vie.

— Mes parents ne m’ont jamais autorisé ce genre d’aventure, regretta-t?elle. Oh, bien sûr, j’ai eu droit à mon expérience parisienne. Chez des amis de mon père. Quel ennui ! Jamais, en tout cas, je ne me suis enfuie au bras d’un certain Pierre, comme l’a prétendu la presse à l’époque.

— Ah, cette presse, quelle plaie ! soupira Joshua.

— On n’a pas cessé d’écrire des mensonges à mon sujet. Un jour ou l’autre, on annoncera que j’ai donné naissance à un extraterrestre.

— Voilà pourquoi je n’accorde plus d’interviews. La moindre parole prononcée est déformée. Pas question d’endosser la paternité de petits hommes verts !

Kit éclata de rire en dépit de sa frustration. Il n’accordait pas d’interviews, très bien, mais elle, elle avait besoin de l’interviewer ! Alors ? Comment devait-elle s’y prendre ? Cette promenade était l’occasion rêvée. La chance de sa vie !

— Et, euh…, reprit-elle, vous comptez voyager, cet été ?

— Non. L’heure du retour a sonné, répondit-il d’un air soudain lointain.

Kit le considéra avec intérêt, intriguée par la gravité de l’expression masculine. Peut-être tenait-elle là quelque chose qu’elle pourrait exploiter dans son papier ? Elle écarta cette idée. En réalité, elle trouvait Joshua changé depuis la nuit dernière. Oh, bien évidemment, il gardait son magnétisme, cette aura qui le rendait irrésistible. Néanmoins, avec le Joshua qui se trouvait aujourd’hui à ses côtés, elle se sentait sereine, presque détendue. Elle appréciait également sa conversation, d’autant que celle-ci prenait un tour plus personnel. Un instant contrariée par un sentiment de culpabilité, Kit se défendit néanmoins, en son for intérieur, de vouloir utiliser Joshua à ses fins.

— Le retour ? Où donc ? demanda-t?elle.

— Après Québec, j’ai grandi à Canandaigua, dans la région des lacs. Là-bas, la nature offre un spectacle somptueux. Maman s’y était installée après son divorce avec mon père, puis elle s’est remariée et nous avons déménagé à Albany. Ensuite, elle a de nouveau divorcé.

— Oh, lâcha Kit, amusée. Des frères et sœurs ?

— Deux demi-frères du second mariage de maman et deux sœurs aînées de son mariage avec papa. Tous vivent à New York ou au Canada. Et vous ?

— Un frère, Cameron. Mon aîné de quatre ans, toujours célibataire. Oui, il doit avoir votre âge. Un vrai play-boy, très attaché à sa liberté.

Tournant la tête pour admirer la vue pittoresque du vieux Nassau, Kit ne vit pas le regard étrange que lui lança Joshua à cet instant. Ils bifurquèrent au coin d’une rue et elle comprit alors qu’ils étaient revenus sur leurs pas.

— Le cocher nous attend, dit Joshua en désignant une calèche.

L’homme lui adressa un sourire enjôleur lorsqu’elle s’installa sur la minuscule banquette, serrée contre Joshua. Un coup de fouet claqua dans les airs et la calèche s’ébranla à travers les rues de la ville. Kit décida de se laisser aller et de profiter sans arrière-pensée de la visite. Joshua, devenu guide pour l’occasion, s’efforçait avec humour de lui commenter les curiosités des différents quartiers.

— C’est magnifique, apprécia-t?elle alors que la calèche s’arrêtait devant une place aux faux airs d’Angleterre.

— Ravi que ça vous plaise, répondit Joshua en posant sa main sur celle de la jeune femme.

Elle frémit instantanément à cette caresse. Elle se moquait de sa cheville comme de sa première minijupe.

— Racontez-moi, Joshua, se força-t?elle à demander afin de rompre le charme dans lequel la plongeait leur contact. Comment vous est venue l’idée d’écrire des séries télé ?

— Oh, pour être franc, c’est le hasard qui a décidé pour moi. Vous savez, je n’ai jamais été bon élève. Ce qui faisait le désespoir de mon père. Il nourrissait de si grandes ambitions pour moi…

— Mais vous avez réussi. Des millions de fans adorent la série que vous avez créée.

— Oh, mon père se moque bien de cette série, s’exclama Joshua avec une ironie un peu amère. Il se considère comme un gentleman et pour lui, certaines activités sont méprisables.

Kit ne trouva rien à dire. L’amertume de Joshua lui était si familière ! Oui, ils se ressemblaient, d’une certaine façon. Ce fut avec horreur qu’elle considéra soudain l’éventualité de révéler l’intimité de Joshua au grand public. En proie à un doute de plus en plus pesant, elle se recroquevilla sur la banquette, tandis que Joshua reprenait la parole :

— J’ai commencé à écrire et à vendre des scénarios ici et là. Ma chance a été de rencontrer Bill Davies. Il y a neuf ans, il m’achetait le concept de La dernière frontière. Et voilà ! conclut-il en regardant autour de lui. Où sommes-nous donc ?

— Je suppose que notre cocher ne peut pas se perdre, remarqua-t?elle.

— Oui, vous avez raison. Laissons-le faire.

Derrière ses lunettes, Kit ferma les yeux, la nuque appuyée au dossier en cuir de la banquette. Son cerveau s’était mis à analyser les informations fournies par Joshua. Elle avait le sentiment qu’à travers ce récit hâtif et lisse, il cherchait à donner le change en évitant soigneusement d’approfondir certains faits. Mais lesquels ?

Perdue dans ses pensées, elle se mordilla la lèvre inférieure. A l’évidence, Joshua et son père n’entretenaient plus guère de relations. Ils ne se comprenaient pas. Dans sa famille à elle, c’était son père qui ne la comprenait pas plus. Si tel n’était pas le cas, elle ne serait pas, en ce moment même, en train de se débattre dans cette situation pour le moins fâcheuse, à tenter de savoir ce qu’elle devait faire.

Mieux valait lancer Joshua sur un autre sujet, moins sensible, un sujet sans rapport avec la famille. Elle rouvrit les yeux et se tourna vers lui :

— Où nous emmenez-vous ? s’enquit?elle.

— Le Fort de la reine. Beaucoup de marches ! s’interposa brusquement le cocher avec un accent à couper au couteau qui la fit rire. Moi attendre vous en bas.

— Curieux, remarqua Kit lorsqu’ils descendirent du véhicule. Je ne vois aucune autre calèche dans les environs.

— Je lui ai donné un extra pour qu’il nous conduise hors des sentiers battus, répondit Joshua. Il n’a pas le droit, en principe. Cela pourrait lui valoir sa licence.

— Oh oh ! Je vois d’ici les gros titres : O’Brien et Parker soudoient un cocher !

Elle se mit à rire, puis leva son visage vers le soleil brûlant. A vrai dire, elle se moquait pas mal des tabloïds en cet instant. Un guide les accueillit et ils se dirigèrent vers le fort.

— Impressionnant ! s’extasia Kit devant les remparts.

— Faisons le tour, voulez-vous ? suggéra Joshua en lui prenant la main.

Abandonnant alors sa main à Joshua, elle se laissa entraîner.

Tandis que Joshua cheminait vers le Fort de Fincastle, son esprit s’intéressait à tout autre chose qu’au monument édifié en 1793 par Lord Dunmore. Peu lui importait les vieilles pierres et les canons rouillés. Il jouissait simplement du bonheur de partager cette journée avec la pétillante Kit O’Brien.

Il adorait sa spontanéité, sa façon de s’enthousiasmer. Malgré la migraine, elle manifestait une curiosité attendrissante pour tout ce qu’elle ne connaissait pas. Elle voulait tout voir, tout faire. Il comprenait à présent pourquoi il arrivait qu’elle fût désignée comme fantasque et irresponsable par la presse. En réalité, elle était impulsive, gourmande de connaître, de sentir. Oui, elle mordait la vie à pleines dents, inconsciente et libre. Quelle chance, se dit-il en l’observant, car en cas de besoin, papa était là, qu’elle le veuille ou non. Oui, elle ne se rendait pas compte de la chance qu’elle avait de pouvoir ainsi compter sur son père.

Joshua la regarda caresser les blocs de pierre des murs de l’enceinte. Son propre père ne s’était jamais montré aussi compréhensif avec lui, encore moins généreux. Même lorsque Joshua l’avait supplié de lui pardonner.

Machinalement, il emboîta le pas à Kit. Elle s’était mise dans l’idée de gravir l’escalier vertigineux qui conduisait à l’une des tours du fort. Une fois en haut, ils admirèrent en silence le panorama sur le littoral.

— Regardez ! s’exclama soudain la jeune femme, on aperçoit l’Island Voyager. Quel dommage que je n’ai pas emporté mon appareil photo.

— Oh, vous devriez trouver sans mal une carte postale. Mais venez maintenant. Je voudrais vous montrer quelque chose d’autre.

— Quoi donc ? demanda Kit, manifestement excitée.

— Chut ! Suivez-moi.

Joshua revint sur leurs pas, jusqu’à une lourde porte de chêne qui s’ouvrit en grinçant. Une petite pièce apparut, éclairée seulement par la lumière du jour qui filtrait par une lucarne ouverte dans la porte. Il aida Kit à descendre l’unique marche qui menait dans la pièce humide et froide, puis il referma derrière eux.

— Je crois que c’est le cachot, murmura-t?il en lui prenant tendrement le bras, troublé de la savoir soudain toute à lui, prisonnière.

— Ou peut-être le garde-manger, répliqua-t?elle, pragmatique.

— Je ne crois pas.

Plongeant ses yeux dans ceux de la jeune femme, qui étincelaient dans la pénombre, il s’approcha d’elle et lui caressa la joue.

— Que… faites-vous ? bredouilla-t?elle, visiblement troublée.

— Nous sommes seuls ici, répondit-il. A l’abri. Pas de témoins, pas d’appareils photo.

Il l’attira contre lui et l’obligea à lever son visage vers le sien, puis, lentement, il avança ses lèvres et l’embrassa. Kit ne résista pas et, au contraire, lui rendit instantanément son baiser, avec une fièvre, une passion qui l’enflamma. La seconde d’après, elle glissait les doigts dans ses cheveux et se hissait contre lui, pressant ses seins contre son torse.

Un bruit de pas et des voix toutes proches le contraignirent soudain à s’écarter. Pas question de se faire une nouvelle fois piéger par une chroniqueuse en mal de scoop !

— Je crois qu’il se passe quelque chose entre nous, chuchota-t?il en effleurant la joue de Kit, qui le fixait, sa bouche encore humide tendue vers lui.

L’arrivée inopinée d’un guide et d’un couple de touristes dans le cachot permit à Kit de s’épargner de répondre.

— Partons, murmura Joshua à son oreille.

Ils sortirent aussitôt et il eut brutalement conscience d’avoir été métamorphosé. C’était comme s’il avait eu une révélation. Il désirait cette femme. Follement. Et à la manière dont elle avait répondu à son baiser, il savait qu’elle le désirait tout autant. Oui, il voulait Kit dans son lit, c’était aussi simple que ça. Aussi déstabilisant. Oh, il ne se faisait pas d’illusions. La riche héritière et lui, le futur fermier, n’avaient pas les mêmes valeurs. Certes, mais leur désir physique, en tout cas, était réciproque.

Ils dévalèrent le chemin et aperçurent bientôt leur cocher qui agitait les bras. A vrai dire, songea Joshua, étant donné le temps que lui et Kit avaient passé dans le fort, nul doute qu’il devrait s’acquitter d’un pourboire supplémentaire, en plus du bonus, et même de l’extra…

Kit ne parvenait pas à croire à sa chance. Ce matin encore, en apprenant que Joshua était son interviewé, elle avait été anéantie. Mais après tout, quelle importance ? En y réfléchissant, personne n’attendait d’elle qu’elle réalise une interview classique, dans les règles de l’art. Il lui suffirait de noter ses impressions, tout simplement ! Ainsi, Joshua ne se douterait de rien et elle n’aurait elle-même rien à lui demander. Et puis, elle ne cherchait pas à se servir de lui, elle voulait seulement apprendre à le connaître. Oh oui, se dit-elle, confiante, apaisée, tout était finalement pour le mieux.

Souriant aux anges, elle s’installa confortablement sur la banquette de la calèche, tandis que Joshua négociait à voix basse un tarif avec le cocher, visiblement trop heureux de l’aubaine. Au coup de sifflet, la jument se mit à trotter gaiement, rejoignant les rues étroites du centre-ville. L’air était doux et pour la première fois peut-être depuis son enfance, Kit se sentit bien, détendue et sereine. Si sereine qu’elle prit doucement la main de Joshua dans la sienne. Surpris, il la regarda, puis lui sourit et serra sa main.

— Je suis heureux de partager ce moment avec vous, chuchota-t?il.

Elle sentit son cœur se serrer. Que lui arrivait-il ? Elle ne connaissait Joshua que depuis vingt-quatre heures et déjà, elle fondait à la moindre de ses paroles. Brusquement, malgré le soleil tropical, elle frissonna. Et le seul moyen qu’elle trouva pour résister au tourbillon de ses émotions fut de se concentrer sur sa mission.

— Je suppose que cette journaliste doit vous interviewer ? lança-t?elle soudain sur un ton léger.

— Pardon ? Qui ? Ah, Marilyn ? marmonna Joshua. Certainement pas ! Je ne veux plus entendre parler d’interviews. Fini. Terminé.

— Ah…

Elle s’en voulut d’avoir à ce point manqué de discernement. Mieux valait ne pas attirer l’attention de Joshua sur ce sujet. La minute suivante, leur calèche s’immobilisait devant la terrasse d’un restaurant.

— Notre cocher prétend qu’il s’agit de la meilleure table de la ville, expliqua Joshua. Si c’est vrai, je lui ai promis de lui donner une petite rallonge.

Il conclut sa remarque d’un clin d’œil avant d’éclater de rire. Complice, Kit l’imita. Plus tard, songea-t?elle, une fois que chacun serait retourné à sa vie, à ses affaires, à ses amours, ils souriraient, nostalgiques, au souvenir de ces bonus, extra et autres pourboires accordés un jour à un cocher de Nassau…

— Je meurs de faim, s’exclama-t?elle en s’arrachant à ses pensées. C’est certainement l’air des tropiques.

— Certainement, renchérit Joshua en plongeant ses yeux dans ceux de Kit.

Le cocher bondit à cet instant sur le trottoir et présenta sa main gantée à la jeune femme, qu’il aida à descendre de la calèche.

— Venez ! Suivez-moi ! leur lança-t?il. Vous, manger !

Joshua et Kit s’engouffrèrent à sa suite dans le restaurant. Aussitôt, une hôtesse vint les saluer, tandis que le cocher disparaissait dans l’arrière-salle. L’hôtesse les mena à une table pour deux, isolée de la foule des clients.

— Voilà un restaurant authentique des Bahamas comme l’aimerait Georgia, fit remarquer Joshua. Que souhaitez-vous manger ?

— Des plats authentiques, bien sûr ! répondit Kit, rieuse, tout en examinant sa chaise en bambou tressé. Si vous saviez ce que j’ai eu l’occasion de consommer au cours de mes voyages ! Des petites bêtes, des grosses…

— Moi, je me *******erai de poulet, l’interrompit-il en consultant la carte.
— Oh, laissez-moi choisir pour vous ! lança-t?elle, lui arrachant le menu des doigts. S’il vous plaît ! Et promettez-moi de manger ce que j’aurai commandé. Osez ! Après tout, vous êtes en vacances !

— Du moment que mon estomac le supporte, remarqua-t?il, l’air peu enthousiaste.

Il ne regretta pas de l’avoir suivie. Lui si peu aventureux généralement sur le plan gastronomique, dégusta avec un immense plaisir les plats les plus épicés et insolites qu’il ait jamais vus dans son assiette. Oui, ce déjeuner se révéla un régal. Autant que la compagnie.

Kit ne ressemblait à aucune des femmes qu’il avait fréquentées. Enfant gâtée, peut-être, mais surtout, innocente et fraîche. Et son sourire ! Joshua était incapable de détacher son regard du visage féminin lorsqu’elle souriait. D’imperceptibles sillons se dessinaient alors autour de ses yeux et deux fossettes se creusaient dans ses joues. Oh, certes, elle n’était certainement pas la plus belle femme avec laquelle il fût sorti, mais c’était sans aucun doute la plus naturelle. Même sans maquillage, elle resplendissait. Tandis qu’elle savourait sa glace, il promena les yeux sur elle.

Aucun doute, convint-il en observant ses épaules, son cou, ses seins… Réprimant un frisson de désir, il tressaillit. Oui, il avait envie de faire l’amour avec elle. Peut-être cela l’aiderait-il à guérir. Car depuis leur rencontre, il ne se passait pas une minute sans qu’il pensât à elle. A croire qu’elle lui avait décoché une flèche empoisonnée en plein cœur. Et ailleurs. Oui, faire l’amour avec elle agirait comme un antidote, il en était convaincu. Et puis ? Et puis rien ! De toute manière, elle n’était pas faite pour lui, il le savait.

Ils étaient comme le feu et la glace. Incompatibles. Tandis qu’elle ne cessait de tourmenter son père, lui s’efforçait de renouer avec le sien. Elle vivait à cent à l’heure ; lui ne souhaitait plus qu’emprunter les chemins de traverse. Il recherchait le calme et la paix ; elle vivait pour le strass et les paillettes.

Non, lui et Kit O’Brien ne pouvaient espérer partager autre chose qu’une aventure, quelques heures de plaisir. Et même s’ils faisaient l’amour, il doutait de pouvoir compter sur sa discrétion, elle qui semblait ne vivre que pour le regard des médias.

Non, Kit ne pourrait jamais comprendre le conflit qui l’opposait à son père. Après avoir réduit à néant les ambitions politiques de ce dernier et affiché tout son mépris à l’égard de sa nouvelle épouse, Joshua savait que la réconciliation lui appartenait. C’était à lui à faire le premier pas, à lui de ravaler son orgueil. Oui, il devait bien ça à l’homme dont il avait détruit le rêve.

Joshua continua d’observer Kit, fasciné par le décolleté de son débardeur, par la rondeur délicate de ses seins si délicieusement suggérés sous le coton. La gorge sèche, il s’empressa de détourner les yeux. Aimer ce corps devait être une expérience fabuleuse.

— Vous allez bien ? s’enquit-elle, l’air soucieux, le ramenant à la réalité.

— Oh, oui, oui, répondit-il. Pourquoi ?

— Vous étiez en train de m’observer.

— Où est le mal ? Vous êtes très belle.

Elle rougit et faillit en lâcher sa fourchette.

— Vous n’avez plus faim ? Déjà ? Vous ne voulez pas goûter les fruits du marché ?

— Non, merci, répondit Joshua, soudain morose, en agitant la main en direction du serveur.

Tandis qu’il réglait l’addition, il leva discrètement les yeux et observa les mains de Kit. Elles tremblaient. Etait-elle en proie au désir, elle aussi ? Bon sang, comme cette femme le troublait ! A la vérité, elle chamboulait tout son univers, bousculait ses repères. Il ne se reconnaissait plus, tout simplement.

Il avait désormais la certitude qu’elle le désirait tout autant que lui. Bah, une liaison ne les engagerait à rien. A condition qu’il restât vigilant. Prenant le bras de la jeune femme, il l’entraîna en silence jusqu’à la calèche, l’aida à s’installer et effleura ses cuisses en s’asseyant à son tour. C’en était trop pour lui, qui avait déjà les nerfs à fleur de peau. Il lui prit les lèvres et l’embrassa avec fièvre, brûlant d’impatience. Elle répondit d’abord avec la même ardeur, puis le repoussa, les poings plaqués contre son torse.

— On nous… on nous regarde, murmura-t?elle, le souffle court.

— Sitôt à bord, je vous enlève, murmura-t?il en faisant glisser la main sur sa nuque. J’ai envie de vous embrasser. Longtemps et partout.
Mais qu’est-ce qui clochait avec Joshua Parker ? se demanda Kit, rouge de confusion après le clin d’œil lourd de sous-entendus que lui jeta le cocher. Remontant ses lunettes sur son nez, elle tenta d’y voir un peu plus clair, tandis que, d’un coup de fouet, le bonhomme faisait accélérer sa monture. Avant Joshua, personne ne lui avait jamais parlé si directement, en termes si peu ambigus. De toute manière, elle aurait sans hésiter giflé quiconque se serait un peu trop approché d’elle.

Mais alors ? La vérité, c’était qu’en dépit de ce que pouvaient raconter les journaux, elle n’avait aucune expérience des hommes. Et les rares baisers échangés au cours des années avaient été loin de lui faire perdre la tête. Ceux de Joshua, en revanche, lui donnaient des envies de peau et de chair. Des envies de corps et de cris. Quand il l’embrassait, des images de corps nus enlacés la submergeaient. Désemparée, elle agita la tête. Suis-je en train de devenir une obsédée sexuelle ? se demanda-t?elle.

Discrètement, elle le dévisagea. Joshua provoquait-il ce genre de réactions chez toutes les femmes qu’il approchait ? Il n’y aurait rien d’étonnant à cela. C’était un homme séduisant. Georgia, Paula et Becca ne s’y étaient pas trompées. Agacée, Kit s’agita sur la banquette.

— Le marché ! claironna subitement le cocher en arrêtant la calèche.

— Oui, bonne idée ! s’exclama Joshua. Après ça, nous rejoindrons le navire à pied, ajouta-t?il en sortant son portefeuille.

Kit salua le brave homme et s’éloigna d’un pas rapide, sans attendre Joshua, qui dut courir pour la rattraper :

— Hé, où allez-vous comme ça ?

— Nulle part… Je visite, c’est tout, marmonna-t?elle en s’efforçant de dissimuler son trouble.

Elle hâta le pas, ne s’immobilisant qu’après un long moment devant un étal sur lequel étaient exposés toutes sortes de bijoux. Elle arrêta son choix sur un collier de perles en corail et entreprit de marchander avec l’artisan, qui finit par céder à l’entêtement de cette cliente peu commune.

— S’il vous plaît, dit-elle alors en tendant son nouvel achat à Joshua.

Il s’exécuta avec douceur et glissa délicatement le collier autour de son cou. Fermant les yeux, Kit se dit une nouvelle fois que les mains de Joshua avaient quelque chose de magique. Tout comme ses baisers. Elle frissonna, tandis qu’il arrangeait le collier sur sa nuque.

— Relax…, murmura-t?il.

Elle soupira. Elle avait réussi au-delà de ses espérances, après tout. Il se montrait confiant avec elle, lui parlait de choses personnelles qui, elle n’en doutait pas, lui permettraient de rédiger un article exceptionnel.

Alors pourquoi se sentait-elle si triste ? Lorsque Joshua retira ses mains de son cou, elle réprima un gémissement de déception. Il se pencha et lui sourit. Un sourire authentique. Craquant.

Oh non ! Elle n’allait pas tomber amoureuse de lui ! Certainement pas.

Amoureuse ? Mais que savait-elle de l’amour ? Non, ces sentiments inconnus qui l’agitaient ne pouvaient être de l’amour. Et puis, tout cela ne faisait que compliquer la situation. Elle ne devait pas perdre de vue la finalité de sa participation à cette satanée croisière.

Elle voulait que son père voit enfin en elle une femme indépendante. Et elle ne pouvait permettre que Joshua la distraie de son but. Coupable ? se défia-t?elle, amère, mais de quoi donc ?

En chemin vers les quais, ils prirent le temps de visiter la cathédrale, apposant même leur signature côte à côte sur le livre d’or. Kit songea que cet acte donnait à leur rencontre une tout autre ampleur. En joignant ainsi leurs noms sur cette page, il semblait qu’ils venaient de signer en tant que couple, et pour l’éternité. Un couple ?

Une fois sortis de la cathédrale, elle pressa le pas, préoccupée par cette pensée, alors que se profilait au loin la silhouette de l’Island Voyager. Dans l’air humide et lourd, elle se sentit soudain oppressée.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 02-01-10 05:10 PM

chapitre 8

— Qu… Quoi ? bafouilla Kit en rouvrant les yeux, désemparée.
— Non, Kit, tenta d’expliquer Joshua. Vos vêtements… Il ne faut pas. Demain matin…
— Quoi, demain matin ? interrogea-t?elle, au bord de la crise de nerfs.
— Vous avez besoin de vêtements, dit-il. Si vous traversez le navire en robe de soirée demain matin, toute la presse jasera. Non, il vous faudrait quelques affaires de rechange. Ainsi, vous pourrez rester auprès de moi toute la nuit. Vous réveiller dans mes bras. Vous doucher avec moi.
Comprenant enfin ce que Joshua voulait dire, Kit se détendit.
— Oh, quel programme ! s’exclama-t?elle en lui déposant un baiser sur le menton. Et où vais-je trouver ces affaires ?
Joshua ne répondit pas, trop occupé à lui rendre ses baisers, qu’il goûtait avec passion. Puis, de nouveau, il s’écarta.
— Dans votre cabine. Maintenant, commanda-t?il.
La prenant par la main, il l’entraîna dans la cabine, qu’il traversa d’un pas rapide pour sortir dans le couloir. En riant, Kit trottina jusqu’à l’ascenseur, tandis qu’il la faisait se hâter d’une tape sur les fesses.
— Imaginez que l’on nous surprenne, là, maintenant ? lui lança-t?elle, alors que les portes de l’ascenseur se refermaient sur elle.
— Cela serait tout de même moins compromettant que de vous photographier au petit matin en robe de soirée.
— C’est vrai.
Une fois à l’abri des regards, Joshua l’attira entre ses bras et la berça un moment, puis laissa glisser ses mains sur le dos, les reins de la jeune femme. Lentement, il souleva la robe et caressa les cuisses fines. Puis il la plaqua contre une paroi de l’ascenseur et ses gestes se firent plus précis, plus impatients. Kit se cambra en gémissant tandis qu’elle sentait la main masculine s’insinuer sous son slip. Elle retint un cri à l’instant précis où l’ascenseur s’immobilisait. Instantanément, ils s’écartèrent l’un de l’autre.
La seconde d’après, ils remontaient le couloir jusqu’à la cabine de Kit, qui eut toutes les peines du monde à extraire la carte magnétique de son sac, tant ses mains tremblaient. Sans un mot, Joshua s’en empara et ouvrit lui-même la porte. Une fois à l’intérieur, Kit rassembla à la hâte brosse à dents, brosse à cheveux, bermuda et T-shirt, ainsi qu’une paire de sandales et des dessous propres, affaires qu’elle jeta dans une poche estampillée aux couleurs de l’Island Voyager.
— Je suis prête, dit-elle en se tournant vers Joshua, qui s’était assis sur le lit.
Il bondit sur ses pieds et vint aussitôt l’embrasser. Sentant ses jambes se dérober sous elle, Kit recula, enlacée à lui, vers la porte. Fébrile, Joshua lui releva en soupirant la robe jusqu’aux hanches.
— Sortons d’ici tout de suite, souffla-t?il en s’écartant cependant d’elle.
— A vos ordres, chuchota-t?elle, encore tout étourdie par cette étreinte riche en promesses. Et si je laissais un petit mot à mes co-locataires pour les prévenir que je ne rentrerai pas ?
— A mon avis, elles sont déjà au courant, répondit Joshua en l’entraînant dans le couloir.
Il jeta un coup d’œil à droite, puis à gauche, avant de sortir avec des airs de conspirateur.
Quelques minutes plus tard, ils étaient de retour dans la suite de Joshua. En chemin, ils n’avaient croisé qu’un seul couple, dans l’ascenseur, au grand soulagement de Kit.
Sitôt passée la porte de la cabine, où elle se sentit enfin en sécurité, elle poussa un long soupir et se tourna vers Joshua. Elle se sentait à bout de nerfs. Et de désir.
Visiblement dans le même état, Joshua réagit avec promptitude à la prière de son regard. Il bondit et l’enlaça, cherchant avec avidité sa bouche. Libérée de toutes ses angoisses, Kit lui rendit son baiser, gémissant sous ses lèvres.
Elle aurait pu l’embrasser ainsi la nuit entière, mais elle se libéra néanmoins et, penchant la tête, offrit le cou à ses lèvres humides et chaudes. Joshua la dévora de baisers et s’empara de sa taille, de ses hanches, puis de ses seins. Kit retint un cri et se cambra, n’en pouvant plus de désir.
Joshua explora alors de la langue le décolleté en dentelle et trouva la fermeture Eclair de la robe, qu’il fit céder d’un geste sec. Puis, sans perdre du regard le visage de Kit, il fit lentement descendre les bretelles sur les épaules de la jeune femme. Sentant son corps se dénuder, Kit ferma les yeux et Joshua s’écarta pour la contempler.
— Comme vous êtes belle…, chuchota-t?il d’un ton qui la fit tressaillir.
Elle rouvrit les yeux à l’instant même où il se rapprochait pour prendre ses lèvres, puis, de nouveau, il recula et la regarda, avec la même intensité, la même volonté
Elle se tenait presque nue devant lui, sans rien d’autre que ses dessous en dentelle. Autant dire peu de choses. Le tissu ne dissimulait quasiment rien de la rondeur de ses seins, qui se dressaient maintenant sous les yeux de Joshua. Il les fixa un long moment. Enfin, son regard descendit sur le ventre, puis sur le slip de Kit.
— Comme vous êtes belle…, répéta-t?il en se rapprochant.
Kit se mordit la lèvre lorsqu’il posa les mains sur ses hanches et entreprit de lui caresser le dos, puis les épaules. Ce fut ensuite ses lèvres qui glissèrent le long du cou de la jeune femme, s’attardèrent sur la dentelle du soutien-gorge. Il ne lui fallut qu’un instant pour dégrafer ce dernier. Aussitôt, il se remit à la caresser, lui prenant les seins entre ses doigts avec douceur, mais sans se préoccuper du martyre qu’il lui infligeait. Alors, n’y tenant plus, Kit agrippa la veste qu’il portait encore et la lui arracha.
Il s’écarta et lui déposa un baiser sur le nez avant de la prendre dans ses bras pour l’emporter sur le lit.
— Vive les grands lits, murmura-t?il avec un sourire.
Kit lui sourit en retour et tandis qu’il l’allongeait sur le lit, elle l’attira contre elle. Il lui échappa et rampa sur elle, lui couvrant la poitrine de baisers, puis referma les lèvres sur un sein d’abord, sur l’autre ensuite, en des caresses d’une volupté insupportable. Dans la ferveur du plaisir, Kit referma les poings sur sa chemise qu’elle pensa un bref instant déchirer. Relevant alors la tête, Joshua murmura :
— Aidez-moi, Kit.
Sans un mot, elle s’agenouilla et l’aida à retirer sa chemise. Un long moment, elle resta à le regarder, à admirer son torse nu, puis elle s’approcha de lui et avec un soupir, plaqua ses seins contre la poitrine puissante. L’instant d’après, tremblante, elle chercha à défaire le pantalon, arrachant un gémissement à Joshua quand elle effleura le sexe dressé par le désir.
A son tour, il fit descendre sa main entre les cuisses de Kit et la caressa par-dessus le slip. Elle gémit quand les doigts experts se refermèrent sur elle. Oui, elle le désirait autant qu’il la désirait. Puis il introduisit ses doigts au-dessous du slip de dentelle et laissa échapper un râle en sentant la chair humide et chaude offerte à sa paume.
Les lèvres entrouvertes, les yeux clos, Kit le supplia. Elle crut mourir quand il interrompit ses caresses. Hors d’elle, elle se redressa et colla sa bouche à celle de Joshua, le corps désespérément tendu vers lui.
— Joshua !
Il bondit au pied du lit et se saisit d’un préservatif dans le tiroir du chevet. La seconde d’après, il revint se placer au-dessus d’elle et la pénétra, plongeant profondément en elle et déclenchant en Kit une succession de secousses d’un plaisir intense.
Joshua se raidit et chercha son regard, visiblement stupéfait. Elle murmura son nom et bougea avec lui, nouant bientôt les jambes autour de ses reins. Elle le supplia et gémit, glissa les doigts dans les cheveux épars, se cambrant pour mieux se donner à lui.
Le même orgasme les submergea bientôt, un plaisir fulgurant qui embrasa la cabine de mille étoiles incandescentes. Longtemps après, Kit était encore agitée de tremblements, son corps à la fois meurtri et épanoui, épuisé et ravi. En soupirant, elle se blottit entre les draps, les bras noués autour du cou de Joshua, refusant de le laisser s’écarter d’un seul centimètre. Silencieuse, elle lui caressa le dos tandis qu’il embrassait le creux de son cou.
— Kit, dit-il au bout d’un long moment, j’ai peur de… Je ne sais pas… d’avoir été brutal.
Ils se regardèrent. Joshua avait conscience de ce qu’elle venait de lui donner. A lui !
— Oui, il ne faut pas croire tout ce que la presse raconte, chuchota-t?elle.
— Est-ce que… je ne vous ai pas fait mal ?
— Non.
Elle lui sourit. Un sourire qui le fit fondre en même temps qu’il réveilla son désir. Rampant sur elle, il la dévora des yeux, le corps suspendu à quelques centimètres de celui de Kit.
— Qu’avez-vous fait de moi, Joshua Parker ? demanda-t?elle en posant les mains sur ses reins, avec un sourire diabolique cette fois.
Elle était belle. Femme. Sensuelle.
— Et vous, de moi, Kit O’Brien…

Kit s’éveilla en sursaut. Le martèlement des moteurs de l’Island Voyager avait cessé, indiquant que le navire avait atteint sa destination, une île privée.
L’aube pointait à peine et elle se lova entre les bras protecteurs de Joshua qui, profondément endormi, gémit. Elle le dévisagea, fascinée par sa beauté dans l’éclat rougeoyant de la lumière matinale. Il paraissait serein. Et heureux. En tressaillant, elle lui caressa la joue puis, du bout des doigts, suivit le contour de ces lèvres qui l’avaient si bien aimée. Du fond de ses rêves, il entrouvrit la bouche comme pour embrasser sa main. Kit sourit lorsqu’elle le sentit resserrer inconsciemment les bras autour de sa taille.
Que d’horreurs ses camarades de collèges avaient-elles raconté à propos de leur première fois ! Jamais elle n’aurait imaginé que faire l’amour fût un acte si merveilleux, si magique ! Joshua avait exploré des parties de son corps dont elle ne soupçonnait pas la sensibilité. Il avait su embraser chaque pore de sa peau, lui avait révélé mille plaisirs. Encore engourdie de sommeil, elle ferma les yeux. Oui, ils avaient fait l’amour.
L’amour ? Elle rouvrit les yeux, parfaitement réveillée à présent. Mais à quoi songeait-elle ? De l’amour ? Certainement pas !
Kit observa Joshua Parker avec un nouvel intérêt. Excepté dans les films, personne ne tombait amoureux aussi vite. Oh, bien sûr, Joshua s’était montré extrêmement prévenant, mais il suffirait qu’elle lui apprît la vraie raison de sa présence sur ce navire pour qu’il la laisse tomber comme une vieille chaussette. Non, mieux valait qu’il continue à imaginer qu’elle fuyait son père.
Elle réalisa soudain la gravité de son acte. Elle avait fait l’amour avec l’homme qu’Eléni lui avait demandé d’interviewer. Oui, elle avait tout simplement compromis sa crédibilité.
En vérité, elle s’était jurée cette nuit-là d’abandonner ce projet d’interview et elle comptait à présent en informer sa rédactrice en chef. Mais Eléni ne verrait certainement pas dans cette défection la preuve que Kit avait finalement décidé d’obéir à son père. Non, Eléni ne serait pas dupe et saurait tout de suite qu’il s’était passé quelque chose avec Joshua, quelque chose de définitif. Et alors ? pesta Kit en silence. Qu’y pouvait-elle si elle avait eu envie de cet homme ?
N’avait-elle pas envie de lui depuis le premier instant ? Elle se tourna vers lui pour l’observer et tressaillit à la vue de ce corps si tendre et si puissant. Oui, elle le désirait, voulait encore goûter à sa peau, s’enivrer de son odeur, le posséder.
Avec Joshua, elle se sentait elle-même. Entièrement. Il ne s’agissait pas d’une simple satisfaction sexuelle. C’était bien plus que cela. Leurs étreintes étaient faites d’autre chose que du simple désir physique, elle en avait la conviction. Son cœur le savait, intimement. Même si la raison, la terreur aussi la poussaient à affirmer le contraire.
Non, ce dont elle était sûre, c’était qu’elle ne voulait surtout pas tomber amoureuse de Joshua Parker. Le plaisir peut-être, mais certainement pas l’amour.
Qu’avait-elle fait ? Et comment allait-elle s’en sortir maintenant ? Elle devait quitter cette cabine sur-le-champ. S’éloigner de cet homme au plus vite. Retenant ses larmes, elle entreprit de s’arracher aux bras de Joshua sans le réveiller.
Jamais encore, elle n’avait quitté le lit d’un homme au petit matin. Elle se compara un instant à une voleuse, puis se traita de lâche, mais lorsqu’elle fut enfin levée, repoussant ces pensées, elle enfila ses vêtements de rechange et ramassa sa robe de soirée et ses affaires de la veille pour les rouler en boule dans la poche de l’Island Voyager. Ses bijoux, à présent ! Où étaient-ils passés ? Elle regarda autour d’elle, perplexe, quand Joshua remua dans son sommeil en marmonnant. En un instant, Kit renonça à chercher davantage. Sans un bruit, elle sortit de la suite et se dirigea vers sa cabine.
Joshua sut que Kit était levée sitôt qu’il se sentit privé de la chaleur de son corps. Il l’avait tenue entre ses bras une bonne partie de la nuit, se réveillant parfois en sursaut pour vérifier qu’elle se trouvait toujours près de lui. Il se tourna vers le réveil. 6 h 25. Il sourit en pensant qu’une heure plus tôt, Kit et lui faisaient encore l’amour. Puis son cœur cessa brusquement de battre et il s’aperçut qu’il avait encore envie d’elle.
Cette nuit avait été magique. Somptueuse. Et encore, estima-t?il, les mots étaient faibles ! Avec Kit, Joshua avait eu l’impression de faire l’amour pour la première fois. Quelque chose en elle le faisait vibrer, quelque chose que n’avaient pas les autres femmes. La caresser, l’aimer avait été une révélation.
Il se souvint du visage de la jeune femme au moment où il l’avait possédée. Kit l’avait regardé avec une telle passion, s’était donnée à lui avec tant d’amour, tant d’innocence ! De pureté, oui. Jamais il n’avait fait cela avec aucune femme, de l’observer pendant l’amour. Il n’en avait jamais eu envie, en vérité. Et cela avait été merveilleux. Dans ce moment d’union physique, ils avaient partagé quelque chose de plus profond, de plus secret. Et il en resterait là ? Oh non, pas question ! Il voulait lui donner plus encore, partager autre chose avec elle.
Ainsi donc, la proie favorite des tabloïds new-yorkais était vierge. Et c’était lui qu’elle avait choisi ! Il sourit une nouvelle fois. Qui aurait pu imaginer hier seulement un tel miracle ?
Oui, ils allaient bien ensemble. Pourquoi faudrait-il laisser passer cette chance merveilleuse ? Oh, d’accord, ils étaient différents, elle la citadine, lui le cow-boy, mais le feu avait désormais pris entre eux et rien ne pourrait l’éteindre, il en avait la certitude.
Il s’assit dans le lit et regarda autour de lui, espérant la voir surgir de la salle de bains. Non, elle s’était bel et bien volatilisée, pesta-t?il en se laissant retomber sur l’oreiller imprégné du parfum féminin. Oh, Kit, je veux te garder entre mes bras. Me réveiller contre toi. Te faire l’amour encore et encore. Prendre le petit déjeuner avec toi.

Pas te voir t’évanouir comme si tu n’étais qu’un rêve
.
Le regard rivé au plafond, Joshua prit sa décision. Non, ça ne s’arrêterait pas là. Pas comme ça.
Elle hantait ses pensées. Comment s’était-elle débrouillée pour réussir là où toutes les autres avaient échoué ? Pourquoi cette fuite ? Avait-elle honte de ce qu’elle avait laissé voir d’elle, de son caractère passionné, de son corps enflammé ? Elle n’était pas une aventure d’une nuit, non, se dit-il en serrant les poings, déterminé. Il bondit nu de son lit et s’empressa vers la douche avec une unique pensée en tête : ramener Kit dans son lit par tous les moyens !


aghatha 05-01-10 10:05 PM

merci pr le chapitre

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 26-01-10 04:13 PM

 
chapitre 9
 
The Tattler — Samedi 23 novembre
Les potins de Mary Lynn
Un gros poisson dans les filets de Kit
Rappelez-vous, cher lecteur, nous vous en parlions dans ces colonnes hier. Deux jours seulement après avoir agressé son fiancé, Blaine Rourke, à grand renfort de béarnaise, la belle Kit O’Brien était surprise embrassant à pleine bouche le sublime Joshua Parker. Notre riche héritière n’en est cependant pas restée là et l’on sait qu’elle a passé la nuit dans la cabine du créateur de la célèbre série télé. Tous les fans embarqués à bord de l’
IslandVoyager suivent avec passion l’idylle du couple qui, après une brève apparition à la soirée de fête de La dernière frontière, s’est discrètement éclipsé pour ne plus réapparaître. Hmm. Un nouvel amant, un nouveau poisson dans les filets de Kit. Mais que va donc penser papa ?
Il ne pouvait pas le croire. Non, il ne pouvait pas croire qu’elle ait osé faire ça. Dégoûté, Michael O’Brien laissa tomber le Tattler. Il se serait bien passé, en ce samedi matin de voir placardée à la une la photo de sa fille embrassant Joshua Parker. Sans parler de ce ramassis d’inepties signé Mary Lynn.
— Mais qu’ai-je fait pour mériter ça ? se lamenta-t?il, attirant l’attention de son fils.
— Que dites-vous, père ? s’enquit Cameron, qui s’était joint à lui pour le petit déjeuner.
— Le journal que tu m’as apporté. Oui, je me demande ce que j’ai fait pour mériter cela. Carlton va en faire une attaque, affirma Michael en songeant à son meilleur ami, le père de Blaine. Kit m’avait promis de ne plus fréquenter ce garçon. Et aujourd’hui, elle me nargue !
— Mais non, tu te fais des idées, lança Blaine, manifestement peu concerné.
— Tu ne te rends pas compte de la gravité de la situation, mon fils.
— C’est juste, admit Cameron en riant. Mais qu’y puis-je, moi, si je suis d’un naturel optimiste ? Pourquoi ne vois-tu pas le bon côté des choses, père ? Elle est peut-être amoureuse de ce garçon. Et comme il semble que ce soit un parti intéressant… Tout cela pourrait finir par un mariage, qui sait ?
Cameron se tut et observa son père, que cette idée plongeait manifestement dans la perplexité.
— Pas question ! s’exclama soudain Michael O’Brien. Kit me fait un caprice, voilà tout. Oui, elle me provoque. Dès son retour, elle aura de mes nouvelles !
— Bien sûr, répondit Cameron, satisfait.
Pour une fois que son père paraissait préoccupé par autre chose que l’obsession de caser son fils…
— Comme c’est excitant ! s’exclama Paula.
Derrière ses lunettes de soleil, Kit fronça les sourcils, tendue, alors qu’elle faisait la queue pour embarquer à bord du ferry qui devait acheminer les passagers vers la petite île.
— Tu te rends compte ? reprit Paula. J’ai gagné ! Moi ! Je vais pouvoir déjeuner avec les acteurs. Quelle chance !
Kit hocha la tête, lointaine. La seule chance qu’elle avait eu pour sa part était que ses co-locataires endormies ne l’aient pas entendue rentrer à l’aube. Par la suite, aucune ne s’était avisée de la questionner sur sa soirée. En revanche, si cela n’avait tenu qu’à elle, elle serait volontiers restée à bord de l’Island Voyager. Pour une visite à l’institut de beauté ou une séance thalasso, peut-être, ou même une heure d’haltères. Quelque chose qui lui occuperait l’esprit et l’empêcherait de courir le rejoindre. Joshua.
La journée était ensoleillée et les jeunes femmes décidèrent de s’asseoir sur les sièges du pont supérieur. Kit apercevait la petite île au loin. Enfin, le ferry s’ébranla et commença la courte traversée sur les eaux coralliennes.
— Quelle heure est-il ? demanda Paula.
— Bientôt 9 heures, répondit Becca. A quelle heure est ton déjeuner ?
— 12 h 15, au restaurant de la plage, dit Paula tout en consultant une carte de l’île qu’elles s’apprêtaient à accoster.
Kit cessa d’écouter ses camarades. Et Joshua, était-il déjà arrivé sur l’île ? ne cessait-elle de s’interroger. Lorsque le ferry s’apprêta à les débarquer, elle fut tirée de ses pensées par le décor qui s’offrait à elle. Le village consistait en une série de bâtiments façon huttes dans l’esprit de Robinson Crusoé. Quelques boutiques de souvenirs proposaient des articles divers et des produits artisanaux. Un espace en plein air avait été aménagé en piste de danse et en restaurant. On proposait également aux visiteurs des sorties en mer ou, plus simplement, ceux-ci pouvaient se promener dans l’île pour découvrir sa faune et sa flore.
— Tiens, voilà ton restaurant, dit Georgia en indiquant l’espace de plein air.
— C’est adorable ! s’exclama Paula.
— Oh oui, renchérit Becca. On se baigne ?
— J’ai encore un peu de temps devant moi. Allons voir la plage ! répondit Paula.
Kit emboîta le pas à ses co-locataires. La plage était superbe. Au pied d’une végétation tropicale luxuriante, des parasols bleus ponctuaient le sable blanc à perte de vue. Certains passagers n’avaient pas attendu pour se baigner, d’autres avaient entamé une partie de beach volley.
Comme l’heure de son rendez-vous allait bientôt sonner, Paula rebroussa chemin en direction du village, accompagnée de Georgia. Becca se tourna alors vers Kit :
— Tu veux jouer au volley ?
Derrière ses lunettes de soleil, Kit observa attentivement la plage avant de répondre :
— Oh non. Pourquoi ne rejoins-tu pas Georgia ? Je crois que je vais m’installer sous un parasol avec un bouquin.
— Tu es sûre ?
— Certaine. Va rejoindre les autres.
— D’accord.
Becca ne se fit pas prier et disparut aussitôt. Kit parcourut la plage en quête d’un coin de parasol isolé. Ayant enfin trouvé son bonheur, elle étala sa serviette et s’allongea, avant de sortir de son cabas le roman qu’elle avait emporté avec elle.
— Pourquoi ma vie est-elle si compliquée ? s’interrogea-t?elle à voix haute. Pourquoi est-ce que je ne peux pas dire simplement : Joshua, je ne ressemble pas à Marilyn Roth. Vous comptez énormément pour moi, mais pour que mon père accepte de me considérer comme une journaliste digne de ce nom, j’avais absolument besoin de vous interviewer. Aujourd’hui, j’ai changé d’avis. Aujourd’hui, je n’ai qu’une envie, c’est vous… Bah, jamais il ne me croira, marmonna-t?elle. Non, je ne peux pas lui parler ainsi.
En soupirant, elle roula sur le ventre, planta ses orteils dans le sable et se plongea dans son roman, ignorant les allées et venues des touristes. Un peu plus tard dans l’après-midi, elle s’assoupit. En s’éveillant, elle constata avec soulagement que son écran total avait fonctionné. Pas de coups de soleil, aucune rougeur. Attrapant le drap de bain, elle décida de marcher un peu sur la plage. Elle parvint bientôt au niveau de la dernière cabine, en réalité une toile de tente rayée de vert et de blanc, qui se révéla vide. Elle résolut de s’y abriter du soleil, qui devenait de plus en plus virulent. Laissant tomber son drap de bain sur le sable, elle s’installa confortablement et reprit sa lecture avec un soupir.
L’attention de Joshua fut attirée par une silhouette qui marchait un peu plus loin, le long de la plage. Tout de suite, il sut qu’il s’agissait de Kit. Un bref instant, il espéra qu’elle allait venir le rejoindre, mais il se raisonna. Elle n’en ferait rien. Et il devrait ronger son frein.
Kit l’obsédait. Il ne se passait pas une minute sans qu’il pensât à elle. Elle n’attendait rien de lui, ne voulait rien de lui que lui. C’était proprement miraculeux. Toute sa vie il avait espéré rencontrer une femme comme elle. Oui, il l’avait bel et bien dans la peau.
— Vous comptez me fuir ainsi jusqu’à la fin de la croisière ?
La voix familière de Joshua la fit sursauter. Levant la tête, elle l’aperçut sur le seuil de la tente. Kit se sentit fondre sous son regard souriant.
— Je vous ai aperçue et me voilà ! dit-il en s’asseyant à ses pieds. Electrisée, Kit faillit bondir à son contact.
— Vous me manquez depuis l’aube, chuchota-t?il en rampant vers elle.
— Je…
Elle n’alla pas plus loin : Joshua avait pris son visage entre ses mains.
— Chut, l’interrompit-il en approchant sa bouche. Je crois comprendre pourquoi vous avez fui, reprit-il. N’empêche que je me suis senti bien seul sous la douche.
Ses lèvres n’étaient plus qu’à un centimètre de celles, avides et tremblantes, de Kit. Enfin, il l’embrassa avec fièvre et contre lui, le corps féminin se tendit.
En soupirant, abandonnée entre ses bras, la jeune femme tressaillit soudain à l’idée que Joshua découvrirait bientôt son secret. Sitôt qu’il connaîtrait les raisons de sa présence sur l’Island Voyager, il ne lui adresserait même plus la parole. Oh non, elle avait trop envie de lui pour lui avouer la vérité. Il devait tout ignorer. Toujours.
Elle l’embrassa avec plus d’ardeur et Joshua répondit avec la même fougue. Lorsqu’il finit par s’écarter, le souffle court, il la regarda dans les yeux.
— L’endroit me semble un peu trop fréquenté pour aller plus loin, chuchota-t?il, visiblement frustré, en lui caressant le bras.
Sans la quitter du regard, il passa l’index sur les lèvres de Kit, qui embrassa son doigt et commença à le mordiller doucement, avec sensualité.
— Et alors ? rétorqua-t?elle, provocante, le corps brûlant de désir. Pourquoi ne rabattez-vous pas les pans de cette tente ?
— Vous êtes la tentation incarnée, Kit, commenta Joshua en l’embrassant sur le bout du nez. Oui, j’ai fait de vous une femme corrompue. Ah, où est passée la jeune femme pure et innocente d’hier soir ?
— J’adore être corrompue. Surtout par vous, chuchota-t?elle en l’enlaçant.
— Kit, allons ! fit-il mine de la sermonner. Soyez sage, je vous en prie…
— Aussi sage qu’un ange, assura-t?elle en se pressant contre lui, démoniaque.
Joshua recula avec un grognement et se releva. Kit l’observait, la fièvre au corps. Elle avait envie de lui. Maintenant. Envers et contre tout. Dans le secret de cette tente, sur cette plage. Elle se leva à son tour.
— Joshua, gémit-elle en venant se placer contre son dos.
— Oui, murmura-t?il en la prenant entre ses bras. Est-ce vraiment ce que vous voulez ?
— Oh oui…
Elle tressaillit lorsqu’il glissa les mains sous son chemisier. Dégrafant prestement le soutien-gorge, il commença à lui caresser les seins, qu’elle sentit se dresser au contact de ses doigts. Elle se cambra et Joshua prit ses lèvres.
Avec des gestes fébriles, il l’aida ensuite à retirer son chemisier. Il referma aussitôt la bouche sur le sein droit, puis s’attarda sur le gauche, caressant et sauvage à la fois. Elle se retint de crier, attentive aux ondes de plaisir qui l’envahissaient. Haletant, Joshua murmura son nom à plusieurs reprises, puis sa main descendit jusqu’aux reins de la jeune femme, faisant sauter le bouton du bermuda au passage. Kit se raidit lorsque les doigts de Joshua la pénétrèrent. Elle s’abandonna à cette caresse, goûtant chaque instant du plaisir qu’il lui donnait tandis que, de son autre main, il recouvrait sa bouche pour étouffer les cris qu’elle ne pouvait plus réprimer.
N’y tenant plus, elle l’attira et tomba avec lui sur le drap de bain. Leurs deux corps étaient aussi impatients et avides l’un que l’autre. En quelques gestes maladroits, Joshua retira son pantalon et s’allongea sur elle pour la pénétrer aussitôt, de toute la puissance de son désir, du plus profond de son être. Kit fut tout de suite agitée des spasmes de la jouissance. Elle connut ainsi, sous cette tente, sur cette île perdue au beau milieu de l’océan, une extase dont elle n’eût jamais soupçonné l’existence.
Quelques instants plus tard, enlacés, repus et harassés, ils se regardèrent, comme les premiers amants du premier jour du monde, inconscients du va-et-vient des touristes devant la tente. Puis Joshua se leva et se rhabilla devant elle, qui ne perdit pas un de ses gestes, fascinée par la puissance de ce corps.
— Vous êtes seule fautive de ce qui vient d’arriver, dit-il en revenant s’asseoir auprès d’elle. Mais je ne regrette rien. Je suis bien avec vous, Kit.
Oui, réalisa-t?elle, elle était seule responsable d’avoir pris le risque inouï de faire l’amour dans un lieu public, tout juste protégée par la toile d’une tente. Un risque qu’elle n’aurait jamais pris auparavant. Elle qui n’avait jamais fait l’amour que dans un lit — et avec Joshua — avait su séduire un homme, le pousser à bout de désir, là, sur le sable.
— Il faut que je vous parle, mais je n’ai plus le temps. Je dois rejoindre Bill. Je crois qu’il est préférable pour votre réputation que je sorte de cette tente le premier. Je ne vais pas cesser de penser à vous, Kit.
— Oui…, se *******a-t?elle de répondre.
— Un peu plus tard, vous pourrez me retrouver au bungalow principal. En tout cas, j’exige de dîner avec vous. Rendez-vous dans ma cabine, à 17 heures. Nous parlerons. Je dois vous dire certaines choses, absolument. D’accord ?
Kit opina, sa sérénité soudain entachée par une vague inquiétude. Quelles étaient ces « choses » que Joshua tenait tant à lui confier ?
— D’accord, acquiesça-t?elle. Rendez-vous à 17 heures.
Elle tendit les lèvres pour un dernier baiser, qu’il lui accorda. Instantanément, elle sentit le désir s’emparer de nouveau d’elle. Elle chercha alors à forcer Joshua à se rapprocher. En vain.
— Non, Kit…
Il la contempla avec intensité et un instant, elle crut qu’il allait changer d’avis. Il n’en fit rien toutefois. Au contraire, il se leva et s’éloigna, l’abandonnant dans la tente, seule avec son désespoir. A quel moment était-elle tombée amoureuse de lui ? se demanda-t?elle, au bord des larmes. Comment s’était-elle débrouillée pour se mettre dans une telle situation ? Ils n’avaient aucun avenir ensemble. Lui cherchait une existence sereine et proche de la nature, elle voulait conquérir la presse. Et puis, il y avait son père. Comment réagirait-il si elle lui présentait Joshua ?
De retour sur le paquebot, Kit parvenait tout juste à sa cabine lorsqu’elle entendit le téléphone sonner.
— J’arrive, pesta-t?elle en bataillant avec sa carte pour débloquer la serrure, redoutant par-dessus tout de manquer un appel de Joshua.
Une fois à l’intérieur, elle se précipita sur le combiné, le cœur battant.
— Joshua ?
— Absolument pas, Katherine Eleanor. J’ai essayé de te joindre toute la journée !
— Bonjour, père.
Déçue, Kit se laissa tomber sur un siège et attendit le début du sermon.
— Alors, lança la grosse voix masculine, comment se déroule cette interview ? Tu arrives à prendre quelques notes, entre deux baisers ?
— Père, protesta Kit sans plus de conviction, je vous en prie.
— Tu me pries de quoi, Katherine Eleanor ? ! s’exclama Michael O’Brien à l’autre bout du fil. Tu es incorrigible. Il faut toujours que tu te fasses remarquer. Je frémis rien qu’à penser à ta mère si, de là-haut, elle a lu le Tattler de ce matin. Faut-il que tu détestes Blaine pour agir ainsi…
— Je ne déteste pas Blaine, père, protesta Kit, sincère.
Elle avait toujours considéré le jeune homme comme un frère, et comment cela pourrait-il changer, maintenant qu’elle avait rencontré Joshua ?
— Alors, fais tes valises et rentre !
— Non !
— Je me moque de cette interview, Katherine. De toutes manières, j’interdirai sa publication. Fais tes valises. Nous terminerons cette discussion une fois que tu seras rentrée.
Qu’est-ce qui comptait le plus pour son père : la réputation de sa fille ou la sienne, irréprochable ?
— Je ne rentrerai pas, père. Pas avant demain. Le vol de retour est prévu à 10 heures du matin.
Elle écarta vivement le combiné de son oreille, prête à entendre son père laisser exploser sa rage. Il n’en fit rien.
— Katherine, dit-il d’une voix sourde, j’exige que tu rentres à New York tout de suite. Quitte immédiatement ce bateau. Tu m’entends ? Immédiatement !
Il était clair qu’il était à bout. Kit laissa le silence s’installer, indécise, puis résolut soudain de ne pas céder à l’autorité.
— Cela m’est impossible, père, finit-elle par répondre. Nous nous trouvons sur une île et aucun vol pour New York n’est prévu aujourd’hui. Nous nous verrons donc demain, d’accord ?
— Non, pas d’accord ! Je suis parfaitement au courant. Oui, je sais que tu sors avec ce… avec ce type que tu dois interviewer.
— Je ne l’interviewe pas.
Elle avait dit cela sans réfléchir, mais une fois les mots sortis de sa bouche, elle comprit qu’il y avait quelque chose d’irréversible dans ces paroles. Non, elle ne ferait pas l’interview de Joshua, elle ne se servirait pas de lui pour gagner l’estime de son père. Elle ne tromperait pas la confiance de Joshua, et tant pis si elle devait pour cela prendre des décisions qui lui brisaient le cœur. Au moins, elle conserverait sa dignité. Elle n’était pas Marilyn Roth, mais Kit O’Brien.
— Ecoutez, père, je ne rédigerai pas cet article, soyez tranquille sur ce point. Pour tout dire, votre menace de ne pas le publier n’y change pas grand-chose. Au contraire, je devrais même vous remercier de me rendre les choses plus faciles. Je peux ainsi fréquenter Joshua sans duplicité et n’avoir besoin de lui que pour lui-même.
Elle entendit son père s’étouffer à l’autre bout du fil. Michael O’Brien devrait désormais respecter la femme en elle, une femme libre, apte à faire ses choix.
— Et puis, père, en quoi le fait que je sorte avec lui vous regarde-t?il ? Je suis très attachée à lui. Vous semblez oublier que je viens d’avoir 28 ans.
— Katherine Eléanor ! rugit la voix masculine. Ce que tu dis là est inacceptable ! Tu dois rentrer et arranger les choses avec Blaine ! Il s’est montré patient et tu sais que ta mère a toujours souhaité vous voir mariés, tous les deux. Je dirai à Blaine que nous l’attendons pour le dîner, vous pourrez ainsi vous réconcilier. C’est un excellent parti pour toi, Kit. Et je veux que…
Kit pressa au hasard un bouton sur le combiné et aussitôt une tonalité retentit.
— Père, j’ai quelqu’un d’autre en ligne, mentit-elle. Je vous adore ! A demain !
Puis elle raccrocha sans laisser à son interlocuteur la possibilité de rajouter le moindre mot.
Une fois calmée, elle se laissa tomber sur son lit et se massa délicatement les tempes. Parfait. Son père prévoyait un dîner en compagnie de Blaine dès demain. Satané Blaine, qui persistait à vouloir l’épouser ! Pourquoi ? Pour réunir les noms de deux familles comptant parmi les plus influentes de l’Etat ! Eh bien, elle profiterait de ce dîner pour mettre les choses au clair. Si un jour elle se mariait, ce serait par amour.
Un instant, elle s’imagina entrer dans la cathédrale Saint-Jean, où un homme la regardait s’avancer vers l’autel. Joshua. Haussant les épaules, elle rit et s’assit sur le lit. Cesse de rêver ! s’ordonna-t?elle. Elle avait une foule de choses à faire et, entre autres, devait penser à préparer ses valises pour le lendemain.
Moins de deux minutes plus tard, elle s’arrêtait devant la cabine 9134 et frappait doucement à la porte, qui s’ouvrit instantanément.
Il n’arrivait pas à le croire. Il l’avait attendue, nerveux, faisant les cent pas dans sa suite comme un jeune adolescent avant son premier rendez-vous. Sans pouvoir penser à rien d’autre qu’à elle. N’espérant rien d’autre qu’elle, surtout ce soir, leur dernière nuit sur ce bateau.
— Juste à l’heure ! Entrez, dit Joshua en tenant la porte.
Kit pénétra dans la cabine. Un superbe bouquet de roses trônait sur la table.
— C’est pour vous, expliqua-t?il.
— Pour moi ? s’exclama-t?elle, surprise. Comment vous êtes-vous débrouillé pour avoir des roses ?
— Si vous saviez tout ce que je peux faire ! répondit-il, le cœur battant, heureux de la voir touchée par cette attention. J’ai commandé un dîner pour 19 heures. J’ai pensé que cela nous laisserait le temps de discuter.
— D’accord, opina Kit en venant vers lui comme si elle voulait l’embrasser.
Joshua lui sourit, mais l’évita, résolu à ne pas céder à son invite.
— Non, dit-il, pas encore. J’ai établi tout un programme pour la soirée. Laissez-vous guider et faites-moi confiance.
— Je vous fais confiance, répliqua-t?elle, l’air néanmoins intrigué. Je sais que vous ne me ferez jamais de mal intentionnellement.
Joshua sentit sa gorge se serrer. Elle semblait si sincère, si innocente, si dénuée de tout esprit pervers ou manipulateur. Oui, elle lui faisait confiance. Ces paroles retentirent dans sa tête comme le plus précieux des cadeaux. Et il se jura bien de ne jamais la décevoir. D’essayer, en tout cas.
Malgré tout, ils restaient si différents l’un de l’autre, aussi incompatibles que l’eau et le feu.
Le cœur serré, il s’approcha d’elle à son tour et la prit dans ses bras. Kit l’enlaça et chercha fébrilement sa bouche. Il lui donna un baiser ardent, plein de désir. De ce désir inextinguible qui l’habitait depuis leur première rencontre.
Elle ne cessait de le hanter et à la vérité, il se surprenait maintenant à penser à elle comme la femme de ses rêves, celle qu’il attendait depuis toujours. Amoureux, lui ? Si vite ? Et pourquoi pas ? Son demi-frère, Mark, avait un jour rencontré une femme, qu’il avait épousée dès le lendemain. Donna et lui étaient mariés depuis dix ans. Mark racontait toujours qu’en apercevant Donna pour la première fois, il avait eu l’impression de recevoir une flèche en plein cœur.
Joshua restait cependant sur ses gardes. Bien sûr, il avait encore envie et besoin de Kit. Le feu ne s’était pas consumé entre eux et il la désirait toujours autant. Il couvrit de baisers son cou tandis qu’elle glissait une main dans ses cheveux et l’autre sous son T-shirt.
A cet instant, il sentit sa décision de parler avec elle s’évanouir. Après tout, cette conversation pouvait attendre. Le désir, non. Avec un grognement, il la souleva du sol et l’emporta jusqu’au lit.
Plus tard, Kit souriait aux anges en repensant au parfum musqué du corps puissant sous ses lèvres. Sans tabou ni pudeur, elle avait aimé chaque centimètre de sa peau, goûté les secrets de cet homme, qui lui révélait des plaisirs chaque fois plus intenses. Il dormait paisiblement à présent et elle se blottit contre lui, fascinée par le battement régulier de son cœur. Sereine, comblée, elle s’assoupit à son tour.
Il s’éveilla en sursaut lorsque le téléphone sonna. S’emparant du combiné, il grommela un oui lorsque le steward l’avertit que le dîner arrivait, puis bondit hors du lit, se rhabilla promptement et sourit en observant Kit encore engourdie de sommeil.
Attendri, il la regarda s’étirer tel un chat. Oui, elle était fabuleusement sensuelle. Il lui semblait qu’il ne pourrait jamais se rassasier d’elle. Sentant son désir s’enflammer, il se sermonna et tenta de reboutonner sa chemise sans trembler.
Un coup discret frappé à la porte vint heureusement distraire son attention.
— Le garçon ! lança-t?il à Kit.
— Attendez ! s’exclama celle-ci en s’enveloppant du drap. Je dois m’habiller. Sinon, nous ne passerons jamais à table.
Elle attrapa ses vêtements et fila dans la salle de bains alors que le garçon frappait de nouveau à la porte.
Déjà Joshua avait pris place à la petite table lorsqu’elle vint le rejoindre.
— Hmm, ça a l’air bon, s’exclama-t?elle en s’asseyant face à lui.
Ce fut un moment d’intimité et de complicité comme il n’en avait jamais vécu. Il brûlait pour cette femme — sa femme, se corrigea-t?il mentalement — d’une passion qui, au lieu de s’essouffler, semblait grandir de minute en minute.
Ils parlèrent de choses et d’autres, Joshua ne cessant d’interrompre le repas par des caresses et des baisers. Jusqu’à ce que Kit le sermonne gentiment :
— Je dois absolument me nourrir, sinon, je risque de manquer de forces.
Il décida de se montrer sage quelques minutes au moins, ne pouvant malgré tout s’empêcher de la dévorer des yeux. Il avait envie d’elle. Et ils auraient toute la nuit pour faire l’amour. Mais le sexe était une chose. Il voulait également profiter de ces dernières heures ensemble pour apprendre à connaître la véritable Kit O’Brien.
La nuit commençait à tomber quand ils se retirèrent sur la terrasse. L’Island Voyager, toutes voiles dehors, voguait en direction de Miami.
— J’ai une proposition à vous faire, commença alors Joshua, redoutant la réaction de Kit.
Il refusait d’interrompre ici leur relation. Quelque chose était passé entre eux, quelque chose d’inestimable qu’il ne pouvait se résoudre à laisser filer. Pour la première fois de sa vie, il se prenait à espérer.
— Je suis tout ouïe, répondit Kit avec un sourire.
Elle lui faisait confiance. N’était-ce pas merveilleux ? Car cette confiance était réciproque et c’était la raison pour laquelle il s’apprêtait à lui faire une proposition qu’il n’avait jamais faite à aucune autre.
— Je dispose encore de quelques jours avant de devoir retourner à New York, reprit-il. Si vous êtes libre, ce que j’espère, j’aimerais que vous m’accompagniez dans la région des lacs. Je voudrais vous faire découvrir ma ferme.
— Moi ? s’exclama Kit en manquant s’étouffer.
— Vous, répondit-il en souriant. Je n’ai jamais invité personne là-bas, Kit. Bien sûr, vous êtes libre de décider. Mais je refuse que nous nous séparions comme ça après ce que nous avons vécu ensemble. Oui, allons passer quelques jours dans ma ferme avant de rentrer à New York et de retrouver nos obligations.
Voilà. C’était dit. Pourquoi se sentait-il si nerveux ? Il avait l’habitude d’être rejeté, son père l’y avait habitué. Kit n’attendait rien de lui, elle avait tout ce que l’on pouvait souhaiter. Comme il guettait sa réponse, il lui sembla que le temps était suspendu.
— Cette idée me plaît. Oui, je serais heureuse de vous accompagner, murmura-t?elle enfin en lui prenant la main.
En un instant, l’appréhension mêlée de tension qui pesait sur les épaules de Joshua s’évanouit.
— Formidable ! s’exclama-t?il, balayant d’un rire la sourde angoisse qui pesait sur sa poitrine.
Kit fourra ses dernières affaires dans sa valise. Elle allait passer le reste de la nuit avec Joshua, dans sa suite. Et demain, demain, elle partirait avec lui pour la région des grands lacs.
S’était-elle jamais sentie aussi heureuse, aussi pleine d’espoir ? Non. Oh, elle ne savait pas si elle l’aimait et si lui l’aimait, mais elle était certaine qu’ils ressentaient au moins quelque chose l’un pour l’autre. Jamais il ne lui aurait proposé de l’emmener chez lui s’il n’avait rien éprouvé pour elle.
Le regard de Kit s’arrêta soudain sur l’enveloppe express qu’elle avait abandonnée dans sa valise. Mon Dieu, qu’allait-elle pouvoir en faire ? L’abandonner dans la poubelle de la cabine ? Certainement pas. N’importe qui pourrait en effet exploiter son contenu. D’autant qu’avec Marilyn Roth dans les parages, on pouvait craindre le pire. Mieux valait emporter le tout et attendre l’occasion de s’en débarrasser.
Enfouissant l’enveloppe sous ses vêtements, elle ferma la valise. Oui, elle trouverait le moyen de ranger l’enveloppe en lieu sûr. Joshua n’avait pas besoin d’apprendre qu’elle devait à l’origine l’interviewer.
Pour une fois, elle se tairait, mentirait par omission, se dit-elle en pensant à son père qui, maintes fois, l’avait sermonnée en lui reprochant de ne pas savoir tenir sa langue. Comme on frappait à la porte, elle courut ouvrir. Joshua lui sourit.
— Prête ? demanda-t?il en prenant la valise.
Il se pencha pour déposer un baiser sur le bout de son nez.
— Bien sûr.

 
chapitre 10
 
 
The Tattler — Dimanche 24 novembre
Les potins de Mary Lynn
Le dernier défi de Kit
Je ne le croirais pas si je ne l’avais vu de mes propres yeux ! Au lieu de rentrer comme prévu dans le somptueux appartement new-yorkais qu’elle partage avec son père, Kit O’Brien a préféré s’envoler au bras de Joshua Parker. Le steward de l’
Island Voyager a pu me confirmer que la jeune héritière avait passé la nuit dans la suite du fougueux scénariste et j’ai d’ailleurs aperçu moi-même les deux tourtereaux main dans la main et échangeant de tendres baisers, tandis qu’ils attendaient leur taxi pour l’aéroport. J’ai ensuite découvert que notre adorable Kit avait pris un billet pour un coin perdu de la région des grands lacs, là même où Joshua possède une propriété. Je ne crois pas trop m’avancer si j’en déduis que ces deux-là ont la ferme intention de poursuivre la liaison entamée au début de la croisière de La dernière frontière. Je verse une larme en pensant à ce pauvre Blaine Rourke ! Et je m’interroge sur la réaction de Michael O’Brien…
*
* *

Lorsque le dimanche soir, Joshua engagea la Chevrolet dans l’allée, Kit, le nez collé à la vitre, tentait de distinguer la bâtisse derrière le rideau de neige fine qui tombait depuis une heure, tapissant le paysage d’un voile blanc.
Instantanément, elle sut qu’elle aimerait ce lieu sauvage et s’imagina même vivre ici le restant de ses jours.
— C’est magnifique, murmura-t?elle en admirant la bâtisse principale, blanchie à la chaux, et les annexes en briques rouges. Tout cela vous appartient ?
— Nous sommes sur ma propriété depuis plus de dix minutes déjà, répondit Joshua en garant la Chevrolet devant un immense porche.
— Je dois vous prévenir, continua-t?il en sortant de la voiture, certaines pièces sont encore en rénovation. Mais la plupart sont habitables.
— Oh, j’en suis certaine, dit-elle en descendant à son tour de voiture.
Elle était impatiente de découvrir les lieux. Kit réalisait qu’en lui ouvrant les portes de la ferme, Joshua avait suffisamment confiance en elle pour lui révéler son jardin secret.
Elle le suivit tandis qu’il ouvrait la marche dans l’allée qui menait à une lourde porte de chêne. Elle pénétra à sa suite dans la maison et fut aussitôt séduite par l’aspect grandiose de la demeure. Une voûte immense soutenue par de puissantes colonnes surmontait tout le rez-de-chaussée et une cheminée en pierre brute se dressait avec majesté dans le salon, où Joshua l’invita à s’asseoir.
— Je vous ferai visiter une fois que je me serai occupé de nos bagages, lui dit-il. Mais d’abord, je vais allumer un feu.
Quelques heures plus tard, ils étaient toujours assis là, au pied de la cheminée, en train de savourer un verre de cidre.
— Les pommes viennent de mon verger, dit Joshua. S’il fait beau demain, je vous montrerai mes terres.
— Je suis fascinée par la beauté du paysage, lança Kit, le regard perdu au-delà de la baie vitrée sur les collines avoisinantes. On voit à des kilomètres à la ronde. C’est étonnant pour quelqu’un comme moi, habitué à un environnement clos de béton et d’acier.
— C’est malgré tout chez vous.
— Je ne sais pas, répondit-elle en se lovant entre les bras de Joshua, rêveuse. Ici, j’ai le sentiment d’un foyer chaleureux et accueillant. Et je m’aperçois tout à coup qu’à New York, je ne me suis jamais sentie complètement chez moi. Je regrette souvent la douceur de vivre de notre maison de Long Island, au temps où maman était encore parmi nous, soupira-t?elle, nostalgique.
— J’espère voir un jour cette maison, murmura Joshua en la serrant contre lui.
Quel moment merveilleux ils partageaient, assis là simplement, tendrement, à bavarder. Kit ne se souvenait pas avoir vécu instants si sereins. Oh oui, comprit?elle, elle s’adapterait sans aucun problème à ce mode de vie, saurait se passer des soirées de gala, de la presse mondaine… Elle ferma les yeux, paisible, sentant sur son visage la chaleur réconfortante de la flambée. Ici, la nature était reine et les artifices bannis. Quel endroit charmant et magique ! Un endroit où elle pourrait passer sa vie, toute sa vie.
Elle s’étira et bâilla, emplie d’un sentiment de plénitude et confiante en l’avenir.
— Oh, s’esclaffa Joshua, je crois qu’il est temps de vous reposer. Laissez-moi vous conduire dans la chambre. Attention, pour dormir, la prévint-il en agitant son index sous le nez de la jeune femme. Oui, je veux simplement dormir contre vous.
Il l’enlaça et l’emporta dans ses bras jusqu’à l’étage, dans une chambre immense. Là, il la déposa sur un vaste lit douillet, que recouvrait une couette épaisse sur laquelle Kit eut l’agréable sensation de flotter.
Joshua alluma un feu dans la cheminée, puis, dans un demi-sommeil, Kit sentit vaguement qu’il se glissait contre elle et l’enlaçait de ses bras avant de sombrer dans un sommeil profond.
— J’ai dormi tout habillée !
— Trop de fatigue, répondit Joshua avec un sourire, alors que les premiers rayons du soleil matinal inondaient la chambre.
Kit lui rendit son sourire et lui caressa la joue. Soudain, elle l’observa et fronça les sourcils.
— Vous vous êtes changé, l’accusa-t?elle en réalisant qu’il portait des vêtements différents de ceux de la veille.
— Et je suis même sorti, renchérit-il, rieur. J’ai un certain nombre de choses à régler. Ensuite, nous irons en ville vous acheter des vêtements chauds.
— A vos ordres !
Kit le regarda sortir de la pièce et s’assit confortablement sur le lit, la tête contre l’oreiller. A l’image du reste de la maison, la chambre était meublée de meubles anciens. Les rideaux étaient tirés et elle bondit hors du lit pour les ouvrir. La baie vitrée donnait sur des vergers qui s’étiraient à perte de vue. Regardant en contrebas, elle aperçut Joshua en pleine discussion avec un homme, certainement Greg, présuma-t?elle. Joshua et l’inconnu portaient d’épais anoraks qui les faisaient ressembler à de sauvages et rudes bûcherons.
Un moment plus tard, Greg s’éloigna au volant de son pick-up, tandis que Joshua se dirigeait vers l’une des écuries. Kit pensa brusquement qu’elle aurait volontiers rédigé les réflexions que lui inspirait ce lieu. Voilà plusieurs jours déjà qu’elle négligeait son journal intime. Plus exactement, depuis qu’elle avait décidé de ne pas procéder à l’interview. Bah, peut-être consacrerait-elle quelques minutes à son cher journal après une bonne douche brûlante, se dit-elle.
Jamais elle n’avait connu journée aussi idyllique. Joshua l’amena en ville et elle s’acheta des vêtements chauds, une paire de bottes et un anorak. Puis il lui fit faire le tour du domaine et l’entraîna même dans l’une des écuries pour lui montrer le poulain né trois nuits auparavant.
— La ferme me procure un sens des responsabilités qui me faisait défaut jusqu’alors. La nature est un perpétuel défi. Oui, j’ai le sentiment de gagner en maturité ici, se confia Joshua en pénétrant dans la demeure par une porte de service.
— Je vous crois, répondit Kit en retirant ses bottes maculées de neige.
Joshua pressa l’interrupteur du salon. Il était 17 heures à peine et déjà le soleil avait disparu, alors que l’arrivée de nuages annonçait l’imminence de nouvelles chutes de neige.
Joshua roula sur le lit en s’étirant, tandis que dehors, la neige tombait sans discontinuer.
— D’où vient cette cicatrice ? demanda soudain Kit en caressant une balafre creusée dans le bas de son dos.
— Oh, c’est une longue histoire, bougonna-t?il en se renfrognant.
Mais sa mauvaise humeur fut de courte durée. Après tout, il était avec Kit. Kit en laquelle il avait toute confiance. Il l’avait amenée ici, dans sa ferme, et elle semblait fabuleusement heureuse de se trouver loin de New York, de ses soirées chic et de ses cocktails. Avec lui. Oui, il pouvait lui faire confiance.
— Une longue histoire, répéta-t?il alors qu’elle l’interrogeait du regard. Qui commence par une leçon.
— Vraiment ? dit-elle, l’air intrigué.
— Cela concerne mon père, répondit Joshua en déposant un baiser sur le bout de son nez.
— Oh, répondit Kit en baissant les yeux, cela ne me regarde certainement pas.
— Mais si ! Vous savez, Kit, c’est moi qui suis responsable de l’échec politique de mon père. Mes bêtises d’enfant gâté ont ruiné sa carrière. Depuis, mon père a rompu tout contact avec moi et il refuse de me voir.
— Oh, Joshua…, soupira Kit, horrifiée.
— Oui. Par la suite, les articles de la presse à sensation relatant certains de mes exploits ont de nouveau mis un terme à ses espoirs de briguer le poste de sénateur. L’argument de ses détracteurs était : si cet homme ne sait pas tenir son fils, comment parviendra-t?il à veiller aux destinées de la nation ?
Joshua s’interrompit et prit la main de Kit dans la sienne avant de poursuivre :
— Ensuite, mon père a eu ce problème de rein. L’ablation et la greffe ont été décidées.
Kit frémit, émue, et vint se blottir dans les bras de Joshua.
— Les drames rapprochent parfois les gens, poursuivit-il. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai quitté New York en urgence. Depuis, mon père et moi tentons de nous réapprivoiser et d’apprendre à mieux nous connaître.
— Mais a-t il reçu un rein ?
— Oui, le mien, répondit Joshua.
Kit le regarda longuement, émue, puis elle l’embrassa et de nouveau, ils firent l’amour.
Oh, pourquoi ne pas remettre à plus tard le retour à New York ? se demanda Joshua en s’éveillant le lendemain matin. Il avait eu raison d’amener la jeune femme ici. Et il pourrait s’éveiller ainsi à ses côtés chaque matin de son existence. Il regarda Kit encore endormie et écarta une mèche de cheveux de son front. Elle était belle, innocente, vulnérable. A l’opposé de la Kit O’Brien des tabloïds. Et pour la première fois depuis leur rencontre, elle semblait en paix.
Il se leva sans faire de bruit. Il aurait volontiers passé la journée entière au lit avec elle, mais il devait retrouver son contremaître à l’écurie d’ici une demi-heure. Déjà le soleil brillait et il avait juste le temps de s’habiller et d’avaler un café.
Vingt minutes plus tard, il décida de prendre sa parka la plus chaude, rangée dans le placard du vestibule, car le temps s’était refroidi. Ecartant les autres vêtements, il tendit le bras lorsque les bagages que Kit et lui avaient entassés là au retour de la croisière s’effondrèrent à ses pieds.
Il se baissa alors pour saisir sa valise et celle de Kit avec l’intention de faire un peu de rangement, lorsque son pied se prit dans le sac de voyage de Kit. Comme il soulevait celui-ci, un tube de rouge à lèvres s’en échappa.
— Enfin, Kit ! marmonna-t?il en souriant. Vous auriez pu fermer votre sac convenablement.
Il se pencha et constata alors qu’une grosse enveloppe obstruait la fermeture du bagage. Il s’en empara et voulut la rouler afin de fermer le sac lorsqu’il lut son nom sur le papier kraft.
Fronçant les sourcils, il déplia l’enveloppe et découvrit le nom de l’expéditeur, les Editions O’Brien, surmontant l’adresse de Kit sur l’Island Voyager. Avec un mauvais pressentiment, l’enveloppe n’étant pas cachetée, il en sortit le contenu, la gorge nouée.
Brusquement, tout lui apparut clairement. A travers les différentes coupures de presse, tout son passé défila sous ses yeux. Ces articles, certains mensongers, d’autres sordides, relataient sa vie en détail. Sur l’un d’eux, quelqu’un avait gribouillé à la main avec un feutre rouge « Creuse du côté de la famille ! »
Joshua lut et relut les coupures, revivant la rupture avec son père, cet homme qu’il adorait et qui l’avait renié pour ses erreurs de jeunesse.
Il avait été si près de se libérer du poids de son passé, si près de renoncer à ses ambitions de star, à cette existence superficielle. Si près de ressusciter…
Il remit les coupures de presse dans l’enveloppe, qu’il enfouit dans le sac, effleurant à ce moment la couverture de cuir vieilli d’un cahier. Un journal. Son journal intime, se dit-il en le saisissant. Il l’ouvrit et lut les notes rédigées par Kit. Des notes qui évoquaient leurs premières heures passées ensemble. Et ces secrets partagés avec elle.
Il referma le journal et le jeta dans le sac de voyage de Kit. Kit, cette femme à laquelle il avait accordé sa confiance !
Quel idiot !
Pauvre fou ! se sermonna-t?il. Il lui avait révélé des choses qu’il n’avait jamais dites à personne. Joshua ricana. Elle, différente ? Quel sot il faisait ! Kit était comme les autres, comme Marilyn, peut-être même pire. Car Marilyn ne s’était jamais préoccupée de lui manifester de la tendresse.
Claquant la porte du placard, Joshua se maudit. Il lui avait livré son cœur. Mais quelle idée lui était donc passée par la tête ! Pourquoi lui avait-il fait confiance ? Il ne l’aimait pas. Il avait voulu voir où menait leur relation ? Eh bien, il était servi maintenant !
Kit lui avait menti. Elle l’avait trahi. Elle ne le voulait pas pour ce qu’il était, mais pour pouvoir rédiger l’un de ces satanés articles !
Oui, un fou, voilà ce qu’il était !
En soupirant d’aise, Kit roula hors du lit. Elle était décidée. Aujourd’hui, elle parlerait à Joshua de Thanksgiving. Elle avait toujours passé les fêtes en famille et espérait qu’il accepterait cette année de l’accompagner, car elle ne s’imaginait pas repartir sans lui.
Elle n’avait pas rappelé son père, mais elle savait qu’il l’attendait le soir même, pour le dîner. Si elle amenait Joshua à la maison, peut-être Michael O’Brien finirait-il par comprendre qu’il était l’homme de sa vie, celui qu’elle aimait, et il cesserait alors de l’importuner à propos de Blaine.
Elle aimait Joshua, oui, se répéta-t?elle en rougissant. Elle l’aimait de tout son cœur, c’était ainsi. Vérité aussi implacable et miraculeuse que cette neige qui tombait et tomberait encore sur ce paysage jusqu’à la fin des temps.
Voir Joshua si attentif à la nature, si soucieux de ses bêtes, avait agi sur elle comme un catalyseur de sentiments. Tout aussi déterminante avait été sa manière de s’ouvrir à elle sur des secrets de son passé. Plus encore décisif était certainement le sentiment de plénitude qu’elle éprouvait auprès de lui.
Quelle que fût la raison de l’amour qu’il lui inspirait, elle savait maintenant que Joshua tenait une place primordiale dans son cœur. Et elle brûlait d’impatience de lui révéler ses sentiments. Comme de lui demander de l’accompagner à la maison pour Thanksgiving.
Submergée par un espoir fou, elle fila sous la douche, puis s’habilla, impatiente de rejoindre Joshua, qu’elle savait occupé à l’écurie pour une grande partie de la matinée.
Elle fut de ce fait plutôt surprise de le découvrir en train d’allumer un feu dans la cheminée du salon. Un feu, quelle bonne idée, si romantique ! Elle se hâta vers lui, mais se figea brusquement. Quelque chose n’allait pas. Elle le voyait, le sentait, bien qu’il lui tournât le dos. Et lorsque Joshua lui fit face, en dépit de son expression impassible, elle sut qu’une catastrophe était arrivée.
— Joshua ? lança-t?elle, sur ses gardes. Je vous croyais à l’écurie…
— J’ai eu un problème, répondit-il, en lui tournant de nouveau le dos.
Il resta un long moment à fixer les flammes dans un silence pesant. Une profonde angoisse s’empara alors de Kit. Un de ses proches était peut-être décédé ? Un animal blessé ?
— Quelque chose ne va pas ? demanda-t?elle du bout des lèvres.
— Si, tout va bien, répliqua-t?il, glacial. Vous devriez faire vos bagages, nous devons partir avant le mauvais temps. Je voudrais vous raccompagner avant qu’il ne soit trop tard.
D’abord pétrifiée, Kit trouva enfin le courage de répondre :
— Je ne comprends pas.
Elle se traîna jusqu’au canapé et s’y laissa tomber pour s’y recroqueviller.
— Je suis certain que votre père vous attend pour Thanksgiving.
Pourquoi ce ton hostile ? s’interrogea-t?elle. Où était la chaleur qui les enveloppait tous les deux depuis tous ces jours ?
— Oui, bien sûr. Mais j’espérais que vous m’accompagneriez. J’avais prévu de vous inviter. De vous présenter à ma famille.
Il ne parut pas se réjouir de sa proposition et Kit sentit son cœur s’arrêter.
— Toujours en train de chercher à provoquer papa, n’est-ce pas, Kit ? On ramène l’amant à la maison avant d’épouser le bon parti, c’est cela ?
— Qu’est-ce que vous racontez ?
Sans réellement comprendre ce qui se passait, Kit s’aperçut qu’elle jouait à ce moment la bataille de sa vie. Et elle décida alors de se battre. Peu importait quel ennemi elle devait combattre.
— Que se passe-t?il, Joshua ? demanda-t?elle d’une voix ferme.
— Ce qui se passe ? s’exclama Joshua en rivant sur elle son regard noir.
— Je sais qu’il s’est passé quelque chose et je voudrais savoir quoi, répéta-t?elle, imperturbable en dépit de la terreur qui lui nouait la gorge.
— Quel aplomb ! ricana-t?il alors. Après tous ces mensonges…
— Ces mensonges ? Quels mensonges ?
— Vous vous êtes servie de moi ! J’espère au moins que je me suis montré à la hauteur, au lit ! Au moins, votre fiancé n’aura pas à vous initier…
Serrant les poings, Kit encaissa le coup. En moins de deux minutes, Joshua avait sali tout ce qui les avait réunis. Blessée au plus profond de son cœur, elle bondit sur ses pieds.
— Je ne me suis pas servie de vous !
— Tiens donc ! rétorqua Joshua avec un sourire mauvais. Je ne vous crois pas. Vous êtes comme les autres femmes, Kit. Intéressée.
— Tout ce qui m’intéresse, c’est d’être près de vous.
— Même une fois que vous aurez rédigé votre article ? Mon aventure avec Joshua Parker et notre escapade dans sa ferme… Quel titre avez-vous choisi ? Avec des détails sur ma vie privée, comme l’exige votre directrice éditoriale !
Kit se laissa mollement tomber sur le canapé, incapable d’articuler un mot. Comme dans le pire de ses cauchemars, elle vit alors Joshua attraper sur une étagère de la bibliothèque l’enveloppe kraft et son carnet de notes.
La bataille serait rude, mais il fallait tout faire pour la gagner, se dit-elle.
— Comment avez-vous eu ça ? demanda-t?elle.
— J’ai cogné contre nos valises en cherchant mon manteau. Un tube de rouge à lèvres a glissé et lorsque j’ai voulu le remettre à sa place, je suis tombé sur ceci.
Rageur, il jeta l’enveloppe sur le canapé, tout près de Kit. Des documents s’en échappèrent et le carnet de notes s’ouvrit sans qu’elle fît le moindre geste pour les récupérer. Au lieu de cela, elle fixa Joshua, qui alla s’adosser contre le mur, le visage crispé.
— Alors ? l’interpella-t?il bientôt. Votre explication ?
— Ce n’est pas ce que vous croyez.
— C’est tout ce que vous trouvez à dire, rétorqua-t?il, grinçant, avec un rire narquois. Il faut peut-être que je vous aide ! Alors ? Avouez que vous avez été envoyée sur ce maudit bateau pour m’interviewer !
— Oui. J’ai accepté ce travail pour fuir mon père, qui était furieux contre moi après ce que j’avais fait à son filleul.
— Votre fiancé.
— C’est ce qu’il prétend.
Dans l’esprit de Blaine, elle lui était promise. Son père en avait décidé ainsi et Kit n’avait qu’à se soumettre à la décision du patriarche. Elle n’aimait pas Blaine, qui ne l’aimait guère plus.
— J’ignorais qui vous étiez dans l’avion, reprit-elle. Je ne l’ai appris que le lendemain, sur le bateau.
— Bien sûr, marmonna Joshua en allant s’asseoir sur un fauteuil, face à elle. Et vous avez décidé de frapper un grand coup, d’écrire le scoop du siècle… Quitte à passer la nuit avec moi…
— C’est faux, protesta-t?elle, furieuse. Je n’ai pas fait l’amour avec vous par intérêt ! J’ai fait l’amour avec vous parce que…
Elle s’interrompit. Non, elle ne lui dirait pas qu’elle l’aimait, qu’elle n’aurait jamais écrit cet article après ce qui était arrivé entre eux. Non, elle n’allait pas s’abaisser à lui avouer ses sentiments…
— Parce que vous aviez besoin de tout savoir sur moi, conclut-il à sa place, implacable. Cela vous a été facile. Et puis, c’est vrai, cela a bien fonctionné entre nous, n’est-ce pas ?
— Je ne m’appelle pas Marilyn Roth ! Je ne couche pas avec quelqu’un pour lui soutirer des informations !
— Je n’ai jamais couché avec Marilyn, répliqua Joshua. Je ne flirte pas avec les journalistes, c’est un principe. Mais vous m’avez piégé, Carol Jones. C’est bien ainsi que vous signez vos papiers ?
— C’est une exigence de mon père. Mais non, Joshua, je n’ai jamais cherché à vous piéger. Et si je suis ici, c’est parce que je ne veux pas que notre histoire se termine.
— Oui, mais c’est trop tard. Cette relation n’ira pas plus loin, trancha-t?il d’un ton sans appel.
Kit ferma les yeux. Elle devait se battre, lutter de toutes ses forces pour cet homme. Cet homme qu’elle aimait de tout son cœur.
— Non, Joshua. Rien n’est terminé entre nous. Je ne l’admets pas. De même que je refuse que vous me considériez comme une garce.
— Vous êtes en tout cas une enfant gâtée capricieuse qui agit sans se soucier d’autrui. Mais papa vous pardonne toujours. Oui, papa est toujours derrière sa petite fille pour l’absoudre et la protéger.
Serrant les poings, Kit s’interdit de relever, sachant que l’amertume de Joshua était justifiée par ses relations conflictuelles avec son propre père.
— Mon père refuse de m’accepter telle que je suis, expliqua-t?elle d’une voix calme, et je dois lutter en permanence pour m’affirmer. Joshua, dès notre première rencontre, j’ai su que je ne ferais pas cette interview. Que je n’en avais pas le droit.
— Et pourquoi ne pas m’avoir avoué la vérité tout de suite ? Vous avez fait l’amour avec moi, Kit, et vous m’avez trompé.
Kit lutta pour retenir ses larmes. Chaque parole de Joshua lui brisait le cœur.
— Je suis désolée. J’ai eu tort. J’aurais dû vous parler dès le début.
Il l’observait et son regard brillait d’un désespoir intense. Elle se demanda s’il pourrait jamais lui pardonner. Elle n’imaginait pas que leur belle histoire se conclue ainsi. Elle ne le permettrait pas.
— Je n’ai jamais reconnu mes erreurs avant aujourd’hui, Joshua. Oui, je suis désolée, je regrette. Je voulais tout vous avouer, mais j’ignorais comment m’y prendre. Alors, j’ai préféré faire l’autruche.
L’atmosphère du salon était lourde et oppressante. Kit observa Joshua, qui semblait moins nerveux. Il avait entendu ses excuses. Lorsqu’il reprit la parole, la colère avait fait place à une immense tristesse.
— Avec ses articles, Marilyn a achevé de saccager mes relations avec mon père autrefois. Des relations que je m’efforce de renouer depuis des années. Mais vous ne pouvez pas comprendre que l’on puisse avoir des relations si difficiles avec son père, soupira-t?il. Bah, mais pourquoi est-ce que je m’obstine ? Inutile de ressasser tout ça ! Faites vos bagages, nous partons.
Et sans rien ajouter, il sortit du salon, claquant la porte derrière lui. Immobile, Kit laissa ses larmes couler sur ses joues. Elle avait tout gâché. Pour la première fois de sa vie, elle avait trouvé ce dont elle n’osait même pas rêver et elle avait tout gâché ! Lentement, elle se tourna vers l’enveloppe qui gisait à ses côtés.
Mais pourquoi n’avait-elle pas pris le temps de détruire ces documents à bord de l’Island Voyager ?
Soudain, elle rassembla son carnet de notes et les coupures de presse et se dirigea vers la cheminée. Elle éprouva un certain soulagement à voir les flammes anéantir ces documents qui avaient causé sa perte. Cependant, cela ne résolvait rien.
Désemparée, elle tressaillit et se dirigea vers la baie vitrée. Dehors, Joshua caressait un cheval en lui murmurant quelque chose à l’oreille. Une brise légère jouait avec ses cheveux… Entre frustration et désespoir, Kit se détourna et monta dans la chambre faire ses bagages.
*
* *

Lorsque Joshua fut de retour, il trouva les affaires de Kit prêtes dans le hall d’entrée. Le froid était mordant au-dehors et il frissonna. Au moins, elle avait la délicatesse de ne pas se montrer. Il sursauta quand on sonna à la porte. Greg, sans doute, auquel il avait demandé de passer.
— Tu as oublié tes clés ou tu es devenu timide ? lança Joshua en ouvrant la porte, avant de se figer devant l’inconnu qui se tenait sur le seuil.
— Joshua Parker ? demanda l’homme d’une voix neutre.
— Oui, répondit Joshua en observant son interlocuteur, revêtu d’un pardessus élégant tel qu’en portent les jeunes cracks de la finance à Wall Street. Puis-je faire quelque chose pour vous ?
— Blaine Rourke. Et oui, vous pouvez. Cameron O’Brien prétend que sa sœur est ici. Je viens chercher Kit pour la ramener à la maison.
— Vous… quoi ? s’exclama Joshua en reconnaissant soudain l’homme à la béarnaise.
Blaine le bouscula presque et pénétra dans la maison.
— Si cela ne vous ennuie pas, je préfère discuter à l’intérieur. Il fait froid.
Au prix d’un immense effort, Joshua garda son calme et referma la porte derrière le jeune homme. Blaine n’avait aucun besoin d’apprendre ce qui était arrivé entre Kit et lui. Pas question de lui donner cette satisfaction.
— Dites ce que vous avez à dire. Je vous donne deux minutes, déclara-t?il.
— Parfait, répliqua Blaine en se dirigeant vers le salon.
A cet instant, il dut reconnaître les bagages de Kit, car il se tourna vers Joshua, déclarant sur un ton supérieur et méprisant :
— Je vais vous parler sans détours, Parker. Kit doit rentrer immédiatement chez elle. Son père a été victime d’un infarctus. Le récit de votre croisière dans la presse l’a mené droit aux urgences.
Joshua serra les poings. Il n’admettrait pas que Blaine accuse Kit de jouer avec la santé de son père.
— Allons donc ! La presse n’a jamais provoqué de crises cardiaques, rétorqua-t?il.
— Sans doute, mais ces articles l’ont fortement contrarié. Ecoutez, je n’ai pas de temps à perdre. Kit m’est très chère, nous nous connaissons depuis l’enfance. Peu importent ses fantaisies, je lui pardonne et lui pardonnerai toujours.
Blaine se tut et regarda autour de lui, avant de poursuivre :
— Sachez que depuis toujours, nos deux familles veulent nous voir mariés. C’est comme ça, je n’y peux rien. Je suis donc venu récupérer ma fiancée pour la ramener à la maison. Et vous êtes prié de ne pas vous joindre à elle.
Sous l’effet de la colère, Joshua sentit sa gorge se serrer. Lui, généralement d’un naturel pacifique, aurait volontiers en cette seconde envoyé ce petit prétentieux au tapis. Le père de Kit avait eu une attaque. L’histoire se répétait. Un sentiment d’amertume submergea Joshua. Il aurait pu la soutenir dans cette épreuve. La consoler, être auprès d’elle.
Mais à vrai dire, avait-elle besoin de soutien ? Certainement pas. Seule l’intéressait la possibilité de tenir un scoop !
Joshua fixa Blaine. N’était-ce pas lui le responsable de la trahison de Kit ? L’unique raison qui l’empêcha de sauter sur Blaine fut l’arrivée soudaine de Greg, surgi de la cuisine.
— Patron, Cindy vous envoie des muffins pour le voyage de retour. Elle a également préparé un Thermos de café…
Le gardien s’interrompit, pour s’excuser aussitôt en découvrant les deux hommes.
— Oh, je suis désolé, patron. J’ignorais que vous aviez de la compagnie.
— Blaine Rourke.
L’air gêné, Greg salua d’un signe de tête l’importun lorsqu’un bruit de pas dans l’escalier les fit lever la tête. Kit.
— Je suis prête. Où êtes-vous ?
Avec un tressaillement, Joshua entendit les pas de la jeune femme se rapprocher.
— Joshua ?
Le regard de Kit croisa d’abord le sien, puis elle se tourna vers Blaine.
— Blaine ? Que fais-tu ici ?
Allez, le fiancé, cours dire à ta belle ce que tu es venu faire !
songea Joshua en regardant Blaine se diriger vers Kit, les bras tendus.
— Blaine, répéta Kit. Oui, bien sûr, tu es venu à cause de ces articles du Tattler. J’aurais dû m’en douter et…
— Une voiture nous attend et le jet de ton père également. Nous devons nous dépêcher, la météo annonce une tempête de neige.
— Blaine, tu es ridicule. Je suis désolée pour l’incident de la béarnaise, mais tu n’avais pas à annoncer nos fiançailles sans mon consentement !
— Kit, dit Blaine. Ne perdons pas de temps. Nous devons rentrer au plus vite…
— Je sais que vous avez dû bondir, à New York, en lisant la presse à sensation, coupa-t?elle, refusant de le laisser parler. Papa t’a ordonné de venir me chercher, c’est ça ? Quand je pense aux frasques de mon frère Cameron, papa fait bien moins d’histoires à son sujet.
— Kit, les tabloïds sont le dernier de mes soucis à cette heure. Ces articles avec, euh…
Blaine fit un signe de tête en direction de Joshua, puis il reprit :
— Je t’expliquerai les raisons de ma présence une fois en route.
— Qu’essaies-tu de faire ? De sauver ta réputation de futur époux ? s’exclama Kit, manifestement hors d’elle. Je t’ai répété cent fois que je ne t’épouserais pas !
Un sentiment de soulagement envahit Joshua. Elle n’épouserait pas Blaine, au moins ne lui avait-elle pas menti à ce sujet. Mais elle avait menti quand même. Et l’avait utilisé. A présent, elle devait rentrer à New York. Son père avait besoin d’elle. Elle n’était plus une enfant, comme semblait le croire cet idiot de Blaine. Kit avait parfaitement le droit d’apprendre l’accident de son père tout de suite.
— Kit, intervint-il alors.
La douceur de sa voix alluma aussitôt dans les yeux de Kit une lueur d’espoir. Joshua hésita, puis se résolut à lui apprendre la terrible nouvelle :
— Kit, vous devez rentrer. Votre père a eu un infarctus.
— Mon père ? Un infarctus ?
Elle fronça les sourcils et se mordilla la lèvre. Joshua et Blaine opinèrent alors d’un même mouvement de tête. L’instant d’après, elle courut, horrifiée, se jeter dans les bras de Blaine.
— Oh non ! Papa ?
— Ne tardons plus, Kit, dit le jeune homme. Nous avons assez perdu de temps. Cameron se trouve à l’hôpital depuis la nuit dernière. J’ai été retardé par le mauvais temps.
— Depuis la nuit dernière ? s’exclama Kit, rongée par la culpabilité.
Elle aurait dû rentrer, comme cela avait été convenu avec son père. Mon Dieu, qu’avait-elle fait ? Des larmes se mirent à rouler sur ses joues.
— Partons, maintenant, dit Blaine en resserrant les bras autour de ses épaules.
Il l’entraîna vers la porte et lorsque Kit, manifestement accablée, voulut se tourner vers Joshua, Blaine l’en empêcha. Sans un mot, tous deux passèrent le seuil et disparurent.

chapitre 11
 
The Tattler — Vendredi 29 novembre
Les potins de Mary Lynn
La fille prodigue a dit oui !
Comme je vous l’apprenais hier, Blaine Rourke a mis fin à l’escapade de sa promise avec le sémillant Joshua Parker. La jeune écervelée a passé Thanksgiving au chevet de son père, hospitalisé après un infarctus sans gravité.
Rourke lui-même m’a appris sa réconciliation avec la belle et tous deux sont apparus main dans la main à la conférence de presse tenue au siège des Editions O’Brien.
Interrogée sur la date de leur mariage, Kit a répondu que le jour des noces serait arrêté une fois son père en convalescence. Ainsi, cher lecteur, il semble bien que le père devrait voir son vœu exaucé. On peut regretter qu’il ait fallu une crise cardiaque pour que Kit se rende à la raison, mais personne n’est parfait, n’est-ce pas ?
Ecœuré, Joshua écarta le journal et frappa du poing sur la table de la cuisine.
— Hé, ne fais pas de mal à la table. Elle est innocente.
Joshua considéra Donna, sa belle-sœur, emmitouflée dans un peignoir rose pâle.
— Je vais préparer du café. Tu en veux ?
Un whisky bien tassé eût été plus efficace à lui faire oublier le cauchemar dans lequel il vivait, mais Joshua chassa cette idée.
— Va pour un café.
Mark surgit à cet instant et vint se planter devant lui, l’air inquisiteur.
— Je ne vois pas d’amélioration, remarqua alors Donna à l’intention de son mari.
— Mais si, protesta Joshua, ça va.
— Oui, bien sûr, renchérit son demi-frère. Tu vas bien. C’est pourquoi tu n’es pas rentré chez toi hier soir comme le reste de la famille…
— La neige a grillé la batterie de ma voiture, répondit Joshua.
Il soupira en saisissant la tasse de café brûlant que lui tendait sa belle-sœur, qui s’assit en face de lui.
— Tu achètes ce genre de torchon ? s’étonna-t?elle en désignant le journal.
— Je voulais voir ce que Mary Lynn avait à dire.
— Hmm, marmonna Donna en parcourant hâtivement l’article, avant de jeter le journal dans la poubelle derrière elle. Ne me dis pas que tu crois à ces mensonges !
— Ce ne sont pas toujours des mensonges, malheureusement.
— Oh, je t’en prie ! Tu ne crois tout de même pas que Kit va réellement épouser ce type ?
— J’ai pu voir comme ils étaient proches l’un de l’autre.
— Tu les as vus au moment où il lui a annoncé l’infarctus de son père, répliqua fermement Donna. A situation exceptionnelle, comportement exceptionnel.
— Tu oublies qu’elle m’a trahi, protesta Joshua en se levant pour arpenter la cuisine. Je t’ai tout raconté. Oui, elle s’est servie de moi.
— Que les hommes sont donc tragiques ! s’exclama Donna en levant les yeux au ciel. Ecoute, Joshua, reprit-elle, tu dois faire le point sur tes sentiments envers elle. Car tu éprouves des sentiments pour elle, c’est évident. Et tu devrais à cette heure te trouver dans ton appartement, pas ici !
Ce n’était pas faux. Pourtant, même dans son appartement new-yorkais où Kit n’avait jamais mis les pieds, il ne voyait qu’elle, pouvait même sentir son parfum, la douceur de sa peau. Oui, il devenait fou loin d’elle. Il détestait ces nuits sans elle et ces matins encore plus, lorsqu’il s’éveillait, seul, loin de la femme qu’il aimait.
— Alors ? s’enquit Donna avec un sourire entendu. Sais-tu au moins où tu en es avec elle ?
Joshua soupira et continua de arpenter la cuisine en long et en large d’un pas rageur.
— Je l’aime, finit-il par admettre. Et ça fait mal.
— Bien, dit Donna, visiblement satisfaite, nous progressons. Sois honnête avec toi-même, Joshua. Ta fierté en a pris un coup, manifestement. Mais à part ça, comment te sens-tu ?
— Je n’en sais rien, marmonna-t?il.
A quel moment était-il tombé amoureux de Kit O’Brien ? Cette femme qui l’avait trahi ? Et cette trahison, que pesait-elle en regard de l’amour qu’il lui portait ? Car il souffrait mille fois plus de son absence que de sa trahison.
— Il faut que tu saches de quoi il retourne exactement, affirma Donna, implacable.
— Mais comment faire ? s’exclama-t?il, excédé par son impuissance. Je lui téléphone et je lui dis : « Salut, Kit. On se remet ensemble ? » Allons, Donna ! Elle est sur le point de se marier ! Il n’y a plus rien à faire !
Donna but une gorgée de café, puis leva les yeux vers Joshua en souriant.
— Je n’ai pas dit que tu devais faire quelque chose.
Joshua fronça les sourcils et Mark interrogea sa femme du regard.
— Quoi ? lui demanda-t?il, l’air inquiet soudain.
— C’est toi, mon cher époux, qui va sauver le cœur de notre pauvre Joshua. Tu connais Cameron, non ?
— Eh bien, je l’ai rencontré pour affaires, oui, répondit Mark, méfiant.
— Parfait, répondit Donna. Alors, téléphone-lui. Ainsi, nous saurons à quoi nous en tenir et nous agirons en conséquence.
— Mais…, protesta Mark.
— Pas de mais ! Ce sera notre cadeau de Noël à Joshua. Et pense au bonheur de ta mère si ton frère venait à se marier…
— Mais je ne veux pas me marier ! s’interposa Joshua.
Donna le fusilla du regard et il résolut de se taire. Après tout, qu’avait-il à perdre à confier son sort à sa belle-sœur ?
— Je doute qu’il se trouve à son bureau. C’est un jour férié aujourd’hui, dit alors Mark.
— Je suis certaine que tu as son numéro de téléphone privé, non ? le reprit Donna en lui faisant les yeux doux.
Mark hocha lentement la tête et leva les bras en signe de reddition.
— D’accord, chérie. Mais tu me revaudras ça…
Mark sourit, puis il embrassa sa femme sur le bout du nez avant de se lever pour quitter la pièce. Donna se tourna alors vers Joshua :
— Tu es sûr d’aimer cette fille, Joshua ?
— Oui.
— Bien. A présent, rentre chez toi, prends une douche et calme-toi. Je t’appelle dès que j’ai du nouveau.


 
 
 

aghatha 29-01-10 12:30 AM

merci du fond du coeur mon adorable rihame

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 30-01-10 02:05 AM

chapitre 12

<FONT size=6><FONT face="Book Antiqua"><SPAN style="FONT-FAMILY: Arial; FONT-SIZE: 10pt">The Tattler — Vendredi 13 décembre

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 30-01-10 02:05 AM

The Tattler — Vendredi 13 décembre

Les potins de Mary Lynn

Le patriarche prend sa retraite

C’est officiel, le délicieux Cameron O’Brien vient de prendre la barre des Editions O’Brien. Cameron, le jeune célibataire le plus courtisé de New York, a reçu les rênes du pouvoir et le titre envié de P.-D.G. après un vote à l’unanimité. On suppose qu’il va se hâter de rassurer les investisseurs inquiets depuis l’attaque dont a été victime Michael O’Brien il y a deux semaines. Le pronostic des médecins sur la santé du patriarche se veut rassurant et le cher papa devrait se remettre rapidement. Rappelons que l’infarctus de Michael O’Brien s’est déclaré suite à la fugue de sa fille, Kit. Celle-ci, en effet, plutôt que de rentrer sagement à la maison, avait préféré prendre la poudre d’escampette au bras de Joshua Parker, scénariste de La dernière frontière, la célèbre série télé dont le dernier épisode a été diffusé vendredi dernier.

Interrogée lors d’une conférence de presse tenue depuis, dans la propriété familiale, Kit n’a pas fait mystère de ses projets de s’investir dans les œuvres de charité. Le fait est que la révélation de ses activités journalistiques sous le nom d’emprunt de Carol Jones a mis, semble-t?il, un terme à sa carrière au sein des Editions O’Brien.

Mais que va devenir notre héritière adorée, cher lecteur ? Même ses amants quittent le navire… Le beau Joshua a ainsi été vu en ville au bras d’une autre femme. Pauvre Kit, oui !
Savez-vous par ailleurs que l’ex-fiancé de Kit, Blaine Rourke, a lui aussi pris le large ? Blaine, que l’on a surpris enlacé à l’irrésistible top model Tara Lynwood (voir notre photo) la nuit dernière à l’opéra ! Pauvre, pauvre Kit, oui, que l’on n’aperçoit même plus en ville depuis l’accident de papa ! Un papa qui ne s’est guère remis de ses frasques et a décidé de lui serrer la vis. Espérant que sa chère enfant ne vienne pas refaire la une avec l’un de ces exploits dont elle a le secret. Cette fois, il pourrait ne pas s’en remettre…

Cameron O’Brien repoussa le Tattler en soupirant. On ne pouvait accorder le moindre crédit aux articles de Mary Lynn. D’ailleurs, un jour ou l’autre, il s’attaquerait au problème. Pour l’heure, il y avait d’autres priorités.

Il se tourna vers l’homme assis en face de lui. Il éprouvait une réelle estime pour Joshua Parker et il avait la conviction que celui-ci était l’homme qu’il fallait à Kit.

— Je comprends votre frustration, mais faites-moi confiance, elle devrait se montrer demain soir. Je l’accompagnerai moi-même. Dans le cas contraire, je vous autorise à lui rendre visite chez elle. Mon père va bien mieux et je le mettrai au courant.

— Je vous remercie, dit Joshua en se levant.

— Non, c’est moi qui vous remercie, corrigea Cameron en venant se placer devant lui. Vous avez joué votre rôle à la perfection et je vous en suis reconnaissant. Mais les choses ont évolué et maintenant que mon père est sorti d’affaire, il voudrait voir sa fille enfin heureuse.

— Je comprends.

Oui, Joshua comprenait. Après la greffe de rein subie par son propre père, il ne savait que trop bien à quel point la convalescence d’un individu dépendait de l’attitude de ses proches.

Il ferma un bref instant les yeux.
Ces deux dernières semaines avaient représenté un vrai cauchemar et la nouvelle de l’annulation du mariage de Kit avec Blaine n’y avait rien changé.

A présent, après tout ce temps, il se demandait où en était la jeune femme. L’aimait-elle ?
Lui pardonnerait-elle ? Sur les ordres de Cameron, il n’avait pas tenté de la contacter.

— Le bonheur de ma sœur dépend de vous, déclara gravement Cameron en lui serrant la main.

— Je m’y emploierai jusqu’à la fin de mes jours, articula Joshua avec peine.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 30-01-10 02:09 AM

Rue de la Paix ! Cela fait 2 000 dollars.

— Je ne peux pas le croire ! s’écria Kit en fixant le plateau de Monopoly.

— Ta mère disait toujours que tu avais les poches percées, remarqua Michael O’Brien avec un air victorieux. Allez, tu dois payer !

— Bon, vous avez gagné, père. Vous avez une chance insolente !

— C’est un don du ciel, ma chère fille ! renchérit Michael en riant, tandis que Kit lui servait un verre d’eau.

— J’aimerais bien en avoir seulement le centième…

Kit sourit à son père. Deux semaines et demie après son attaque, Michael O’Brien se portait comme un charme. Il avait pu rentrer à la maison et dirigeait déjà son staff d’infirmières d’une main de fer.

Contrairement à ce que prétendait la presse, il ne semblait nourrir aucune rancune contre Kit. Celle-ci avait d’ailleurs pris ses distances avec tout ce qui n’était pas sa famille, laissant à Cameron le soin de diriger l’entreprise pour pouvoir se consacrer tout entière à son père. Oui, finalement, elle faisait ce que son père avait toujours souhaité. Elle ne sortait pas de la maison…

Et étrangement, elle vivait la situation sans frustration ni colère. Oui, elle se sentait plutôt bien, loin des journalistes, des réceptions, de la foule. En dépit des circonstances à l’origine de son attaque, Michael O’Brien se montrait d’humeur plaisante et ils passaient ensemble des moments merveilleux, faits d’affection et de complicité.

— Tu penses à lui, n’est-ce pas ? demanda soudain le convalescent, rompant le silence.

— Oh, non, pas en cet instant, répondit-elle en croisant son regard. Je pensais à nous.

— Nous ?

— Oui, je réalise que je suis bien avec vous. Et puis, ces moments nous permettent d’apprendre à nous connaître.

— Ah ! Tu vois bien que je ne suis pas un monstre, répliqua Michael avec un sourire triste. Je comprends ce que tu veux dire, Katherine. J’ai été si souvent absent durant toutes ces années. Ta mère disait souvent que tes bêtises n’avaient qu’un but, attirer mon attention.

— Je le crois aussi, acquiesça Kit en rangeant le jeu dans sa boîte.

— Tu as toujours été mon bébé, dit tendrement Michael, et j’ai toujours voulu ce qu’il y avait de mieux pour toi. Mais l’orgueil m’a poussé à croire que nul autre que moi ne pouvait savoir ce qui était bien pour ma fille. Il me semble que le moment est venu de t’en laisser décider.
— Ne vous accablez pas, murmura Kit en lui prenant la main. Vous avez toujours cherché à me protéger, plus encore depuis la disparition de maman. Mais je suis adulte aujourd’hui et, c’est vrai, je sais ce que je veux.

— Serait-ce un moyen détourné de me faire comprendre que tu ne comptes pas épouser Blaine ? demanda son père en souriant.

— Je n’ai jamais voulu épouser Blaine. Je ne l’aime pas et je ne l’ai jamais aimé. C’est plus comme un frère pour moi.

— Alors raconte-moi tout. Est-ce que tu l’aimes ?

— Qui ? s’exclama Kit.

— L’homme de la croisière. Le seul avec lequel tu aies jamais fugué. Joshua Parker.

Kit hésita. Admettre la vérité apaiserait peut-être son chagrin ?

— Oui. Seulement lui, il ne m’aime pas.

— Qu’en sais-tu ?

— Nous nous sommes disputés avant mon départ. Depuis, il n’a pas même essayé de me téléphoner. Et puis…

Kit se tut, le cœur brisé, avant de chuchoter :

— Je l’ai aperçu au bras d’une autre femme…

— Et tu as donc décidé de l’oublier…

— Oui. J’ai essayé de l’appeler une ou deux fois, sans jamais avoir de réponse. C’est sûrement mieux ainsi. Un jour, il m’a dit que nous étions incompatibles, moi, la citadine et lui, le cow-boy. Les contraires s’attirent, mais ne vivent pas ensemble, je suppose…

— Peut-être réussiras-tu à mieux surmonter cette épreuve lorsque tu reprendras ton travail, remarqua Michael.

Kit leva les yeux sur son père, surprise.

— Eh bien voilà, poursuivit Michael, qui respira profondément avant de s’expliquer. J’ai donné à Eléni des instructions pour qu’elle te confie des reportages dès le début de l’année, sur des sujets plus sérieux désormais. Et que tu signes tes articles de ton vrai nom.

— Oh, merci, père…, murmura Kit, stupéfaite.

— Et merci Eléni, renchérit Michael. Elle n’a cessé de me répéter que je la privais de son meilleur élément.

Kit éclata de rire. Elle savait que son père adorait Eléni, mais comprenait que ce n’était pas là la raison de son changement d’attitude.

— Tout va rentrer dans l’ordre, ma chérie, reprit Michael. Fais-moi confiance. Tu sais, avec le temps, tout cicatrise.

— Désolée de vous interrompre, mais c’est l’heure de vos médicaments et de votre toilette, monsieur O’Brien, lança à ce moment l’infirmière d’un ton sans appel en pénétrant dans la chambre.

Kit rit de nouveau en voyant son père faire les gros yeux.

— Je reviendrai un peu plus tard, papa, dit-elle. Et merci.

— Kit ! l’appela son père alors qu’elle se dirigeait vers la porte.

— Oui ?

— Une chose encore. Tu sais combien je t’aime, n’est-ce pas ? Je ne te l’ai jamais dit, mais…

Il se tut. Kit sourit, attendrie par cet homme, son père, si vulnérable, si humain, au fond. Un homme sacrément courageux qui avait su admettre ses erreurs. Et qui lui déclarait aujourd’hui, devant témoin, tout son amour.

— Je sais, papa. Mais merci de me le dire. Je t’aime moi aussi. Et maintenant, écoute l’infirmière, d’accord ?

— Pfft, quel type, ce Joshua Parker ! lança Cameron au moment où Kit pénétrait dans le salon. Il y a un article passionnant dans l’hebdo télé sur La dernière frontière, tu l’as lu ?

Kit ignora l’allusion et alla prendre place sur le canapé. Refermant le magazine, Cameron se servit un scotch, avant de se laisser aller dans le vieux fauteuil en cuir. Puis il porta le verre à ses lèvres et dégusta le breuvage. Il tendit ensuite la main vers un paquet de cigarettes posé sur la table devant lui.

— Cameron ! se récria Kit. Papa est en haut, encore très faible, et toi, tu empoisonnes l’atmosphère ? Il serait furieux s’il savait que tu fumais dans la maison ! Il croit que tu as arrêté !

— J’avais arrêté. J’ai recommencé depuis son attaque, répondit Cameron en allumant sa cigarette. Mais la fumée ne parviendra pas jusqu’à sa chambre. Calme-toi, Kit. Comme tu es nerveuse depuis cette croisière !

— Ces heures d’attente à l’hôpital ont été éprouvantes.

— Une sainte, voilà ce que tu es, s’esclaffa Cameron en lui adressant un clin d’œil. Tu as toujours été plus généreuse que tout le monde, malgré ce que peuvent dire les journaux.

— Je te ferai remarquer que tu es à la une encore plus souvent que moi, répliqua Kit avec un sourire.

Elle se blottit sur le canapé avec un sentiment de bien-être tout relatif. Oui, il s’agissait plutôt d’apaisement. Son entretien avec son père l’avait libérée d’un poids qui l’oppressait depuis des années et elle n’allait pas laisser Cameron gâcher ce moment de sérénité, le premier depuis des semaines.

Son frère écrasa sa cigarette dans le cendrier et la fixa, avec ce sourire moqueur dont il avait le secret.

— J’ai un travail fou en ce moment, dit-il. Un tas de rendez-vous, des réceptions… J’ai besoin d’une jolie fille pour m’accompagner. Une actrice, un top model… Qui sait ? Peut-être Joshua pourrait-il me procurer un nom…

Kit bondit sur ses pieds. En temps normal, elle aurait remis son frère en place, mais en cet instant, elle dut lutter pour retenir ses larmes.

— Allez, assieds-toi, reprit Cameron, manifestement désemparé par sa réaction. Je plaisantais…

Silencieuse, Kit alla se poster devant la baie vitrée. On jouissait d’une vue exceptionnelle sur Central Park, décoré en cette période de l’année de guirlandes multicolores et de banderoles rouge et verte souhaitant à tous de joyeuses fêtes.

Kit n’avait guère la tête à fêter Noël cette année, au point qu’elle en avait même négligé ses traditionnelles soirées de charité.

— Tu as perdu ta langue ? l’interpella Cameron en allumant une nouvelle cigarette.

Elle fusilla son frère du regard et décida d’attaquer pour ne pas avoir à se défendre.

— Bon, que veux-tu savoir, Cameron ? Ce qui s’est exactement passé ? Je l’ai embrassé, point final !

— Allons donc ! chantonna Cameron. Embrassé ? Vous avez passé plusieurs jours et autant de nuits l’un près de l’autre et…

— Et quoi ? Allez, Cameron, fais travailler ton imagination ! le provoqua-t?elle.

— Eh, ne le prends pas comme ça, protesta celui-ci. Je voulais seulement savoir ce que tu éprouvais.

— D’après toi ? Il se promène en ville au bras d’une autre femme alors que moi, je m’efforce de survivre. Voilà, cher frère. Tu es ******* ?

Dans un silence gêné, elle se leva, abandonnant son verre.

— Je dois me préparer, lança-t?elle. Tu aurais pu t’abstenir de vouloir à tout prix m’emmener à ce dîner de charité.

— Je te l’ai dit. J’ai besoin d’une jolie femme à mon bras, répondit Cameron en souriant. Que veux-tu, moi aussi, je suis célibataire…

— Tu as surtout besoin d’une partenaire qui ne t’empêche pas de flirter, répliqua Kit, mordante.

— Un point pour toi ! admit Cameron. Allez, va t’habiller, maintenant.

Une fois dans sa chambre, Kit s’efforça de chasser de son esprit la cause de son désespoir. Sur le fauteuil traînait le Tattler de la veille. Tous les jours, le même supplice recommençait. Encore un papier sur Joshua et sa nouvelle conquête. Encore une plaie saignante sur son cœur déjà meurtri. Y survivrait-elle ?

Au moins, il y avait eu une bonne nouvelle : son père, lui, était en bonne voie de guérison. Et puis, elle était repartie avec lui sur de bonnes bases, entamant une relation prometteuse faite de compréhension et de tolérance.

Après tout, il suffisait d’oublier Joshua, même s’il ne se passait pas un jour sans qu’il fasse la une de la presse à sensation ! Plutôt curieux, pour quelqu’un qui prétendait détester les journalistes…

En réalité, Joshua courait les œuvres de charité, toujours avec la même petite blonde à son bras, se prêtant sans rechigner aux sollicitations des photographes. Les articles n’avaient pas révélé l’identité de sa partenaire, mais à l’évidence, celle-ci était bien plus qu’une simple camarade. On avait vu Joshua embrassant la jeune femme sur la joue, un bras noué à sa taille. Oui, se dit-elle, accablée, il l’avait bel et bien oubliée. Tout était fini. Comme elle avait été sotte, elle qui, un temps, s’était laissée aller à espérer qu’une fois sa colère apaisée, il reviendrait vers elle ! Pas une fois, il n’avait essayé de l’appeler pour prendre au moins des nouvelles de son père. Il l’avait laissée tomber, et c’était définitif.

Kit se mordilla la lèvre. Non, elle ne pleurerait plus. Elle finirait par l’oublier, elle aussi… Enfouissant le visage entre ses mains, elle se laissa tomber sur son lit et ferma les yeux. En vain. L’image de Joshua refusait de la laisser en paix.
— Kit ! Kit ! Réveille-toi !

Déjà revêtu de son smoking, Cameron secoua sa sœur par l’épaule. Des journaux froissés traînaient sur le lit. Kit grogna une protestation, puis le dévisagea.

— Oh, soupira-t?elle en tentant de se recoucher. Vas-y sans moi.

— Pas question, protesta Cameron. Je refuse. Allez, je t’en prie, fais un effort. Cette soirée est prévue depuis des semaines. Et puis, que penseraient les gens ?

— Que toi tu y ailles, c’est important, répliqua-t?elle. Mais moi, personne ne remarquera mon absence.

Comme elle se trompait, songea Cameron, en allumant la lampe de chevet.

— Enfin, Kit ! fit-il mine de se fâcher. Il s’agit de notre fondation. En outre, si tu continues à vivre comme une recluse, les rumeurs ne vont pas tarder et…

— Bon, d’accord…, soupira Kit en se levant.

Au passage, elle fit tomber quelques journaux de son lit, mais ne fit rien pour les ramasser.

Les yeux pleins de larmes, elle regarda son frère. Celui-ci lui souriait tendrement. Il savait à quel point elle était désespérée. Eh bien, ce soir, tout s’arrangerait.

— Allez, dépêche-toi maintenant, déclara-t?il en quittant la chambre.

Il descendit dans le salon et alla vérifier son nœud papillon dans un petit miroir. Le gratin de la ville serait présent au dîner de gala. Mais par-dessus tout, une personne y assisterait. Une sonnerie l’avertit à cet instant de l’ouverture des portes de l’ascenseur privé par lequel l’infirmière faisait descendre son père.

— Alors ? lança aussitôt celui-ci de l’autre bout de la pièce. Elle vient ?

— Elle s’était endormie, mais elle va venir. Cela n’a pas été sans mal pour la décider.

— Oui, mais elle vient, répondit Michael en congédiant l’infirmière d’un geste. Il faut qu’elle t’accompagne. C’est important. Kit a besoin de…

— Kit a besoin de quoi… ? les interpella brusquement l’intéressée en pénétrant dans le salon. De me dépêcher, peut-être ? ajouta-t?elle, souriante, en déposant un baiser sur le front de son père.

— Exactement, mentit Cameron en regardant sa sœur, admiratif. Remarque, ça valait la peine d’attendre. Tu es superbe !

— Entièrement d’accord avec toi, renchérit leur père. Ta mère serait fière. Comme tu lui ressembles…

Kit rougit. Jusqu’au dernier moment, elle avait hésité à revêtir sa robe longue en satin blanc.

— Flatteurs que vous êtes ! s’exclama-t?elle en riant.

— Tu as bien fait de mettre cette robe, remarqua son frère. Le blanc te va très bien.

— J’en ai assez du noir, expliqua Kit. J’ai fait don de toutes mes tenues noires aux œuvres de ce soir. C’est bien mieux ainsi.

Cela avait été un déchirement, mais elle l’avait fait. Oui, elle s’était débarrassée de ses robes de croisière.

— Bien, il faut y aller, à présent, lança Cameron en rompant le lourd silence qui planait soudain sur la pièce.

— Un instant, s’interposa Michael. Euh, Kit… j’ai pensé que ceci serait du meilleur effet pour une soirée de gala. Cameron ?

Intriguée, Kit fronça les sourcils en voyant son père tendre un petit coffret de velours noir à son fils. Avec un sourire de connivence, celui-ci prit l’étui, qu’il ouvrit délicatement sous les yeux de sa sœur. De somptueuses boucles d’oreilles incrustées d’un solitaire, ainsi qu’un sautoir lui aussi orné d’un fabuleux diamant brut étincelaient de mille éclats.

— Je tiens à ce que tu portes ces bijoux ce soir, dit alors son père. Ta mère les adorait, tu te souviens ? Je les lui avais offerts pour nos dix ans de mariage…

Luttant pour contenir ses larmes, Kit parvint à articuler :

— Je ne savais pas. J’avais oublié…

Cameron lui retira le collier qu’elle portait pour le remplacer par le sautoir. Puis il recula et observa sa sœur, avant de se tourner vers son père. Tous deux la dévisagèrent, manifestement satisfaits, tandis qu’avec mille précautions, Kit fixait à ses oreilles les boucles que sa mère avait tant aimées…

— Parfait, dit Michael. Je sens que cette nuit s’annonce sous les meilleurs auspices, Kit. Oui, ce soir, la chance est avec toi.

— Je n’ai jamais eu la moindre chance, père.

— Et alors ? Il y a un début à tout, Katherine. Et puis, tu es divine. Tous les hommes présents à la soirée seront honorés de danser avec toi. Mais ne perdez plus de temps avec votre vieux père, mes enfants. Disparaissez !

Cameron et Kit se dirigèrent vers la porte, tandis que leur père se hâtait vers son bureau.

— Oh, Kit, une chose encore ! l’interpella-t?il en faisant volte-face.

Kit tourna vers lui un regard interrogateur.

— Fais-moi plaisir, reprit son père. Sois raisonnable.

Et Michael disparut, la laissant perplexe. Raisonnable ? Que voulait-il dire par là ? Et pourquoi ce soir, précisément ?

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-02-10 12:36 AM

chapitre 13


Kit fut bientôt forcée d’admettre que cette soirée de gala n’avait somme toute rien de déplaisant. Le dîner lui-même avait été délicieux.

— Bientôt l’heure de la vente aux enchères, lança Eléni, tout excitée. Je suis si heureuse que tu sois finalement venue, Kit. N’oublie pas de te montrer généreuse, d’accord ? Je compte sur toi.

— Euh… ?

— D’autant qu’il y a des pièces exceptionnelles ce soir, renchérit Cameron, tout en consultant le programme des ventes. Tenues de soirées et bijoux de stars, photographies dédicacées, toiles de maître et… regarde-moi ça ! s’exclama-t?il soudain avec euphorie, le script d’un épisode de La dernière frontière signé de l’auteur lui-même, un don fait par un certain Mark Cooper… Oui, c’est la signature de Joshua Parker ! Extraordinaire ! Je crois que je vais te l’offrir, Kit !

— Oh, je t’en prie, Cameron ! répliqua celle-ci en se levant brusquement de table. Eléni, attends-moi !

Elle emboîta le pas à sa rédactrice en chef, qui s’était déjà éloignée pour aider aux ultimes préparatifs de la vente aux enchères. Eléni s’était comme tous les ans investie sans compter dans l’organisation de la soirée.
Eléni et Kit rejoignirent Larry, le maître de cérémonie. Fébrile, celui-ci examina une dernière fois les pièces qu’il devait présenter à l’assistance, avant de monter sur l’estrade. Les applaudissements fusèrent et la vente commença.

Kit se figea quand Eléni lui tendit la première pièce. Sa petite robe noire. Elle se mit à trembler, submergée par les souvenirs. Nuit magique, si pleine d’espoir alors… Bah, au moins, c’est pour la bonne cause ! se dit-elle, amère.

— Une robe de soirée somptueuse, signée d’un grand couturier italien ! annonça Larry. Un don de Kit O’Brien ! Mise à prix…

— 5 000 dollars, si elle la porte ! lança alors une voix dans l’assistance.

— Pardon ? demanda Larry, un instant déstabilisé.

Kit observa la salle et aperçut l’homme qui venait de parler. L’inconnu se tenait près de la sortie, revêtu comme les autres invités mâles d’un smoking.

— Je ferai don de 5 000 dollars au centre pour la recherche contre le cancer si elle accepte de la revêtir, répéta l’homme d’une voix claire et ferme.

Larry se tourna vers Kit, qui tenait toujours sa petite robe noire, et la jeune femme fronça les sourcils. Cette voix lui était inconnue, mais… Et si… ? La gorge serrée, elle se moqua d’elle-même. Non, ce n’était pas Joshua. Pourquoi se serait-il trouvé là, d’ailleurs ?

— Kit ? chuchota Eléni. Tu as entendu ? 5 000 dollars ! Je t’en prie ! Mets-la ! Il le faut !

Sceptique, Kit regarda la robe. Elle n’avait aucune envie de la porter. Mais pour 5 000 dollars, elle pouvait bien faire un petit effort…

— Bon, d’accord, se résigna-t?elle. Je vais me changer.

— Et voilà, chers amis ! enchaîna Larry. La mise à prix de cette robe est de 5 000 dollars. Nous reviendrons sur cet article sitôt que Kit sera prête ! Passons à la pièce suivante, si vous le voulez bien, avec le collier de…

En coulisse, Kit se hâta de se changer, tandis qu’Eléni s’interrogeait à voix haute :

— Je me demande qui est cet homme… Cooper, ou quelque chose comme ça. Cela ne me dit rien.

Kit soupira. Pourquoi ce sentiment de déception mêlé de soulagement ? Ce ne pouvait être Joshua. Il n’avait aucune raison de se trouver là ! Oh, bien sûr, un script original de La dernière frontière faisait partie de la vente aux enchères, mais cela ne justifiait pas qu’il fût présent à la soirée. D’autant qu’il devait savoir qu’elle s’y trouverait. Non, elle ne devait pas oublier qu’il l’avait plaquée. Définitivement plaquée.

Et dire qu’elle était tombée amoureuse de lui ! Ensemble, ils auraient pu… Mais non, tout était fini entre eux.

Serrant les dents, Kit s’efforça de se détendre. Un lavage de cerveau, voilà ce dont elle avait besoin. Non, je ne l’aime pas, se dit-elle rageusement. J’en ai fini avec lui. Je me moque qu’il ne réponde pas quand je téléphone à la ferme. J’ai ma fierté, après tout. Joshua ne mérite pas…

— Oui ? s’exclama-t?elle soudain. Tu disais, Eléni ?

— Je disais qu’il était temps d’y retourner.

Kit se regarda dans le miroir. Oui, s’encouragea-t?elle, il est temps de reprendre ma vie en main.

— Je suis prête, Eléni. Et je te jure que cette satanée robe va rapporter 5 000 dollars !

Et elle se rua hors des coulisses pour monter sur l’estrade.



— Et voici Kit O’Brien, revêtue de sa magnifique robe ! lança Larry en l’accueillant. Qu’en pensez-vous, chers amis ? A présent, nous vous proposons un rendez-vous avec notre superbe Kit O’Brien contre votre générosité…

— Larry ! s’exclama Kit, stupéfaite. Mais que racontez-vous là ?

Larry s’excusa auprès de l’assistance et se tourna vers elle :

— Mais enfin, Kit, c’est bien ce qui a été convenu il y a quelques semaines !

Bon sang, oui, réalisa-t?elle alors. Il y avait une éternité de cela, alors que tout le bureau de soutien à la recherche contre le cancer réfléchissait au moyen de faire grimper les enchères, elle avait eu l’idée saugrenue de s’offrir pour une sortie contre la générosité d’un donateur. Une idée contre laquelle son père, mis au courant, s’était bien entendu opposé sans que cela n’arrête la jeune femme.

Aujourd’hui toutefois, les choses avaient changé. Elle-même avait changé, elle n’était plus dans le même état d’esprit.

— Mais oui, Kit, renchérit Eléni. Tu l’avais promis…

— Oh, mais… Non, je ne peux pas. C’est impossible…

— Ce qui est impossible, c’est de reculer maintenant, protesta Larry. Mesdames et messieurs ! lança-t?il en s’éloignant. Une soirée au bras de Kit O’Brien ! A combien démarrent les enchères ?

Quelques sifflets fusèrent dans la salle et quelqu’un s’écria :

— Moi, je lui lègue ma fortune !

Les invités éclatèrent de rire et Kit rit à son tour, reprenant confiance. Après tout, elle n’avait jamais eu pour habitude de revenir sur sa parole ou sur ses engagements. Et puis, si cela pouvait aider à la cause… Lentement, elle s’avança sur la scène et, faisant taire les rires et les cris, déclara :

— Vous le savez, la recherche contre le cancer est importante pour moi. Maman est décédée de cette terrible maladie, et je compte donc sur votre générosité. Car sachez-le, messieurs, je ne suis pas bon marché…

— Et pourquoi pas deux rendez-vous pour le prix d’un ? suggéra alors une voix amicale.

— Non, Blaine, répondit Kit en saluant son ami. N’insiste pas !

Blaine s’était montré compréhensif et très gentil avec elle lorsqu’elle lui avait expliqué qu’il n’y aurait jamais le moindre mariage entre eux. D’ailleurs, il semblait déjà s’être consolé avec cette brune qui l’accompagnait ce soir encore. Une jolie jeune femme, qui parut néanmoins un instant déstabilisée par la réflexion de son cavalier.

Il y eut de nouveaux rires et des réflexions plus ou moins délicates fusèrent avant que Larry parvienne à obtenir le silence. Les enchères commencèrent et bien vite, la somme de 5 000 dollars fut atteinte, à la grande joie de Kit.
Un groupe de messieurs se disputa un moment, surenchérissant à coups de 500 dollars. Kit ne tarda pas à perdre le fil de la négociation, emportée par ses pensées. Que lui importait d’être achetée par l’un ou par l’autre ? Après Joshua Parker, plus rien ne comptait.
— 10 000 !

Un murmure parcourut la salle. S’arrachant à ses pensées, Kit se tourna vers la porte de sortie, à l’endroit même d’où s’était élevée la voix. Sans doute le même homme qui, un moment plus tôt, avait proposé d’acheter sa robe noire 5 000 dollars si elle acceptait de la porter…

Soudain, elle sentit son sang se glacer dans ses veines. Oui, l’enchère venait effectivement d’être lancée par le même homme. Mais c’était la personne qui se tenait à sa droite qui attira son attention. Un homme qui ressemblait d’ailleurs vaguement à son voisin. Un homme qu’elle connaissait. Intimement. Joshua !

Soudain prise de vertiges, elle resta pétrifiée, tandis que Larry annonçait :

— Adjugée pour 10 000 dollars au numéro 2045 !

Kit quitta précipitamment la scène et courut dans les coulisses. Se ruant dans l’une des cabines d’essayage, elle ferma la porte derrière elle et tenta de recouvrer son souffle.

— Kit ? appela Eléni à travers la porte. Tout va bien ?

— Bien sûr, répliqua Kit en la laissant entrer, avant de s’écrouler sur une chaise. Je viens juste de me prostituer. Devant Joshua ! Que fait-il ici ?

— Oh, Kit, je t’en prie ! Pense à la réussite de cette soirée ! Nous avons déjà récolté deux millions de dollars ! C’est fantastique ! Inespéré ! Et ceci, en partie grâce à toi !

— Oui, bien sûr…, marmonna Kit.

Oui, elle pouvait se féliciter d’avoir été à l’origine de l’enchère la plus importante de cette soirée. Mais… Joshua devait être choqué qu’elle ait osé se vendre ainsi. Trop heureuse de faire parler d’elle ! Oui, voilà ce qu’il devait se dire ! Alors qu’elle ne voulait pas — ne voulait plus— se prêter à ce petit jeu !


— Oui ? fit-elle en s’apercevant qu’Eléni avait parlé et attendait une réponse.

— Tu es toujours dans la lune, décidément ! Tu devrais aller te rhabiller. Ce gentleman a payé et il doit certainement t’attendre !

— Je m’en moque, soupira-t?elle.

Après tout, ne l’avait-il pas laissée tomber sans lui accorder la moindre chance de s’expliquer ? Elle finit par se lever néanmoins et, pressée par Eléni, accepta de se changer. Elle revêtit sa robe longue en satin blanc, abandonnant la noire sur le dos d’une chaise. Puis, devant le miroir, rêveuse, elle ajusta le sautoir que lui avait offert son père et vérifia l’éclat des boucles d’oreilles.

Inspirant profondément, elle décocha un sourire confiant à son reflet. Elle était Kit O’Brien, après tout ! La gorge nouée, elle passa une main tremblante dans ses cheveux, puis sortit enfin d’un pas décidé.

Joshua regarda Kit se frayer un passage à travers la foule des invités, qui bavardaient gaiement depuis la fin des enchères. Il sourit. La jeune femme s’était arrêtée au bar pour demander un verre de vin.
Il but une gorgée d’eau, satisfait. Jusqu’ici, tout se déroulait comme prévu. Oui, Cameron avait vu juste. Kit avait finalement accepté d’assister à cette soirée de gala. Et avec quelle distinction teintée d’orgueil elle avait su jouer son rôle ! Tout ça par pur esprit de générosité, pour la cause qu’elle défendait avec tant d’énergie depuis le décès de sa mère. Oui, il était fier d’elle. Et comme il avait dû se faire violence pour garder le silence, tandis qu’elle rayonnait sur la scène dans cette robe sublime, offerte à la convoitise des mâles subjugués par sa beauté. Un vrai supplice pour lui. Mais Cameron avait insisté pour qu’il reste dans l’ombre.

Et c’était Mark qui avait reçu mission de faire grimper les enchères. Quelle idée excellente son frère avait-il eu d’exiger que Kit passe la petite robe noire ! Jamais lui-même ne l’aurait eue. Joshua rit sous cape en portant le verre à ses lèvres. Lorsqu’il avait vu Kit dans cette robe, son cœur avait cessé de battre ; le souvenir de ces instants passés auprès d’elle l’avait un instant terrassé. Oui, cette nuit-là, ils avaient fait l’amour. Cette nuit-là, il avait su qu’il l’aimait. Qu’il l’aimait vraiment. Qu’elle était la femme qu’il attendait depuis toujours.

Eprouvait-elle les mêmes sentiments pour lui ? Parviendrait-il à la convaincre de partager sa vie ?
Joshua avait besoin de Kit, besoin d’elle pour continuer à exister. Chassant ses angoisses et ses doutes, il inspira profondément. L’heure était venue.

Avec un sourire rigide destiné à cacher son désarroi, Kit s’approcha de l’homme qui l’avait achetée aux enchères.

— Ah, voilà notre très chère Kit O’Brien ! lui dit gaiement l’inconnu.

Kit soutint son regard. Il avait de beaux yeux, moins profonds néanmoins que ceux de Joshua. Et ce sourire ! Un peu fade à côté de celui, chaud et voluptueux, de Joshua. Mais cet homme avait payé et elle avait le devoir de se montrer au moins aimable. Elle lui adressa un sourire.

— J’ai beaucoup entendu parler de vous, mademoiselle. Je ne crois pas regretter ma… euh… ma mise. Vous devez être une femme remarquable. Je suis enchanté à l’idée de mieux vous connaître.

— Je suis une femme comme les autres, rien de plus, répondit Kit sans se départir de son sourire.

— Je suis certain que non, contra l’homme, l’air mystérieux. Heureux de cette rencontre. Et à bientôt, j’espère…

— Puis-je avoir l’honneur de connaître votre nom ? demanda Kit, intriguée par cet étrange comportement.

— Oh, peu importe ! répondit son interlocuteur en riant. Nous aurons tout le temps de faire connaissance…

— Je ne vois pas pourquoi…, commença Kit.

— Mon chéri, cesse de la taquiner ainsi ! protesta à cet instant une voix féminine enjouée dans son dos. Tu as parfaitement joué ton rôle. Il est temps de conclure maintenant.

Kit se tourna et aperçut la blonde des tabloïds venir vers eux. La seconde suivante, la jeune femme enlaçait amoureusement l’inconnu. A la fois révoltée et stupéfaite, Kit comprit que Joshua avait été évincé et que la blonde avait jeté son dévolu sur l’homme qui venait de l’acheter, elle, par un don mirobolant. Mais à quoi tout cela rimait-il ? Et qui était cette femme ?

— Comme tu voudras, ma chérie, dit l’inconnu en déposant un baiser sur la joue de la nouvelle venue.

Puis il se tourna vers Kit, qu’il fixa un moment, avant de prendre la parole.

— Je suis Mark, dit-il. Et cette femme délicieuse est mon épouse adorée, Donna.

— Flatteur, lança la blonde.

— Votre épouse ? répéta Kit, sur ses gardes.

— Je suis heureuse de vous rencontrer enfin, Kit, dit la jeune femme en lui tendant la main. Mark vous a taquinée. Il adore plaisanter. Nous ne pouvions pas le priver de ce rôle…

Désemparée, Kit se trouvait en proie à la plus totale confusion. Mais que faisait Joshua avec une femme mariée ? Et cet homme était-il au courant du double jeu de son épouse ? Enfin, pourquoi ce mari apparemment amoureux avait-il tenu à l’acheter, elle ?

— Je ne comprends pas…

En cet instant, elle eut néanmoins la vague intuition que les choses allaient vite s’éclaircir. Un long frisson la parcourut quand elle sentit Joshua approcher derrière elle.

— Bonsoir, Kit. Heureux de vous revoir.

Elle se sentit défaillir sous l’effet de ces mots murmurés à son oreille. Au prix d’un effort surhumain, elle se tourna vers lui.

— Ne dites rien, reprit Joshua en lui saisissant le bras pour l’empêcher de fuir.

Telle une somnambule, elle ne réagit pas lorsqu’il l’entraîna vers la piste de danse. Puis, brusquement, elle s’immobilisa au milieu de la foule des invités.

— Je vous demande de me lâcher, déclara-t?elle d’une voix ferme en cherchant à s’arracher à son emprise. Je dois aller saluer des amis.

— Non, je refuse, répliqua Joshua avec un sourire en lui enlaçant la taille. Je vous signale que je vous ai achetée. Et j’ai droit à mon rendez-vous. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient…

— Je ne vois que cela, répondit-elle tandis que déjà, il la faisait tournoyer au rythme d’une valse viennoise.

— Dommage. Vous vous êtes vendue et je vous ai achetée. Le marché est conclu. Et j’ai trop attendu ce moment.

Joshua posa les mains sur le dos de la jeune femme, qui retint un gémissement au contact des doigts sur sa peau. Elle devait garder le contrôle, ne pas céder au trouble qui l’envahissait. Et tant pis si son corps avait faim de cet homme, son esprit lui ordonnerait de résister. Elle ne céderait pas. Elle en avait fini avec lui. Elle ne voulait plus souffrir.

— Ce n’est pas une bonne idée, lâcha-t?elle. Tout est fini entre nous.

— Cela reste à démontrer, contra Joshua en resserrant son étreinte. Mais j’y pense, trouvez-vous que mon demi-frère me ressemble ?

— Votre demi-frère ?

Brusquement, tout s’éclaircit. Oui, son demi-frère. Et cette blonde était sa belle-sœur, bien sûr !

— Mon demi-frère, répéta Joshua. Mark. Financier à Wall Street et ami de votre propre frère.

— Bien sûr.

Kit remit mentalement en place tous les éléments du puzzle. Evidemment ! Elle aurait dû se douter que Cameron se trouvait derrière tout ça.

Elle regarda Joshua. Certes, il n’était pas sorti avec une autre femme, mais cela n’excusait en rien son attitude. Car il l’avait abandonnée sans ménagement et sans jamais tenter de l’appeler.

Non ! Elle se raidit et serra les poings. Pas question de se laisser aller à lui caresser les cheveux. Cheveux qu’il avait d’ailleurs fait couper court, sans rien perdre de son charme, convint-elle. Non, elle ne le toucherait pas.

Troublée par les sensations qu’éveillait en elle la proximité du corps masculin, elle songea qu’elle ferait bien mieux de battre en retraite. De le fuir. De rester en colère contre lui, et non de se laisser une nouvelle fois piéger par le désir.

— Ecoutez, Joshua, peu importe que vous ayez payé ou non. Vous ne pouvez pas débarquer ainsi et attendre de moi que je vous saute au cou après tout ce que vous m’avez dit ! Pour qui me prenez-vous ?

— Souvenez-vous des circonstances, Kit, répondit Joshua, l’air grave. Vous m’avez menti, certes par omission, mais menti tout de même.

Kit baissa les yeux. Elle avait conscience de l’avoir trahi. Mais lors de leur dispute à la ferme, il n’avait rien voulu entendre. Elle n’avait pu s’expliquer. Il n’imaginait pas combien elle avait souffert de ce rejet, non, il ne l’imaginait pas.

— Je me suis excusée, dit-elle. De toute façon, comme vous l’avez si bien dit à la ferme, nous n’avons plus rien à faire ensemble. Je pense que vous aviez raison…

— Et moi, je sais que je me trompais, répliqua-t?il sur un ton sans appel en la serrant contre lui. Mais vous avez un engagement à respecter, Kit. J’ai payé. Vous êtes à moi.

Sans rien rajouter, il dansa un moment, les yeux plongés dans ceux de sa partenaire, avant de murmurer :

— Faisons comme si tout recommençait, Kit. Par une danse.

Elle tressaillit tandis qu’il se plaquait contre elle, éveillant dans sa chair une soif douloureuse et brûlante, embrasant violemment tous ses sens.

— Je vous restituerai votre enchère. Le double, même, proposa-t?elle en désespoir de cause.
— Je ne veux pas d’argent, Kit. C’est vous que je veux, vous.

A ces mots, elle se sentit près de défaillir, de céder aux exigences de son corps. S’arrachant malgré tout aux bras qui l’enserraient, elle quitta la piste de danse et se dirigea vers sa table. Vite, elle devait trouver Cameron et le supplier de la ramener à la maison.

Fendant la foule, elle aperçut enfin son frère, en grande discussion avec une superbe jeune femme.

— Kit, sourit Cameron en la voyant approcher, je te présente Emily !

— Enchantée, marmonna Kit. Cameron, je veux rentrer.

— Assieds-toi, Kit, ordonna son frère en l’observant. Il n’y a pas d’urgence, que je sache !

— Si ! Je veux rentrer ! Tout de suite !

— Ne partez surtout pas sans ça !

Kit sursauta et fit volte-face. Joshua se tenait devant elle, la robe noire sur le bras.

— Vous pouvez la garder ! répliqua-t?elle. Je ne la porterai plus.

Joshua se pencha et lui déposa la robe entre les mains en chuchotant à son oreille :

— Vous la porterez, Kit. Pour moi.

Elle recula vivement et jeta la robe sur la table. Comment osait-il ?

— Vous rêvez ! Comme je vous l’ai dit il y a une minute, je crois que nous devons en rester là. Adieu !

— Je ne bougerai pas d’ici, Kit !

Pestant intérieurement, elle regarda son frère, qui l’ignora superbement et reprit sa discussion avec sa nouvelle conquête.

L’espace de quelques secondes, Joshua fut tenté de renoncer. Il avait écouté les conseils de Cameron et patienté jusqu’à ce soir pour essayer de la reconquérir. Puis, sur la piste de danse, il lui avait avoué avoir besoin d’elle. Oui, pour elle, il avait ravalé sa fierté. Mais après tout, peut-être n’en avait-il pas fait assez ? Ou bien… Oui, ou bien, elle ne voulait tout simplement plus de lui !

Il inspira profondément, hésitant. Tourner le dos et disparaître de la vie de cette femme ? Non, il ne pouvait s’y résigner. Il avait déjà commis une erreur une première fois. Et Kit s’était battue pour le ramener à la raison, de toutes ses forces et avec tout son cœur. Non, aujourd’hui, c’était à lui de se battre.

— Kit, déclara-t?il d’une voix ferme, je ne sortirai pas d’ici sans vous. Nous appartenons l’un à l’autre.

— Mais revenez sur terre ! répliqua-t?elle, cruelle. Trois semaines sans nouvelles, et vous réapparaissez. Et après une valse ou deux, vous espérez que je vais tomber dans vos bras !
Mon Dieu, comme elle aimait cet homme et qu’il lui coûtait de prétendre le contraire alors que tout en elle aspirait à baisser les armes !

— Oui, je sais, répondit Joshua avec un sourire.

Oh, ce sourire, comme elle le détestait en cet instant ! Et allait-elle lui reprocher de rêver, elle que les cauchemars hantaient depuis leur séparation ? Il était tout ce qu’elle désirait. Et il le savait ! Il attendait, simplement. Telle était la vérité. Leur vérité.

Eh bien, non, elle n’était pas d’humeur à admettre cette vérité-là ! Et sa fierté, alors ?

Saisissant brusquement un verre qui gisait sur la table, aveuglée par la colère, elle le brandit face à Joshua. Il la fixa, sans broncher.

— Vous savez, Joshua, vous devriez vous trouver quelqu’un d’autre, siffla-t?elle.

Ce fut à cet instant qu’elle réalisa que les gens autour d’eux avaient interrompu leurs conversations. Tous regardaient dans sa direction. Levant le verre, elle le lança alors sans plus réfléchir sur le smoking de Joshua, qu’elle toisa ensuite, le menton fièrement levé.

Des murmures parcoururent la salle, qu’elle n’entendit même pas. Les gens s’éloignèrent discrètement, si bien que tous deux se retrouvèrent bientôt face à face dans une espèce de no man’s land. Joshua la fixait et elle le fixait en retour.

Tandis que des gouttes d’eau dévalaient le long du smoking, il conservait un calme olympien. Ce qui eut le don de décupler la colère de Kit. Celle-ci serra les poings, prête à en découdre.

Joshua sourit. Elle était merveilleuse, plus belle qu’aucune des autres femmes qu’il avait pu rencontrer. Et la vie auprès d’elle promettait d’être riche et intense.

Mais pour l’heure, ils avaient besoin de parler, d’analyser leurs sentiments. Calmement et sans témoin. Pour cela, l’endroit était plutôt mal choisi.

— Je crois que cela va faire le délice des tabloïds, déclara-t?il en désignant son smoking.

Kit haussa les épaules sans rien dire. Soutenant son regard, elle tressaillit quand il fit un pas vers elle.

— Je me moque des journalistes et de leurs commentaires, reprit-il. N’avons-nous pas une autre histoire à écrire tous les deux, Kit ?

Incapable de faire un geste, Kit sut à cet instant qu’elle était vaincue. Joshua s’approcha encore pour la soulever de terre et l’emporta ainsi, blottie entre ses bras fermes et puissants, presque inconsciente.

aghatha 05-02-10 12:45 AM

merci on attd patiemment la suite

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 16-02-10 12:54 AM

chapitre 14

Le premier moment de surprise passé, Kit reprit ses esprits et commença à se débattre.

— Lâchez-moi immédiatement, Joshua Parker ! ordonna-t?elle.

Elle roua les épaules musclées de coups de poing, mais Joshua paraissait ne rien sentir.

— Chut ! souffla-t?il, voilà les photographes ! J’aimerais autant que la photo soit réussie.

Kit entendit les flashes crépiter. Oh non ! N’y avait-il donc personne pour lui venir en aide ? Les gens au-dehors les observaient, les uns riant aux éclats, les autres arborant des mines outragées. Cameron prenait des photos et… riait lui aussi !

— Cameron ! hurla-t?elle. Dis-lui de me lâcher ! Fais quelque chose !

Son frère haussa les épaules en signe d’impuissance, puis agita la main en signe d’adieu en lui criant :

— Souviens-toi des paroles de papa ! Sois raisonnable, Kit !

— Cameron…, gémit-elle.

La minute suivante, Joshua la déposait devant le vestiaire. Sitôt sur ses pieds, elle entrevit la possibilité de fuir, mais il l’en dissuada.

— N’y pensez même pas, Kit ! Récupérez vos affaires et sortons discuter, rien que vous et moi, dit-il en tendant son ticket à la jeune femme du vestiaire. Je vous retrouverai ici. Et si j’étais vous, je ne bougerais pas de là !

Il tourna les talons sur ces paroles. Kit le suivit des yeux. Il ne manquait pas de culot ! Pas question qu’elle reste plantée là. Si par le passé, au casino par exemple, elle lui avait obéi, ce soir, c’était différent. Elle était parfaitement sobre et n’avait pas l’intention de se soumettre aux quatre volontés de Joshua. Elle présenta son ticket de vestiaire à la jeune femme.

— Beau garçon, commenta celle-ci alors que Kit jetait quelques pièces dans la soucoupe posée sur le comptoir.

— N’est-ce pas ? répondit-elle en souriant. Dites-lui je vous prie que je suis aux toilettes et que je le retrouverai ici.

— Comptez sur moi.

Sans cesser de sourire, Kit boutonna son manteau et s’éloigna. Elle disposerait ainsi de quelques minutes d’avance. Elle décida de prendre l’ascenseur et se retrouva bientôt dans le hall.

Un froid mordant l’accueillit quand elle sortit de l’hôtel. Malheureusement, aucun taxi ne stationnait devant l’entrée. En revanche la limousine qui les avait conduits, elle et Cameron, à la soirée était garée tout près. Après tout, son frère, ce lâcheur, ce traître, n’aurait qu’à se débrouiller pour rentrer !

Lyle, leur chauffeur, la salua lorsqu’elle approcha d’un pas décidé de la voiture. Elle regarda derrière elle. Parfait, aucun signe de Joshua !

Elle prit place sur le siège arrière et attendit. Quelques secondes s’écoulèrent. Des rafales d’un vent polaire s’engouffrèrent dans la voiture. Mais que faisait donc Lyle ? Pourquoi ne refermait-il pas cette satanée portière ? pesta-t?elle en frissonnant.

Elle se pencha et tendit la main vers la poignée pour rabattre elle-même la portière, quand elle entra en contact avec des mains gantées de cuir. Une masse sombre s’invita à ses côtés, puis un paquet atterrit sur ses genoux. Sa petite robe noire.

*
* *

— Alors, pouvons-nous discuter à présent ?

Kit rampa à l’autre bout du siège arrière, tandis que Joshua retirait lentement ses gants. Il semblait calme, comme s’il s’était attendu à sa tentative de fuite.

— Je n’ai rien à vous dire ! Sortez de ma limousine immédiatement ! hurla Kit en pressant sur le bouton pour rabattre la vitre qui les isolait de Lyle.

Comme rien ne se passait, elle cria pour attirer l’attention du chauffeur. En vain. Elle se tourna alors vers Joshua, désemparée.

— Mais que… ? Ce n’est pas Lyle qui est assis là ?

Joshua éclata de rire, avant de répondre :

— C’est bien Lyle. Il ne fait qu’obéir aux ordres.

— A vos ordres ? s’écria-t?elle, exaspérée. Il n’a pas à vous obéir. Peu importe que vous ayez déboursé des millions pour m’acheter ! Vous n’avez pas le droit de donner des ordres à mon chauffeur !

— Oh, je n’y suis pour rien. C’est votre frère qui a demandé à Lyle de ne pas vous laisser partir jusqu’à ce que je considère que vous étiez devenue raisonnable.

Etrangement calme soudain, Kit marmonna :

— Vous avez manipulé mon frère.

— Allons, pas de gros mots, Kit. En réalité, toute cette histoire a commencé avec Mark et Donna. Ils connaissent Cameron depuis des années. Sitôt que nous avons été certains que vous n’alliez pas épouser Blaine, nous avons ourdi notre complot.

— Vous avez donc rencontré Cameron, dit-elle au bout d’un moment, pestant intérieurement contre son traître de frère.

— Oui, admit Joshua en soutenant son regard. Kit, nous devons parler.

— Oh, mais que craignez-vous pour que vous soyez si grave ? répliqua-t?elle, hautaine. Ne vous en faites pas, je ne suis pas enceinte ! Et si je suis restée cloîtrée chez moi toutes ces semaines, c’est pour m’occuper de mon père, pas pour pleurer sur vous !

— Je sais. Je n’ai pas la prétention d’être le nombril du monde, rétorqua Joshua. Kit, j’ai besoin de vous dire certaines choses. Je voulais vous parler bien avant, mais notre séjour à la ferme s’est achevé de manière si abrupte…

Il s’interrompit et plongea ses yeux dans ceux de la jeune femme.

Elle tressaillit, subjuguée par la beauté de cet homme. Oh oui, elle comprenait la béatitude de certaines de ses fans rencontrées lors de la croisière.

— Joshua…, commença-t?elle, la voix mal assurée, avant d’enchaîner, désabusée : Il n’y a rien à rajouter à ce que vous m’avez dit le jour de notre séparation. Vous aviez raison. Notre relation était une erreur. Sans doute nous sommes-nous laissés griser par la magie de la croisière…

— Kit ! J’étais furieux. Je me sentais trahi. Ensuite, j’ai repensé à tout ça. J’ai compris que vous n’aviez pas l’intention d’écrire quoi que ce soit à mon sujet. Jamais vous n’auriez fait une chose pareille.

— Non, murmura-t?elle. Jamais…

— J’avais tort, Kit. J’ai refusé de vous écouter, je ne vous ai pas laissé la moindre chance de vous expliquer. J’ai cru que vous alliez exploiter ce qui était arrivé entre mon père et moi et…

— Non, Joshua. Je ne suis pas Marilyn Roth.

— Lorsque j’ai vu que vous jetiez les coupures de presse et vos notes dans les flammes, j’ai compris que je me trompais sur vous. Mais vous étiez déjà partie, avec Blaine.

— Oh, soupira Kit en le fixant.

— J’ai cru que vous étiez comme les autres. Je suis impardonnable. Je vous ai fait du mal et cela me désespère. A croire que toute mon existence est vouée à saccager celle des autres, de mon père notamment…

Dans la pénombre de la limousine, Kit tendit la main vers la sienne. Joshua avait avoué s’être trompé sur elle. Oui, il avait confiance en elle.

— Oh, Kit, aidez-moi, je vous en prie. Vous savez, mes relations avec mon père sont si précaires… Je me suis promis de me rapprocher de lui, de tout faire pour renouer avec lui. Mais après votre départ, j’ai également compris que ma relation avec vous comptait tout autant.

A ces mots, Kit se sentit fondre. Elle aimait cet homme, mais savait aussi que le perdre une nouvelle fois la tuerait.

— Non, Joshua. Je ne peux pas envisager une relation…

— Une relation ? la coupa-t?il, les yeux étincelants de colère. C’est ainsi que vous qualifiez ce qui s’est passé entre nous ?

— Mais enfin, Joshua ! Comment appelez-vous ce qui est arrivé entre nous ?

Un silence pesant emplit la limousine de longues secondes, puis Joshua reprit :

— Et pourquoi ne parlerait-on pas d’amour ?

Bouche bée, Kit resta sans voix. Comme elle voulait le croire ! Sur ses gardes néanmoins, elle le dévisagea. Au ton de sa voix et à son expression empreinte de gravité, elle pressentait qu’il était sincère.

— Oh Kit, comment pouvez-vous douter de mon amour ? Jamais mon cœur n’a battu pour une femme comme il bat pour vous.

Anéantie, Kit le supplia du regard. Il devait arrêter de parler ainsi, par pitié… Joshua lui reprit la main et se glissa tout contre elle.

— Kit, je vous aime et je veux passer le reste de ma vie près de vous. Vous êtes tout pour moi. Je veux vous épouser, m’endormir avec vous, me réveiller avec vous.

Il se tut et lui déposa un tendre baiser sur le front avant de poursuivre :

— J’ai vécu l’enfer sans vous, Kit. Et puis, j’ai rencontré Cameron grâce à Mark. Votre frère a insisté pour que je ne fasse rien avant que votre père ne soit rétabli. J’ai tourné en rond durant toutes ces semaines, me maudissant pour ma bêtise et ma cruauté envers vous. Enfin, Cameron m’a averti que vous participeriez à cette soirée. Nous avons alors décidé de toute cette comédie des enchères. Mon seul espoir, à vrai dire…

Au bord des larmes, Kit lui serra la main, qu’elle couvrit ensuite de baisers.

— Joshua… Je suis désolée…, bredouilla-t?elle.

— Moi aussi, Kit.

Il entoura ses épaules et la berça un long moment, dans le silence douillet de la limousine. Puis il passa un doigt sur la joue de la jeune femme, qu’il força à le regarder. Lentement, elle approcha ses lèvres.

— Kit, je suis à vous, chuchota-t?il.

Une larme coula sur le visage de Kit.

— Oh non, ma chérie, ne pleurez pas.

— Je… Je ne pleure pas… Je suis heureuse… Mais je tremble rétrospectivement à l’idée que j’ai failli ne pas aller à cette soirée.

— Si vous n’étiez pas venue, Kit, je serai allé vous chercher.
— Oh, Joshua, comme je vous aime !

— Alors épousez-moi, Kit O’Brien. Devenez ma femme.

Kit posa les lèvres sur celle de l’homme qu’elle aimait et l’embrassa tendrement. Pour la première fois depuis des semaines, elle eut le sentiment de respirer.

— Oui, Joshua, je le veux, murmura-t?elle contre sa bouche. Je vous aime depuis le premier jour, la première heure.

— Mon amour… Je suis impatient de faire la connaissance de votre père. Et ma famille meurt d’envie de vous rencontrer. Peut-être accepterez-vous d’aller lui rendre visite avant que nous annoncions notre mariage à la presse… Qu’en dites-vous ?

Elle noua les bras derrière son cou et se pressa contre lui. Le bonheur était décidément une chose merveilleuse… et toute simple, se dit-elle.

— Me trouvez-vous raisonnable finalement ? demanda-t?elle en se nichant contre son torse.

— Je crois que oui, plaisanta Joshua.

Après un coup d’œil en direction du chauffeur, Kit plongea ses yeux dans ceux de Joshua.

— Peut-être apprécieriez-vous que je me montre un peu moins raisonnable, exceptionnellement ? suggéra-t?elle en se plaquant contre lui.

— Oh, oh, une proposition malhonnête ?

— Peu importe !

D’un geste vif, elle saisit le téléphone de la limousine et ordonna au chauffeur de se diriger vers Long Island, puis elle tira le rideau sur la vitre qui les séparait de Lyle et se tourna vers Joshua, féline.

— Kit ? Non !

— Mais bien sûr que si ! s’exclama-t?elle en lui couvrant le visage de baisers.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 17-02-10 08:35 PM

fin
fin
fin


&Eacute;pilogue

The Tattler — Samedi 15 février

Les potins de Mary Lynn

L’héritière a dit oui !

Au cours d’une somptueuse cérémonie en la cathédrale Saint-Jean, Kit O’Brien a dit oui à Joshua Parker. Revêtue d’une robe dont on n’ose même pas imaginer le prix, la mariée était accompagnée de son témoin, la féroce Eléni Jacob, reponsable éditoriale aux Editions O’Brien. Joshua était pour sa part venu avec ses nombreux frères et sœurs. La réception qui a suivi les noces a vu se croiser l’élite de la ville autour d’un buffet commandé à un traiteur français de renom. Les familles respectives des jeunes mariés ont paru s’entendre à merveille, si l’on en juge par les effusions et les promesses de retrouvailles qui ont précédé au départ des parents de Joshua, et surtout de son père. On murmure que les deux futurs grands-pères se font une joie d’accueillir très prochainement leur petit-fils. Il m’a pourtant semblé, cher lecteur, que Kit n’était pas enceinte. Mais, c’est promis, je vous tiens au courant… 0

aghatha 22-02-10 10:56 PM

merci ma chere rihame pr ce roman t un amourr vraiment on attd tjrs la fin des ottr romans je me suis inquieté ca fesé un sacré bout de tps ke tu n apparé pas j espere ke tu va bien ke dieu soit ac toi é merci encorr

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 24-02-10 10:49 PM

j'ai bq des choses à faire c'est pour ça
je suis désolée si je suis lens
mais je promes trés prochainement

majdouline two 22-09-13 11:44 PM

ÑÏ: Croisière Aux Bahamas, De Michele Dunaway
 
chére réhame un grand merci:welcome_pills3:


ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 12:32 AM.

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