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**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 30-04-09 06:42 PM

Fiancée à un autre, de Carole Mortimer
 
Fiancée à un autre
de Carole Mortimer



Lorsqu’un magnat des affaires demande au peintre Brice McAllister de réaliser un portrait de sa fiancée, ce dernier est d’abord tenté de refuser. Attaché à son indépendance artistique, Brice n’a nulle envie d’exécuter un tableau sur commande, et surtout pas celui du mannequin Sabina dont le visage apparaît régulièrement à la une des magazines. Comment une jeune femme exposée au regard de tous pourrait-elle enflammer son imagination ?0
Une simple rencontre avec Sabina suffit pourtant à faire voler ses préjugés en éclats. Car la jeune femme est non seulement belle, mais fragile et mystérieuse… Troublé au plus haut point, Brice reste perplexe. Doit-il accéder à la requête du fiancé de Sabina et réaliser un portrait de celle-ci — au risque d’en tomber amoureux ?0

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 30-04-09 06:46 PM

chapitre 1

Vous êtes bien McAllister, n’est-ce pas ?0
A ces mots, Brice se crispa.
Qui osait faire intrusion dans ses rêveries solitaires ? se demanda-t il sans se retourner immédiatement. Encore que l’on pût difficilement vouloir être seul au milieu de convives fêtant une victoire politique !
D’ordinaire, il se gardait bien d’assister à ce genre d’événement, mais en l’occurrence, la benjamine du député récemment élu n’était autre que la femme de son cousin Fergus. Aussi était-ce tout naturellement qu’il avait été convié à la sauterie mondaine que donnait pour l’occasion Paul Hamilton. Comme il eût été fort impoli de sa part de refuser l’invitation, il s’était armé de tout son courage pour s’y rendre.
Etre apostrophé par son nom de famille lui déplaisait fortement, se dit-il encore, car cela lui rappelait de douloureux souvenirs scolaires. D’autant que la voix de l’homme qui venait de l’interpeller lui était foncièrement antipathique : elle était empreinte d’une arrogance qui frisait la condescendance.
Lentement, il finit par pivoter sur ses talons, et se retrouva nez à nez avec… un total inconnu ! D’une taille imposante, les tempes grisonnantes, le blond qui se tenait devant lui avait dépassé la cinquantaine. Encore fort bel homme, il arborait cependant un air méprisant des plus détestables — en conformité avec sa voix.
—Effectivement, je suis bien Brice McAllister, répondit Brice en martelant son prénom.
—Richard Latham, enchaîna son interlocuteur en lui tendant la main.
Richard Latham… Le nom lui évoquait vaguement quelque chose, mais ce visage ne lui était absolument pas familier. Il serra rapidement la main de l’inconnu, sans faire mine de vouloir poursuivre la conversation.
Brice n’était pas un homme particulièrement sociable et il estimait qu’aujourd’hui il avait largement participé aux relations publiques et familiales. Il ne souhaitait qu’une chose : avoir la paix !
—Vous ne savez pas qui je suis, n’est-ce pas ? insista l’homme avec une pointe d’amusement dans la voix.
Certes, Brice ignorait son nom. En revanche, il avait d’emblée reconnu la catégorie à laquelle appartenait cet individu : celle des importuns !
Bon, il affirmait s’appeler Latham, pensa Brice dans un ultime effort pour faire bonne figure. Nom inconnu du côté de sa famille… Par conséquent, il devait s’agir d’un parent de Paul Hamilton. Curieux ! On aurait dit que finalement, c’était moins son identité que sa fonction que l’homme voulait mettre en valeur.
La barbe ! Que son interlocuteur cesse de tergiverser, à la fin ! Et pourquoi ne lui disait-il pas ce qu’il attendait de lui ? Il était près de 7 heures et Brice avait hâte de rentrer à la maison. Il avait l’intention de prendre congé en prétextant un rendez-vous professionnel important, seule solution pour que Fergus ne le supplie pas de rester.
—Non, désolé, répondit enfin Brice… sans paraître le moins du monde navré, mais passablement agacé !
En tant qu’artiste reconnu et apprécié, il ne pouvait se soustraire totalement aux conventions sociales, et visiblement, Richard Latham jouait sur cette corde-là. Levant les sourcils, ce dernier annonça alors :
—Ma secrétaire vous a contacté à deux reprises la semaine dernière. J’aimerais vous commander un portrait de ma fiancée.
Bingo ! Voilà, il s’en souvenait à présent : c’était Richard Latham, le multimillionnaire. Son nom était bien évidemment connu de Brice : sa réussite économique était internationalement reconnue — tout comme sa réputation de play-boy ! Latham faisait souvent la une des journaux à scandale en compagnie des plus belles femmes de la terre. Brice ignorait cependant quelle créature avait en ce moment l’heur d’être sa « fiancée ».
—Comme je vous l’ai indiqué dans mon courrier, répondit sèchement Brice, je ne peins pas de portrait.
—Faux ! rétorqua Latham en plissant les yeux. J’ai eu récemment l’occasion d’admirer le magnifique portrait de Darcy McKenzie réalisé par vos soins.0

—Darcy est ma cousine par alliance, c’était un cadeau de mariage destiné à son mari, Logan, se justifia Brice.
—Dans mon cas aussi, il s’agit d’un cadeau de mariage ! argua l’homme d’affaires d’un air entêté.
Manifestement, Latham n’avait guère l’habitude qu’on lui résiste… Eh bien, tant pis pour lui ! se dit Brice. Il était hors de question qu’il cède au caprice du milliardaire. Il n’exécutait pas de portraits et ne ferait certainement pas d’exception pour les nantis de ce monde. Pas question qu’ils les accrochent ensuite dans leurs salons et affirment avec fierté : « C’est un McAllister » !
—Ecoutez, commença Brice, je suis réellement désolé, mais…
Il s’interrompit brutalement — à l’instar de la salle entière. Tous les regards convergèrent alors vers la jeune femme qui était apparue sur le seuil : Sabina !
Comme tout le monde, Brice avait déjà admiré des photos du célèbre mannequin. Il ne se passait pas une journée sans que Sabina ne pose pour un magazine ou un journal quelconque. Pourtant, aucun des clichés n’avait préparé Brice à la perfection absolue de sa beauté, au merveilleux velouté de sa peau que soulignait sa robe de lamé, à la longueur infinie de ses jambes, à ses grands yeux d’un bleu lumineux et à la cascade de ses cheveux aussi blonds que les blés, dont les pointes frôlaient ses hanches sveltes.
Elle ne portait pas le moindre bijou, observa-t il. Pourquoi renchérir sur la perfection ?
Le regard de Brice se concentra de nouveau sur les yeux de la jeune femme… Certes, ils étaient lumineux, le bleu azur de l’iris étant serti dans un cercle plus sombre qui le mettait en valeur. Pourtant, lorsqu’ils balayèrent la salle, il aperçut dans leurs profondeurs une sorte d’appréhension. Etait-ce de la peur ?
Il n’eut pas le temps de méditer davantage sur cette curieuse lueur, car à peine eut-il reconnu l’éclair qui trahissait les émotions de Sabina que celle-ci avait déjà recouvré un regard socialement correct et affichait un sourire confiant… tout en se dirigeant vers lui !
—Veuillez m’excuser, annonça Richard Latham, un sourire de supériorité aux lèvres. Je vais saluer ma fiancée.
Et, sous l’œil médusé de Brice, il se dirigea effectivement vers Sabina, passa un bras familier autour de sa taille et l’embrassa sur la joue.
Tiens, constata alors Brice, il s’était trompé en ce qui concernait les bijoux. Sabina n’en était pas totalement dépourvue — à son annulaire gauche brillait un gros diamant en forme de cœur.
Sabina était-elle la fiancée à qui Richard Latham avait fait référence ? La fiancée dont il souhaitait un portrait ?
En tout cas, c’était bien la seule femme au monde que lui-même ait jamais eu envie de peindre dès l’instant où il l’avait vue en chair et en os !
Oh, pas à cause de sa beauté, aussi spectaculaire fût-elle ! Non : en raison de cette lueur d’angoisse entraperçue dans ses prunelles et si rapidement masquée — un aveu de faiblesse fort intrigant de la part d’une aussi belle femme, et qui l’élevait à un rang bien supérieur à celui d’une icône de la mode.
Cette émotion, il avait une terrible envie de l’explorer — en tant qu’artiste, du moins…
—Désolée pour le petit retard, déclara Sabina en souriant chaleureusement à Richard. Andrew était très exigeant aujourd’hui, les essayages n’en finissaient pas !
—Tu es ici, à présent, et c’est le principal, lui assura son compagnon.
A ces mots, Sabina éprouva un vif soulagement. Comme il était appréciable de vivre avec un homme qui ne se plaignait jamais des contraintes et exigences liées à sa carrière ! Richard était si accommodant : tout ce qu’il voulait, c’était qu’elle parade à son bras. Le reste…
Ouf, constata Sabina, les gens avaient repris leur conversation ! Bien qu’elle fût top model depuis sept ans, elle ne parvenait pas à s’habituer aux réactions que déclenchait immanquablement son arrivée dans un lieu quelconque. Elle avait dû se forger une véritable carapace pour masquer la gêne que les regards inconnus continuaient d’exercer sur elle.0
Le seul endroit public où elle se sentait bien… c’était le fast-food à l’angle de sa rue ! Elle s’y rendait en jean délavé et pull informe, une casquette de base-ball vissée sur la tête. Bien malin qui aurait pu reconnaître le top model Sabina, en train d’engloutir un hamburger hautement calorique, accompagné d’une large portion de frites qui ne l’étaient pas moins !
Certains journalistes mal intentionnés avaient beau affirmer que, pour garder la ligne, le mannequin ne se nourrissait que de fruits et d’eau minérale, Sabina faisait partie de ces rares et heureuses femmes qui pouvaient avaler tout ce qu’elles voulaient sans prendre le moindre gramme.
Néanmoins, cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas aventurée dans le fast-food pour l’une de ces visites impromptues et anonymes.
Six mois exactement…
—Viens, je veux te présenter à quelqu’un, déclara Richard d’un air mystérieux.
Sabina lui lança un regard intrigué. Sans lui révéler ses intentions, son compagnon l’entraîna vers le fond de la salle… pour lui présenter l’homme avec qui il s’entretenait au moment de son arrivée.
Bien que Richard fût d’une taille impressionnante, son interlocuteur avait quelques centimètres de plus que lui. Il avait environ trente-cinq ans et était vêtu de façon décontractée — jean, T-shirt et veste noire — en accord avec ses cheveux, plutôt longs pour un homme.
Son expression contrastait avec cette décontraction apparente et lui conférait une beauté ténébreuse. Ses yeux verts retinrent particulièrement l’attention de Sabina ; son regard était si intense qu’il semblait plonger directement dans votre âme.
A cette pensée, Sabina sentit de nouveau l’angoisse l’étreindre. Elle défendait à quiconque — et particulièrement à cet inconnu aux yeux troublants — de lire dans son âme.
—Brice, je voudrais vous présenter ma fiancée, Sabina, décréta Richard. Sabina, voici Brice McAllister.
Comme à chaque fois qu’il la présentait à un tiers, Sabina reconnut dans la voix de Richard des inflexions de fierté. Sans compter qu’en l’occurrence, il semblait forcer le trait !
Sabina scruta McAllister d’un air confus. Etait-elle censée le connaître ?
Mais oui, elle y était ! Il s’agissait du peintre Brice McAllister, celui dont on s’arrachait les œuvres à prix d’or !
—Bonjour, monsieur McAllister, dit-elle enfin sur un ton réservé.
—Enchanté, Sabina, déclara Brice. A propos, avez-vous un nom de famille ?
Sa question avait été posée sur le mode ironique, aussi répondit-elle froidement :
—Smith. D’une banalité affligeante, n’est-ce pas ? Ma mère m’a choisi un prénom original pour compenser… Presque personne ne connaît mon vrai nom.
Brusquement, elle se tut. Pourquoi confier cela à cet inconnu ? Un inconnu qui, de surcroît, la mettait fort mal à l’aise avec son regard perçant…
—Tu es Sabina, et c’est suffisant, trancha Richard non sans arrogance.
Sentait-il, lui aussi, l’intensité anormale du regard de Brice ? se demanda Sabina qu’un frisson d’angoisse venait de parcourir. Instinctivement, elle se rapprocha de Richard.
—Je vous promets de ne le répéter à âme qui vive, affirma alors Brice.
Ces propos, qui se voulaient rassurants, provoquèrent en elle l’effet opposé. Au mot « âme », elle sursauta. Car elle était persuadée qu’il lisait dans la sienne comme dans un livre ouvert !
Allons ! Que redoutait-elle tellement qu’il y décelât ? Dans son âme, il devait voir de la chaleur, et de la gentillesse. De l’humour aussi, du moins l’espérait-elle. Sans compter le sens de la loyauté et de l’honneur.
Et immanquablement, de l’appréhension, de la peur…0

Non ! Ces émotions-là, elle les avait enfouies au plus profond d’elle-même. Personne ne pouvait les deviner. Elles affleuraient uniquement lorsqu’elle était seule, et comme elle évitait le plus possible de se trouver seule avec ses propres pensées…
—Votre fiancé et moi discutions d’un éventuel portrait que je peindrais de vous, déclara Brice sans ambages.
A ces mots, Sabina adressa un regard surpris à Richard… Jamais il ne lui avait fait part de son intention de commander un portrait d’elle à un artiste. Pour sa part, elle refusait de poser pour Brice McAllister. Pas question de passer du temps en sa compagnie ! Cet homme la mettait définitivement trop mal à l’aise.
—Je voulais te faire une surprise, intervint alors Richard en la couvant d’un regard protecteur avant de se tourner vers Brice et d’ajouter, non sans une inflexion d’ironie : finalement, vous voulez bien exécuter ce portrait ?
Sabina jeta un bref coup d’œil à Brice McAllister. Ainsi, il n’avait pas accepté d’emblée la commande de Richard ; il le laissait pourtant entendre… pourquoi avait-il changé d’avis ? Au même instant, Brice répondait à Richard en haussant les épaules :
—Pourquoi pas ? Je devrais réaliser quelques esquisses avant de prendre une décision définitive. Mais je vous préviens, je ne pratique pas l’enjolivement, si vous voyez ce que je veux dire.
Charmant personnage ! se récria intérieurement Sabina. Même si sa franchise était tout à son honneur… Soudain, elle ressentit un pincement au cœur. Elle venait de comprendre le véritable sens de ses propos !
Nul doute qu’il envisageait de la peindre en fonction de ce qu’il lisait dans son âme !
—Je doute qu’il soit nécessaire d’enjoliver les traits de ma fiancée, répliqua sèchement Richard. Ainsi que vous pouvez le constater, elle est d’une beauté irréprochable.
Face à l’éloge appuyé de Richard, Brice se *******a d’un petit sourire.
—Je crains que tu ne sois guère objectif, intervint alors Sabina, avant d’ajouter, désireuse de mettre un terme à cette impossible conversation : je crois que nous avons assez abusé de la gentillesse de M. McAllister…
Brice McAllister lui était décidément fort peu sympathique ! conclut-elle. Quelque chose dans son regard l’avait immédiatement mise mal à l’aise. Et le plus tôt elle s’éloignerait de lui, le mieux ce serait.
—Donnez-moi votre numéro de téléphone, demanda alors Brice. Si vous le permettez, je vous appellerai et nous conviendrons d’un rendez-vous pour les esquisses.
Par pitié ! Elle n’avait nulle envie que Brice McAllister en connaisse plus à son sujet que ce qu’il avait déjà deviné.
—Tenez ! décréta Richard en sortant une carte de visite de sa poche qu’il brandit avec fierté sous le nez de Brice. Nous habitons ensemble.
A cette annonce, Sabina sentit le regard de l’artiste s’appesantir sur elle. Visiblement, il ne prenait pas bien cette information ainsi que l’indiquait le pli désapprobateur de sa bouche.
Déterminée à lui tenir tête, elle plongea à son tour un regard défiant dans le sien — tout en se sentant rougir, mais peu importe !
Seigneur ! Pour qui se prenait-il pour se permettre de la juger ? Elle avait vingt-cinq ans, tout de même, et était tout à fait libre de ses choix ! Et ceux-ci lui convenaient parfaitement !
Vraiment ? interrogea alors une petite voix intérieure.
Dans ces conditions, pourquoi était-elle sur la défensive ? Aspirant une large bouffée d’air, elle s’efforça de rationaliser la situation. Il était impossible que Brice McAllister ait deviné sur quelle base reposait son arrangement avec Richard.
Sept mois plus tôt, lorsque ce dernier et elle-même avaient opté pour une vie commune, il était clair pour chacun que l’amour n’était pas à l’origine de cette décision. A dire vrai, elle leur convenait à tous deux : Richard lui offrait une protection contre la peur perpétuelle dans laquelle elle vivait avant son installation chez lui, et lui en retour pouvait s’afficher en public avec une très belle femme — ce qui semblait être l’ultime but de sa vie !
Oui, curieusement, c’était tout ce que Richard attendait d’elle, ainsi qu’elle avait pu le constater durant ces sept mois de cohabitation.
Nul doute que leur arrangement aurait paru des plus étranges à une tierce personne, mais pour eux, il était parfait. D’ailleurs, leur intimité —ou plus exactement leur absence d’intimité — ne regardait qu’eux. Et sûrement pas cet inquisiteur aux yeux trop verts !
—Je vous appellerai, affirma Brice en plaçant la carte dans la poche de sa veste noire.
Là-dessus, il prit congé d’eux pour aller rejoindre un couple avec un tout jeune enfant.
—C’est Logan McKenzie, indiqua alors Richard à Sabina, et sa charmante femme Darcy.
Sabina se moquait de savoir qui étaient ces gens ou quelle relation Brice entretenait avec eux. En revanche, elle était extrêmement soulagée d’être débarrassée de lui ! Elle pouvait de nouveau respirer tranquillement.
De fait, elle venait juste de s’apercevoir que, durant toute cette conversation, sa respiration avait été saccadée. En tout cas, elle était certaine d’une chose : si Brice lui téléphonait, elle ferait dire qu’elle était absente !
Entre-temps, elle comptait mettre en œuvre toute son habileté et sa force de persuasion pour que Richard change d’avis et renonce au portrait !0

aghatha 01-05-09 12:17 AM

superbe je vous adore rihame vraiment et on attend la suite ca a l'air d'etre superbe merci ma chere pr ts tes romans

cocubasha 01-05-09 12:47 AM



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**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 02-05-09 07:21 PM

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ aghatha (ÇáãÔÇÑßÉ 1942528)
superbe je vous adore rihame vraiment et on attend la suite ca a l'air d'etre superbe merci ma chere pr ts tes romans

salut
franchement j'etais trop tocher car mon chois te plaise merci a toi et attend de moi les prochains chapitres:f63:

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 02-05-09 07:22 PM

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ cocubasha (ÇáãÔÇÑßÉ 1942555)

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merciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii cocubasha pour touuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 11-05-09 06:23 PM

chapitre 2


—Je regrette, Mlle Sabina est sortie, répondit la domestique de Richard Latham à Brice.
C’était la cinquième fois en cinq jours qu’on lui faisait la même réponse, et il sentait qu’il allait finir par perdre son sang-froid. Car il était persuadé que la belle Sabina voulait se débarrasser de lui et avait donné des indications très strictes à la domestique.
Lors de la réception chez Paul Hamilton, il avait rapidement compris que Sabina, contrairement à son compagnon, ne souhaitait absolument pas qu’il réalisât un portrait d’elle.
Et, naturellement, cette nette réticence qu’il avait perçue chez elle avait contribué à renforcer son propre désir de la peindre !
—Bien, merci, répondit Brice en rongeant son frein.
Bon… Il allait devoir adopter une autre stratégie — puisque, manifestement, ses tentatives pour prendre rendez-vous par téléphone n’aboutiraient à rien.
—Je lui ferai part de votre appel, précisa la domestique avant qu’il ne raccroche.
Oh, nul doute qu’elle lui transmettrait le message ! Mais cela ne l’avancerait guère, étant donné que Sabina avait certainement été informée de ses quatre précédents coups de téléphone… et qu’elle s’était bien abstenue de le rappeler.
—Si j’étais toi, je garderais mes distances avec mon oncle Richard, lui avait gentiment conseillé David Latham à la fête de Paul Hamilton, en l’entraînant à part. C’est un collectionneur, qui accumule les objets de valeur. Et il considère que Sabina est sa dernière acquisition. En outre, il illustre parfaitement le concept de mouton noir de la famille, si tu vois ce que je veux dire.
Certes… Mais en l’occurrence, ce n’était pas Richard Latham qui intéressait Brice. Hélas ! Comme il l’avait appris à ses dépens, ce premier était l’élément incontournable qui menait à la belle Sabina…
Pour une femme jouissant d’une notoriété internationale, elle menait une vie de recluse, se dit-il encore. En outre, elle ne sortait jamais sans Latham ou le chauffeur de celui-ci, ou encore l’un de ses gardes du corps.
Deux semaines avant leur rencontre chez Paul, Brice avait assisté à un défilé de mode auquel l’avait convié Chloe, la femme de Fergus, par ailleurs créatrice de mode.
Sabina avait alors fait une courte apparition sur le podium puis s’était rapidement retirée dans les coulisses, suivie de deux gardes du corps… tandis que Brice renonçait à l’aborder, ainsi qu’il en avait eu initialement l’intention.
Après le défilé, elle n’avait pas assisté au cocktail et, comme Brice se renseignait discrètement sur la raison de son absence, on lui avait indiqué qu’elle s’était éclipsée dans une limousine avec chauffeur, une fois sa prestation terminée.
Décidément, cette femme incarnait le mystère — et attisait la curiosité de Brice. En outre, il était convaincu que Richard Latham ignorait ses vaines tentatives téléphoniques pour prendre rendez-vous avec Sabina. Oui, son instinct lui disait que la belle ne se vantait pas de ses dérobades. Richard paraissait tellement déterminé à ce qu’il réalise son portrait !
Il regarda sa montre. 16 heures. Le plus simple n’était-il pas de se rendre chez Richard, dans le quartier de Mayfair —le plus chic de Londres, soit dit en passant ? Il ne tergiversa pas longtemps.
La Mercedes coupé sport, garée devant la riche demeure de Latham, lui indiqua qu’il y avait quelqu’un à la maison. Peu importait qu’il s’agît de Richard ou de Sabina. Il avait la ferme intention d’obtenir le rendez-vous promis — de l’un ou de l’autre.
Pourquoi avait-il été si surpris d’apprendre que Richard et Sabina habitaient ensemble ? s’interrogea-t il en descendant de sa voiture
Sans doute parce qu’il émanait de Sabina une aura qui la rendait intouchable, et maintenait les autres à distance… Visiblement, cela ne s’appliquait pas à Richard Latham qui, partageant sa vie, devait aussi partager son lit. Logique, non ?
—Oui ?
Perdu dans ses pensées, Brice avait machinalement appuyé sur la sonnette, aussi sursauta-t il lorsque la porte s’ouvrit. La femme âgée qui se tenait sur le seuil le fixait d’un air interrogateur. Nul doute qu’il s’agissait de la domestique qui avait pour consigne de lui signifier l’absence de Sabina !
—Je viens voir Sabina, annonça-t il d’une voix ferme.
—Avez-vous rendez-vous ?
La bonne blague ! C’était précisément ce qu’il cherchait à obtenir. Allons, pensa-t il, inutile de s’énerver : la pauvre domestique n’était pas responsable des caprices de sa patronne.
—Pouvez-vous informer Sabina que M. McAllister désire la voir ? demanda-t il en ravalant sa colère.
—McAllister ? répéta la domestique, déconcertée. Mais n’êtes-vous pas…
—Oui, l’homme qui a tenté de la joindre plusieurs fois cette semaine, l’interrompit Brice. Pouvez-vous lui dire que je suis là ?
Il avait répété sa demande d’un ton impatienté, conscient de son impolitesse, mais il était bien trop énervé pour concevoir encore des scrupules envers cette tierce personne —aussi innocente fût-elle — qui se dressait entre son but et lui.
Il était convaincu à présent que le coupé sport appartenait à Sabina et qu’elle se trouvait bel et bien chez elle. Tout comme c’était le cas lorsqu’il avait téléphoné tout à l’heure ! A l’évidence, elle le fuyait.
—Mais…, commença la domestique.
—C’est bon, madame Clark, intervint soudain Sabina en se matérialisant au côté de la gouvernante. Monsieur McAllister, voulez-vous me suivre dans le salon ?
Privilégiant le silence à un commentaire acerbe qu’il aurait regretté par la suite, Brice hocha la tête et la suivit à l’intérieur. Curieux comme cette femme lui apprenait la patience, à lui le fougueux, qui s’emportait à la moindre contrariété.
Aujourd’hui, elle paraissait différente. Plus naturelle, mais toujours d’une beauté éclatante, dans son jean clair et son T-shirt blanc. Elle avait relevé sa chevelure en une queue-de-cheval et n’était absolument pas maquillée. On lui aurait donné dix-huit ans à peine.
—Je vous prie de m’excuser, mais je n’attendais personne, dit-elle en faisant référence à sa tenue décontractée. Je reviens à l’instant de mon club de sport.
Adorable menteuse !
Fronçant les sourcils d’un air moqueur, Brice rétorqua :
—A l’instant, vraiment ?
—Puis-je vous offrir du thé ? demanda-t elle alors d’un ton dégagé.
—Non merci, répondit-il, avant d’ajouter froidement : Je vous ai téléphoné plusieurs fois cette semaine.
—Ah bon ? fit-elle d’un ton détaché.
—Vous le savez pertinemment, répliqua-t il sans cacher son agacement.
—J’ai été fort occupée cette semaine, argua-t elle. J’ai dû me rendre à Paris, j’ai défilé pour plusieurs couturiers. Sans compter une séance de photos avec…
—Je me moque de votre emploi du temps ! trancha-t il de façon cavalière. Ce que je veux savoir, c’est pourquoi vous ne m’avez pas rappelé
Je viens précisément de vous expliquer que…
—Ecoutez, passer un coup de téléphone, cela prend objectivement peu de temps, et même si vous étiez réellement absente, je suis certain que la diligente Mme Clark vous a fait part de tous mes appels et vous a communiqué tous les numéros de téléphone que je lui ai laissés : le numéro de mon domicile, de mon atelier, ainsi que celui de mes deux portables, le privé et le professionnel.
—Peut-être, je ne sais plus, dit-elle rapidement. Etes-vous bien certain de ne pas vouloir de thé ?
—Absolument certain, fit-il en serrant les dents.
Un double whisky, voilà ce dont il aurait eu besoin, même au beau milieu de l’après-midi ! La froideur de cette femme aurait poussé n’importe quel homme à se ruer sur la boisson !
—Bon, reprit-il, à propos de notre rendez-vous…
—Asseyez-vous, monsieur McAllister, je vous en prie.
—Merci, je préfère rester debout, répliqua-t il, les nerfs chauffés à blanc par la désinvolture de Sabina.
Etonnée par son refus, elle se laissa choir pour sa part dans un confortable fauteuil et, le regardant droit dans les yeux, lui asséna :
—C’est curieux, je croyais pourtant que vous étiez un artiste réputé.
—Je le suis ! répondit-il, immédiatement sur la défensive.
—Vraiment ? fit-elle sur le ton de la dérision. Et traquez-vous toujours vos mécènes potentiels de cette façon ?
Une bouffée de colère le submergea.
Elle cherchait délibérément à le froisser ! Et y était parvenue ! Mais pourquoi le provoquait-elle, au lieu de lui avouer tout simplement qu’elle ne voulait pas qu’il réalise son portrait ? Poussant un profond soupir, il déclara subitement :
—Finalement, je prendrais volontiers du thé.
Là-dessus, il s’assit dans un fauteuil face à elle… et eut le plaisir de constater le désarroi qui se peignit alors sur le visage de la belle Sabina. Il était clair qu’en dépit de son invitation initiale, elle n’attendait qu’une chose : qu’il s’en aille !
Que redoutait-elle ? Certainement l’arrivée de Richard qui ne manquerait pas de la convaincre d’accepter de poser pour lui.
—J’ai tout mon temps, précisa-t il d’un ton provocateur.
—Très bien, dit Sabina en se levant brusquement. Je vais donner des instructions à Mme Clark.
Et en profiter pour se remettre de ses émotions ! ajouta Brice in petto. Pourquoi Sabina redoutait-elle tant qu’il la peigne ? Qu’est-ce qui lui déplaisait tellement en lui ? Encore qu’il ne fût pas certain qu’il s’agît réellement d’hostilité à son égard. Il repensa alors à l’éclair de peur qu’il avait aperçu dans ses yeux, à la réception de Paul Hamilton…
Quel mystère cachait donc le sublime mannequin ? Dans quelles eaux troubles nageait son âme ?
Sabina ne se rendit pas directement dans la cuisine, mais se précipita vers la salle de bains pour s’asperger le visage d’eau froide, car ses joues la brûlaient.
Jamais elle n’aurait imaginé que McAllister aurait l’audace de venir chez elle, alors qu’elle avait systématiquement refusé de lui parler au téléphone.
Pauvre idiote ! Elle aurait pourtant dû s’en douter ! Brice McAllister était animé d’une détermination implacable. Ah, comme elle avait eu tort de l’éconduire ! Résultat : il la traquait jusque chez elle.
Bon, le mal étant fait, à quoi bon se lamenter ?
Il fallait réagir !
Dans une heure, Richard rentrerait à la maison. D’ici là, elle devait s’arranger pour que Brice McAllister ait bu son thé, et surtout s’ingénier à trouver toutes sortes d’empêchements afin de repousser le fameux rendez-vous aussi loin que possible dans le temps — rendez-vous qu’elle continuerait à remettre par la suite aux calendes grecques !
Cette seconde rencontre venait de la conforter dans son opinion : elle ne voulait pas que McAllister réalise son portrait. Non qu’elle doutât de son talent, bien au contraire ! D’ailleurs, elle savait pourquoi il était si doué : tout simplement parce qu’il allait au cœur des choses et des êtres.
Ses prunelles d’un vert perçant faisaient sauter le vernis social et plongeaient droit dans l’âme, mettant à nu des émotions profondément ensevelies. Fatalement, le peintre découvrirait le mur de protection qu’elle avait érigé autour d’elle pour maintenir les autres à distance. Et, tout aussi inexorablement, il voudrait savoir pourquoi elle n’était pas une jeune femme insouciante et heureuse, profitant sereinement de sa célébrité…
—Le thé sera servi dans quelques minutes, annonça-t elle en revenant au salon. Selon Richard, vous avez peint un remarquable portrait de votre cousine Darcy McKenzie.
—A ce qu’il paraît, répondit-il d’un ton abrupt, peu sensible à ses efforts de courtoisie.
—Il espère certainement que vous en ferez un aussi magnifique de moi.
—Et vous, Sabina, qu’espérez-vous ? rétorqua-t il tout à trac.
Pourquoi cette question ? s’étonna-t elle. Etait-il borné ? N’avait-il pas encore compris qu’elle ne souhaitait pas qu’il la peigne, mais qu’il s’en aille, et surtout, qu’il laisse intacte la carapace dans laquelle elle avait enfoui son être ?
—Euh… La même chose que lui, bien sûr. Oh, mais voici le thé.
Soulagée, elle se tourna vers Mme Clark et lui adressa un large sourire. La gouvernante avait reçu la consigne de servir uniquement du thé, sans les petits gâteaux secs qui allaient avec. Rien, en somme, qui fût susceptible de retarder le départ de Brice McAllister !
—Sans sucre, pour moi, s’il vous plaît, marmonna Brice tandis que la domestique quittait la pièce et que Sabina remplissait les tasses.
Voilà qui correspondait bien à la personnalité de cet homme, pensa-t elle. Apre et fort !
Brice avala une gorgée de thé brûlant puis, braquant son regard vers elle, il déclara tout à trac :
—Vous êtes comme chez vous, ici !
—Pourquoi ne le serais-je pas ? rétorqua-t elle en s’efforçant de ne pas paraître déconcertée par cette affirmation qui sonnait comme une accusation. J’habite ici, c’est ma maison.
Décidément, sa cohabitation avec Richard le perturbait, pensa-t elle. Curieux tout de même, pour un homme de trente-cinq ans. Etait-il vieux jeu ? A moins que ce ne fût la différence d’âge entre Richard et elle qui le contrariât ?
—Quand serez-vous libre pour des séances de pose ? demanda-t il soudain.
—Vous savez, durant les deux mois à venir, mon agenda est totalement rempli, et…
—Allons, il doit bien vous rester une petite heure libre quelque part, objecta-t il non sans ironie.
—Effectivement, mais alors j’en profite pour me reposer, dit-elle.
—Rester assise pendant que je réalise des esquisses ne sera pas particulièrement éreintant, insista-t il.
La position assise, non. Mais conserver un regard dénué d’expression pendant une heure pour se protéger du sien, si ! Terriblement fatigant, même !
—Navrée, mais j’ai oublié mon agenda chez un client, je vous appellerai dès que je pourrai vérifier mon emploi du temps.
—Demain, nous sommes samedi. Et le samedi, vous n’avez pas de rendez-vous professionnel, n’est-ce pas ?
Un élan de fureur la traversa. Ce n’était plus de la détermination, mais de l’acharnement ! Plus il sentait sa réticence, plus il insistait. Logique !
—Désolée, Richard et moi ne sommes pas à Londres ce week-end.
Soudain, elle entendit un bruit de moteur sous ses fenêtres. Richard ! Par pitié… Elle qui en général était heureuse de l’entendre rentrer sentit alors son cœur se serrer ! Car elle savait que ce dernier, en dépit de ses réticences, était décidé à obtenir ce maudit portrait.
—Dommage, répondit Brice sans deviner ses tourments, je me demandais si…
—Sabina ? Es-tu…
Richard s’interrompit brusquement quand il s’aperçut que sa fiancée n’était pas seule.
—Richard ! s’exclama cette dernière en se levant pour l’enlacer tendrement avant d’ajouter sur un ton insouciant : M. McAllister est venu prendre le thé.
Prendre le thé, vraiment ? pensa Brice, agacé. Il était venu pour l’obliger à lui accorder un rendez-vous, oui !
A cet instant, Sabina posa sur lui un regard inquiet…
Brice allait-il dévoiler à Richard la véritable raison de sa présence ici ? se demanda-t elle. Et lui rapporter le nombre précis de fois où il avait appelé pour prendre rendez-vous et s’était entendu répondre par la fidèle gouvernante : « Mlle Sabina est sortie » ?
Mon Dieu ! S’il informait Richard de ses dérobades, celui-ci en concevrait un vif mé*******ement. Et exigerait des explications dès qu’ils seraient seuls. Comment lui avouer alors qu’elle redoutait le regard de McAllister sur son âme ?
—Je suis venu personnellement vous prier de m’excuser, déclara subitement Brice. Je n’ai pas appelé pour prendre rendez-vous, ainsi que je l’avais promis. A ma décharge, je dois dire que j’ai été fort occupé ces derniers temps.
Elle le regarda, stupéfaite… C’était lui qui présentait des excuses ? Lui qui invoquait un emploi du temps chargé ?
—Je vous en prie, inutile de vous justifier, répondit Richard. Eh bien, êtes-vous finalement convenus d’un rendez-vous ?
A ces mots, Sabina lança une œillade désespérée à Brice…
Allait-il encore la sauver ? se demanda-t elle, le cœur battant. Certes, il avait déjà menti une fois pour elle, mais elle se demandait bien pourquoi, dans la mesure où sa propre attitude envers lui ne pouvait en aucun cas inciter à la complicité ! De son côté, Brice n’avait donné aucun signe de galanterie auparavant.
—Je crois que oui, répondit ce dernier dans un large sourire.
D’accord, elle venait de comprendre ! Il avait menti dans le dessein de la placer au pied du mur et de la contraindre à lui accorder un rendez-vous !
—J’étais en train de dire à M. McAllister que…
—Brice, corrigea ce dernier.
—Je disais à Brice, répéta-t elle, vaguement irritée, que je suis libre mardi après-midi.
—Et moi, je félicitais Sabina d’avoir une si bonne mémoire car elle n’a même pas eu besoin de consulter son agenda. Pour ma part, sans lui, je suis perdu, précisa Brice, en la regardant d’un air ouvertement moqueur.
Le fourbe ! pensa-t elle. Comment osait-il se moquer d’elle si effrontément, sachant qu’elle ne pouvait se défendre ?
—A 3 heures, alors ? ajouta-t il.
Un sourire éclatant éclaira son visage lorsqu’il tendit sa carte de visite à Sabina. Visiblement, il était satisfait de lui-même, se dit-elle en saisissant brutalement la carte qu’il lui présentait.
—Je ne pourrai pas t’accompagner, annonça Richard, mais je prierai Clive de venir avec toi.
—A dire vrai, je n’aime guère avoir de spectateurs lorsque je travaille, précisa Brice.
—Oh, Clive est un homme fort discret ! lui assura Richard. Néanmoins, si sa présence vous importune, je lui demanderai d’attendre dans la voiture, à l’extérieur.
—Merci, je préfère, répondit Brice.
Et elle, pensa-t elle amèrement, personne ne lui demandait si cela ne l’importunait pas de passer une heure seule avec lui, dans son atelier ?0

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 15-05-09 06:34 PM

chapitre 3

— Que sais-tu au juste du top model Sabina ?
— Tiens, tiens…, fit Chloe en reposant sa fourchette, non sans lancer un regard amusé à Brice, assis en face d’elle. J’avais bien dit à Fergus qu’il y avait anguille sous roche, lors du dernier défilé. Tu ne m’as donc pas invitée pour mes beaux yeux en l’absence de Fergus, mais afin d’en savoir plus sur celle que tu convoites !
Brice adorait Chloe qu’il considérait comme sa petite sœur, mais parfois… elle était tout simplement impossible !
— Non, il n’y a rien entre nous et je ne la convoite absolument pas, se défendit-il vivement. Il se trouve que je dois réaliser le portrait de Sabina. Voilà pourquoi je m’informe sur elle. A titre d’inspiration.
— Oh… ! fit Chloe, visiblement déçue.
— Tu sais, ma petite Chloe, ce n’est pas parce que Fergus et toi vous aimez passionnément que tout le monde est amoureux autour de vous !
— Tout de même, avoue que ce serait merveilleux, non, si c’était le cas entre Sabina et toi ? reprit la femme de son cousin, revenant à la charge.
— Désolé de jouer les rabat-joie, mais je te rappelle que Sabina est fiancée, dit-il.
— Mouais… Ils n’ont pas l’air bien pressés de se marier, ces deux-là. Et puis Richard Latham est bien plus âgé que Sabina. Il pourrait largement être son père.
C’était exactement ce que pensait Brice, pourtant il se garda de l’avouer. Quant à tomber amoureux de Sabina… il doutait que le terme merveilleux fût un qualificatif approprié pour décrire ce cas de figure.
Oh, la beauté de la jeune femme était incontestable ! En outre, depuis leur rencontre de vendredi dernier, il savait qu’elle était naturelle et sincère… de même qu’intrigante et réservée ! Par ailleurs, le fait qu’elle vive chez un homme plus âgé et qu’elle ne sorte jamais sans mentor contribuait à renforcer son mystère.
Quelle relation entretenait-elle réellement avec Richard Latham ? Brice ne cessait de repenser à ce que David lui avait confié à propos de son oncle. Sabina représentait-elle pour lui juste une nouvelle pièce de collection — une pièce de choix —, ou bien étaient-ils ensemble pour d’autres raisons ?
Autant de questions qu’il aurait aimé poser à Chloe car, en tant que créatrice de mode, elle était forcément au courant des éventuelles rumeurs qui couraient sur les top models — et plus précisément sur Sabina ! Seulement, Chloe étant capable de tirer des conclusions hâtives, il se retenait de la questionner.
— Le livre de Fergus se vend bien ? demanda-t il pour changer de sujet.
— Il caracole en tête du box-office, annonça fièrement Chloe. J’espère au moins que tu l’as lu !
— Pas encore, avoua-t il, la mine penaude…, l’intrigue se déroule dans le milieu de la mode, n’est-ce pas ?
Chloe se mit alors à discourir avec un plaisir évident sur l’œuvre de son mari. Définitivement oubliée, la belle Sabina ! pensa-t il avec soulagement.
Pour être honnête avec lui-même, il devait bien reconnaître que toutes les questions qui lui brûlaient les lèvres concernant Sabina étaient d’ordre purement personnel !
Il voulait percer le mystère de sa froideur et de sa distance, et découvrir pourquoi Richard Latham faisait exception à la règle. Ce qui le troublait par-dessus tout, c’était la vulnérabilité qui émanait malgré elle de son être. En dépit de tous les efforts qu’elle prodiguait pour paraître hors d’atteinte.
Sabina était riche, belle, célèbre, elle avait le monde à ses pieds et des honoraires au moins égaux aux actrices les mieux payées d’Hollywood et pourtant…
C’était précisément ce « et pourtant » qui allait finir par l’obséder ! Il soupira, agacé. Cet après-midi, il espérait résoudre l’énigme Sabina Smith.
En rentrant chez lui, il repensa à sa conversation avec Chloe. Il avait juste fait une brève allusion à Sabina et pourtant il était certain que d’ici à ce soir, toute la famille saurait qu’il avait questionné sa cousine au sujet du célèbre mannequin !
Il arriva à l’atelier bien avant l’heure de leur rendez-vous. 3 heures sonnèrent sans que Sabina apparaisse… Allait-elle lui jouer un mauvais tour ? Après quatre jours d’attente et d’anticipation, elle ne pouvait pas ne pas venir ! Au fur et à mesure que les minutes passaient, Brice sentait croître sa fureur, ne doutant pas un instant que Sabina avait délibérément « oublié » le rendez-vous. Il…
La sonnerie retentit brusquement.
3 h 25 ! Aucun coup de téléphone pour l’avertir de son retard, et pourtant il savait que c’était elle. Il s’efforça de prendre un air dégagé et d’effacer toute trace d’agacement sur son visage. Si elle s’attendait à ce qu’il fût furieux, eh bien, elle allait être déçue !
— Navrée pour le retard, lui dit-elle en entrant dans l’atelier. J’arrive d’une séance photos. On m’avait promis que je serais libre à 2 heures, mais…
— Peu importe, vous êtes là à présent, l’interrompit-il, ne sachant si elle lui jouait la comédie ou disait la vérité. Avez-vous déjeuné ?
— Non, mais…
— Je vais demander qu’on vous prépare un sandwich.
— Inutile, je mangerai plus tard.
— Un thé, alors ? Ou un café ?
Bon sang ! Elle était d’une beauté époustouflante dans son chemisier en Lycra moulant, de la même couleur que ses yeux, et son pantalon noir qui épousait tout aussi étroitement ses formes. Aujourd’hui, ses cheveux détachés formaient un épais rideau d’or dont les franges venaient caresser le creux de ses reins…
Du calme, Brice ! s’ordonna-t il en se mettant en quête de son carnet de croquis et de ses crayons.
— Je boirais volontiers un café, répondit-elle.
Comme il se dirigeait vers le téléphone pour prier sa domestique de préparer du café et de le monter à l’atelier, il ne put s’empêcher de demander :
— Comment va Clive ? Dois-je lui faire servir une tasse de café à lui aussi ?
— Inutile ! fit-elle d’un ton froissé avant d’ajouter sèchement : où dois-je m’asseoir ?
— Sur le canapé.
Il ignorait encore comment la peindre… Allait-il réellement pouvoir rendre justice à sa beauté ? En outre, ce n’était pas seulement sa beauté qu’il voulait capter, mais ce qu’il y avait au-delà, à l’intérieur de son être. Il était résolu coûte que coûte à faire tomber ses barrières et à atteindre cette Sabina-là…
Le soleil de mai entrait à flots par l’immense baie vitrée de l’atelier et projetait ses rayons sur le canapé. A l’extérieur, le jardin flamboyait de couleurs et le foisonnement des fleurs multicolores apaisa Sabina.
— Est-ce vous qui entretenez votre jardin ? lui demanda-t elle soudain.
— Pardon ?
Tournant ses regards vers lui, elle s’aperçut qu’il avait commencé à travailler.
— Oh, navrée ! fit-elle, non sans éprouver un certain agacement à l’idée qu’il l’avait croquée à son insu, alors qu’elle admirait ses fleurs. Vous avez donc commencé ?
— Quelques traits, répondit-il en plongeant son regard vert dans le sien. Et pour répondre à votre question, oui, c’est moi qui entretiens mon jardin. Cela me détend, lorsque je suis resté des heures enfermé dans mon atelier. Et vous, aimez-vous jardiner ?
— Autrefois, oui…, fit-elle, une pointe de nostalgie dans la voix.
— Avant que le travail ne vous happe tout entière, n’est-ce pas ? dit-il en souriant.
— Oui, c’est à peu près ça, répondit-elle tandis qu’un nuage passait dans ses yeux.
Le fait qu’elle ait arrêté de jardiner n’avait rien à voir avec son activité professionnelle. Non, c’était simplement parce qu’elle n’habitait plus son charmant petit cottage… Allons ! Elle ne devait pas s’abandonner au sentimentalisme ! Et puis, ce n’était tout de même pas auprès de Brice McAllister qu’elle allait s’épancher.
— A peu près ça ? reprit-il doucement.
Sabina changea de position et déclara dans un soupir :
— Je doute que je fasse un très bon modèle. Je n’arrive pas à rester assise sans bouger très longtemps.
— Vous pouvez vous lever et marcher, si vous préférez. D’ailleurs, je ne suis pas certain que la position assise soit celle que j’adopterai pour vous.
Ah bon ? Et quelle position jugeait-il adéquate pour elle ? se demanda-t elle en se levant. Tout en faisant les cent pas dans l’atelier, elle inspecta la pièce du regard : des toiles étaient entassées contre les murs et sur les étagères, les pots de peinture et les pinceaux se disputaient l’espace. Bref, il régnait le joyeux désordre d’un atelier d’artiste, avec le minimum de mobilier — en l’occurrence, la chaise sur laquelle Brice était assis, une table maculée de peinture et le divan sur lequel elle s’était installée.
— Voilà le café, annonça jovialement Mme Potter en entrant dans l’atelier.
Comme Brice l’avait prévu, elle avait préparé des petits en-cas, et tranché le cake aux fruits confectionné par ses soins, dans la matinée.
— Merci, lui dit Sabina, ravie.
Mmm, pensa-t elle en les dégustant, ces toasts étaient tout simplement délicieux. Finalement, elle était affamée !
— Sautez-vous souvent des repas ? lui demanda subitement Brice.
— Cela m’arrive, quand je n’ai pas le temps de manger. Ne croyez pas que je me prive de nourriture ! J’ai la chance de ne pas grossir, quoi que j’avale.
A cet instant, les yeux de Brice glissèrent sur le corps de Sabina et elle regretta sa remarque. Son regard était si inquisiteur, si…
— A quand le mariage ?
Elle sursauta. Avait-elle bien entendu ?
— Pardon ?
— Si j’ai bien compris, le portrait que je vais réaliser sera le cadeau de mariage de Richard. Aussi je me demandais de combien de temps je disposais pour le réaliser.
— Je crains que vous n’ayez mal interprété les propos de Richard, objecta-t elle en sourcillant.
Jamais il n’avait été question que leur arrangement débouche sur un mariage…
— Richard m’a pourtant donné l’impression que la date de la noce était imminente.
— Vraiment ? dit-elle, persuadée que Brice se trompait.
— Mais oui ! Vous avez une grande différence d’âge, n’est-ce pas ?
Elle se mit à rougir violemment. Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire ? se révolta-t elle en silence. Cela ne le regardait absolument pas !
— C’est comme l’union du printemps et de l’automne, insista Brice, non sans dérision.
— A vingt-cinq ans, on peut difficilement me comparer au printemps, rétorqua-t elle sèchement. L’analogie avec l’été serait plus adaptée. Mais de nos jours, l’âge n’a guère d’importance.
— De nos jours ? reprit-il ironiquement. Vous croyez donc que c’est une question de mode ?
Cet homme était décidément infernal ! Richard et elle étaient uniquement amis, et il s’était certainement mépris sur les propos de son « fiancé ».
— Ecoutez, commença-t elle, visiblement agitée, je suis venue ici pour que vous fassiez des croquis de moi, et non pour subir vos questions sur ma vie personnelle, d’accord, monsieur McAllister ?
— M. McAllister s’appelle Brice, déclara-t il alors.
— Pour moi, vous êtes M. McAllister, répliqua-t elle avec hauteur.
— Comme vous voudrez, fit-il, résigné. Pouvez-vous prendre place près de la cheminée ?
Voilà à présent qu’il faisait comme si cette conversation très personnelle n’avait jamais eu lieu ! Furieuse, elle se plaça là où il le lui avait indiqué.
— Les vêtements que vous portez ne conviennent pas. Comprenez-moi bien ! Ils vous vont à ravir, mais ils ne sont pas adaptés à la façon dont je compte vous peindre.
— Et comment comptez-vous me peindre, exactement ?
Sans répondre, il poursuivit son esquisse, d’un air fort concentré. Elle resta immobile, adoptant son fameux regard figé, celui pour lequel elle optait lors des séances de photos. Un maître était à l’œuvre et elle était l’objet qui servait son art. En tant que personne, elle n’existait pas, et cela lui convenait parfaitement. Elle était ici contre sa volonté et la dernière chose qu’elle voulait, c’était établir une intimité quelconque avec McAllister.
— Devrez-vous en faire beaucoup ? demanda-t elle au bout d’une bonne demi-heure, commençant sérieusement à se lasser.
— Beaucoup de quoi ? fit-il en relevant la tête, visiblement absorbé par son travail.
— De croquis ! Ces séances se renouvelleront-elles souvent ?
Réservant sa réponse, il continua de dessiner.
C’était réellement un fort bel homme, reconnut-elle à son corps défendant. Ses cheveux, longs et noirs, lui conféraient un faux air de tsigane. Quant à ses yeux, aussi verts que troublants, ils étaient dignes d’une star de cinéma.
— Pourquoi ? finit-il par demander.
— Comme je vous l’ai dit, je suis…
— Très occupée, oui, je sais. Vous me l’avez précisé plusieurs fois, je crois que j’ai compris. La question est : pourquoi êtes-vous si prise ?
Il lui lança un regard moqueur avant d’ajouter :
— Ne me dites pas que vous travaillez pour vivre. Depuis sept ans, vous avez dû accumuler un joli petit pécule. Qu’est-ce qui vous pousse à travailler sans relâche, Sabina ?
Une raison simple : lorsqu’elle se plongeait à corps perdu dans le travail, elle ne pensait plus à rien et dormait à poings fermés la nuit, sans ressasser le passé !
— Pour rester l’un des top models les plus demandés, répondit-elle calmement.
— Est-ce si important que cela ?
Sa question la fit rougir. Néanmoins, elle rétorqua sur un ton caustique :
— Et pour vous, monsieur McAllister, n’est-il pas important de demeurer au top du marché de l’art ?
D’accord, les métiers de mannequin et d’artiste peintre ne requéraient pas les mêmes talents, il n’empêche qu’elle se sentait une âme d’artiste. Elle mettait en valeur le génie des grands couturiers, inspirait les meilleurs photographes ; elle possédait un don pour exalter le talent des autres !
— Touché ! concéda-t il de mauvaise grâce. Seulement, je conçois mal qu’on ait envie de faire votre métier ad vitam aeternam.
— Que cherchez-vous à faire ? Me blesser, me provoquer — ou bien est-ce que la goujaterie est une seconde nature, chez vous ?
— Peut-être un peu des deux, qui sait ?
Ils se jaugèrent durement.
— Vous vous moquez de tout, n’est-ce pas ? dit-elle dans un souffle, déconcertée par l’arrogance de Brice.
Oh, comme elle aurait aimé être aussi insouciante qu’autrefois !
Alors elle aurait éclaté de rire, oui, elle aurait ri d’elle-même et de lui. Mais la personne qu’elle était autrefois avait définitivement disparu. Et Sabina doutait qu’elle revînt un jour.
— Il est temps que je parte, décréta-t elle d’un air las en regardant sa montre.
Il l’observait intensément, cherchant à deviner ce qui agitait ses grands yeux bleus, les troubles pensées qui se formaient derrière son beau front lisse…
— Déjà ? dit-il.
— J’ai un autre rendez-vous.
— Chez vous, avec Richard ? fit-il en se relevant, déployant son immense silhouette qui sembla alors remplir tout l’atelier.
Elle recula d’un pas, prise soudain de claustrophobie. Le regard toujours enchaîné au sien, Brice se rapprochait d’elle, lentement, avec une souplesse toute féline… Il était si proche d’elle à présent qu’elle sentait son souffle sur sa joue, la fragrance de son after-shave.
— Je dois vraiment partir, dit-elle d’une voix étranglée, sans esquisser cependant le moindre geste en ce sens.
— Eh bien, qu’est-ce qui vous retient ? lui souffla-t il au visage.
Ses jambes ! Elles étaient en coton et refusaient de lui obéir ! Sabina avait l’impression qu’elle allait s’effondrer d’un instant à l’autre. Elle se faisait l’impression d’un lapin affolé, surpris par les phares d’une voiture et qui, au lieu de sauter dans le fossé, demeurait sur la chaussée, hébété.
Brice était décidément un homme dangereux, elle l’avait senti d’emblée ! S’humectant les lèvres du bout de sa langue, elle répondit :
— J’attends que vous me laissiez passer…
A ces mots, il s’écarta.
— Je vous en prie, dit-il avec une courtoisie affectée.
Dans un ultime effort, elle se dirigea vers la porte.
— Je vous appellerai, ajouta-t il.
Une main tremblante posée sur la poignée, elle se retourna lentement.
— Pardon ?
— Afin de prendre rendez-vous pour une prochaine séance, précisa-t il d’un air amusé.
Que venait-il de se passer ? se demanda-t elle. Il s’était juste approché un tout petit peu trop d’elle, et alors ?
Sornettes !
Elle savait parfaitement qu’il s’était produit autre chose entre eux, de curieuses ondes sur lesquelles elle préférait ne pas s’attarder…
— Me ferez-vous l’honneur de me répondre, cette fois ? poursuivit-il.
— Si je suis chez moi, évidemment !
— Si tel n’est pas le cas, je suis certain que Richard pourra convenir d’un rendez-vous pour vous.
— Contrairement à ce que vous insinuez, monsieur McAllister, je gère moi-même mon emploi du temps.
— Curieux, ce n’est pas l’impression que j’ai eue lors de notre première rencontre.
Elle le fixa un instant en silence, avant de lui asséner d’une voix blanche :
— Je me fiche comme d’une guigne de ce qu’était — ou n’était pas — votre impression lors de notre première rencontre. Et pour tout vous dire, rien chez vous ne présente le moindre intérêt à mes yeux.
— Rien du tout ?
— Non ! fit-elle d’un ton rageur. Au revoir, monsieur McAllister.
— A très bientôt, Sabina.
Elle ne releva pas son ultime provocation et referma soigneusement la porte derrière elle. Enfin libre…
Une fois installée à l’arrière de la confortable limousine, elle s’autorisa à repenser à la séance en regardant distraitement le paysage urbain défiler derrière la vitre fumée.
Elle n’aimait pas la façon dont McAllister la dévisageait. Pas plus qu’elle n’appréciait le ton très personnel sur lequel il s’adressait à elle. Ou encore la manière dont il s’était approché d’elle, tout à l’heure, avant qu’elle ne parte, comme s’ils étaient intimes.
Bref, elle ne l’aimait pas !
Comment allait-elle bien pouvoir s’y prendre pour ne jamais retourner dans son atelier ?0

aghatha 19-05-09 11:06 PM

coucou cherie je tenai a te remercier pr les 2 chapitres et on attend tjrs (impationement) la suite merci pr ts

cocubasha 20-05-09 06:21 AM

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ aghatha (ÇáãÔÇÑßÉ 1958901)
coucou cherie je tenai a te remercier pr les 2 chapitres et on attend tjrs (impationement) la suite merci pr ts



aghatha



ãÚáÔ ÍÈíÈÊí ÈÃÚÊÐÑ ãäß ÈÓ ããßä ÊÚíÏí ÇáßáÇã ÈÇáÅäÌáíÒí Ãæ ÇáÚÑÈí


áÃäí ãÇáíÔ Ýí ÇáÝÑäÓÇæí
ááÃÓÝ ÐßÑíÊäÇ ÃäÇ æ åæ ãÚ ÈÚÖ ãÔ ÞÏ ßÏå :lol:
ååååååååååå


ãäÊÙÑÉ íÇ Ìãíá :flowers2:

aghatha 23-05-09 01:42 PM

im sorry too sweetie 4 using french its just,, im not that good at english anyway it was :( a big thx 4 the novel )bcaus its not evryday that we find good novels espicially in french no!!!!

cocubasha 23-05-09 02:49 PM


Çááå íÎáíßí ÍÈíÈÊí æ íÈÇÑß Ýíßí íÇÑÈ

ÈÓ ÇáÈÑßå Ýí ÑíåÇã æ Çááå

ÑÈäÇ ãÇ íÍÑãäÇ ãä ãÌÇíÈåÇ Ãä ÔÇÁ Çááå

æ äæÑÊíäÇ íÇ Ìãíá :flowers2:

aghatha 08-06-09 01:52 PM

merci cocubasha for ur sweet talks et j'espere que rihame nous a pa oublié on attd la suite(i hope she will finish the novel) et merci encore ma chere

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 20-07-09 03:52 PM

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ aghatha (ÇáãÔÇÑßÉ 1977577)
merci cocubasha for ur sweet talks et j'espere que rihame nous a pa oublié on attd la suite(i hope she will finish the novel) et merci encore ma chere

salut a touuuuuuuuuuuuuuuuus
j'ai oublié pérsonne ma puce mais je vienne d'accoucher un beau bébé qui s'appelle danny et j'etais pas bien pour me connecter

aghatha 25-07-09 06:26 PM

toute mes felicitations comme c mignon ca doit etre la grande joie de donner la vie j espere ke tu te sente mieux mtn toi et ton ptit bon homme je m exuse si j t derang ac c commentaires bref reviens nous vite tu nous a manqué et prend bien soin de toi

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 10:01 AM

chapitre 4

Brice passa la semaine suivante à se maudire pour la façon dont il s’était comporté avec Sabina lors de la séance de croquis qu’elle avait bien voulu lui accorder.
Dès leur première rencontre, il avait reconnu en elle l’éclair qui brille dans les yeux des biches traquées. Pourquoi, alors, avait-il fallu qu’il cherche systématiquement à la provoquer ? Quel démon intérieur l’avait donc conduit à se moquer d’elle ? Il avait tout simplement été aveuglé par sa volonté d’aller au-delà de l’image publique qu’elle entretenait soigneusement.
Résultat : il n’était parvenu qu’à se rendre antipathique !
Oh, cette fois-ci, elle avait accepté de répondre à ses coups de téléphone ! Elle avait pris ses quatre appels, mais à chaque fois elle avait trouvé une excuse des plus légitimes pour décliner toutes les dates qu’il lui proposait en vue d’une deuxième séance de travail.
Lors de leur dernière conversation téléphonique, Sabina avait cependant fait une concession. Elle pouvait lui accorder une petite heure, ce matin, mais… chez elle ! Et vraisemblablement sous l’œil vigilant de Richard, avait-il alors pensé.
Autant dire que cette proposition ne l’enchantait guère. Néanmoins, comme il n’en était qu’au stade des croquis, il pouvait, il est vrai, se rendre chez elle. Et, de toute façon, il n’avait pas le choix.
Après tout, se dit-il en découvrant une Sabina fort détendue dans sa résidence de Mayfair, peut-être cette solution n’était-elle pas si mauvaise que cela ? D’autant que la belle était seule. Nulle trace de Richard à l’horizon…
Ce matin, elle incarnait la quintessence de l’hôtesse charmante. En outre, elle était vêtue avec beaucoup de distinction : un corsage beige et une jupe noire, qui lui arrivait juste au-dessus des genoux. Sa chevelure était rassemblée en un chignon sage et bas.
Une évidence s’imposa alors à lui : ce n’était pas cette Sabina-là qu’il voulait peindre !
— On s’entraîne à jouer son futur rôle de maîtresse de maison ? railla-t il, peu après lui avoir dit bonjour.
Ç’avait été plus fort que lui !
Il était pourtant arrivé plein de bonnes intentions et bien résolu à s’en tenir à un échange professionnel afin de la mettre à l’aise. Hélas ! Cette image si lisse qu’elle s’appliquait à donner d’elle-même avait suffi à raviver le démon qui sommeillait en lui. De toute évidence, par cette tenue, elle avait surenchéri dans la protection dont elle s’entourait habituellement. Nul doute que la séance à l’atelier l’avait sensiblement ébranlée !
— Vous aviez raison, Brice, lorsque vous affirmiez la dernière fois que la goujaterie était une seconde nature chez vous, repartit-elle alors calmement.
D’accord, il aurait dû s’excuser… mais il n’y parvint pas.
Quelque chose dans son être, sa personnalité, lui donnait envie de la prendre par les épaules et de la secouer. Il voulait l’entendre rire… ou pleurer, bref, lui arracher des émotions, que diable ! Néanmoins, s’il passait à l’acte, il risquait fort d’être à jamais banni de chez elle ! Il convenait d’opérer de façon plus subtile.
— Vous avez bonne mémoire, se *******a-t il d’observer avant d’ajouter sèchement : navré, mais il va falloir dénouer vos cheveux.
Là-dessus, il prit place sur une chaise, carnet de croquis et crayon en main.
— C’est impossible, décréta-t elle. J’ai un déjeuner juste après notre séance et je n’aurai pas le temps de refaire mon chignon.
La peste ! pensa Brice, fort énervé. Elle avait donc décidé de lui donner du fil à retordre !
— Avec qui ? fit-il. Votre confesseur ?
Elle le fixa durant quelques instants sans ciller et, dans les profondeurs de ses prunelles bleutées, il vit briller un bref éclair de colère.
— J’ai rendez-vous avec ma mère ! précisa-t elle froidement.
Il lui lança un regard étonné puis déclara :
— Vous êtes top model… et votre mère aime vous voir dans une tenue pareille ?
Finalement, ce n’était pas à cause de lui qu’elle s’était accoutrée de la sorte, mais pour sa mère. Voilà où menait la vanité, McAllister ! se dit-il, piqué au vif.
— Que reprochez-vous donc à ma tenue ? demanda-t elle, la voix vibrant de ressentiment.
Objectivement, il était difficile de critiquer ses vêtements. Elle était d’une élégance irréprochable, mais sa coiffure et sa mise masquaient toute sa personnalité ! Impossible de déceler en elle, ce matin, la beauté provocante du mannequin Sabina.
Mue par le besoin de se défendre, elle enchaîna sans attendre sa réponse :
— Ma mère vit en Ecosse depuis le décès de mon père, et je la vois rarement. C’est une femme qui déteste l’excentricité.
— C’est-à-dire ?
Elle soupira longuement, puis commença d’une voix chargée de tristesse :
— Mes parents enseignaient l’histoire à l’université d’Edimbourg, et se consacraient entièrement à leur carrière. Je crois qu’en réalité, ils ne voulaient pas d’enfant, mais un accident est si vite arrivé…
Elle émit un petit rire dérisoire avant de poursuivre :
— Ils étaient relativement âgés quand je suis née ; ma mère avait quarante et un ans et mon père quarante-six. Aujourd’hui, évidemment, on voit les choses différemment, mais à l’époque… Toujours est-il que mon père a, me semble-t il, mieux accepté sa paternité que ma mère sa maternité. Naturellement, lui n’a pas dû arrêter d’enseigner pendant cinq ans pour s’occuper de moi !
C’était bien la première fois que Sabina se livrait autant. Ce qui en disait long sur sa nervosité !
— Votre naissance a constitué un bouleversement total pour eux, lui dit-il.
Et pas seulement sa naissance, pensa-t il. Comment s’étaient-ils accommodés de sa beauté frappante ? Car nul doute qu’enfant, elle devait déjà avoir l’air d’un ange sorti tout droit du paradis.
— J’ai eu effectivement une enfance étrange, dit-elle d’un ton mélancolique.
Et certainement très solitaire, réalisa Brice. Une enfance aux antipodes de la sienne, lui qui avait été élevé par des parents jeunes et joyeux et qui passait tous ses étés en Ecosse, dans le château de son grand-père, avec ses cousins Logan et Fergus. Il avait réellement le sentiment d’appartenir à une fratrie. Au clan des McDonald.
— A qui ressemblez-vous ? demanda-t il doucement, désireux de ne pas rompre le charme, car il avait le sentiment que Sabina évoquait rarement son enfance.
— A mon père, dit-elle en esquissant un vague sourire — sourire qui disparut totalement lorsqu’elle précisa : il est mort il y a cinq ans.
— Je suis désolé, dit-il d’un ton sincère, tout en se demandant s’il ne tenait pas là la clé de sa relation avec Richard.
Ne recherchait-elle pas une figure paternelle auprès de cet homme plus âgé ?
— Il souffrait d’un cancer depuis des années, sa disparition a été une délivrance pour lui, confia-t elle. Mon plus vif regret, c’est qu’il n’ait pas été là lorsqu’on m’a remis ma licence d’histoire…
Elle s’interrompit et, devant son expression étonnée, elle lui décocha un superbe sourire avant d’ajouter d’un ton dérisoire :
— Eh oui, Brice, je n’ai pas toujours été top model à plein temps ; je suis allée à l’université, vous savez.
Allusion directe à ses remarques désobligeantes sur le métier de mannequin, la dernière fois, se dit-il, presque honteux. Comme il regrettait son arrogance ! Il l’avait jugée sans la connaître. Pas étonnant qu’elle veuille le tenir à distance !
Soudain, il l’entendit ajouter :
— En tant que grand défenseur de la cause féministe, ma mère désapprouve la voie que j’ai choisie.
— Et que pense-t elle de votre vie en concubinage avec Richard Latham ?
A peine eut-il terminé sa phrase, qu’il la regrettait déjà. Bon sang ! Il venait de commettre un sérieux impair. De fait, ce n’était pas réellement l’opinion de Mme Smith qui le préoccupait. Sa question exprimait davantage son indignation à lui, à l’idée que la belle Sabina partageât la vie — et le lit — de Richard Latham.
— Vous êtes bien trop indiscret, monsieur McAllister ! rétorqua-t elle, furieuse, en le fusillant du regard.
Certes, la question de Brice l’avait agacée ! Néanmoins, elle était surtout en colère contre elle-même pour les confidences qu’elle venait de lui faire.
— En parlant de Richard… Votre fiancé n’est pas à la maison, aujourd’hui ?
— Il est à New York jusqu’à demain.
Sur une impulsion, il demanda :
— Dans ces conditions, accepteriez-vous de dîner avec moi ce soir ?
Sa question le stupéfia lui-même… Comment osait-il inviter une femme déjà fiancée au restaurant ? Et qui plus est, une femme qui ne lui avait donné aucun signe encourageant ! Bien au contraire !
Sabina paraissait aussi suffoquée que lui.
Ses joues étaient devenues toutes pâles, aussi pâles que l’albâtre, et ses yeux insondables le fixaient d’un air stupéfait.
A cet instant, comme pour reprocher à Brice son audace, un rayon de soleil vint jouer sur le diamant de Sabina qui se mit à scintiller de tous ses feux. Le cadeau de Richard Latham…
— Ce n’était pas une bonne idée, excusez-moi, marmonna-t il alors, confus. Enfin, ce n’était qu’une invitation à dîner, Sabina, sans arrière-pensées.
Elle le fixait toujours d’un air égaré…
A cet instant, on frappa à la porte.
— Entrez, fit-elle d’une voix rauque.
— Vous m’aviez priée de vous apporter le courrier dès qu’il arriverait, précisa Mme Clark en lui tendant une liasse d’enveloppes.
— Merci beaucoup, répondit Sabina en lui adressant un beau sourire.
Quelle incroyable faculté à recouvrer une contenance ! pensa alors Brice. Comme il regrettait ses propos ! Elle n’avait déjà pas une grande opinion de lui, mais il venait de sonner le glas de leur relation !
Certes, il n’espérait pas que toutes les femmes tombent à ses pieds, mais il n’était pas habitué à ce qu’on le prenne en grippe dès le premier regard, comme cela avait été le cas avec Sabina. Et, contre toute attente, plus elle était inamicale, plus elle l’intéressait !
— Ecoutez, déclara-t il subitement en se levant, je crois qu’il est préférable que nous en restions là, aujourd’hui. De toute évidence…
Il s’interrompit subitement. Sabina venait de laisser tomber son paquet de lettres et paraissait totalement tétanisée. Ce n’était tout de même pas lui qui…
— Sabina, que se passe-t il ? s’enquit-il, inquiet.
A cet instant, elle se baissa pour ramasser son courrier… et chancela. Se précipitant vers elle, il la prit fermement par le bras et l’aida à s’asseoir sur une chaise.
Puis, d’un pas décidé, il se dirigea vers le bar, lui servit un double whisky et le lui tendit.
— Non, merci, dit-elle, le souffle court. Je doute que ma mère apprécie les effluves de whisky.
— Ma proposition vous répugne donc à ce point ? demanda-t il alors, hésitant lui-même à vider le verre.
— Pardon ? fit-elle, visiblement surprise par sa question.
Ce n’était donc pas son invitation qui l’avait mise dans cet état. Dans ces conditions, pourquoi avait-elle failli s’évanouir ?
Ce fut alors qu’il remarqua qu’elle serrait une enveloppe vert pâle entre ses doigts crispés. Elle la serrait si étroitement que la lettre en était froissée et ses phalanges blanchies…
— Sabina…, commença-t il.
Brusquement, elle se leva et annonça :
— Votre proposition ne me contrarie absolument pas, bien au contraire, je trouve que c’est une excellente idée.
Curieux ! Si Mme Clark n’était pas venue les interrompre, il doutait fort qu’elle eût répondu favorablement à son invitation. Néanmoins, pour une raison inconnue de lui, la seule vue de cette mystérieuse lettre verte — qu’elle n’avait même pas lue — l’avait perturbée au point qu’elle avait accepté son invitation à dîner.
Le mystère s’épaississait…
— Parfait, répondit-il avant qu’elle ne change d’avis. Je passerai vous prendre à 19 h 30. Cela vous convient-il ?
— Entendu, dit-elle, visiblement pressée de le voir partir.
Etait-ce afin de pouvoir lire le contenu de l’enveloppe vert pâle ? se demanda Brice.
— Dois-je réserver pour trois ou Clive patientera-t il dans la voiture ?
— Je suis certaine que nous pourrons nous passer de lui, répondit-elle, tendue, en jetant un coup d’œil à sa montre. Désolée, nous n’avons pas avancé ce matin, mais à présent, je dois partir.
— Je comprends, vous ne devez pas faire attendre votre mère, dit-il en lui souriant gentiment.
Contrairement à ce qu’elle croyait, ils avaient énormément progressé ce matin : il avait beaucoup appris à son sujet — sur son enfance, ses relations avec ses parents.
Et pourtant, il repartait frustré ! Car ce qu’il aurait réellement aimé savoir, c’était ce que contenait la lettre qui l’avait étrangement bouleversée.
L’interrogerait-il ce soir, à ce sujet ? Peut-être… Il avait tout l’après-midi pour méditer là-dessus.
— Un appel pour vous, Mlle Sabina, l’informa Mme Clark en fin d’après-midi, lorsque la jeune femme décrocha le téléphone de sa chambre. M. Latham.
— Passez-le-moi ! s’exclama-t elle chaleureusement.
Après la drôle de journée qu’elle venait de vivre, elle avait envie d’entendre le son rassurant de sa voix.
— Richard ! Comment vas-tu ? Oh, ne me dis pas que tu dois repousser ton retour ?
— Allons, allons, une question à la fois ! Oui, je vais bien, et non, mon retour n’est pas repoussé, je serai à la maison demain, comme prévu. J’avais juste envie de savoir comment tu allais.
Cela faisait quatre jours qu’il était parti et jusque-là, elle n’avait pas vu le temps passer, car elle avait été fort occupée. Et puis ce matin, tout avait basculé ! Et depuis, elle ne souhaitait qu’une chose : qu’il rentre le plus rapidement possible à Londres.
— Je vais bien, mentit-elle. Très prise par le travail, comme toujours.
— Et qu’as-tu prévu de beau, pour ce soir ?
— Oh… Eh bien, je vois McAllister.
— Parfait ! Comment se déroulent les séances ? Le grand homme est-il enfin descendu de sa tour d’ivoire et s’est-il rendu compte que tu es la plus belle créature qu’il ait jamais peinte ?
— Hum… Pas vraiment, répondit-elle, réalisant que Richard s’était mépris sur le sens de ses propos et avait cru qu’elle rencontrait Brice McAllister pour une séance de travail.
Non qu’elle ne fût jamais sortie au restaurant avec un autre homme depuis qu’elle vivait sous le toit de Richard ! Son travail la conduisait souvent à accepter ce genre d’invitations. Mais le dîner avec Brice n’entrait pas dans cette catégorie. Avalant une large bouffée d’air, elle commença :
— En fait, Richard, je…
— Un instant, Sabina, on essaie de me joindre sur mon autre ligne. Ne quitte pas…
Plus elle attendait, et plus le courage lui manquait. Richard apprécierait-il qu’elle dîne avec un homme pour des raisons non directement professionnelles ?
Voilà qu’elle redoutait ce dîner, à présent. Oh, pourquoi avait-il fallu que Brice fût là précisément au moment où elle avait reçu la lettre ? Elle s’était ensuite trouvée dans un tel état de confusion que, désireuse qu’il parte au plus vite, elle avait accepté son invitation.
— Désolé, Sabina, reprit enfin Richard. Mon rendez-vous est arrivé, je dois te quitter. Je te rappellerai plus tard dans la soirée, d’accord ?
— Euh… A dire vrai, je comptais me coucher tôt, ce soir, mentit-elle pour la deuxième fois. Je viendrai t’attendre à l’aéroport, demain.
Et elle pourrait enfin lui expliquer tranquillement que Brice McAllister l’avait invitée à dîner !
— Inutile de te déplacer jusqu’à Heathrow, envoie Clive, cela suffira.
Non, elle viendrait l’accueillir. Il serait plus facile de faire des confessions à l’arrière de la banquette de la limousine…
— Je n’ai rien à faire demain, et cela me ferait vraiment plaisir de venir te chercher.
— Comme tu voudras. A demain.
Génial ! pensa-t elle avec dérision en raccrochant. Non seulement elle allait dîner en tête à tête avec un homme qu’elle s’était ingéniée à fuir jusqu’à présent, mais en plus elle avait menti à son fiancé à ce sujet.
Fallait-il que Brice la rende nerveuse pour qu’elle agisse contre son gré ! Tout cela, c’était la faute de ses yeux verts. Des yeux qui vous transperçaient jusqu’au plus profond de votre être, et auxquels rien n’échappait.
Nul doute qu’il était conscient de ses réticences à poser pour lui. Des réticences qui l’avaient conduite à trop parler. Elle d’ordinaire si réservée ne parvenait pas à s’expliquer ses confidences sur son enfance, ce matin.
En outre, elle était convaincue que Brice avait compris que c’était l’enveloppe verte qui l’avait plongée dans un état d’agitation intense.
La dernière qu’elle avait reçue remontait à trois semaines. Durant cette longue période, elle avait presque nourri l’espoir que le calvaire était terminé. Voilà pourquoi ce matin, à la réception de la lettre, elle avait été si bouleversée !
Et le déjeuner avec sa mère n’avait absolument pas arrangé les choses !
— Etes-vous convenus d’une date de mariage, Richard et toi ? lui avait demandé cette dernière tandis qu’elles dégustaient leur salade aux crevettes.
Sabina avait manqué s’étrangler.
McAllister, sa mère à présent… mais qu’avaient-ils donc tous à vouloir la pousser au mariage ?
— Pas encore, avait-elle répondu. Nous ne sommes pas pressés.
Comme tout le monde, sa mère ignorait l’arrangement qui la liait à Richard. Une mère qui était l’incarnation de la perfection, pensa-t elle alors. Tout en Leonore Smith était soigné, de ses ongles à sa tenue vestimentaire, en passant par sa syntaxe. Oh, Sabina adorait sa mère, seulement… elle était incapable de communiquer avec elle ! Et chaque fois qu’elle la rencontrait, elle avait l’impression d’être sur la sellette.
— Si je te pose cette question, précisa Leonore, c’est que je projette de faire un petit voyage, à l’automne. Je ne voudrais pas que ton mariage ait lieu durant cette période.
— Excellente idée ! répondit Sabina, sans prêter attention à la dernière phrase. Et où comptes-tu aller ?
— Nous n’avons pas encore choisi notre destination, répondit-elle en avalant une gorgée de vin. Je… Je pars avec une connaissance. Il se peut que nous nous rendions à Paris, c’est une ville où l’on peut se divertir…
Se divertir ? Etait-ce bien sa mère qui venait de prononcer ce mot ?
— Et cette amie, je la connais ?
A ces mots, Leonore rougit légèrement et détourna les yeux. Mon Dieu ! Cette connaissance, c’était un homme ! réalisa Sabina, choquée.
Pourquoi cette nouvelle la bouleversait à ce point, mystère ! Après tout, sa mère était encore une fort belle femme pour ses soixante-six ans. Elle était toujours aussi mince et blonde qu’à trente. Mais de là à ce qu’elle fît une escapade romantique à Paris…
Décidément, se dit-elle en regardant une dernière fois son reflet dans le miroir avant de rejoindre Brice, elle venait de vivre une bien mauvaise journée !
Hélas, elle n’était pas encore terminée. Qu’allait lui réserver la soirée ?

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 10:07 AM

chapitre 5

Nul besoin d’être devin pour comprendre que Sabina n’avait aucune envie de passer la soirée avec lui !
Même à présent qu’ils étaient confortablement installés dans l’élégant restaurant londonien où il avait réservé la meilleure table, la jeune femme ne parvenait pas à se détendre.
Pour sa part, il était loin de partager les sentiments de la belle Sabina et ce tête-à-tête le comblait.
Elle l’intriguait tellement ! A commencer par sa beauté époustouflante, mise en valeur par la robe noire à décolleté pigeonnant qu’elle arborait ce soir. Toutes les têtes s’étaient retournées sur son passage lorsque le maître d’hôtel les avait conduits à leur table. Et cependant, c’était la femme qui se trouvait derrière cette beauté qui intéressait Brice, l’intelligence que reflétaient ses beaux yeux bleus.
Des yeux certes merveilleux… mais indubitablement méfiants ! Voilà pourquoi il avait décidé de ne pas l’interroger sur la fameuse lettre verte. Non qu’il eût l’intention d’oublier l’incident, mais il pressentait que s’il la questionnait à ce sujet, elle refuserait de le revoir.
— Comment s’est passé votre déjeuner ? lui demanda-t il distraitement tandis qu’ils étudiaient la carte.
— Bien, répondit-elle, laconique.
Oh, oh… Le nuage qui assombrit à cet instant le front de Sabina lui mit la puce à l’oreille. Et, étant donné qu’elle avait évoqué son enfance le matin même, il se permit d’insister :
— Vraiment ?
— Mais oui, fit-elle, sur la défensive. Puisque je…
Elle s’interrompit brusquement, poussa un long soupir et reprit :
— Non, en réalité, ça ne s’est pas bien passé. Ce n’était pas comme d’habitude.
— Pourquoi ?
— Eh bien…
Elle hésita, puis relevant la tête, déclara :
— Ma mère a un petit ami. Enfin, j’ignore si c’est réellement le terme adéquat ! En tout cas, elle projette un voyage à Paris en compagnie d’un homme, cet automne.
— Dois-je en conclure qu’il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle pour vous ? Allons, votre mère a elle aussi le droit de vivre !
— Vous pensez que je suis égoïste, n’est-ce pas ? Mais je n’ai jamais envisagé que ma mère puisse refaire sa vie, comme on dit.
— Elle si, visiblement !
Devant la mine renfrognée de Sabina, il regretta sa franchise et ajouta :
— Sabina, je suis désolé, simplement…
— Je sais, je sais, c’est moi qui dramatise, dit-elle en avalant une gorgée du délicieux vin blanc que Brice avait choisi pour eux. Navrée de vous ennuyer avec mes petits problèmes, je doute que cela soit bien passionnant pour vous !
Comme elle se trompait ! Tout ce qui la concernait l’intéressait. De fait, il ne se souvenait pas avoir été si captivé par une femme depuis des années…
— Mais si, ça l’est ! affirma-t il.
— Allons, oublions ce que j’ai dit et parlons d’autre chose.
— Qu’est-ce qui vous perturbe tellement dans cette histoire ? insista-t il. Le fait que votre mère ait trouvé un compagnon avec qui elle ait envie de passer du bon temps ? Ou le fait qu’elle veuille profiter de la vie en compagnie d’un autre homme que votre père ?
— Je vous l’ai dit, je réagis de manière égoïste, c’est stupide de ma part.
— Ce n’est pas le moins du monde stupide ! lui assura Brice avant de demander de façon impromptue : connaissez-vous mon cousin Logan et sa femme Darcy ?
— Je ne leur ai pas été présentée, mais je sais qu’ils étaient à la fête des Hamilton.
— Ils sont tombés amoureux l’un de l’autre alors qu’ils tentaient d’empêcher le père de Darcy d’épouser la mère de Logan.
— Et comment les choses se sont-elles soldées pour les parents ? s’enquit-elle, visiblement fort intéressée.
— Ils se sont mariés un mois avant les enfants, répondit-il, tout en se demandant s’il avait vraiment eu raison d’évoquer cet exemple.
— Oh…
L’arrivée du serveur mit un terme provisoire à la conversation.
Ainsi qu’elle le lui avait annoncé, Sabina ne se privait nullement en ce qui concernait la nourriture ! constata Brice. En hors-d’œuvre, elle avait commandé des asperges accompagnées d’une sauce mousseline, suivies d’un steak à la sauce béarnaise et d’un gratin dauphinois.
— Ne soyez pas choqué : je crois qu’après cela, j’aurai encore de la place pour un fondant au chocolat, lui dit-elle d’un air mi-amusé, mi-navré.
Il n’allait certainement pas se plaindre, lui qui depuis des années sortait avec des femmes qui choisissaient les plats les moins caloriques qu’elles se *******aient ensuite de picorer du bout de leur fourchette !
— Vous pouvez même prendre deux desserts si vous en avez envie ! répondit-il. Vous êtes le genre de convive que Daniel est ravi d’accueillir dans son restaurant !
— Vous connaissez le chef cuisinier ?
— C’est mon oncle par alliance, le père de Darcy, dit-il en souriant. Vous savez, l’heureux marié dont je viens de vous parler.
A son tour, Sabina lui adressa un sourire et déclara, d’un air songeur :
— Je me demande à quoi peut bien ressembler l’ami de ma mère…
— Pourquoi ne pas lui poser directement la question, la prochaine fois que vous la verrez ? A mon avis, elle serait ravie que vous lui témoigniez de l’intérêt.
— Peut-être, fit Sabina de manière évasive, pas certaine d’avoir envie d’aborder le sujet de front avec sa mère. Parlez-moi de votre prochaine exposition ! Où et quand aura-t elle lieu ?
Manifestement, elle n’avait plus envie d’évoquer sa vie privée. Quel dommage ! Il y avait encore des dizaines de choses qu’il aurait aimé apprendre sur Sabina Smith.
— Richard est allé à l’une de vos expositions, il y a deux ans, poursuivit-elle. Il a beaucoup apprécié vos travaux et visiblement il n’était pas le seul.
Brice ne doutait pas un instant des éloges de Richard. Il savait aussi que Sabina avait mentionné son fiancé non pas incidemment, mais afin de lui rappeler qu’elle n’était pas libre, au cas où il l’aurait oublié…
Comme s’il pouvait oublier le maudit diamant qui brillait à son annulaire gauche ! Et pourtant… Plus il apprenait à la connaître, plus il aurait aimé que son fiancé s’évapore dans les airs !
Allons, cette soirée ne se passait pas trop mal ! pensa Sabina. Finalement, il n’était pas désagréable de discuter avec Brice McAllister, même si, de temps à autre, il avait tendance à être trop curieux.
— Mmm, voilà qui a l’air délicieux, déclara-t elle devant son assiette d’asperges tandis que l’on servait des escargots à Brice.
— Est-ce que vous…, commença-t il avant de s’exclamer : oh non !
Surprise, elle suivit son regard.
Il fixait un couple qui venait d’entrer dans le restaurant. Si Sabina reconnut immédiatement la créatrice de mode Chloe Fox, qu’elle avait rencontrée plusieurs fois au cours de défilés, elle ignorait en revanche qui était l’homme qui l’accompagnait… D’une taille imposante et d’une beauté arrogante, il n’était pas sans présenter une certaine ressemblance avec Brice.
— Mon cousin Fergus et sa femme Chloe, annonça ce dernier d’un ton contrarié en se levant.
Là-dessus, il héla le couple et les salua. Les entraînant vers la table où la jeune femme était sagement assise, il déclara :
— Puis-je vous présenter Sabina ?
— Bien sûr, répondit Fergus en s’approchant vivement d’elle pour lui serrer la main. Même si nous l’avons tous deux reconnue. Nous ne vous dérangeons pas, j’espère ?
Le petit air provocateur qu’elle lut dans les yeux couleur noisette de Fergus plut beaucoup à Sabina. De toute évidence, une indéfectible affection liait les deux cousins. En outre, l’attitude railleuse de Fergus rendait Brice moins arrogant. Moins dangereux aussi.
— Joignez-vous à nous ! proposa-t elle spontanément, consciente du regard irrité que Brice lança alors à son cousin.
— Nous ne voulons pas vous déranger. Je suis certaine que Brice et vous préférez rester seuls, objecta Chloe.
— Absolument pas ! s’écria Sabina. Plus on est de fous plus on rit ! Brice a été si gentil de m’inviter au restaurant pendant que je me languis de mon fiancé qui est en voyage d’affaires à new York.
— Brice est bien connu pour sa gentillesse, déclara Fergus, non sans ironie.
Le couple finit par se laisser convaincre et prit place à leur table. Fergus tenta alors de compenser le silence de son cousin par des plaisanteries appuyées. Quant à Sabina, elle était ravie d’échapper au tête-à-tête prévu. Elle avait en quelque sorte neutralisé Brice.
— Continuez à manger, je vous en prie, insista Chloe. Fergus et moi allons étudier la carte, pendant ce temps.
A la dérobée, Sabina observa Brice en train de manger ses escargots : on aurait pu croire qu’il réglait leur compte à chacun d’entre eux tant ses gestes étaient brusques et nerveux ! Pour la première fois depuis leur rencontre, elle avait l’impression qu’il n’était pas à son avantage… et elle s’en réjouissait vivement !
Bien que Brice participât peu à la conversation, le repas se poursuivit de façon fort plaisante. Chloe et Fergus étaient des interlocuteurs extrêmement agréables, dotés d’un sens de l’humour décapant. En outre, ils débordaient d’amour l’un pour l’autre et les regards qu’ils échangeaient étaient tout simplement touchants.
— Nous allons bientôt être de la même famille, Sabina, annonça Chloe au moment du dessert.
A ces mots, Brice lui décocha un regard inquiet qui n’échappa pas à Sabina.
— Pardon ? dit cette dernière.
— L’une de mes cousines se marie avec le neveu de votre fiancé, expliqua Chloe. Comme je ne suis pas douée pour la généalogie, je ne sais pas exactement quel lien de parenté cela crée entre nous, mais toujours est-il que cela en établit un.
Elle aussi, pensa Sabina, elle ignorait la nature de ce lien de parenté — d’autant que jamais elle n’épouserait Richard ! Elle répondit gentiment :
— Effectivement, cela semble compliqué… Désolée d’interrompre cette soirée, mais je suis un peu fatiguée et je crois qu’il est temps pour moi de rentrer.
A l’expression de Brice, elle comprit qu’il n’appréciait pas du tout ce qu’elle venait de dire. Raison de plus pour partir ! Elle avait eu tort d’accepter son invitation, et beaucoup de chance que Fergus et Chloe la sauvent, sans le savoir, des griffes de leur cousin.
— Peut-être aurons-nous l’occasion de travailler ensemble bientôt, déclara Chloe en prenant congé de Sabina tandis que les deux hommes se disputaient pour régler l’addition.
— Peut-être, fit Sabina, évasive, tout en pensant que moins elle aurait affaire à la famille de Brice, mieux ce serait.
— J’ai été navrée que nous ne puissions collaborer comme prévu, l’année dernière, en novembre. Vous étiez malade, alors. J’espère que ce n’était rien de grave.
Décidément, aujourd’hui, ce n’était pas son jour ! D’abord cette lettre, ce matin, et puis maintenant cette allusion au fameux mois de novembre où elle avait manqué tous les défilés importants à cause de…
Non, elle ne devait pas penser à ça !
— Qu’est-ce qui n’était pas grave ? s’enquit alors Brice.
— Nous évoquions un rendez-vous professionnel manqué, l’année dernière, dû à un problème de santé de Sabina, répondit Chloe.
— Que vous est-il arrivé ? interrogea-t il vivement.
Cet homme était décidément impossible ! D’ailleurs, sa cousine s’écria :
— Brice ! Tu es bien indiscret !
— Je ne vois pas en quoi !
Evidemment ! pensa Sabina, excédée. Elle qui espérait que son absence des défilés à la fin de l’année dernière était passée inaperçue…
— C’était bénin, répondit-elle brièvement. Juste la grippe. Ravie de vous avoir rencontrés et à bientôt, j’espère.
Elle ne désirait à présent qu’une chose : rentrer chez elle pour s’y enfermer à double tour, à l’abri des regards inquisiteurs de Brice McAllister.
— Nous pourrons peut-être dîner de nouveau tous les quatre, un de ces soirs, suggéra Fergus.
— J’en doute. Mon fiancé rentre demain de New York. Comme je vous l’ai déjà dit, Brice a eu pitié de ma solitude ce soir et c’est pourquoi il m’a invitée à dîner.
— Pourquoi avoir menti à Fergus ? lui demanda brusquement Brice quelques minutes plus tard, à l’arrière du taxi qui filait vers Mayfair. Je n’ai pas eu pitié de votre solitude, je voulais passer la soirée avec vous, c’est différent !
Subitement, l’habitacle parut bien exigu à Sabina. En outre, la proximité de Brice sur la banquette, sa jambe qui frôlait la sienne, son bras puissant reposant nonchalamment sur le siège, derrière ses frêles épaules, tout contribuait à renforcer son sentiment de claustrophobie.
Oui, il était trop proche d’elle, trop viril, trop attrayant !
Dans la demi-obscurité, elle tourna la tête vers lui. Elle devait dire quelque chose, n’importe quoi…
— Brice…
— Sabina ! murmura-t il alors en baissant la tête vers elle pour capturer sa bouche.
Il ne devait pas l’embrasser ! Telle fut la première pensée de Sabina qui ne cherchait pas pour autant à se débattre ! Elle était fiancée à Richard, et même s’il ne s’agissait que d’un arrangement entre eux, et non d’une réelle relation, elle se devait de lui être loyale.
Et malgré tout, Brice continuait à l’embrasser…
Une sorte de langueur s’empara alors de son être. Elle se sentit soudain légère, aérienne, tel un oiseau prenant son envol et dont les ailes déployées battent l’air chaud pour aller toujours plus haut…
Elle n’entendait plus les bruits extérieurs, tout avait cessé d’exister — tout, sauf Brice et la sensation de ses lèvres sur les siennes. Oui, uniquement cela importait !
Peu à peu, des ondes de plaisir parcoururent son être, chaque parcelle de sa peau devint électrique… Elle se mit alors à tâter langoureusement les épaules de Brice, lui rendant son baiser avec une ardeur partagée…
— Ça fera huit livres !
Elle sursauta comme si on venait de lui lancer un verre d’eau glacé au visage. Et prit soudain conscience de ce qu’elle venait de faire : au lieu de repousser froidement Brice McAllister, elle avait accepté son baiser. Pire encore : elle l’avait embrassé avec une fougue égale à la sienne.
Paniquée, elle se raidit et se plaqua contre le siège.
— Désolé de vous interrompre, mes tourtereaux, reprit le chauffeur, mais cela fait déjà cinq minutes que nous sommes arrivés.
Seigneur ! Cinq minutes qu’ils s’embrassaient devant la maison de Richard ! Une maison qu’elle partageait avec lui ! Fallait-il qu’elle fût perturbée, aujourd’hui !
Comme Brice posait la main sur la poignée, elle objecta, le souffle court :
— Ne m’accompagnez pas, Brice, c’est inutile.
Sans l’écouter, il descendit du taxi pour lui ouvrir la portière.
— Sabina…
— S’il vous plaît, ne dites rien, l’interrompit-elle d’une voix plus ferme, le menton relevé en arrière et osant enfin le regarder. J’ai été enchantée de rencontrer Fergus et Chloe. Et… merci pour le dîner !
— Je suppose que ce sera le premier et le dernier, n’est-ce pas ? murmura-t il tristement.
— Effectivement, rétorqua-t elle d’un ton cassant. Bonne nuit.
Là-dessus, elle pivota sur ses talons et s’éloigna précipitamment vers la maison. Lorsqu’elle entendit le taxi repartir, elle s’adossa à la porte d’entrée, sur le point de s’écrouler.
Mon Dieu ! Qu’avait-elle fait ?
Qu’avaient-ils fait ?
Et surtout, comment annoncer à Richard qu’elle ne voulait plus poser pour Brice McAllister sans lui révéler la vérité au sujet de cette soirée — une vérité qui provoquerait inévitablement l’annulation du contrat qui les liait ?

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 11:34 AM

CHAPITRE 6

— Le dîner n’était-il pas à votre goût, monsieur Brice ? s’enquit Mme Potter, consternée, en constatant qu’il n’avait pas touché à son plat.
— Non, c’était parfait… Seulement, je n’ai pas faim.
Il était bien trop furieux pour être affamé. Furieux contre Sabina, contre Richard Latham et contre lui-même.
Oui, surtout contre lui-même.
Trois jours s’étaient écoulés depuis le dîner avec Sabina. Trois longs jours de solitude et de frustration.
Curieux. La solitude était un sentiment qu’il n’avait pas connu jusque-là, même lorsqu’il était seul. De fait, il avait toujours adoré vivre en solitaire. Or, depuis le baiser qu’il avait donné à Sabina, sa façon de voir le monde avait changé.
Oui, quelque chose s’était transformé en lui dès l’instant où il l’avait tenue dans ses bras pour explorer la douceur de sa bouche… et où elle lui avait rendu son baiser avec une passion égale à la sienne ! S’il n’arrivait pas encore à caractériser la subite transformation qui s’était opérée en son être, il savait en revanche que, désormais, la solitude lui pesait et que sa propre compagnie l’insupportait.
Car, quand il était seul, toutes ses pensées se focalisaient sur Sabina. Qu’était-elle en train de faire ? Avec qui était-elle ? Lui avait-elle accordé la moindre pensée, ces trois derniers jours ?
Ses traits se crispèrent soudain. Nul doute que si Sabina avait pensé à lui, ce n’est pas de manière flatteuse. A qui la faute d’ailleurs ? N’avait-il pas outrageusement franchi les limites qu’elle lui avait imposées ? Son propre comportement l’écœurait ! Par conséquent, comment attendre de la mansuétude de la part de Sabina ?
Sabina qui était fiancée à un autre homme ! ne cessait-il de se répéter.
Cela avait beau lui déplaire, cet engagement demeurait un fait indéniable dont il ne pouvait faire abstraction — au risque de s’exposer au mépris de la jeune femme.
Il l’admettait, il avait agi sur un coup de tête en l’attirant à lui pour l’embrasser. Il avait cédé à une violente pulsion et il allait payer cher, puisqu’il était certain de ne plus la revoir. Elle refuserait désormais de poser pour lui, il en était convaincu.
Néanmoins, jusqu’à présent, Richard Latham n’avait pas sonné furieusement à sa porte pour exiger des comptes sur son attitude envers sa fiancée. Ce qui tendait à prouver que cette dernière ne lui avait rien confié au sujet de leur baiser…
Dans ces conditions, quelle raison invoquerait-elle pour ne plus poser pour lui ? Et si faute de trouver une justification, elle…
Assez ! Il devait cesser de se torturer l’esprit. Ses pensées tournaient en rond, pour revenir toujours à un terrible paradoxe : son besoin urgent de voir Sabina et l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de combler ce désir.
— Mlle Smith demande à vous voir, annonça subitement Mme Potter en entrant dans le salon.
Il se redressa sur son siège. Mlle Smith… ? Sabina !
Quoi ? Sabina était chez lui ? Elle désirait le voir ?
— Dois-je la faire entrer ? demanda la gouvernante.
— Oui, enfin, non… Oh, mon Dieu !
Il n’était absolument pas présentable. Ses cheveux dans lesquels il ne cessait de passer ses doigts nerveux étaient tout ébouriffés et il ne s’était pas rasé depuis deux jours. Quant à ses vêtements… Ce matin, il avait enfilé son jean et son T-shirt de la veille, tous deux copieusement maculés de peinture. Franchement, il avait l’air misérable.
En même temps, il ne pouvait pas la faire patienter dans le corridor pendant qu’il irait se doucher, se raser et se changer…
— Faites-la entrer, je vous prie, trancha-t il brusquement.
Ce fut alors qu’un doute l’étreignit. Anxieux, il ajouta :
— Est-elle seule ?
— Absolument seule, répondit froidement Sabina en apparaissant au côté de Mme Potter, dans l’encadrement de la porte.
Comme elle était belle !
Eclatante de beauté, comme dans les magazines de papier glacé pour lesquels elle posait.
Elle portait une robe de lamé or, en harmonie avec sa longue chevelure blonde qui cascadait souplement sur ses épaules. Un trait de khôl bleu marine intensifiait son regard azur, du rouge vif soulignait la plénitude de ses lèvres et des escarpins dorés à talons vertigineux mettaient en valeur ses jambes interminables. Une véritable apparition.
— Merci, madame Potter, déclara Brice, peu désireux qu’un témoin assiste au tête-à-tête qui allait suivre.
— Dois-je servir du thé, du café ? Du vin, peut-être ? suggéra alors cette dernière.
— C’est fort aimable à vous, s’empressa de répondre Sabina, mais je ne fais que passer. J’ai un rendez-vous professionnel.
Précision inutile ! Il n’avait pas la prétention de croire qu’elle s’était parée avec tant de soin pour ses beaux yeux à lui !
— Que voulez-vous ? demanda-t il sans ambages une fois que la gouvernante fut sortie.
Lui lançant un regard froid, elle lui asséna :
— Vous êtes l’homme le plus cavalier que j’aie jamais rencontré.
— Au moins, je suis cohérent avec moi-même.
— Exact ! approuva-t elle avec dédain avant d’ajouter : je suis venue vous voir car Richard a l’intention de vous passer officiellement commande du tableau demain. Je veux que vous refusiez cette commande.
— Et pourquoi, s’il vous plaît ? lança-t il sur un ton persifleur.
— Je suis certaine que je n’ai pas à vous expliquer pourquoi ! répondit-elle sans le quitter des yeux.
Effectivement… Et pourtant, après les trois horribles journées qu’il venait de vivre, il ne pouvait la laisser s’en tirer comme ça. D’autant que le masque d’indifférence polie qu’elle affichait en ce moment l’agaçait profondément. Immensément…
— Vous faites allusion au fait que nous nous sommes embrassés, n’est-ce pas ? fit-il d’un air défiant.
Une rougeur de colère empourpra les joues de Sabina qui répondit :
— Je constate, monsieur McAllister, que non ******* d’être cavalier, vous avez également une mémoire défaillante ! Je vous rappelle que c’est vous qui m’avez embrassée !
— Au début, oui, mais il me semble bien que vous m’avez rendu mon baiser.
— Décidément, McAllister, vous êtes tout le contraire d’un gentleman ! lui asséna-t elle d’une voix tremblant de colère.
Oh, comme elle se trompait ! Car si le gentleman qui sommeillait en lui ne l’en avait pas dissuadé, il l’aurait prise à l’instant même dans ses bras et l’aurait embrassée de nouveau. Longuement, passionnément… Elle était si ravissante lorsqu’elle était en colère !
— Et je suppose que Latham, lui, est un gentleman ?
A ces mots, elle se figea et, les yeux étincelant de fureur, demanda :
— Que sous-entendez-vous par là ?
— Que je n’ai jamais supposé que dans cette grande maison que vous partagez avec Latham, vous dormiez sagement dans une chambre et lui, dans une autre.
A ces mots, il la vit se transformer en une véritable statue de glace. Mâchoires serrées, elle parvint néanmoins à marmonner :
— Cela ne vous regarde absolument pas ! Je… j’étais venue faire appel à votre sens de l’honneur, mais visiblement vous n’en avez pas !
— Latham ignore ce qui s’est passé l’autre soir, n’est-ce pas ? interrogea-t il alors perfidement.
— Richard sait parfaitement que je vous ai vu, ce soir-là, riposta-t elle, non sans rougir.
— Ce n’est pas ce que je veux dire et vous le savez parfaitement !
— Estimez-vous heureux que je n’aie pas informé Richard de votre geste déplacé !
— Heureux, et pourquoi ? Est-ce un cow-boy qui règle ses comptes en duel ?
Elle lui décocha un regard méprisant.
— Vous…
— A propos, comment va votre mère ? lança-t il tout à trac, sentant qu’elle était sur le point de partir.
Il avait été si surpris de sa visite ! Si heureux de la revoir, en dépit des circonstances ! Sa présence chez lui signifiait qu’elle tenait absolument à ce que Richard Latham ignore ce qui s’était passé entre eux.
Cela prouvait-il qu’elle était profondément éprise de son fiancé ? Pas sûr….
Visiblement, le changement abrupt de sujet la déconcerta, puisqu’elle bredouilla :
— Je… je n’ai pas reparlé à ma mère depuis notre déjeuner.
— D’après ce que vous m’avez dit, vous n’avez pas été particulièrement sympathique, ce jour-là. Vous devriez vraiment la rappeler pour discuter avec elle.
— De quoi vous mêlez-vous, Brice ?
— Serait-ce par lâcheté que vous ne l’avez pas rappelée ?
— Ecoutez, je parlerai à ma mère quand j’estimerai que l’heure sera venue, répondit-elle, outrée.
— Et pendant ce temps, qu’est-elle censée faire ? Se morfondre parce que sa fille juge sa conduite ?
— Vous ne connaissez absolument pas Leonore, elle…
— Ce que je sais, c’est qu’elle vous aime assez pour se déplacer spécialement à Londres afin de vous informer de son futur voyage à Paris. Même s’il ne fait aucun doute qu’elle s’attendait à votre réaction !
Elle écarquillait tellement ses grands yeux bleus qu’on ne voyait plus qu’eux dans son beau visage à la fois bouleversé et indigné. Il la provoquait délibérément, l’attaquait frontalement ! Mais c’était plus fort que lui : il ne supportait pas qu’elle se retranche derrière cette image glacée ! Il voulait la faire sortir de ses gonds. Car, dès qu’elle avait franchi le seuil de son salon, il avait été obsédé par une seule idée : l’embrasser !
Déglutissant avec difficulté, elle le fixait toujours.
Il avait l’air différent aujourd’hui. Pas seulement à cause de sa barbe naissante, ses cheveux ébouriffés ou ses vêtements peu soignés. Non, cela, c’était tout à fait compréhensible de la part d’un artiste de son calibre. Elle concevait qu’absorbé par sa création, il en négligeait les contingences matérielles.
Non, c’était résolument autre chose… Quoi exactement ? Elle n’aurait su dire.
— Précisez votre pensée, le défia-t elle. Vous paraissez un si grand connaisseur de l’âme humaine !
Elle prononça cette dernière phrase avec une ironie appuyée. Saisissant la balle au bond, il lui asséna alors :
— Vous ne voyez pas d’inconvénient à vivre en concubinage avec un homme qui pourrait être votre père, mais vous jetez la pierre à votre mère s’il lui prend d’aspirer à un peu de bonheur pour ses vieux jours !
Elle secoua la tête et un sourire dédaigneux barra son visage.
Ce qu’il désirait, c’était la provoquer, la titiller. En lui répondant, elle lui donnerait entière satisfaction. Aussi reprit-elle :
— Ecoutez, Brice, je ne suis pas venue ici pour parler de ma mère.
— Oh, je sais ! Vous êtes venue me prier de dire à votre fiancé — quand il me téléphonera —que je ne peux pas peindre votre portrait.
Et Sabina comprenait à sa seule expression qu’il ne le ferait pas !
— Je perds mon temps, c’est évident, dit-elle en jetant un rapide coup d’œil à sa montre sertie de diamants. Je n’ai pas le loisir de m’attarder davantage, je…
— Vous ne voulez pas faire patienter Richard, n’est-ce pas ? Je suppose qu’il vous attend à l’arrière de la limousine, avec le fidèle Clive au volant.
— Je vous ai dit que je me rendais à un rendez-vous officiel ! N’écoutez-vous donc rien lorsqu’on vous parle ?
Si pour Richard il se trompait, en revanche, il avait raison concernant Clive. D’ailleurs, ce dernier l’attendrait sagement dans la limousine, durant le gala de charité auquel elle devait assister. Il la ramènerait ensuite en toute sécurité à la maison…
— Je suis navrée que nous ne puissions trouver un arrangement à l’amiable concernant le portrait, reprit-elle froidement. Je croyais pouvoir faire appel à votre sens de l’amitié… J’ai eu tort.
Sa référence à l’amitié eut le don d’exaspérer Brice. Avec elle, il ne voulait pas en rester à l’amitié — et elle le savait parfaitement !
— Je n’aime pas vous voir jouer les martyres, déclara-t il alors, excédé par son attitude.
— Et moi, je me fiche de ce que vous aimez ou non ! rétorqua-t elle, un sourire ironique aux lèvres.
Là-dessus, elle fit demi-tour et se dirigea vers la porte. Il s’élança derrière elle.
— Sabina, murmura-t il alors doucement, il y a quelque chose que je voudrais savoir…
A cet instant, elle sentit le souffle chaud de Brice sur sa nuque frissonnante… Il se tenait bien trop près d’elle ! La scène dans le taxi lui revint en mémoire. Lui revint ? En réalité, ce souvenir ne l’avait pas quittée un seul instant depuis qu’elle était sortie du taxi !
Avant de vivre avec Richard, elle avait bien eu quelques liaisons. Mais jamais aucun homme n’avait fait battre son cœur comme Brice McAllister… Aucun avant lui n’avait su transformer son être en un véritable feu liquide.
Du cran ! s’ordonna-t elle brusquement. Elle était désormais « fiancée » à Richard. Trop tard donc pour se laisser aller aux sensations que lui inspirait le dangereux Brice.
— Je vous écoute, dit-elle sans se retourner.
— Que contenait l’enveloppe verte qui vous a si profondément bouleversée ?
Son sang se glaça subitement dans ses veines, sa respiration se fit plus courte, ses oreilles se mirent à bourdonner. Mon Dieu, elle allait…
— Sabina… ?
Posant une main sur son bras frêle, il la força à se retourner.
Le visage de Brice lui apparut à travers un brouillard. Sa bouche s’agitait, mais elle n’entendait pas ce qu’il lui disait…
Soudain, elle perdit connaissance.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 11:38 AM

CHAPITRE 7

Mon Dieu, comme elle avait l’air jeune ! se dit Brice en se penchant vers Sabina, toujours évanouie.
La mélancolie qui se reflétait dans ses grands yeux bleus, et qui rendait son regard si grave, avait disparu derrière ses paupières closes. Le contraste entre ses cils noirs et fournis et sa peau aussi délicate qu’un magnolia soulignait sa vulnérabilité.
Il l’avait retenue avant qu’elle ne s’écroule à terre, puis l’avait délicatement portée sur le sofa où elle était toujours allongée, la couronne de sa chevelure dorée déployée sur les coussins. Promenant son regard sur son corps de déesse, il eut soudain l’impression qu’elle avait perdu du poids… Il reporta les yeux vers son beau visage pâle… Oui, ses joues étaient assurément plus creuses.
Etait-ce à cause de lui ? Parce qu’il l’avait embrassée ?
Ou bien était-ce la fameuse lettre vert pâle qui avait provoqué cette perte de poids ?
Qui pouvait bien être l’auteur de cette missive ? Et que contenait-elle de si perturbant pour que, des jours plus tard, elle continue à exercer un tel effet sur Sabina ?
Evidemment, il aurait pu l’interroger à ce sujet, mais il doutait qu’elle lui répondît !
Soudain, elle remua un peu, ouvrit les yeux… pour les refermer aussitôt en l’apercevant.
— Allez, lui dit-il d’un air gentiment moqueur, ce n’est que moi, vous pouvez ouvrir les yeux.
Lentement, elle consentit à rouvrir les paupières, puis humectant ses lèvres sèches avec le bout de sa langue, elle demanda d’une voix rauque, sans le regarder :
— Pourrais-je avoir un verre d’eau ?
— Ne bougez pas, je vous l’apporte.
Lorsqu’il revint de la cuisine, elle s’était assise sur le canapé, tentant de se recoiffer. Il lui tendit le verre et elle se mit à boire l’eau fraîche à petites gorgées.
— Je suis navrée, dit-elle enfin. Je ne sais pas pourquoi j’ai eu ce malaise.
— Eh bien, moi, je vais vous dire pourquoi ! décréta Brice. Vous n’avez pas fait un repas digne de ce nom depuis des jours !
A ces mots, elle rougit légèrement.
Touché ! pensa-t il avant d’ajouter :
— Pourquoi ?
— Ecoutez, mes habitudes alimentaires ne vous concernent pas.
— Dans la mesure où vous vous évanouissez chez moi, je m’estime concerné ! riposta-t il. Eh bien, j’attends votre réponse !
Au lieu de répondre, elle consulta soudain sa montre et déclara :
— Il faut vraiment que je parte !
— Pendant que vous étiez évanouie, j’ai averti Clive que vous n’iriez pas à votre rendez-vous, l’informa-t il tranquillement.
— Pardon ?
— Vous avez parfaitement entendu. Je lui ai également dit de rentrer, car vous n’auriez plus besoin de lui ce soir.
Elle ouvrit la bouche, la referma. Recommença…
Si la situation n’avait pas été aussi sérieuse, Brice aurait trouvé sa réaction amusante. Bon, il concédait que ses initiatives étaient osées, mais franchement, si elle n’était pas capable de prendre soin d’elle, il fallait bien que quelqu’un le fasse à sa place ! Pourquoi Richard ne veillait-il pas à ce qu’elle se nourrisse correctement ?
— Où est Richard, ce soir ? demanda-t il brusquement.
— En voyage, parvint-elle enfin à dire, toujours en état de choc.
— Encore ! ne put-il s’empêcher de s’exclamer. Pourquoi vous abandonne-t il si souvent ? Pour qui vous prend-il donc ? Un objet précieux que l’on exhibe ?
— Ne soyez pas ridicule ! s’exclama Sabina, profondément irritée. Richard est un homme d’affaires très occupé.
— Moi aussi, je suis occupé, mais si vous étiez ma fiancée, je ne vous délaisserais pas de cette façon et surtout, je ne vous permettrais pas de vous mettre dans un état pareil.
— Quel état ? s’insurgea-t elle.
— Vous n’avez que la peau sur les os.
— Merci !
— Ce n’était pas un compliment !
— Je sais !
— Vous…
— Le dîner est servi, monsieur Brice, annonça Mme Potter dont la silhouette se dessina alors dans l’encadrement de la porte.
Aucun d’eux ne l’avait entendue frapper… et pour cause : ils étaient au beau milieu d’une dispute !
— Que signifie tout cela, Brice ? lui demanda subitement Sabina d’un ton sévère.
Décidément, il avait dépassé les limites, ce soir !
— Nous avons tous deux besoin de reprendre des forces, annonça-t il.
Lui non plus n’avait rien mangé tout à l’heure, mais à présent, il avait une faim de loup !
Sabina le foudroya du regard. Néanmoins, en présence de Mme Potter, elle s’abstint de lui dire ce qu’elle pensait de sa conduite. Elle était trop bien élevée pour faire un esclandre devant la gouvernante.
De son côté, Brice était conscient que ses initiatives l’avaient profondément contrariée… mais qu’était-il censé faire ? La porter, évanouie, jusqu’à la limousine et la confier aux soins de Clive pour qu’il la ramène à Mayfair ? Certainement pas !
— Nous allons passer à table, indiqua-t il alors à Mme Potter.
Dès que cette dernière eut tourné les talons, Sabina laissa libre cours à sa colère.
— Comment osez-vous ? s’écria-t elle en le fixant de ses grands yeux scintillants.
— Avouez que vous avez besoin de manger, Sabina et…
— Je ne parle pas du dîner ! Comment avez-vous osé modifier mes projets pour cette soirée ? Congédier Clive ? Un baiser ne confère nullement ce genre de droits !
Tiens donc ! En dépit de ses protestations, ce baiser avait donc davantage compté qu’elle voulait bien l’admettre, sans quoi, elle n’y aurait pas fait allusion ! D’ailleurs, elle venait elle-même de s’en apercevoir, comprit-il devant la mine déconfite de Sabina.
— Un seul baiser mais quel baiser ! commenta-t il d’un ton provocateur.
— Vous… Je… Vous êtes impossible !
— C’est ce qui fait mon charme.
— L’arrogance n’est pas une vertu, Brice, lui asséna-t elle avec rage.
— Le jeûne non plus, répliqua-t il d’un ton léger. Venez, allons dîner.
Se levant, il lui tendit la main.
— Entendu, dit-elle de guerre lasse. Mais à une condition !
— Laquelle ? demanda-t il, soudain tendu.
— Plus de questions sur ma correspondance.
Il s’en était douté ! Ce n’était pas une condition à laquelle il cédait volontiers — notamment après la façon dont elle venait de réagir. Mais si c’était l’unique moyen de la retenir…
— D’accord, dit-il enfin.
Pour ce soir, il renonçait à la questionner. Toutefois, il avait la ferme intention de découvrir le terrible secret lié à la lettre dans un futur proche.
Sabina mit un point d’honneur à ne pas prendre le bras qu’il lui offrait tandis qu’ils se dirigeaient vers la salle à manger. Bah, peu importe, pensa-t il, philosophe. Il était parvenu à la retenir pour le dîner, il ne devait pas non plus trop exiger d’elle !
Il avait peut-être remporté ce premier round, pensa Sabina en s’asseyant à table, mais il n’avait pas encore gagné la partie ! La perspective peu réjouissante d’appeler un taxi et de rentrer seule dans sa grande maison vide l’avait conduite à accepter sa proposition à dîner.
Du moins était-ce ce dont elle préférait se convaincre…
Il était vrai qu’aujourd’hui elle n’avait rien mangé de la journée — non délibérément, mais parce qu’elle n’y avait pas pensé ! A présent, la tête lui tournait encore un peu et son estomac gronda lorsque Mme Potter déposa une soupière fumante sur la table. Une odeur délicieuse s’en dégageait !
— J’espère ne pas vous causer trop de dérangements, déclara-t elle alors à l’adresse de Mme Potter.
— Nullement, lui assura la gouvernante. Je suis ravie que monsieur Brice se décide enfin à goûter au dîner qu’il n’a pas touché tout à l’heure.
Là-dessus, la domestique s’éclipsa.
Incapable de soutenir le regard de Brice, Sabina se concentra sur le délicieux consommé de carottes de Mme Potter. Ainsi, elle n’était pas la seule à ne pas avoir mangé…
Comme s’il lisait dans ses pensées, Brice déclara :
— D’accord, je reconnais que depuis trois jours, je n’ai pas réellement fait honneur à la cuisine de ma gouvernante.
Elle continua à savourer le velouté, ne sachant si elle devait apprécier ce que sous-entendait cet aveu. Cela faisait trois jours qu’ils avaient dîné ensemble, trois jours qu’il l’avait embrassée…
Elle s’était efforcée de refouler le souvenir de ce baiser. Peine perdue ! Il revenait la hanter à chaque instant !
— Quel dommage ! répondit-elle. Car, autant que je puisse en juger d’après cet exquis consommé, Mme Potter est une excellente cuisinière.
Elle ne voulait surtout pas surenchérir sur ce qui s’était passé trois jours auparavant. Elle était fiancée à Richard, et lui était redevable de tant de choses ! Ce baiser n’aurait jamais dû se produire, aussi le plus vite ils l’oublieraient, le mieux ce serait.
— Je me disais que…
— J’aimerais réellement que…
Ils s’interrompirent, ayant parlé tous les deux en même temps.

— Allez-y, dit Sabina.
— Non, vous la première ! En dépit de la piètre opinion que vous avez de moi, je n’ai pas oublié toutes les bonnes manières que l’on m’a inculquées.
— Très bien ! Je voulais vous demander si vous aviez finalement renoncé à l’idée du tableau.
— Non ! répondit-il d’un ton définitif.
On ne pouvait être plus clair ! pensa-t elle, dépitée. Pourquoi ne se rendait-il pas compte que ce n’était pas une bonne idée de passer tant de temps ensemble ?
Ils formaient un couple étrange, tous les deux, se dit-elle subitement. Elle était habillée de façon extrêmement sophistiquée, alors que lui n’était même pas rasé. Quant à ses vêtements… On aurait pu croire qu’il avait dormi dedans.
Lisant dans ses pensées, Brice reprit alors :
— Navré pour la barbe. Voulez-vous que j’aille me raser et me changer ?
Effectivement, elle aurait préféré qu’il le fasse… mais pas pour la raison qu’il croyait. En vérité, il avait l’air bien plus dangereux et bien plus attrayant avec cette barbe naissante qui lui prêtait des airs de pirate ! Et puis, ce qui la désarmait par-dessus tout, c’était qu’il avait une nouvelle fois lu dans ses pensées.
Enfin, pas toutes, heureusement !
— Ne vous dérangez pas pour moi ! assura-t elle. Je me fiche que vous soyez rasé ou non.
— On dirait que je n’ai pas le monopole de la grossièreté, déclara-t il alors sèchement.
Reposant sa cuillère, elle se cala contre le dossier de sa chaise, puis reprit d’un ton plus amical :
— Que vous apprêtiez-vous à me dire, tout à l’heure ?
Il la jaugea un instant, déconcerté par son changement de ton, hésitant encore à lui dévoiler son projet. Soudain, il se lança :
— Le week-end prochain, je dois me rendre en Ecosse. Je voudrais que vous veniez avec moi.
Avait-elle bien entendu ? Non, il ne pouvait pas être sérieux. Il…
— Allons, ne faites pas cette tête, poursuivit-il, c’est une proposition honnête, je me rends au château de mon grand-père.
Que croyait-il ? Que la seule mention de son grand-père allait la rassurer ? Après tout, il n’avait pas précisé si son aïeul serait présent ou non au château.
— Qu’êtes-vous au juste en train de me proposer, Brice ? demanda-t elle d’un ton parfaitement calme.
A cet instant, Mme Potter entra pour débarrasser, et il attendit qu’elle fut repartie pour annoncer :
— Je sais exactement comment et où je veux vous peindre.
— C’est-à-dire… ? fit-elle, immédiatement sur ses gardes.
— Comme je l’ai indiqué d’emblée à votre fiancé, je ne peins pas volontiers de portraits. Et encore moins sur commande.
— Dans ces conditions, pourquoi tenez-vous tant à me peindre alors que je vous supplie de renoncer à votre projet ?
— Je veux vous peindre, lui expliqua-t il en la fixant droit dans les yeux. En revanche, je n’entends pas réaliser le portrait aseptisé que Richard attend de moi. Dans ces conditions, il n’a qu’à faire encadrer une photographie de vous, ce sera plus simple !
Il reprit son souffle, et enchaîna :
— Moi, j’ai envie de vous saisir telle que vous êtes réellement ! Et l’inspiration m’est venue, je sais exactement le tableau que je vais réaliser de vous : vous serez assise dans une des tours du château, près d’une fenêtre ouverte, votre chevelure d’or voletant au vent…
— Avec une traîne de velours et une couronne sur la tête, ajouta-t elle sur un ton ironique. La Belle au bois dormant, en somme !
Elle éclata de rire, s’efforçant de masquer toute la nervosité que contenait cette réaction… Car l’idée de poser pour lui dans un cadre si romantique avait accéléré les battements de son cœur.
Néanmoins, ce qu’il lui proposait était totalement irréalisable ! Il fallait que cette relation reste professionnelle et ne dégénère pas ! Elle refusait de se laisser prendre au jeu des fantasmes de Brice.
Quand allait-il le comprendre ?

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 11:47 AM

CHAPITRE 8

D’instinct, Brice comprit qu’elle allait refuser la proposition qu’il venait de lui faire. Il enragea !
Il n’aurait pu expliquer d’où lui venait cette idée de la peindre dans le château écossais de son grand-père, mais elle s’imposait désormais à lui comme une évidence. C’était dans ce cadre qu’il entendait faire son portrait, un point c’est tout !
Hélas, ainsi qu’il le craignait, il la vit secouer la tête en signe de négation.
— Je doute que c’était ce que Richard avait en tête lorsqu’il vous a commandé le tableau, déclara-t elle, non sans se départir de son petit ton moqueur.
— Il ne m’a donné aucune recommandation spécifique et si tel avait été le cas, je ne les aurais pas acceptées, répliqua Brice. Si mon tableau ne lui plaît pas quand il sera terminé, tant pis, je le garderai pour moi !
— Brice, je suis désolée, je ne peux pas aller en Ecosse avec vous, c’est…
— Pourquoi ? l’interrompit-il, fort agacé.
A présent que l’inspiration lui était venue, il ne supportait pas que l’on contrarie ses projets. Il souhaitait s’atteler à la tâche le plus rapidement possible. Aussi ajouta-t il :
— Mon grand-père habite les lieux, votre vertu sera donc sauve ! Et il ne manquerait pour rien au monde la venue du top model Sabina chez lui, en dépit de ses quatre-vingts ans.
Elle esquissa un vague sourire, peu convaincue par l’argument. Sans désarmer, il opta pour une autre stratégie :
— Où votre mère habite-t elle exactement, en Ecosse ?
— Ma mère ? Mais quel rapport… ?
— M’écoutez-vous, Sabina ? la sermonna-t il brusquement. Je vous propose de m’accompagner en Ecosse, en d’autres termes dans le pays où réside votre mère. Si elle n’habite pas trop loin du château, vous pourrez lui rendre visite durant notre séjour.
Sabina poussa un soupir dépité. Cette conversation ne menait nulle part !
Elle ignorait encore que, lorsque Brice avait trouvé l’inspiration, il ne reculait devant aucun obstacle. En l’occurrence, en dépit de tous les croquis qu’il avait réalisés d’elle, il était resté dans le brouillard absolu la concernant… jusqu’à ce que le déclic se produise !
— Je n’ai jamais…, commença-t elle sans terminer sa phrase, manquant soudain de courage à l’idée de lui faire ce terrible aveu.
— Jamais quoi ? Rendu visite à votre mère en Ecosse ? demanda-t il, incrédule, en la voyant hocher la tête en signe d’acquiescement. Depuis combien de temps habite-t elle là-bas ?
— Cinq ans.
— Cela fait donc une éternité que vous n’êtes pas allée chez elle !
Devait-elle entendre des reproches dans sa voix ? Franchement, de quoi se mêlait-il encore ?
— Ecoutez, ma relation avec ma mère…
— Ne me regarde pas, je sais ! Cependant, comme nous nous rendons en Ecosse, vous pouvez en profiter pour aller la voir.
— Je n’ai pas accepté de vous accompagner, objecta-t elle.
Sans l’écouter, il ajouta d’un air songeur :
— Il faudra que vous preniez rendez-vous avec Chloe cette semaine. Elle…
— Chloe ? Pourquoi ?
— Je veux qu’elle crée une robe spécialement pour vous. Pour le tableau. J’ai une idée très précise en tête, il suffira qu’elle prenne vos mesures… Suis-je trop rapide pour vous, Sabina ? ajouta-t il d’un air moqueur, conscient qu’il la bombardait d’informations.
— Bien trop rapide ! Vous…
Elle s’interrompit : Mme Potter apportait le plat principal, composé d’un poulet rôti et de pommes de terre rissolées.
— Mmm, ç’a a l’air délicieux…, commenta Sabina.
— Merci, madame Potter, fit promptement Brice, désireux que cette dernière reparte au plus vite.
Il attendit patiemment son départ et, levant les yeux vers Sabina, ajouta :
— Vous disiez ?
— Je ne connais pas mon emploi du temps sur le bout des doigts, mais je peux vous garantir une chose : même si je le voulais, il me serait impossible de me libérer pour un voyage en Ecosse !
— De toute façon, ce n’est pas le cas…
— Effectivement, confirma-t elle.
— Hum, hum, fit-il, pensif, avant de décréter subitement : vous travaillez trop, Sabina ! Pourquoi ? Selon toute vraisemblance, ce n’est pas l’appât du gain qui vous guide.
Tout à coup, il repensa à la lettre… Etait-il possible que quelqu’un exerçât un chantage financier sur elle ?
— Non, Brice, ce n’est pas pour des raisons pécuniaires ! se défendit-elle. J’aime travailler, être occupée… Et puis, la vie professionnelle d’un mannequin étant très courte, autant en profiter pleinement.
La tentative pour détourner la conversation était astucieuse ! reconnut Brice. Manque de chance, il n’était pas le genre d’homme à se laisser distraire si facilement…
— D’accord, dit-il. Mais la véritable raison, quelle est-elle ?
— Je viens de vous l’exposer ! Tout comme je vous ai dit que je ne peux pas disparaître brusquement du circuit professionnel — ne serait-ce que deux jours pour me rendre en Ecosse ! J’ai du travail, des engagements !
Latham ! pensa soudain Brice.
Nul doute que celui-ci n’apprécierait pas que sa fiancée parte avec lui quelques jours, même s’il s’agissait d’une escapade à but artistique. Evidemment, il pouvait l’inviter lui aussi, mais cette perspective ne l’enchantait guère !
En vérité, il voulait Sabina pour lui tout seul, ne serait-ce que pour un bref séjour en Ecosse !
Il rêvait de faire plus ample connaissance avec elle, loin de Londres et de ses fameux engagements professionnels. Loin de Latham, ce maudit fiancé.
— Je pourrais peut-être expliquer la situation à Richard, suggéra-t il en désespoir de cause.
— Impossible, il part pour l’Australie !
— Quel dommage ! s’exclama-t il alors, masquant avec difficulté la joie qu’il venait de ressentir à l’annonce de cette nouvelle. Sans quoi, il aurait pu se joindre à nous !
— Vous êtes bien trop insistant, Brice.
Quelle idiote ! se reprocha-t elle aussitôt intérieurement. Pourquoi venait-elle de lui avouer que Richard allait s’absenter ?
Elle était venue chez lui afin de le persuader de renoncer au tableau. Pourquoi ce besoin pressant de mettre définitivement un terme à leurs rendez-vous artistiques ? se demanda-t elle soudain. Le baiser qu’il lui avait donné trois jours auparavant l’avait-il à ce point ébranlée ?
Pire encore : Brice percevait-il ses contradictions ?
Etait-ce pour cette raison qu’il tenait tant à l’emmener en Ecosse ? Pour qu’elle se rende compte qu’elle était attirée par lui et qu’elle ne pouvait décemment épouser Richard Latham ?
Soudain, elle regarda la cuisse de poulet dorée dans son assiette, au milieu de pommes de terre encore fumantes. Et une nouvelle série de questions assaillit son esprit fatigué…
Pourquoi avait-elle subitement perdu l’appétit ? Etait-ce parce qu’elle se sentait piégée ? Car elle avait la désagréable impression que Brice refermait peu à peu ses rets autour d’elle.
Quelle ironie du sort : elle était arrivée avec la ferme intention de lui dire adieu — et en retour, il lui proposait un week-end en Ecosse !
Il était urgent de mettre un terme aux agissements de Brice !
— Navrée, mais je dois partir, annonça-t elle brusquement en reposant ses couverts.
— Pourquoi ? demanda-t il d’un ton enjôleur.
— Parce que je le souhaite ! répondit-elle en se levant.
— Mme Potter va finir par se froisser. C’est la deuxième fois ce soir que son poulet n’obtient pas de succès.
— Je ne suis pas responsable de la première fois et nul ne vous empêche de faire honneur à son plat quand je serai partie, objecta-t elle, non sans rudesse. Je vous fais confiance pour vous dépêtrer au mieux de la situation.
Elle ne doutait pas qu’il se tirait toujours avec maestria des situations les plus compliquées. En revanche, ce n’était pas son cas ! Et d’ailleurs, elle se sentait à bout de nerfs. Tout ce qu’elle désirait, c’était rentrer chez elle pour s’immerger dans un bain chaud et relaxant.
— Puis-je appeler un taxi ? demanda-t elle alors.
— Je vous raccompagne.
— Non ! Vous en avez assez fait pour moi, ce soir !
Son sarcasme fit mouche. Elle vit une lueur de mé*******ement traverser le regard de Brice. Tant pis pour lui ! Elle aurait été incapable de supporter un trajet en sa compagnie dans l’espace exigu d’une voiture.
— Très bien ! dit-il en ravalant sa colère. Je vais vous appeler un taxi.
Là-dessus, il sortit de la pièce et, pour la première fois depuis son arrivée chez lui, Sabina put respirer tranquillement. C’était incroyable comme la présence de cet homme l’oppressait !
Pourquoi ? Que possédait-il donc qui la troublait à ce point ? Bah, au fond, elle n’était pas certaine de vouloir connaître la réponse.
— Le taxi sera là dans quelques minutes, annonça-t il en revenant. Vous savez, Sabina, ma proposition de voyage est des plus sérieuses.
Inutile de lui répéter ce qu’elle savait déjà ! Le problème, c’est qu’elle ne voulait pas l’accompagner… et qu’il refusait de comprendre !
— Nous verrons, dit-elle de façon évasive afin de ne pas rouvrir un débat qu’elle était bien trop fatiguée pour soutenir.
Et puis en sa présence, elle ne parvenait pas à se défendre ! Elle devait d’abord s’éloigner de lui et retrouver ses esprits.
— Effectivement, reprit-il, nous en reparlerons.
Quel ne fut pas son soulagement lorsque le taxi arriva ! Hélas, Brice l’accompagna jusqu’à l’extérieur, poussant la chevalerie jusqu’à lui ouvrir la portière. Elle hésita avant de monter dans le taxi, ne sachant trop quoi lui dire… Elle ne pouvait tout de même pas le remercier pour cette charmante soirée ! Car la soirée avait été tout sauf charmante !
— Ne dites rien, murmura-t il alors, peu dupe de ses tergiversations. Un baiser suffira.
Et, avant qu’elle comprenne ce qui se passait, il captura ses lèvres.
La surprise l’empêcha d’abord de réagir… Et ensuite…
Ensuite, la volonté lui manqua pour s’arracher à la douceur de ce merveilleux baiser.
Lorsqu’il releva la tête, Brice serra un instant le visage de Sabina entre ses paumes. La regardant droit dans les yeux, il déclara d’une voix rauque :
— Je t’appelle…
Les joues en feu, elle s’engouffra dans le taxi et, refermant brutalement la portière, elle marmonna son adresse au chauffeur.
Pas un instant elle ne tourna la tête vers Brice, pourtant elle était certaine qu’il ne la quittait pas du regard pendant que le taxi effectuait sa manœuvre.
Comment osait-il l’embrasser dès qu’il en avait envie ? Comme si c’était lui son fiancé, et non Richard !
Mon Dieu, Richard… !
Quelle serait sa réaction s’il apprenait que Brice McAllister l’avait embrassée non pas une fois — mais deux ?
Désespérée, elle secoua la tête. Le contrat qui la liait à Richard reposait sur une confiance mutuelle. Certes, elle n’avait pas initié ces baisers, mais il fallait bien admettre qu’elle n’avait pas non plus beaucoup protesté !
Pourquoi avait-elle laissé faire Brice ?
La première fois, son attitude était encore explicable. Elle pouvait invoquer la surprise, la stupéfaction qui empêche de réagir opportunément. Mais cette fois, elle n’avait aucune excuse de ne pas l’avoir repoussé !
A sa grande surprise, la maison était inondée de lumière lorsqu’elle arriva chez elle. Richard était donc rentré plus tôt que prévu. Quel bonheur de retrouver la tranquillité du foyer ! pensa-t elle.
— Je ne t’attendais pas avant demain, s’exclama-t elle chaleureusement en entrant dans le salon.
— Manifestement ! fit-il d’un ton sec en baissant le volume de la musique classique qu’il était en train d’écouter à plein volume.
Portait-elle sur le visage la trace du baiser de Brice ? se demanda-t elle un instant, inquiète. N’avait-elle plus de rouge à lèvres ou pire, en avait-elle autour de la bouche ?
Sans mot dire, Richard avala une gorgée de whisky. Cela ne lui ressemblait pas de boire seul, pensa-t elle en le regardant reposer son verre vide sur la table de salon.
— Clive est rentré il y a une heure environ, dit-il enfin d’une voix blanche.
Aïe ! Nul doute que Clive n’avait pas apprécié d’être congédié par Brice. Qu’avait-il bien pu rapporter à son employeur ?
— Je me suis arrêtée chez Brice McAllister alors que je me rendais à un gala de charité.
— Vraiment ?
— Richard, peux-tu me servir un verre de whisky à moi aussi ?
— Ce que tu dois m’annoncer est donc si terrible que cela ? fit-il en remplissant un autre verre qu’il lui tendit. Je ne comprends pas. Notre cohabitation est certes contractuelle, mais elle repose sur la loyauté. Or, je constate que tu as passé la soirée chez McAllister !
— Pas toute la soirée, Richard ! se défendit-elle. Il n’est que 21h30. Je suis allée chez Brice pour… pour…
— Oui ? fit-il, impatient.
— Pour que nous convenions d’une autre séance, assura-t elle soudain sur un ton plus déterminé.
— Pourquoi ne pas lui avoir tout simplement téléphoné ?
Effectivement, pourquoi ?
— Parce que je passais tout près de chez lui.
— Et ?
— Et rien, nous avons pris rendez-vous, voilà ! Allons, Richard, tu es revenu plus tôt que prévu, c’est merveilleux, ne perdons pas notre temps à parler de McAllister.
— Pour moi, ce n’est pas une perte de temps ! Combien de soirées as-tu passées avec lui depuis mon départ ?
— Aucune, protesta-t elle vivement. Bon, je ne voulais pas t’en parler pour ne pas t’inquiéter, mais puisque tu insistes… Eh bien, la vérité, c’est que je me suis évanouie chez Brice McAllister.
— Ah bon ? fit-il en fronçant les sourcils, inquiet. Que s’est-il passé, Sabina ? Ne me dis pas que tu as encore reçu une lettre anonyme !
— Non, mentit-elle spontanément, non, rassure-toi…
Puis, lui jetant un regard timide, elle ajouta :
— En fait, j’ai oublié de manger aujourd’hui, c’est tout.
— Comment peut-on oublier de manger ? s’exclama-t il alors. Sabina, tu es incroyable ! Et dire que les pires idées m’ont traversé l’esprit alors que je t’attendais ! Bon, as-tu grignoté quelque chose depuis ?
— Oui, Brice a insisté pour que sa domestique me serve un repas !
Elle préféra cacher à Richard le fait que le repas avait été abrégé et qu’elle n’avait avalé qu’un bol de soupe !
Depuis le début, elle savait que son fiancé était possessif — d’ailleurs, n’était-ce pas précisément au nom de cette possessivité qu’il la protégeait ? Or, durant les mois qui venaient de s’écouler, ce compromis lui avait parfaitement convenu.
— Désolé de mon accueil un peu froid, s’excusa Richard. Tu es si belle, si unique. Et dire que j’ai douté de toi !
Elle sentit sa gorge se nouer.
Il n’avait pas eu tout à fait tort de douter d’elle…



CHAPITRE 9

— Que veux-tu dire exactement ? s’enquit son grand-père à l’autre bout du fil d’un ton impatienté. Que tu viens accompagné ?
— Oui, tu m’as bien compris, répondit Brice.
Loin de s’attendre à ce que son grand-père fît des difficultés, il avait néanmoins estimé légitime — avant de proposer officiellement une date à Sabina — d’informer celui-ci qu’il lui rendrait visite le week-end suivant… en compagnie féminine.
— Mon château n’est pas un hôtel, mon garçon, maugréa Hugh McDonald. Je sais que toi et tes cousins n’y pensez jamais, mais figurez-vous que moi aussi j’ai ma propre vie. Et je ne me morfonds pas dans mes donjons en attendant que vous daigniez me rendre visite.
Oh oh… Son grand-père était de fort mauvaise humeur, aujourd’hui ! Brice était bien conscient que la propriété requérait beaucoup de travail. Les hectares entourant le château étaient dévolus essentiellement à l’élevage, et même si le domaine était tenu par plusieurs métayers, Hugh tenait malgré tout à superviser l’ensemble.
Soudain, il l’entendit préciser :
— En outre, il est possible que je reçoive moi-même quelqu’un la semaine prochaine.
— Un invité ?
— Eh bien oui ! Moi aussi, j’ai une vie sociale en dehors de la famille, mon garçon.
— Hum, hum, fit Brice. Et ne s’agirait-il pas d’une femme, par hasard ?
En dépit de ses quatre-vingts ans, Hugh McDonald était encore un fort bel homme et cela faisait des années qu’il était veuf.
— Pas d’impertinence, mon garçon, s’il te plaît !
— Ton invitée, c’est donc bel et bien une femme, s’exclama Brice, bluffé.
— Je ne te dirai rien, répliqua son grand-père d’un ton boudeur.
— Oh, je comprends, tu n’es pas du genre à divulguer des secrets d’alcôve ! fit Brice, moqueur, ravi que pour une fois les rôles fussent inversés.
— Prends garde à ce que tu dis, mon garçon ! répondit sévèrement son aïeul.
Déconcerté par cette « complication », Brice ne savait plus quoi faire ! Son beau projet allait-il s’écrouler ?
Et lui qui donnait des leçons à Sabina quant à sa relation avec sa mère, l’encourageant à entretenir un rapport plus adulte avec elle ! Or, voilà qu’il venait de se faire rabrouer par son grand-père comme lorsqu’il avait six ans !
— La réponse est non, alors ? fit-il, le cœur battant.
— Ai-je jamais dit une chose pareille ? s’exclama le vieil homme. Je tenais juste à te préciser que ma maison n’est pas un hôtel, encore moins une garçonnière où tu serais libre d’amener tes dernières conquêtes.
— Sabina n’est pas une conquête, objecta Brice sans avouer qu’il le déplorait vivement. On m’a passé commande de son portrait et j’ai accepté, c’est tout !
A ceci près que, depuis, il en avait perdu le sommeil et sa tranquillité d’esprit. Et il doutait de plus en plus que ce voyage contribuerait à les lui restituer.
— Sabina ? reprit alors son grand-père sur un ton intéressé. Il ne s’agit tout de même pas du top model ?
— Si, l’informa Brice. Tiens donc, je ne savais pas que le milieu de la mode t’intéressait.
Encore que sans être un expert ès mode, il était difficile d’ignorer qui était Sabina — sauf à vivre totalement coupé du monde. Son image s’étalait à la une de tous les journaux et magazines du pays depuis plusieurs années !
— Il y a beaucoup de choses que tu ignores à mon sujet, Brice, répliqua Hugh McDonald d’un ton sévère.
— Effectivement !
Apprendre que son grand-père recevait des hôtes du sexe opposé dans son château était un véritable scoop ! Il imaginait déjà la tête de ses cousins lorsqu’il leur annoncerait la nouvelle.
— Quand comptes-tu venir ? reprit le vieil homme.
— Je ne sais pas encore exactement. Je voulais d’abord vérifier que cela ne te posait pas problème avant d’arrêter des dates définitives.
— Viens quand tu veux, répondit Hugh d’un ton soudain plus léger.
Pourquoi ce revirement subit ? s’interrogea Brice. Parce qu’il s’agissait de Sabina ? Décidément, son grand-père était incorrigible !
— Je te rappelle cette semaine pour te confirmer ma venue le week-end prochain.
Dans une heure, il avait rendez-vous avec Richard et il serait enfin définitivement fixé sur la possibilité de réaliser ou non ce voyage avec Sabina. Evidemment, il aurait préféré n’avoir affaire qu’à cette dernière, mais en l’occurrence Latham était à la fois son commanditaire… et le fiancé de son modèle ! Difficile de faire abstraction de lui ! Il priait pour que Sabina soit présente durant ce curieux rendez-vous.
Cela faisait deux jours qu’elle était repartie brusquement de chez lui, deux longues journées durant lesquelles il avait été incapable de réfléchir. Néanmoins, il avait préféré laisser quarante-huit heures s’écouler afin que la colère de Sabina retombe.
Un vœu pieux ! pensa-t il avec dérision.
Toutes ses pensées étaient tournées uniquement vers la jeune femme ! Il se rappelait les instants uniques où il l’avait serrée dans ses bras, la douceur de ses lèvres, le goût exquis de sa bouche…
Jamais aucune femme ne l’avait obsédé à ce point, auparavant ! Et il fallait que ce fût une femme déjà prise !
— Entendu, répondit Hugh. Surtout, n’arrive pas à l’improviste, compris ?
— Rassure-toi, je ferai en sorte de ne pas te surprendre dans un moment délicat, répondit Brice en se demandant si cette invitée était réellement la petite amie de son grand-père.
Encore qu’à son âge, ce terme ne convenait pas forcément !
— Et j’espère bien que je n’aurai pas à rougir de ta conduite, précisa le vieil homme.
— Je te promets de bien me comporter, répondit Brice, soudain presque soucieux.
Cette mystérieuse invitée semblait très chère à son aïeul… et il ne savait pas trop qu’en penser. Il éprouvait quelque difficulté à imaginer Hugh avec une autre femme que sa grand-mère.
Allons, il n’avait nul droit d’être si égoïste ! N’était-il pas légitime que son grand-père aspire à un peu de compagnie, seul dans son grand château ?
Après cette conversation téléphonique, Brice resta un long moment songeur, jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que, s’il ne filait pas tout de suite, il allait arriver en retard à son rendez-vous avec Richard Latham. Après tout, les affaires de cœur de son grand-père ne le regardaient nullement. Ce dernier était majeur depuis longtemps, veuf de surcroît, et avait parfaitement le droit de mener la vie qui lui convenait sans consulter ses petits-enfants.
D’ailleurs, lui-même n’avait-il pas conseillé à Sabina de ne pas juger sa mère ?
Une heure plus tard, alors qu’on l’introduisait dans le salon de Latham, Brice constata avec contrariété que ce dernier était seul pour le recevoir. Sabina devait certainement travailler, pensa-t il, attristé.
Richard Latham portait un costume noir et une chemise blanche, une tenue des plus classiques mais fort élégante, qui soulignait sa chevelure blond vénitien et lui prêtait beaucoup d’allure. Ses tempes grises rajoutaient à son charme, constata Brice à son corps défendant. Bref, il devait bien concéder que Latham portait beau, pour ses cinquante-cinq ans.
Mais curieusement, plus il le regardait, et plus il sentait grandir en lui l’aversion qu’il lui inspirait. Dès leur première rencontre, cet individu lui avait été antipathique. Et il le trouvait d’autant plus désagréable aujourd’hui qu’il vivait avec Sabina, passait chaque jour et chaque nuit en sa compagnie ! Cette dernière idée lui était particulièrement odieuse…
— Asseyez-vous, lui dit Latham sans grande chaleur dans la voix. Que puis-je vous offrir ? Du thé, du café ? A moins que vous ne préfériez de l’alcool ?
— Non, merci, répondit Brice, déjà désireux de repartir.
— Dans ce cas, que puis-je faire pour vous ? demanda Latham en plissant les yeux.
— N’inversez pas les rôles. C’est moi qui suis censé faire quelque chose pour vous. En l’occurrence, le portrait de Sabina.
— Effectivement, concéda Richard. Eh bien, acceptez-vous enfin ma commande ? Et si oui, comment comptez-vous procéder ?
Souhaitant en finir au plus vite, Brice déclara :
— Je compte peindre Sabina dans un cadre gothique ; en l’occurrence, en Ecosse.
A cet instant, on frappa à la porte et, sans attendre d’y être invitée, la domestique entra pour annoncer :
— Mlle Sabina est réveillée. Je vous préviens immédiatement, ainsi que vous me l’aviez demandé.
— Merci, madame Clark. Dites-lui que je monterai la voir dans cinq minutes.
— Sabina est-elle malade ? s’enquit Brice une fois qu’ils furent de nouveau seuls.
Devant l’inquiétude de Brice, un éclair brilla dans les yeux de Latham : irritation ? ressentiment ? Brice n’aurait su le dire… Néanmoins, le sourire de son interlocuteur masquait difficilement les profondeurs glacées de ses yeux bleu pâle.
Selon Richard, Sabina n’était pas malade, juste d’une nature délicate et nerveuse. Pour sa part, Brice ne partageait nullement cet avis. Certes, la jeune femme était surmenée, mais elle possédait en elle une force intérieure que lui déniait Richard, en faisant d’elle sa chose. Et puis, Brice avait expérimenté à ses propres dépens l’esprit d’indépendance qui animait Sabina !
Il se garda cependant de formuler son opinion à voix haute, se *******ant de dire, une fois que Latham eut exprimé son point de vue sur la santé de la jeune femme :
— Je suis navré qu’elle ne se sente pas bien.
— Pour en revenir à notre conversation, reprit Latham, Sabina m’a mis au courant de votre projet de voyage en Ecosse.
— Et alors ? fit Brice, subitement tendu.
— C’est une excellente idée, nous acceptons votre invitation

Heureux d’apprendre par la bouche de Sabina que Latham serait en Australie, Brice avait alors déploré de façon fort hypocrite l’absence de son fiancé— bien qu’il n’ait jamais eu l’intention de l’inviter. Or, à présent, il se retrouvait pris à son propre piège !
Il sentit des sueurs froides lui couler dans le dos. La dernière chose qu’il souhaitait, c’était que Latham se joigne à eux !
— Je croyais avoir compris que vous ne seriez pas disponible, dit-il alors.
— J’ai modifié mes projets, répondit Latham d’un ton doucereux. Nous viendrons tous les deux avec vous, le week-end prochain.
Et dire qu’à son arrivée, Latham avait fait semblant d’ignorer le motif de sa visite. Décidément, cet homme était un redoutable adversaire ! Sous ses airs charmants et policés se cachait un individu dangereux, pensa Brice. David Latham avait eu raison de le mettre en garde contre son oncle.
A l’idée que Sabina allait épouser cet individu, il avait envie de hurler !
— Brice a très bon goût, murmura Chloe avec un sourire satisfait en ajustant la large bande d’étoffe qui sanglait la taille de Sabina.
Là-dessus, la créatrice recula de quelques pas pour admirer son œuvre…
Brice possédait évidemment d’immenses qualités, mais aux yeux de Sabina, cette robe couleur or dépourvue de bretelles n’était pas d’aussi « bon goût » que le disait Chloe. La coupe dévoilait entièrement ses épaules, le corsage était fort ajusté — bien trop selon elle —, d’autant que sa poitrine était mise en valeur par la large ceinture qui ceignait sa taille. Le bas de la robe retombait comme un voile doré et léger jusqu’à ses chevilles.
C’était là le costume qu’elle était censée revêtir pendant qu’il la peindrait dans le fameux donjon, en Ecosse…
Elle avait eu du mal à en croire ses oreilles lorsque Richard l’avait prévenue qu’ils se rendraient tous trois en Ecosse, le week-end prochain. Nul doute que, dès qu’elle l’avait informé des intentions de l’artiste, son fiancé avait modifié son agenda et reporté son voyage en Australie. Elle s’était retrouvée bien attrapée !
Et avait donc dû passer la veille du départ entre les mains de Chloe qui, en quelques heures, venait de réaliser la tenue souhaitée par Brice.
Depuis que cet artiste était entré dans sa vie, constata-t elle en soupirant, elle avait l’impression d’être ballottée par des forces qu’elle n’était pas en mesure de contrôler. Et elle trouvait la situation parfaitement déplaisante et des plus inconfortables.
— Dites-moi qu’elle vous plaît ! insista Chloe d’un air presque malheureux.
Impossible de ne pas complimenter la créatrice ! L’étoffe en fil d’or était du meilleur effet et c’était une création unique, elle devait l’admettre.
— C’est merveilleux, dit-elle dans un sourire rassurant.
— J’espère que Brice va aimer, déclara Chloe avec inquiétude.
Sabina se garda du commentaire qui lui brûlait les lèvres : elle se fichait comme d’une guigne de ce qu’il pouvait bien penser !
— Il va adorer, déclara Brice d’une voix rauque en entrant dans la pièce.
Sabina se retourna brusquement et l’admiration qu’elle lut dans son regard la fit pâlir. Allons, c’était juste la robe qu’il admirait. Pas elle ! se dit-elle pour se rassurer sans trop y croire.
— Ouf, je suis soulagée qu’elle te plaise, dit Chloe.
— C’est parfait, ajouta Brice en s’approchant des deux femmes.

Il portait un jean et un T-shirt noir moulant qui soulignait la musculature de ses bras. Le noir lui allait à ravir, pensa Sabina.
— Tiens, tu es allé chez le coiffeur, constata Chloe.
Et sa nouvelle coupe le rendait, hélas, encore plus séduisant ! se dit immédiatement Sabina.
— Les cheveux longs, c’est un peu passé de mode, non ? fit Brice.
— Moi, je trouvais que ça t’allait très bien, renchérit sa cousine. Bon, je vais préparer du café, je reviens.
Oh non ! Elle qui voulait éviter tout tête-à-tête avant le départ… Impossible pourtant de protester ou de s’enfuir dans cette tenue ! Fort gênée, elle sentit le regard de Brice se poser sur elle.
— Je ne sais comment interpréter la remarque de Chloe sur ma coupe de cheveux, commença-t il.
Fausse modestie ! Cheveux courts ou longs, il était parfaitement conscient de son charme !
— Excusez-moi, dit-elle en fuyant son regard, je vais remettre mes vêtements.
— Mais cette robe est à vous ! observa-t il, amusé. Son prix est compris dans la facture que paiera Latham.
— Bien sûr, mais…
Sans terminer sa phrase, elle voulut regagner la cabine où elle s’était changée un peu plus tôt. Pourquoi l’habituée des podiums qu’elle était devint-elle brusquement si gauche ? Toujours est-il qu’elle s’empêtra les pieds dans les voiles de sa robe et que sans le bras secourable de Brice, elle serait tout simplement tombée par terre !
— Tout va bien ? demanda-t il, inquiet. Etes-vous réellement remise ?
Elle fronça les sourcils… avant de comprendre son allusion. Elle était alitée le jour de sa visite !
— Oui, c’était une simple migraine.
— Vraiment ? fit-il sans la relâcher. A en croire Latham, c’était davantage qu’une migraine.
— Vous aurez mal interprété ses propos, répondit-elle avec désinvolture.
Ce jour-là, elle avait reçu une autre lettre anonyme qui l’avait bouleversée au point qu’elle avait pris un anxiolytique et s’était mise au lit ! Mais elle s’abstint de l’en informer.
— Non, je ne crois pas, insista-t il en la scrutant de ses prunelles perçantes.
— Donc, nous partons demain pour l’Ecosse, dit-elle tout en se dégageant de son étreinte.
— Effectivement… Mais dites-moi, Latham n’a-t il donc aucune confiance en vous pour renoncer à son voyage en Australie afin de nous accompagner ?
— Ce n’est pas de moi mais de vous dont il se méfie, rétorqua-t elle, ironique.
— Peut-être n’a-t il pas tort, finalement, approuva-t il en lui décochant un sourire diabolique.
Pourquoi Chloe mettait-elle si longtemps à revenir ? se demanda soudain Sabina, fort mal à l’aise.
— Avez-vous téléphoné à votre mère ? l’entendit-elle poursuivre.
— Ecoutez, ma mère et Richard…
Oh, et puis zut ! Ses affaires privées ne le regardaient nullement, elle n’avait absolument pas à se justifier.
— Votre mère désapprouve le choix de votre fiancé, n’est-ce pas ? Elle le trouve trop âgé !
— Pour commencer, Richard n’est pas âgé ! Et ensuite…
— Remarquez, je la comprends, enchaîna-t il sans l’écouter. Il doit être curieux d’avoir juste dix ans de plus que son gendre. Pour ma part, je suis impatient de rencontrer Leonore.
— Ne comptez pas là-dessus ! le prévint-elle sèchement.
— Dites-moi, Sabina, demanda-t il soudain en croisant les bras, à part vous, quelqu’un apprécie-t il réellement votre fiancé ?
— Brice ! s’écria-t elle, indignée. Vous allez trop loin !
— Pas aussi loin que je le voudrais, malheureusement, l’interrompit-il alors en dardant sur elle de grands yeux mélancoliques.
Hélas, elle savait qu’il était sincère. Et elle redoutait les surprises que le week-end allait leur réserver !
D’abord étonnée que Richard ait accepté le voyage en Ecosse, elle avait finalement pensé qu’en sa compagnie, Brice ne tenterait pas de l’importuner, et qu’un week-end était vite passé.
A bien y réfléchir cependant, et étant donné l’aversion manifeste que ce dernier ressentait pour son fiancé, la présence de Richard n’allait-elle pas rendre la situation ingérable ?
Vivement que ce fichu portrait, source de tous ses malheurs, soit terminé et que Brice sorte de sa vie ! se dit-elle encore. Et où diable était donc passée Chloe ?
— A propos de ce week-end…, commença Brice.
— Oui ?
— Mon grand-père a quatre-vingts ans. Sans vouloir moi-même porter de jugement moral sur votre concubinage, je doute que… enfin, vous me comprenez.
— Non, pas du tout ! affirma-t elle, peu désireuse de lui faciliter la tâche.
— Eh bien, la vie que vous menez à Londres avec Latham ne regarde que vous. En revanche, chez mon grand-père…
— Cessez d’être sibyllin, et dites franchement ce que vous avez sur le cœur !
— Il est un peu vieux jeu et je doute qu’il apprécie qu’un couple non marié partage la même chambre sous son propre toit ! Par conséquent, Latham et vous devrez dormir dans des chambres séparées.
Ah, c’était donc ça !
— Richard et moi n’y verrons aucun inconvénient, affirma-t elle alors.
— Je me moque de ce que pense Richard. C’est vous que je voulais prévenir.
— Comme c’est aimable de votre part, répliqua-t elle d’un ton acerbe.
— Une dernière chose, Sabina… C’est un très vieux château… et le parquet grince, si vous voyez ce que je veux dire.
Cette allusion directe la fit brusquement rougir. Il la mettait en garde contre d’éventuelles allées et venues nocturnes ! Prenant une large inspiration, elle répondit :
— Je suis certaine que je pourrai passer deux nuits seule. Enfin, Brice, n’ayez crainte, je saurai me conduire décemment !
Là-dessus, bouillonnant de colère, elle courut s’enfermer dans la cabine.
Comment osait-il formuler de telles insinuations alors qu’il ignorait tout de son style de vie ? Il ne savait pas qu’à Mayfair, Richard et elle occupaient des chambres séparées.

CHAPITRE 10



Comme Brice regrettait de ne pas avoir accepté la proposition de Richard — à savoir que ce dernier et Sabina se rendent en Ecosse par leurs propres moyens !
Avant d’entreprendre le voyage, il lui avait paru naturel qu’ils arrivent tous ensemble chez son grand-père et il leur avait proposé de les y conduire. D’autant plus naturel que Latham et Sabina ignoraient où se trouvait le château… et que lui-même souhaitait passer le plus de temps possible en compagnie de la jeune femme.
Hélas, il avait oublié qu’il devrait également subir la présence du fiancé — ce qui changeait considérablement les choses !
Manifestement, le couple ne ressentait pas son malaise et discutait en toute tranquillité à l’arrière du véhicule. Sabina et Richard Latham semblaient avoir à peine conscience de sa présence à l’avant. Ils le traitaient réellement comme… comme un vulgaire chauffeur !
— J’espère que je ne conduis pas trop vite, finit-il par dire en jetant un bref coup d’œil dans le rétroviseur — où il croisa le regard moqueur de Sabina.
Nul doute qu’elle devinait sa disposition d’esprit !
— Pas du tout, se chargea de répondre Latham. Nous étions en train de nous émerveiller sur le paysage. Il est réellement magnifique.
— Une excellente destination pour une lune de miel, déclara Brice, non sans ironie.
— C’est ce qu’ont dû penser le prince et la princesse de Galles, répondit Richard, car c’est ici qu’ils ont passé leur voyage de noces, si je me souviens bien.
— Effectivement, mais on ne peut pas dire que cela leur a porté chance, répliqua Brice d’un ton caustique.
— Pour notre lune de miel, précisa alors Richard, j’ai plutôt les Caraïbes en tête.
Cette remarque renforça la mauvaise humeur de Brice. Pourtant, un autre bref coup d’œil dans le rétroviseur lui permit de surprendre le regard étonné de Sabina : nul doute que c’était la première fois qu’elle entendait parler de ce voyage de noces !
Par conséquent, Richard avait évoqué les Caraïbes dans le seul but de le provoquer…
Voilà qui confirmait les soupçons de Brice concernant les changements de projet de Latham : s’il avait ajourné son voyage en Australie, c’était pour surveiller l’artiste et son modèle, bien conscient de l’intérêt marqué que ce premier portait à sa fiancée.
Parfait ! Ses moindres faits, ses moindres paroles allaient être retenus contre lui ! C’était charmant, vraiment ! Dans quel guêpier s’était-il mis ?
— Voilà la propriété de mon grand-père, annonça-t il d’un ton morne en s’engageant dans la voie bordée d’arbres qui menait au château.
Brice avait beau avoir passé toutes ses vacances chez son grand-père et considérer l’endroit comme sa deuxième demeure, il n’en était pas moins à chaque fois époustouflé par la beauté majestueuse de la bâtisse. Ses pierres patinées par le temps et ses tourelles romantiques qui semblaient caresser les nuages exerçaient toujours la même fascination sur lui.
— Ma fiancée va se prendre pour la châtelaine, plaisanta Richard quelques minutes plus tard, tandis qu’ils sortaient de la voiture et que Sabina affichait un visage réjoui et admiratif en contemplant les lieux.
— Hélas, fit Brice, je crains que la place ne soit déjà prise !
Là-dessus, il décocha un large sourire à Sabina… Le plaisir enfantin qui se lisait sur ses traits réchauffa son cœur.
— Peu importe ! assura Richard en passant un bras possessif autour de la taille de la jeune femme. Si tu désires un château, je t’en achèterai un !
Brice eut alors l’impression d’entendre un père promettre une bicyclette neuve à son enfant ! Il y avait de quoi être écœuré…
Eh bien, le week-end s’annonçait plus ardu que prévu ! pensa-t il, dans la mesure où chaque fois que le fiancé de Sabina ouvrait la bouche, il en concevait une profonde irritation.
Une irritation qui frisait la violence !
Il aurait été bien plus plaisant de se retrouver seul ici avec Sabina, de s’imprégner en tête à tête de la sérénité de l’environnement familial, de lui faire visiter les lieux, de lui montrer les rivières où autrefois il pêchait des truites avec ses cousins, de faire la course avec elle dans l’herbe folle…
— Ma famille possède ce château depuis des siècles, annonça-t il soudain avec hauteur.
— C’est vrai, intervint alors Sabina, une telle splendeur, on ne l’acquiert pas, on en hérite, c’est tout.
— A l’origine, ce n’est pas une construction commanditée par l’un de mes ancêtres, déclara Brice à la jeune femme sur le ton de la confidence, tandis que Latham regardait ailleurs, comme s’il ne prenait plus part à la conversation. Je pense que mes aïeux se sont approprié le château après l’avoir assiégé et tué le propriétaire !
— Les Ecossais sont d’un naturel bagarreur, n’est-ce pas ? observa alors insidieusement Richard.
Que croyait-il ? pensa Brice avec mépris. Qu’il allait le provoquer en duel pour les beaux yeux de Sabina ? Comme il se trompait ! Sabina était une femme indépendante — pas un objet de valeur dont on se disputait la possession.
— Et les Anglais passent pour des provocateurs, n’est-ce pas ?
C’était Hugh McDonald, le maître de céans, qui venait de proférer ces paroles. Son imposante silhouette se dessina soudain dans l’encadrement de la porte d’entrée.
— Grand-père ! s’écria Brice en se précipitant vers lui pour lui donner une accolade chaleureuse.
— Te voici enfin, mon garçon ! Je veux bien te pardonner de me faire dîner si tard, à condition que tu me présentes cette superbe jeune femme.
— Je m’appelle Sabina, répondit spontanément cette dernière en tendant la main à Hugh.
Dans sa veste cintrée en velours noir sur laquelle chatoyait la masse de sa chevelure dorée, elle avait l’air d’un ange. Elle ajouta alors dans un merveilleux sourire :
— Navrée, mais c’est à cause de moi que nous sommes en retard. Je n’arrivais pas à me décider sur le choix des vêtements à emporter !
Entièrement sous le charme, le grand-père de Brice retint un instant la main de Sabina dans la sienne avant de lui présenter son bras, en affirmant d’un ton fort galant :
— Quoi que vous portiez, je suis certain que vous êtes toujours ravissante.
A cet instant, Brice observa Latham à la dérobée. Nul doute que ce dernier appréciait peu la courtoisie du vieil homme ! pensa-t il, assez satisfait. S’arrachant à ses pensées, il décréta alors :
— Voulez-vous bien m’aider à porter les bagages, Latham ?
Là-dessus, il ouvrit le coffre de sa voiture et commença à décharger. Certes, son grand-père employait de nombreux domestiques, mais ils n’étaient pas à la disposition de Latham !
Après avoir déposé les valises dans les chambres respectives, les deux hommes rejoignirent Sabina et Hugh dans le salon. Brice s’immobilisa brusquement sur le seuil, étonné d’entendre Sabina rire. C’était presque un rire d’enfant, un rire complètement désinhibé.
— Que vous arrive-t il, McAllister ? demanda Richard en manquant de le bousculer.
Comment lui expliquer le spectacle merveilleux que représentait pour lui une Sabina aux joues roses et riant à gorge déployée ?
— Entrez, entrez, leur dit alors Hugh. Brice, rends-toi utile et sers un verre à nos invités.
Brice était habitué à ce que son grand-père le traitât comme un enfant de six ans. En revanche, il s’aperçut que cela surprenait… et amusait beaucoup Sabina, ainsi que l’indiquaient ses yeux et son sourire moqueur.
Elle paraissait si détendue ! Allons, pensa-t il, peut-être que ce week-end n’allait pas se révéler aussi désastreux qu’il l’avait craint durant le trajet.
— Que désirez-vous boire, Sabina ? demanda Brice en se dirigeant vers le bar qu’il inspecta minutieusement avant d’ajouter : nous avons en stock du vin rouge ou blanc, de la vodka, du gin ou encore du scotch.
En Ecosse, il était de bon ton de boire du scotch. Néanmoins, comme elle n’avait jamais aimé les alcools forts, elle opta pour un verre de vin blanc.
— N’est-ce pas splendide, ici ? demanda-t elle tranquillement à Richard en allant s’asseoir près de lui, sur le sofa.
— Splendide, oui, fit ce dernier sans le moindre enthousiasme.
Elle sourcilla. Etait-il possible que Richard n’aimât pas l’endroit ? Pour sa part, jamais elle n’avait vu pareille demeure. Tous les meubles étaient d’époque, de nombreuses armures étaient accrochées au mur, sans compter les épées et autres casques. Elle avait même entraperçu un canon sur l’un des paliers menant à un donjon. Comme dans un château de conte de fées !
— L’endroit est très isolé, reprit Richard à l’adresse de Brice qui lui tendait un verre de whisky. Et je présume que les notes de chauffage doivent représenter une fortune !
— Je vous concède que nous sommes loin de tout, intervint Hugh, mais cela présente un avantage : nous ne risquons pas d’être dérangés par les voisins ! Et si l’on regarde à la dépense en ce qui concerne le chauffage, il vaut mieux habiter ailleurs.
Une certaine tension flotta soudain dans l’air, ainsi que le constata tristement Sabina. Elle était certaine que Richard ne voulait pas froisser son hôte et pourtant ce dernier avait pris la mouche.
— Je croyais que nous serions cinq à dîner, ce soir, déclara Brice en louchant du côté de la table dressée pour quatre convives.
— Mon invitée n’arrivera que demain, répondit Hugh d’un ton morne.
— Je suis fort impatient de faire sa connaissance !
Qui était donc cette mystérieuse personne ? se demanda Sabina. Au ton de l’échange, elle comprit que Brice taquinait son grand-père. Elle s’abstint néanmoins de formuler la moindre question.
— Ai-je le temps de monter me rafraîchir un peu, avant que nous ne passions à table ? demanda-t elle alors.
— Assurément, Sabina ! concéda Hugh, décidément grand prince pour quelqu’un qui mourait de faim !
— Je vous accompagne pour vous montrer votre chambre, décréta immédiatement Brice.
Zut ! Elle aurait dû se douter que Brice sauterait sur la première occasion pour se retrouver seul avec elle !
Avant de quitter Londres, elle s’était fait le serment de passer le minimum de temps en tête à tête avec le peintre. Et voici que, quelques minutes à peine après leur arrivée, il l’entraînait déjà loin des autres !

-  Fais vite, Sabina, lui ordonna Richard. Nous avons suffisamment retardé le dîner de M. McDonald.
M. McDonald… Curieusement, Sabina n’avait éprouvé aucune difficulté à l’appeler Hugh lorsqu’il l’en avait priée, tout à l’heure. En revanche, il n’avait pas autorisé Richard à se montrer aussi familier à son égard.
— Prenez garde à l’étroitesse de l’escalier, l’avertit Brice tandis qu’elle s’élançait derrière lui.
De fait, l’escalier était rude et plusieurs fois, Sabina dut agripper la lourde corde qui servait de balustrade pour prendre les tournants. Elle avait littéralement l’impression d’avoir remonté le temps !
— Ici, c’est un monde bien différent de Londres, constata-t elle.
Se retournant brusquement, Brice annonça :
— Rassurez-vous, les parquets grincent, mais vous trouverez ici tout le confort moderne, si c’est ce qui vous inquiète.
Cette allusion directe à leur conversation de la veille la fit rougir. Elle préféra l’ignorer.
Brice s’effaça alors pour qu’elle entre dans la chambre qui lui était réservée. C’était la première fois qu’elle pénétrait dans une pièce circulaire. Les tons beige et mordoré prédominaient et prêtaient à l’endroit une lumière tamisée.
Ce qui l’intrigua le plus, c’étaient les oculus disséminés dans le mur. Elle alla vers chacun d’eux pour admirer le panorama que le voile de la nuit commençait à recouvrir : une forêt d’un côté, un lac de l’autre, ici un jardin clos, là des biches paissant tranquillement, à deux pas du château.
Elle était sous le charme !
— Si j’habitais ici, je ne voudrais jamais en partir, dit-elle alors d’un air rêveur.
— Si vous habitiez ici, moi non plus, répliqua-t il d’une voix rauque tout près d’elle.
Bien trop près d’elle ! songea-t elle en se retournant. Leurs poitrines se frôlaient presque. Elle retint son souffle…
Soudain, ce fut comme si le temps s’était arrêté dans la lumière du crépuscule.
Leurs regards restaient enchaînés l’un à l’autre ; les yeux couleur émeraude de Brice brillaient dans la pénombre, l’intimité de ses ultimes propos pesant lourdement entre eux.
Elle devait mettre un terme à cette situation, briser le charme… Hélas, elle se sentait hypnotisée, envoûtée par Brice et par l’environnement.
— Il vaut mieux que je rejoigne les autres, décréta-t il subitement, d’un ton presque bourru.
— Oui.
Néanmoins, ni l’un ni l’autre ne firent le moindre geste.
Elle vit alors un muscle de sa puissante mâchoire tressaillir, tandis qu’il continuait à la fixer avec une intensité incroyablement sensuelle. L’air était chargé d’électricité…
— Vous devriez vraiment redescendre, lui dit-elle, le souffle court.
— Oui…
Pourtant, encore une fois, il ne bougea pas d’un pouce, ne fit pas le moindre geste pour la toucher — ou pour s’éloigner.
— Sabina, reprit-il soudain d’une voix pleine d’émotion, je…
— Partez, Brice ! lui ordonna-t elle d’un ton suppliant. Partez, je vous en conjure.
— Entendu, je m’en vais, marmonna-t il avant d’ajouter d’une voix atone : à tout de suite, en bas.
Une fois qu’il eut disparu, elle demeura encore un bon moment immobile, toujours tétanisée… Mon Dieu, qu’était-il en train de lui arriver ?
Ou plus exactement que lui était-il arrivé ?
Elle était fiancée à Richard et savait infiniment gré à ce dernier de la protection qu’il lui apportait. Et voici qu’elle venait de faire une découverte qui menaçait de bouleverser ce bel équilibre…
Elle était tombée amoureuse de Brice McAllister !


**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 11:51 AM

CHAPITRE 11

— Pour l’amour du ciel, Sabina, détendez-vous ! lui ordonna Brice en lui lançant un coup d’œil impatienté par-dessus son tableau. Vous savez, j’ai déjà mangé ce matin, je ne vais pas vous avaler toute crue !
Cela faisait une demi-heure qu’elle posait pour lui, debout au milieu de la pièce dans la fameuse robe dorée, la tête légèrement tournée vers la fenêtre ainsi qu’il le lui avait demandé.
Une demi-heure qu’elle ne parvenait pas à se détendre… ce qui contrariait profondément Brice ! Car c’était lui qui était en droit d’être tendu. Ne se rendait-elle pas compte que les épaules nues qu’elle lui présentait excitaient terriblement son imagination et faisaient naître en lui des images d’une Sabina entièrement dénudée ?
Comment travailler correctement dans ces conditions ?
— Je sais ! répliqua-t elle avec hauteur. Seulement j’ai… j’ai un peu froid.
Froid ? Voilà qui n’étonnait guère Brice vu l’air glacial dont elle le gratifiait depuis hier soir. Depuis qu’elle avait rejoint les trois hommes dans la salle à manger, après qu’il lui eut montré sa chambre et que…
D’accord, il admettait qu’il avait eu tort de s’attarder dans sa chambre, mais ç’avait été plus fort que lui ! Il avait été littéralement incapable de s’arracher à sa contemplation. Elle était si belle dans cet environnement, si parfaite… Et il était bien conscient que la façon dont il l’avait alors fixée n’avait rien à voir avec le regard de l’artiste !
Allons, la froideur de Sabina à son égard avait eu un effet bénéfique : Richard Latham, concentrant toutes les attentions de sa fiancée, s’était peu à peu métamorphosé en un être convivial durant le dîner, dévoilant un aspect chaleureux et charmant de sa personnalité que Brice n’aurait pas soupçonné chez lui. Nul doute que c’était ce Richard-là dont Sabina était éprise.
Néanmoins, en dépit de cette sociabilité inattendue, Richard lui restait définitivement antipathique et, à certaines œillades de son grand-père, Brice avait compris que ce dernier partageait les mêmes sentiments que lui.
Voilà qui lui avait mis un peu de baume au cœur ! Et si l’hostilité que lui-même ressentait pour Richard n’était pas uniquement liée à Sabina ? Il en était arrivé à la conclusion suivante : Latham n’était pas une personne qui inspirait confiance, et ce, indépendamment du contexte.
Bon, pensa-t il, soudain irrité, si Sabina demeurait dans des dispositions hostiles envers lui, il n’arriverait à rien ! Brusquement, il se leva et déclara :
— Vous n’y mettez vraiment pas du vôtre, Sabina ! Ne pouvez-vous donc pas faire un tout petit effort ? Ne serait-ce que pour le commanditaire de ce tableau !
— Navrée, mais j’ai réellement froid. Ne pourriez-vous pas fermer la fenêtre ?
— Entendu ! répondit-il avec mauvaise humeur.
Se dirigeant vers la fenêtre, il la referma brutalement. Il s’aperçut alors que la tension qui tenaillait son modèle s’était communiquée à son être. L’heure des explications avait sonné, conclut-il avant de demander avec fermeté :
— Que se passe-t il, Sabina ?
— Je… j’ignorais que les séances auraient lieu dans votre chambre, vous ne m’aviez pas prévenue ! l’accusa-t elle, les joues en feu.
Etait-ce la colère ou la gêne qui l’avait fait rougir ? Il n’aurait su dire…
— Il se trouve que cette pièce est à la fois ma chambre et mon atelier, répondit-il.
Les nombreux tableaux posés contre les murs prêtaient incontestablement à la pièce des allures d’atelier et attestaient de la véracité de ses propos. Evidemment, il était quelque peu curieux de voir un lit trôner dans l’alcôve qui se trouvait près de la fenêtre — mais il ne s’en était jamais fait la réflexion jusque-là. Il était vrai qu’il n’était jamais venu dans cette pièce en compagnie d’une femme !
— Je présume que c’est à cause de Latham, n’est-ce pas ? poursuivit-il. Vous craignez qu’il désapprouve.
— Non, répliqua-t elle d’un air furieux. Il se trouve que je n’aime pas cet endroit.
— Et pourquoi, si je puis me permettre ?
Sans répondre, elle se dirigea vers la fenêtre et s’absorba dans la contemplation du paysage — notamment du lac sur lequel glissaient des cygnes noirs.
— Tout est si paisible, ici, murmura-t elle d’un ton mélancolique.
— Sabina, dit-il alors en l’attrapant par le bras pour la forcer à se retourner, vous ne m’avez pas répondu !
— A quoi bon répondre ? Vous connaissez la réponse, non ?
— Sabina…, répéta-t il, le souffle court.
Se dégageant vivement de son étreinte, elle opta pour un changement de ton radical et demanda d’un air presque jovial :
— Savez-vous où votre grand-père a emmené Richard, ce matin ?
En haut d’une falaise pour le pousser dans le vide ! eut-il envie de répondre. Il s’en garda pourtant, car il redoutait de s’aliéner définitivement sa sympathie en lui confiant les pensées qu’il ruminait à l’encontre de son fiancé.
— Ils font le tour du propriétaire en 4x4, répondit-il d’un ton morne. Ne vous faites aucun souci au sujet de votre fiancé, il va vous revenir.
— Je ne suis pas inquiète, précisa-t elle.
Menteuse ! pensa-t il alors. De toute évidence, quelque chose la préoccupait. Il voulait bien croire que Richard n’en était pas la cause… Qu’était-ce alors ?
— Sabina, reprit-il patiemment, si vous ne me dites pas ce qui ne va pas, comment pourrais-je vous aider ?
— Mais qui vous dit que je ne vais pas bien ? se récria-t elle en prenant un air étonné. En outre, je ne vous ai jamais demandé de m’aider.
— Pourtant, il est évident que vous avez besoin d’aide, insista-t il. Pourquoi ne pas accepter la mienne ?
— J’ignore de quoi vous voulez parler, Brice, et d’ailleurs, si j’avais des ennuis, ce n’est pas à vous que je me confierais. J’ai un fiancé, une mère, autant de personnes avec qui je peux discuter si nécessaire.
Et non avec un inconnu qui avait pris la liberté de l’embrasser plusieurs fois ! Telle était la conclusion qu’il tirait de ses propos.
— Votre mère ? fit-il, sceptique. Je n’ai pas franchement l’impression qu’elle soit votre confidente ! A propos, l’avez-vous appelée pour l’informer de votre arrivée ?
Elle sourcilla, appréciant peu le tour que prenait subitement la conversation.
— Votre insistance frise la grossièreté, Brice !
— Répondez-moi !
— Non, je ne l’ai pas appelée, avoua-t elle en soupirant bruyamment pour bien montrer son exaspération.
— Pourquoi ? fit-il durement.
— L’Ecosse est un grand pays, vous savez, et…
— Où habite Leonore, exactement ? Dois-je vous rafraîchir la mémoire ? N’est-ce pas dans un petit village à quelques kilomètres d’ici, si mes renseignements sont bons ?
— Cessez de me parler de ma mère, lui ordonna-t elle brusquement. Nous sommes ici pour travailler, oui ou non ?
— Si vous le souhaitez, je peux l’appeler à votre place.
— Je vous suggère de vous occuper de vos propres affaires ! rétorqua-t elle, en colère.
— Du calme, j’essayais juste de vous aider.
— Et moi, je vous ai déjà signalé que je n’avais nul besoin de votre aide. La relation que j’entretiens avec ma mère me regarde et vous n’avez pas à vous en mêler !
— Pourtant, je…
— J’en ai assez entendu ! décréta-t elle en se dirigeant subitement vers la porte. J’ai besoin de prendre l’air. Nous reprendrons la séance plus tard.
Il ne cherchait pas à la retenir, comprenant à son ton tranchant qu’il n’obtiendrait plus rien d’elle, ce matin. L’adage ne disait-il pas qu’il fallait toujours se méfier de l’eau qui dormait ? Tel était le cas avec Sabina. Elle, toujours si calme, lui avait dévoilé un autre aspect de sa personnalité en se révélant soudain belliqueuse !
Avait-il donc le pouvoir de la pousser dans ses derniers retranchements ?
Quel désastre ! Une catastrophe totale, pensa Sabina en retirant nerveusement sa fichue robe pour enfiler à la place un T-shirt rose vif et un jean. Elle avait dit vrai : elle avait réellement besoin d’un bol d’air frais pour se calmer.
En chaussant ses sandales, elle s’efforça de respirer calmement, profondément…
Que faire ? Que pouvait-elle bien faire ?
Elle était fiancée à Richard, un homme qui lui avait toujours témoigné de la gentillesse et de la sollicitude — et elle était amoureuse de Brice, un homme qui… Qui quoi exactement ? Qui lui aussi avait été attentionné et prévenant, à sa façon !
En outre, ce dernier lui avait révélé un aspect inconnu de sa propre personnalité : elle était un être capable de passion.
Comment en était-elle arrivée à s’aveugler à ce point ?
Les incidents de novembre dernier l’avaient bouleversée au point de lui faire perdre toute confiance en elle-même et en autrui. C’était à cette période-là que Richard, jusqu’alors un ami attentif qui l’emmenait parfois dîner dans des endroits à la mode, lui avait spontanément offert sa protection. Tous deux y gagneraient ! lui avait-il fait valoir. Elle serait à l’abri des importuns et, en contrepartie, il pourrait parader au bras du mannequin le plus apprécié des photographes. Il s’agissait d’un arrangement qui n’impliquait nullement une intimité physique, lui avait-il précisé. Ainsi se fiancèrent-ils officiellement.
A l’époque, déçue par la gent masculine, elle ne se doutait pas qu’un jour elle serait capable d’aimer un homme éperdument — comme c’était le cas avec Brice. Sans quoi, elle n’aurait jamais passé ce contrat avec Richard…
La veille, incapable de s’endormir, elle n’avait cessé de repenser à l’affreuse situation où elle se trouvait… Et brusquement, une nécessité s’était imposée à elle : elle se devait de dire la vérité à Richard ! Elle ne pouvait plus profiter de sa gentillesse, de sa maison, alors qu’elle brûlait d’amour pour un autre homme.
Certes… Mais comment le lui annoncer ?
Ah, si elle avait su que ce week-end allait lui faire prendre conscience de son amour pour Brice, jamais elle ne serait venue s’enfermer dans ce château maléfique !
La séance de pose dans « l’atelier-chambre » de l’artiste s’était apparentée à une véritable torture étant donné les sentiments qu’il lui inspirait !
Une promenade dans les jardins serait salutaire, pensa-t elle en sortant de sa propre chambre. Oui, il fallait à tout prix s’éloigner de Brice pour ne pas avoir la tentation de revenir dans l’atelier…
Peut-être même qu’avec un peu de chance, elle croiserait Hugh et Richard. Encore que l’idée de revoir son fiancé dans l’état de confusion sentimentale où elle se trouvait ne l’enchantait pas particulièrement.
Ah, maudit Brice McAllister ! Pourquoi avait-il fallu qu’elle le rencontre ?
— Vous allez faire un tour ?
Elle sursauta.
Hugh McDonald se tenait sur le palier, un large sourire sur son noble visage. Elle lui rendit son sourire et il enchaîna :
— Richard a emprunté ma voiture pour aller acheter les journaux au village.
— Il ne peut pas rester une journée sans lire les pages économiques, expliqua-t elle avec indulgence.
— C’est effectivement ce qu’il m’a dit. Vous alliez vous promener, n’est-ce pas ? Puis-je vous accompagner ?
— Oh, je ne voudrais pas abuser de votre temps, commença-t elle poliment, même si elle mourait d’envie de faire une promenade au bras de l’aimable vieil homme pour oublier les pensées qui la rongeaient.
— Quelle idée ! Un homme de mon âge est toujours flatté qu’une femme aussi belle que vous accepte sa compagnie.
Sabina se mit à rire. Les choses étaient si simples avec le grand-père de Brice !
— Dans ces conditions, dit-elle en passant un bras empressé sous le sien, allons nous promener !
— Où voulez-vous aller ? demanda Hugh, une fois qu’ils furent à l’extérieur, sous le soleil de mai.
— Je meurs d’envie d’explorer le jardin clos que j’aperçois de ma chambre.
— Entendu ! Seulement je vous préviens, il n’est pas très soigné, c’était ma défunte femme qui l’entretenait autrefois.
— Quel dommage ! Peu importe, je le visiterai tout de même volontiers.
Comme ils approchaient du jardin, Hugh lui demanda tout à coup :
— J’ai besoin de votre opinion, d’un avis féminin… Comment, selon vous, va réagir ma famille si j’annonce qu’à mon grand âge je suis tombé amoureux ?
Déconcertée par cette question des plus inattendues, Sabina se mit à bredouiller :
— Euh… Je… je ne suis pas certaine que…
— Navré, intervint alors Hugh, je ne voulais pas vous choquer.
— Vous ne m’avez nullement choquée, se défendit-elle, gênée par sa propre stupidité.
— Je souhaitais avoir le point de vue d’un tiers avant d’aborder le sujet avec ma famille. Bien que Brice se doute de quelque chose…
Cela ne l’étonnait guère ! Il était tellement perspicace. A cet instant, Hugh ouvrit la porte du jardin et elle fut immédiatement enchantée par la profusion des fleurs sauvages dont les senteurs envahirent ses sens.
— Eh bien, qu’en pensez-vous ?
— C’est merveilleux, s’exclama-t elle. Exactement comme je me l’étais imaginé. C’est…
— Je ne parlais pas du jardin, je faisais référence à notre conversation, l’interrompit-il.
Décidément, l’obstination était congénitale dans cette famille ! Que lui répondre ? Qu’en dépit de ses quatre-vingts ans, il était encore un fort bel homme et qu’il pouvait parfaitement tomber amoureux et plaire aux femmes ? Cependant, étant donné sa propre réaction lorsque sa mère lui avait annoncé sa future escapade romantique, elle doutait fort que la famille d’Hugh appréciât la nouvelle…
— Ah ! fit-il en soupirant. Je sais bien ce que vous pensez. Que j’ai perdu la tête, c’est ça ?
— Pas du tout ! s’empressa-t elle d’affirmer. Seulement, votre confidence me renvoie à mes propres dilemmes. Ma mère, qui est par ailleurs veuve depuis cinq ans, vient de m’avouer qu’elle a rencontré un homme et…
— Et ? l’encouragea Hugh.
— Ecoutez, si je peux vous donner un conseil, c’est de ne pas prendre garde aux premières réactions de vos proches.
— Ce qui signifie que les vôtres n’ont pas été très favorables envers votre mère ?
— J’ai réagi de façon déplorable, en effet.
Après tout, qu’y avait-il de terrible à ce que sa mère choisisse de briser sa solitude ? Et de quel droit aurait-elle exigé de Leonore une fidélité éternelle à son mari défunt, alors qu’elle-même vivait avec un homme… tout en étant attirée par un autre ?
— Dites-moi, Sabina, demanda subitement Hugh en plissant les yeux, que pensez-vous de mon petit-fils ?
A cette question, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle parvint néanmoins à donner le change en rétorquant plaisamment :
— Duquel voulez-vous parler ?
Peu dupe, il joua pourtant le jeu et lui dit :
— Ainsi, vous connaissez également Logan et Fergus ?
— J’ai effectivement eu l’occasion de rencontrer Fergus, et…
Elle s’interrompit brusquement. Etait-il réellement nécessaire d’évoquer cette fameuse soirée au restaurant ? Une soirée qui en dépit de tous ses efforts avait débouché sur un baiser !
— J’ai également aperçu Logan au cours d’une fête, enchaîna-t elle rapidement. Vos trois petits-fils se ressemblent beaucoup.
— Exact, et pas seulement physiquement !
De toute évidence, ses petits-enfants le remplissaient de fierté. Et il y avait de quoi ! Ils étaient tous fort séduisants et chacun avait brillamment réussi dans la voie qu’il avait choisie.
— Vous n’avez pas répondu à ma question concernant Brice…
— Je crois que Brice a hérité son franc-parler de son grand-père, dit-elle alors sur un ton gentiment moqueur.
— Je leur ai appris à tous à croire en la valeur de la franchise, déclara Hugh en riant. Même si l’honnêteté peut parfois vous valoir quelques ennemis. D’ailleurs, à propos de franchise, Sabina, je…
— Coucou !
Du seuil du jardin, Richard venait de les interpeller, empêchant Hugh de poursuivre leur bien curieuse conversation.
Sabina se réjouit de cette interruption.
Franchement, elle ignorait ce qu’elle aurait bien pu dire à Hugh concernant les sentiments qu’elle nourrissait pour son petit-fils. Elle était consciente de son amour pour lui depuis trop peu de temps, son agitation intérieure était bien trop intense ! Bref, elle préférait tout simplement ne pas évoquer Brice !
Encore qu’elle ne fût pas certaine d’être en mesure d’affronter Richard en ce moment…
— Regardez qui je viens de croiser, annonça ce dernier en s’écartant de la porte.
Ce fut alors qu’à sa plus grande stupéfaction, Sabina se retrouva… en face de sa propre mère.
Mon Dieu ! Que faisait-elle ici ? Etait-il possible que… ? Oh non, par pitié ! Brice lui aurait-il donc téléphoné à son insu ? Ah, le traître !
— Leonore…, murmura alors Hugh d’une voix tout émue.
Comme une automate, Sabina tourna la tête vers le vieil homme, littéralement pétrifiée. La chaleur bienveillante qu’elle lut alors dans les prunelles de Hugh confirma ses doutes et la cruelle vérité s’imposa à elle dans toute sa brutalité : le grand-père de Brice était l’homme dont sa mère s’était éprise !

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 11:55 AM

CHAPITRE 12

— Sabina, vous dramatisez !
— Je ne vous ai pas demandé votre avis, Brice ! rétorqua-t elle en lui lançant un regard dur.
Il était assis sur le rebord de son lit tandis qu’elle jetait nerveusement ses vêtements dans sa valise. Elle ajouta alors :
— Et si vous voulez le mien, je crois qu’il vaut mieux que vous n’abordiez plus le sujet avec moi !
Ses yeux bleu clair lançaient des éclairs, son corps souple était tendu comme un arc. Bref, elle fulminait ! En un sens, il la comprenait…
Alors qu’il descendait tranquillement l’escalier tout à l’heure, il avait failli se heurter à une Sabina en furie, les joues rouges de colère.
— Que diable se passe-t il ? avait-il alors demandé. Sabina, que…
— Laisse-la tranquille ! avait ordonné son grand-père en arrivant à son tour tout essoufflé.
— Mais…
— Je t’ai dit de lui ficher la paix !
Le cyclone avait alors disparu, laissant les deux hommes seuls.
— Pour l’amour du ciel, grand-père, que se passe-t il ?
Hier soir, il lui avait pourtant semblé que ces deux-là étaient complices !
— Que lui as-tu fait ? enchaîna-t il d’un ton accusateur.
— Je ne lui ai rien fait, mon garçon, se défendit son aïeul, non sans une certaine émotion dans la voix. Du moins, pas de façon délibérée. Je n’ai jamais eu l’intention de la blesser ou de la bouleverser.
— Pourtant, il semblerait bien que ç’ait été le cas ! observa Brice, torturé entre son désir de rejoindre Sabina pour la consoler et sa curiosité d’entendre les justifications de son grand-père.
— Voilà, commença Hugh, lorsque tu m’as annoncé que tu venais avec Sabina ce week-end, j’ai cru voir un signe du destin. Hélas, avant que j’aie le temps de lui expliquer…
— Cesse de tergiverser ! En quoi la venue de Sabina était-elle un signe du destin ? l’interrompit brutalement Brice.
Il allait devenir fou ! Son grand-père n’avait jamais rencontré Sabina auparavant. Que pouvait-il donc avoir à lui expliquer ?
— Je crois que je suis davantage en mesure de vous répondre, intervint alors tranquillement une voix féminine.
Une femme blonde d’environ soixante ans apparut sur le seuil. Une femme à la silhouette impeccable, au visage amène et qu’il était bien certain de ne jamais avoir vue de sa vie !
Et pourtant…
En l’observant plus attentivement, il découvrit dans ses yeux bleu clair un air qui lui était familier. En outre, ses pommettes hautes et son teint d’ivoire ne lui étaient pas non plus entièrement inconnus.
Sabina avait prétendu ressembler à son père, mais il avait sous les yeux la preuve qu’elle était le portrait conforme de sa mère !
— Je vois…, murmura-t il, tâchant d’assimiler des événements qui le dépassaient.
Ainsi, la petite amie de son grand-père n’était autre que la mère de Sabina ! Quoi d’étonnant à ce que cette dernière fût bouleversée ?
— Vraiment ? fit Leonore.
— Je crois que oui, répondit Brice avant de se tourner vers son grand-père pour demander sur un ton de reproche : pourquoi ne m’avoir rien dit ?
Entourant d’un bras protecteur sa compagne, Hugh expliqua alors :
— Leonore a bien tenté d’exposer la situation à sa fille, la semaine dernière, mais Sabina n’était guère disposée à entendre ses confidences. Vous, les jeunes, vous pensez avoir le monopole de l’amour.
— Pardonnez-moi, intervint alors Richard Latham en se glissant à son tour dans le vestibule. Sabina est-elle montée dans sa chambre ?
— Oui, répondit Brice d’un ton sec.
— Nous allons partir sans tarder, annonça-t il froidement. Pouvez-vous m’appeler un taxi ?
— Inutile d’appeler un taxi, je vous conduirai moi-même à l’aéroport, rétorqua Brice.
— Je ne le souhaite pas. Appelez-moi un taxi.
Là-dessus, il redressa les épaules et gravit les marches qui conduisaient aux chambres.
Pour qui Latham le prenait-il donc ? s’insurgea Brice. Pour son domestique ? Ah, il avait envie de s’élancer derrière lui pour lui flanquer son poing sur la figure !
— Richard ne me porte pas dans son cœur, déclara Leonore. Je crois qu’il n’a pas apprécié mon allusion à sa grande différence d’âge avec ma fille et mes interrogations sur la viabilité de leur couple.
— Eh bien, moi, je vous apprécie beaucoup ! renchérit Brice en lui tendant la main.
Leonore se mit à rire, un rire qui lui rappela étrangement celui de Sabina. Il ressentit alors un pincement au cœur.
Sabina… Que pouvait-elle bien ressentir, de son côté ?
— Il faut que je parle à votre fille, annonça-t il.
— Je crains, hélas, que vous ne perdiez votre temps. Sabina a tellement changé ces derniers temps : alors qu’elle était débordante d’énergie, totalement indépendante, elle est devenue une personne que je reconnais à peine.
— Nous reparlerons de tout cela tout à l’heure, Leonore, dit-il alors. Je dois absolument discuter avec Sabina, mais ne partez surtout pas avant que je sois revenu.
— Rassure-toi, Leonore n’ira nulle part, grommela son grand-père.
Quelques secondes plus tard, alors qu’il pénétrait dans la chambre de Sabina, Brice ne sut s’il fut soulagé ou déçu de l’y trouver seule… En vérité, il avait très envie d’en découdre avec Richard ! Même si ce n’était pas vraiment la meilleure chose à faire, étant donné les circonstances.
— Sabina, plaidait-il à présent, est-ce pour vous si terrible que mon grand-père et votre mère soient… amis ?
De fait, il ignorait quel genre de relations ces deux-là entretenaient réellement. Néanmoins, s’ils avaient l’intention de s’envoler pour Paris, il était fort possible qu’ils fussent amants.
— Pourquoi revenir à la charge, Brice ? lui dit-elle alors. Je vous ai déjà dit que je refuse d’évoquer ce sujet.
— Est-ce la façon dont vous traitez les problèmes, maintenant ? En enfouissant la tête dans le sable et en priant pour qu’ils passent ?
— « Maintenant » ? répéta-t elle en plongeant ses yeux dans les siens. Que voulez-vous dire ?
— Selon votre mère, vous avez énormément changé depuis que vous avez rencontré Richard Latham.
— Je vous ai dit que Richard et ma mère ne s’entendaient pas, objecta-t elle.
Elle sous-entendait que Leonore n’avait pas une opinion objective de son fiancé. Mais de son côté, la femme qu’il venait de rencontrer au bas de l’escalier lui inspirait toute confiance…
Certes, il ne s’était pas encore totalement remis d’apprendre que Leonore et Hugh étaient amoureux. Néanmoins, le fait que la nouvelle compagne de son grand-père soit la mère de Sabina le disposait à une bien plus grande indulgence pour cette relation. Et à vrai dire, elle lui semblait presque naturelle, à présent.
Visiblement, pour Sabina, c’était tout le contraire !
Quelle en était la véritable raison ? Trouvait-elle réellement que Hugh n’était pas le compagnon idéal pour sa mère, ou était-elle gênée que ce dernier fût son grand-père ?
— Pourquoi ne pas leur donner une chance ? plaida-t il encore. Après tout, ce sont des adultes, ils…
Devant le regard courroucé qu’elle lui lança, il n’osa pas poursuivre.
— Ne pouvez-vous donc pas comprendre que je ne suis pas en mesure de réfléchir à cela maintenant ? demanda-t elle d’une voix blanche.
Il la scruta avec plus d’intensité. Etait-ce des larmes qu’il voyait briller dans ses yeux ? Des larmes qui perlaient à ses paupières et menaçaient de couler sur ses joues ?
— Sabina ! s’écria-t il en la prenant dans ses bras, tout va s’arranger, n’ayez crainte !
Non, contrairement à ce qu’il croyait, rien n’allait rentrer dans l’ordre, se dit-elle alors. C’était tout simplement impossible dans la mesure où elle l’aimait alors qu’elle était fiancée à un autre et que, pour couronner le tout, sa propre mère s’était amourachée du grand-père de Brice ! Quand bien même elle aurait voulu prendre de la distance avec ce dernier, c’était désormais impossible.
— Sabina ? fit Brice tout en l’enveloppant d’un regard enfiévré.
Seigneur, qu’elle aimait cet homme ! Elle aimait tout en lui : son arrogance, son charme, sa personnalité affirmée, son talent, bien sûr. Et elle voyait à présent que ses prunelles émeraude cherchaient à percer la vérité de son cœur.
Soudain, il répéta son prénom de sa belle voix grave, avant de l’attirer plus étroitement à lui pour l’embrasser.
Elle eut alors l’impression de monter directement au paradis… Instinctivement, elle noua ses bras autour de son cou et lui rendit son baiser avec la même ferveur. Ses sens s’affolaient à mesure que les ondes du plaisir parcouraient son corps. Elle entrouvrit les lèvres, et dans un gémissement de plaisir, il approfondit son baiser, la chaleur de sa langue se mêlant sensuellement à la sienne.
Elle sentait son torse musclé se presser contre le sien et perçut rapidement la force de son excitation. Détachant sa bouche de la sienne, il traça soudain avec ses lèvres un sillage brûlant le long de sa gorge. Elle inclina la tête en arrière… Bientôt, les mains de Brice effleurèrent ses seins tendus à travers l’étoffe de son T-shirt.
Un petit cri lui échappa lorsque le pouce de son compagnon en caressa sensuellement une pointe durcie. Un désir brûlant l’étreignit alors, sa respiration se fit terriblement saccadée…
— Brice, murmura-t elle d’une voix passionnée, désireuse que ses caresses ne cessent jamais.
— Oh, Sabina ! fit-il à son tour en mordillant le lobe de son oreille.
— Je…
Subitement, elle se figea.
En dépit du tumulte de ses sens, elle venait de percevoir un bruit.
D’un mouvement rapide, elle se dégagea au moment où la porte s’ouvrait.
Richard !
Ses joues la brûlèrent terriblement lorsqu’elle posa un regard coupable sur son fiancé. Avait-il deviné ce qu’ils étaient en train de faire juste avant qu’il ne pénètre dans la chambre ? Impossible à dire, car le visage de Richard ne trahissait pas la moindre émotion ! Ses yeux bleu clair n’exprimaient aucune accusation. Un étonnement, peut-être…
— Veux-tu toujours que nous partions ? demanda-t il alors.
— Plus que jamais, répondit Sabina en fermant sa valise.
Elle n’osait regarder dans la direction de Brice, priant pour qu’il ne dise rien de compromettant.
— Vu les circonstances, McAllister, vous comprendrez que ma commande est annulée.
— Quelles circonstances ?
— Manifestement, Sabina est perturbée par la relation de votre grand-père avec sa mère.
— Sabina est assez grande pour exprimer elle-même ce qu’elle ressent, répliqua Brice d’un ton ennuyé. Eh bien, Sabina, êtes-vous perturbée, ainsi que le prétend Richard ?
— Je… je n’arrive pas à analyser mes sentiments, avoua-t elle en toute honnêteté. En revanche, je suis d’accord avec Richard, nous devons partir… Et il est préférable de renoncer au portrait.
— Pourquoi ? demanda Brice d’un ton sec.
Parce qu’elle ne voulait plus se retrouver seule avec lui ! Parce que chaque fois qu’elle le regardait, elle avait envie de lui ! Ardemment, violemment, passionnément !
Parce qu’elle l’aimait, tout simplement !
Et puis… il était inutile que Richard achète son portrait alors qu’elle était décidée à rompre avec celui-ci
— Comme vous le savez, je n’ai jamais approuvé cette commande, lui rappela-t elle.
— Vous posiez pour moi dans l’unique but de plaire à votre fiancé, n’est-ce pas ?
— Exact, dit-elle en relevant le menton d’un air de défi.
— Je suis certain que vous pouvez le satisfaire de bien d’autres façons encore, déclara-t il alors d’un ton provocateur.
— Effectivement, répondit-elle froidement.
— Envoyez-moi la facture pour ce que je vous dois, et restons-en là ! intervint Richard.
— Inutile, fit Brice.
— J’y tiens, j’ai pour habitude de payer mes dettes.
— N’en parlons plus ! Etes-vous sourd ?
Non sans inquiétude, Sabina jaugea tour à tour les deux hommes. Difficile de reconnaître en Brice le compagnon qui l’avait embrassée éperdument tout à l’heure ! Il paraissait si distant, si froid à présent…
Elle-même ignorait quel effet elle pouvait bien lui faire maintenant ! Mais ce qu’elle savait, c’est qu’elle devait partir d’ici, fuir Brice et le sortilège qui s’était abattu sur elle lorsqu’elle avait mis les pieds dans le château !
— As-tu terminé ta valise, Sabina ? demanda Richard. Si oui, nous pouvons partir.
— Allons-y, je suis prête.
— Je suis certain que notre ami ne sera pas impoli au point de te laisser porter ta valise, n’est-ce pas, McAllister ?
— Donnez-moi votre valise, Sabina, déclara Brice, mâchoire serrée. Le chauffeur de mon grand-père va vous conduire à l’aéroport d’Aberdeen.
Sabina ouvrit alors la marche de l’étrange procession, désireuse de quitter au plus vite ce château qui l’avait pourtant tellement séduite, au départ.
Une fois loin d’ici, elle serait peut-être en mesure d’analyser avec plus d’objectivité les sentiments que Brice lui inspirait ; de comprendre si ce qu’elle éprouvait pour lui était réellement de l’amour.
En revanche, elle était certaine d’une chose : elle allait rompre son contrat avec Richard !

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 11:59 AM

CHAPITRE 13

La colère que ressentait Brice en suivant le couple dans l’escalier lui avait ôté toute envie de parler. Il éprouvait un sentiment d’impuissance totale envers Sabina. Comment pouvait-elle s’enfuir avec Richard après le baiser ardent qu’ils venaient d’échanger ?
Jeff, le majordome, attendait stoïquement devant le coffre ouvert de la limousine pour y placer les valises.
— Sabina, déclara Brice alors qu’elle s’apprêtait à monter dans la voiture, quoi que vous puissiez ressentir en ce moment, la bienséance voudrait que vous preniez au moins congé de votre mère et de mon grand-père. En outre, il serait également opportun que vous remerciiez ce dernier pour son hospitalité !
A ces mots, une rougeur diffuse empourpra les joues de la belle fugueuse. Touché ! pensa-t il en l’entendant affirmer :
— Bien sûr !
— Inutile de venir tous les deux, précisa-t il immédiatement à l’adresse de Richard qui faisait mine d’emboîter le pas à sa fiancée.
— Attends-moi ici, Richard ! intervint cette dernière. C’est préférable. Qui plus est, je n’en ai pas pour longtemps.
Là-dessus, elle serra affectueusement le bras de son fiancé… et Brice en fut très irrité. Il ne supportait pas l’idée que Sabina puisse toucher ce… cet individu, alors imaginer que… que…
Non, c’était au-dessus de ses forces ! Un véritable enfer !
Car l’enfer n’était pas le mélange de feu et de soufre que prédisaient les apôtres de l’Apocalypse… non, l’enfer, c’était de s’apercevoir que l’on était amoureux d’une femme qui vivait avec un autre homme !
Oui, il était bel et bien amoureux de Sabina. Il ignorait quand cela était arrivé et de quelle façon, il savait seulement qu’il aimait tout en elle. Sa remarquable beauté, sa touchante spontanéité, sa voix légèrement rauque, sa démarche ondulante — et même sa loyauté envers un homme qui ne méritait pas de baiser les pieds d’une si superbe femme !
Tout à l’heure, à l’idée de ne plus revoir Sabina, une horrible douleur avait étreint sa poitrine. Une douleur qui ne voulait pas se dissiper…
Oui, l’enfer, c’était d’aimer une personne hors d’atteinte.
— Ils doivent être dans le petit salon, l’informa-t il d’un ton plus sec qu’il n’aurait voulu, en la voyant hésiter dans le vestibule sur la direction à prendre.
Frappée par sa froideur de ton, elle éprouva le besoin de se justifier :
— Brice, j’ai besoin d’un peu de temps pour me faire à l’idée que… pour m’habituer à cette relation. C’est un choc, pour moi, je vous assure.
Il la jaugea d’un œil morne, sachant que pour le moment, il ne pouvait se risquer à la regarder autrement — au risque de lui avouer son amour ! Et, eu égard au contexte, il doutait qu’elle fût disposée à entendre sa déclaration. La situation était déjà assez compliquée comme ça !
— Vous sembliez pourtant apprécier mon grand-père avant d’apprendre sa relation avec votre mère, argua-t il.
— Mais je l’apprécie toujours ! affirma-t elle avec véhémence.
— Seulement, il n’est pas votre père ! fit Brice d’un ton amer.
— Non, effectivement. Mais…
— Avez-vous pensé une seconde à la solitude de votre mère durant ces cinq dernières années ? reprit Brice, bille en tête. Le calvaire qu’elle a enduré ? Votre père était son âme sœur et vice versa. D’après ce que vous m’avez dit de vos parents, leur relation n’était pas uniquement d’ordre affectif, mais également intellectuel. Avec le décès de votre père, votre mère a été comme privée de sa moitié, et…
— Taisez-vous, Brice, je vous en prie ! s’écria Sabina, visiblement au bord des larmes.
Se doutait-elle qu’il était aussi ému qu’elle ? Pas pour les mêmes raisons, bien sûr… De son côté, il avait le cœur brisé à l’idée qu’elle allait partir avec Latham.
— Soyez aimable avec eux, Sabina ! lui conseilla-t il encore avec des inflexions presque menaçantes dans la voix.
— Ou alors ?
— Ou alors vous aurez affaire à moi !
— Oh, j’en tremble d’avance ! fit-elle dans un sourire froid.
— Vous avez tort de ne pas me prendre au sérieux, lui dit-il alors en luttant contre ses impulsions pour ne pas la prendre dans ses bras et l’embrasser sauvagement.
Hugh et Leonore étaient assis l’un près de l’autre sur le sofa lorsque les deux jeunes gens firent irruption dans la pièce. Brice eut l’impression de voir des traces de larmes sur les joues de Leonore.
— Attention à ce que vous allez dire ! souffla-t il à l’oreille de Sabina.
Celle-ci lui décocha un regard noir avant de s’adresser au couple qui la fixait avec des yeux étonnés.
— Richard et moi avons décidé de partir, leur annonça-t elle. Je… je venais prendre congé de vous.
— J’espère que ce n’est pas ma présence qui te chasse ? demanda alors sa mère en serrant machinalement le bras de son compagnon.
— Bien sûr que non, assura Sabina. Richard doit retourner à Londres dès aujourd’hui, car nous partons pour l’Australie lundi et il a encore certaines choses à régler.
Brice eut un coup au cœur.
L’Australie ! Elle allait partir si loin que ça ?
— Très bien, fit Leonore. Appelle-moi quand tu rentres. Tu le feras, n’est-ce pas ?
L’insistance de sa mère parut surprendre Sabina qui hocha alors la tête en signe d’acquiescement, hésita, puis finit par dire :
— Peut-être que toi… et Hugh pourrez venir dîner chez moi, à mon retour ?
Au moins, elle faisait preuve de bonne volonté, pensa Brice. Même si l’idée que son grand-père fût reçu chez Richard Latham et sympathisât avec ce dernier ne l’enchantait nullement !
— C’est une excellente idée, déclara sa mère. N’est-ce pas, Hugh ?
— Excellente, effectivement, fit ce dernier sans grand enthousiasme. Je suis navré que vous partiez si vite, Sabina : j’aurais vraiment aimé faire plus ample connaissance avec vous.
— Nous avons toute la vie pour mieux nous connaître, décréta-t elle alors avec jovialité.
— Toute la vie ? répéta Hugh, non sans ironie. La mienne est déjà bien avancée !
Elle sourcilla, ne sachant plus trop sur quel pied danser : venait-elle de commettre un impair ? Elle jeta un coup d’œil à Brice à la dérobée…
Pour sa part, il n’était nullement perturbé par l’allusion de son grand-père à son âge car ce dernier était en excellente santé et serait à coup sûr centenaire ! D’autant qu’il venait de trouver l’amour…
— Alors c’est entendu, dès notre retour, nous organisons un dîner, reprit Sabina avec davantage d’assurance, avant d’ajouter d’une voix plus rauque que d’ordinaire, le regard fuyant : au revoir, Brice.
— Je vous raccompagne à la voiture.
— Inutile, lui dit-elle. Je connais le chemin et… nous nous sommes déjà dit au revoir.
Pourtant, il aurait tellement aimé passer encore quelques minutes en sa compagnie ! Néanmoins, à la pâleur de ses joues, aux cernes sous ses yeux, il comprit qu’elle était à bout. S’il insistait un tant soit peu, elle allait s’effondrer.
— Comme vous voudrez. Bon retour.
— Merci, dit-elle en esquissant un sourire furtif.
Là-dessus, elle quitta la pièce précipitamment.
Aspirant une large bouffée d’air, Brice se tourna alors vers son grand-père et demanda :
— Maintenant, si tu veux bien me présenter officiellement à Leonore, elle me permettra peut-être de l’interroger sur l’événement qui a métamorphosé sa fille.
Car il était plus que jamais résolu à éclaircir la mystérieuse transformation de Sabina. Il brûlait de connaître la vérité, toute la vérité !
— On peut partir ? demanda Richard tandis que Sabina s’engouffrait à l’arrière de la limousine.
— Oui.
Se laissant tomber sur la banquette en cuir, elle tourna la tête vers la fenêtre, pour admirer une dernière fois le château de Hugh McDonald.
La lumière de mai en soulignait la beauté majestueuse. Il émanait de la bâtisse une sérénité et un calme absolus — le contraire de son état d’esprit actuel, conclut amèrement Sabina.
Elle avait bien conscience de prendre la fuite, mais elle n’avait pas trouvé d’autre issue. Elle était profondément bouleversée d’avoir découvert que Hugh McDonald était le nouveau compagnon de sa mère. Mais sa réaction face aux baisers de Brice l’avait bien plus surprise encore ! Si Richard n’était pas entré dans la pièce, tout à l’heure, elle ne savait pas au juste ce qui serait arrivé. Comment tout cela se serait terminé…
Richard avait-il deviné que Brice et elle s’étaient embrassés ? Elle l’ignorait. Cependant, quelle que fût la réponse, elle ne pouvait plus poursuivre cette petite comédie avec son fiancé !
Il fallait rompre ! Elle se devait d’être honnête avec cet homme qui avait toujours été si bon envers elle.
— Drôle de surprise, n’est-ce pas ? fit soudain Richard d’un ton désinvolte.
— Pardon ? demanda-t elle en pâlissant, immédiatement sur ses gardes.
— Ta mère et McDonald ! précisa-t il alors d’un ton cynique. Il n’est pas de la première fraîcheur, mais il présente l’immense avantage d’être riche !
Elle se figea.
D’abord, les propos de Richard étaient d’une crudité tout à fait désobligeante pour sa mère.
Ensuite, elle craignait que le chauffeur de Hugh n’entende leur conversation. D’ailleurs, ne venait-il pas de tressaillir ?
Pourtant, elle ne pouvait tolérer une telle provocation.
— La fortune de Hugh n’influe nullement sur les sentiments de ma mère, répliqua-t elle à voix basse, d’un ton indigné.
— Vraiment ? fit-il en sourcillant. Permets-moi d’en douter.
Sabina connaissait sa mère : elle se moquait éperdument des biens matériels. La preuve : Leonore refusait systématiquement qu’elle l’aide financièrement, alléguant que son petit cottage en Ecosse et sa grande bibliothèque lui suffisaient.
En outre, Hugh n’avait pas que sa fortune à offrir. C’était un gentleman charmant, distingué, intelligent. Tout comme son petit-fils…
— Richard, commença-t elle sur un ton belliqueux, je…
— Chut ! Pas ici, la réprimanda-t il alors en lui désignant du menton le chauffeur.
Tiens donc ! Voilà qu’il se rappelait sa présence ! Quelle mauvaise foi ! Cette attitude était bien étonnante de la part de Richard.
— Nous reparlerons de tout cela à Londres, ajouta-t il. A la maison.
Une maison qui n’allait pas rester la sienne pour très longtemps, pensa-t elle alors. Oui, dès qu’ils seraient à Londres, elle lui ferait part de ses nouveaux projets. Des projets qui l’excluaient de sa vie.
Devrait-elle lui préciser qu’elle le quittait à cause de Brice ? Non, toute vérité n’était pas bonne à dire.
Brice…
Son cœur se serra en pensant à lui. Plus la voiture avançait, et plus la distance se creusait entre eux… Quand le reverrait-elle ? Désormais, il n’y avait plus le prétexte du tableau, puisque la commande était tombée à l’eau. Le seul lien qui l’unissait encore à lui, c’était — ironie du sort — la relation de sa mère avec son grand-père.
Le destin la punissait-il pour avoir réagi si égoïstement lorsque Leonore lui avait annoncé son voyage pour Paris ?
Probablement, pensa-t elle en soupirant. Elle se jura de lui présenter des excuses à la première occasion.
Allons, chaque chose en son temps ! En premier lieu, elle devait mettre un terme à son engagement avec Richard. Perspective peu réjouissante, se dit-elle en coulant un œil vers lui. Il avait l’air rogue ! Voilà qui promettait !
A vrai dire, il avait de bonnes raisons d’être en colère.
Depuis le début, l’homme d’affaires avait été absolument clair sur ce qu’il pouvait lui apporter et sur ce qu’il exigeait d’elle en retour. Il avait rempli sa part du contrat. Ce n’était pas lui, mais elle qui avait rompu leur accord. Pire : elle était tombée amoureuse d’un autre homme. Elle priait pour ne pas avoir à lui avouer cet amour. Elle ne voulait pas impliquer Brice dans sa rupture. D’autant que ce dernier ignorait qu’elle était amoureuse de lui.
Et elle espérait qu’il ne l’apprendrait jamais ! Car il était bien évident que Brice ne partageait pas ses sentiments.
— Allons dans le salon ! décréta Richard une fois qu’ils furent arrivés dans la maison de Mayfair.
Durant tout le voyage, il n’avait pas desserré les lèvres. Pressentait-il ce qu’elle allait lui annoncer ?
— Moi aussi, je prendrais volontiers un scotch, lui dit-elle tandis qu’il se servait un verre.
— On a besoin d’alcool pour stimuler son courage ? fit-il alors en lui lançant un regard accusateur.
Donc, il était au courant pour les baisers ! conclut-elle, nerveuse. Après tout, elle méritait ses sarcasmes, elle les avait bien cherchés !
— Eh bien, Sabina, poursuivit-il, je vais t’éviter la peine de rompre notre engagement en y mettant moi-même un terme. Car tu n’as pas respecté notre contrat. Mes stipulations étaient pourtant claires : je ne supporte pas l’imperfection.
Là-dessus, il lui lança un regard méprisant.
— Je n’ai jamais prétendu être parfaite, se défendit-elle immédiatement.
— Pourquoi le prétendre ? Tu l’étais quand nous nous sommes rencontrés. Tu avais tout pour toi : ta beauté, ton succès, ton self-control, ton air intouchable. A l’époque, tu n’avais pas que l’air d’ailleurs, tu l’étais, mais visiblement ce n’est plus le cas. Je me trompe ?
La bouche de Richard tremblait de fureur, ses yeux la regardaient durement, elle ne le reconnaissait plus !
Elle ne s’attendait pas à des attaques si violentes de sa part. Jamais il ne s’était comporté de la sorte avec elle. Oh, elle l’avait déjà vu en colère dans le passé — mais pas contre elle ! Désormais, il lui appliquait le même traitement qu’à ses ennemis. Elle l’avait déçu et son venin ne l’épargnerait plus.
— Je ne sais pas de quoi tu parles, Richard.
— Dans ces conditions, je vais être clair : quand je suis entré dans la chambre tout à l’heure, tu vibrais encore du baiser torride que venait de te donner McAllister !
— Richard, je…
— Il n’y a que la vérité qui choque, Sabina, fit-il d’un air dégoûté avant d’ajouter, blasé : je te croyais différente des autres. Après ce qui t’était arrivé, je pensais que tu étais comme moi, détaché de cette chose immonde qu’est le sexe et que l’on associe malheureusement à l’amour. Qu’à tes yeux, une relation reposait sur l’amitié, l’échange intellectuel et l’admiration mutuelle ! Hélas, je me suis aperçu ce week-end, d’après ta conduite avec McAllister, que tu es une femme bien ordinaire.
Elle le regarda, incrédule. Elle avait vécu avec lui plusieurs mois sans réellement le connaître…
— Et dire que j’envisageais même de t’épouser ! ajouta-t il avec un profond dégoût.
D’où cette allusion à leur voyage de noces, pensa-t elle alors. Pour sa part, elle n’avait jamais pris au sérieux l’idée de se marier avec lui.
— Notre contrat ne prévoyait pas le mariage, dit-elle enfin.
— Ton comportement avec McAllister annule notre contrat, annonça-t il alors avec hauteur. Aussi te saurais-je gré de faire tes valises et de quitter cette maison au plus vite.
Evidemment, pensa-t elle, sa colère était fondée. Elle n’avait d’autre choix que de l’accepter. Mais le Richard qui se tenait devant elle ce soir était un inconnu — un inconnu qu’elle n’avait nullement envie de connaître !

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 04-08-09 12:03 PM

CHAPITRE13

— Décidément, cela devient une habitude dans votre famille ! s’exclama Chloe en jetant un coup d’œil rieur à Brice, assis à son côté. Vas-tu toi aussi suivre l’exemple de ton grand-père et te marier ?
Goûtant fort moyennement la boutade, il se *******a de froncer les sourcils, et reporta toute son attention sur le podium où les lumières tamisées indiquaient que le défilé allait commencer.
Durant les trois semaines qui venaient de s’écouler depuis le fameux week-end en Ecosse, il avait bien tenté de reprendre contact avec Sabina… pour se faire rabrouer chaque fois par le cerbère de Richard Latham. A croire que Sabina avait déménagé, car elle n’était jamais à la maison. Hélas ! Il savait que la vérité était bien plus cruelle et qu’en réalité, elle n’était jamais disponible pour lui.
Ces trois semaines s’étaient apparentées pour Brice à une véritable traversée du désert. Aujourd’hui, il mourait d’envie de voir et d’entendre Sabina. Il était à bout de forces !
— Ne te fais pas d’illusions, répondit-il. La série de mariages va s’arrêter là. Pour ma part, ce n’est pas ma tasse de thé.
— Hum, hum… Tu sais pourtant qu’il ne faut jamais dire fontaine, je ne boirai pas de ton eau ! fit malicieusement Chloe avant d’enchaîner, en voyant le visage de plus en plus morose de son cousin : en tout cas, nous avons tous été aussi stupéfaits qu’heureux d’apprendre que Hugh se remariait !
Et lui, alors ! Quelle n’avait pas été sa surprise lorsque son grand-père lui avait téléphoné, le week-end dernier, pour annoncer le scoop !
Une raison supplémentaire pour s’entretenir de toute urgence avec Sabina, en avait-il conclu. Comment diable avait-elle bien pu réagir à la nouvelle ?
— Et il fallait précisément que la future épouse fût la mère de Sabina ! poursuivit Chloe, l’œil brillant. Fergus m’a dit que tu avais déjà rencontré la fameuse Leonore…
— Brièvement, confirma-t il, peu désireux que sa famille fût au courant du week-end désastreux qu’il avait passé au château — même si la rencontre avec Leonore avait été des plus plaisantes. Ne t’inquiète pas, Chloe, toi aussi, tu vas bientôt faire la connaissance de notre « belle-grand-mère ».
Bon sang, pensa-t il, ce défilé allait-il commencer, oui ou non ? Il était initialement prévu à 20 h 30… et il était déjà 21 heures !
— Oh, je ne suis nullement inquiète ! repartit sa cousine. Pour bien connaître Hugh, je sais que ses goûts sont irréprochables. Je ne doute pas un instant que Leonore soit charmante. Dis-moi, crois-tu que Sabina sera présente à la réception ?
Touché ! pensa-t il, agacé, en se raidissant.
C’était précisément la question qui le taraudait depuis que son grand-père avait prévu d’organiser une réunion familiale dans le meilleur hôtel de Londres, le week-end prochain.
Il espérait tellement que Sabina serait là ! Et pas uniquement par intérêt personnel. Il avait réellement apprécié Leonore, et ne souhaitait nullement que Sabina fît de la peine à sa mère — d’autant qu’en ne venant pas, elle-même serait la première meurtrie.
— Aucune idée, répondit-il avant de demander d’un ton impatient : les défilés commencent-ils toujours en retard ?
— Oui, répondit Chloe sans paraître s’en émouvoir le moins du monde. Mais rassure-toi, Brice, je tiens de source sûre que Sabina montera sur le podium !
Et nul doute qu’elle serait également entourée de ses cerbères — ou au moins de l’éternel Clive ! Qu’à cela ne tienne ! pensa-t il en serrant les poings malgré lui. Ce soir, il avait la ferme intention de voir Sabina et rien ni personne ne pourrait l’en empêcher.
Il s’apprêtait à répliquer lorsque la musique monta d’un cran. Le défilé allait enfin commencer !
— Tout de même, ce n’est pas trop tôt, marmonna-t il en se calant sur son siège, troublé à l’idée de voir bientôt apparaître Sabina.
Durant une bonne heure, des femmes toutes plus belles les unes que les autres défilèrent sur l’estrade, vêtues de tenues parfaitement excentriques et maquillées de façon tout aussi extravagante… mais point de Sabina !
— Elle est ici, je te le jure, chuchota Chloe en percevant nettement sa tension.
A cet instant, les lumières changèrent, la musique se tut. On annonça le final de la première partie.
Sabina… !
La magnifique, la mystérieuse, l’aristocratique Sabina parut enfin. Elle était sublime dans sa robe en soie miroitante couleur nuit de Chine, dont l’étoffe moulait de façon fort suggestive son corps de déesse. Tel un cygne bleu, elle semblait glisser sur le plancher lustré. Ses cheveux étaient remontés en un haut chignon futuriste et ses yeux sertis dans un ingénieux loup fait de khôl et de poudre, en harmonie avec le ton de sa robe.
Lorsqu’elle arriva au bout du podium, elle ne regarda ni à droite ni à gauche, mais le merveilleux sourire qu’elle adressa au public scintillait autant que le tissu de sa robe sexy.
Brice était trop sidéré pour applaudir à l’unisson avec le reste de la salle. Jamais Sabina ne lui avait paru si belle…
Et, hélas, si distante, si inaccessible !
Pour la première fois, il la voyait dans son monde à elle, un monde où elle était la reine. Et il eut soudain l’impression de poursuivre une chimère.
Désemparé par cette constatation, il ne s’aperçut pas que les lumières s’étaient rallumées et que Sabina avait déjà quitté le podium.
— Veux-tu que nous allions en coulisses ? proposa alors Chloe. Brice… ?
Il sursauta, secoua la tête et, esquissant un triste sourire, répondit :
— Je me fais réellement des illusions. Son univers, c’est celui des strass et des paillettes.
— Non, je ne crois pas, rétorqua Chloe. La plupart des mannequins que je connais n’aspirent précisément qu’à fuir ce milieu lorsque leur travail est terminé. Et la plus grande partie échangerait volontiers leur gloire contre une vie normale, aux côtés d’un mari attentionné.
— Sabina a déjà ce genre de choses, répliqua-t il, le visage sombre.
— Penses-tu réellement que l’oncle de David soit un homme attentionné ? Pour moi, c’est un être froid et distant.
— Visiblement, il plaît à Sabina.
D’ailleurs, même si Latham lui était fort désagréable, il était prêt à faire le sacrifice de le revoir le week-end prochain… si du moins Sabina venait.
Ah ! Pourquoi le fait qu’elle se rende ou non à la réunion familiale l’obsédait-il à ce point ?
En réalité, ce n’était qu’un prétexte… S’il était venu ce soir au défilé, c’était pour la voir, tout simplement — et non, comme il avait voulu s’en persuader, afin de lui arracher la promesse qu’elle viendrait à la réception.
Oui, dès que ses yeux s’étaient posés sur Sabina, il avait compris qu’il ne trompait que lui. En trois semaines, les sentiments qu’il éprouvait à son égard s’étaient intensifiés, au point qu’il n’était pas certain de pouvoir la revoir sans lui avouer son amour.
— Peut-être serait-il préférable que je parte, déclara-t il subitement d’un air aussi sombre que songeur.
— Mais enfin pourquoi ? demanda Chloe, incrédule, avant de s’exclamer : tiens, bonjour, Annie, comment vas-tu ?
— Bien, bien, répondit la jeune femme qui venait de les rejoindre. Si ce n’est que là-bas, c’est l’anarchie totale.
Elle se tourna alors vers Brice.
— Vous êtes Brice McAllister, n’est-ce pas ?
— Oui, fit-il, étonné.
— J’ai quelque chose à vous remettre, dit-elle en lui tendant une enveloppe. Bon, j’y retourne !
Là-dessus, elle disparut dans la foule.
Il contempla la lettre, perplexe.
— Eh bien, vas-tu te décider à l’ouvrir ? lança Chloe d’un air curieux. Annie est une maquilleuse. Une de ces magiciennes qui œuvrent en coulisses.
En coulisses…
Cette lettre ne pouvait provenir que de Sabina !
Elle avait donc remarqué sa présence dans le public, alors qu’elle donnait l’impression de ne regarder personne en particulier. Quel professionnalisme !
Pourquoi lui écrivait-elle ? Etait-ce pour l’avertir de ne pas tenter de la voir après le défilé ? Avait-elle deviné ses intentions ? A moins qu’il ne s’agisse de tout autre chose…
Bon sang, il était tétanisé…
— Brice ! le gronda gentiment Chloe. Ouvre-la, tu seras fixé ! Bon, je vais aux toilettes, comme ça, tu pourras la lire tranquillement, d’accord ?
Si Chloe n’avait pas déjà été mariée et profondément amoureuse de son cousin, nul doute qu’il aurait fondu d’amour pour elle, pensa-t il alors affectueusement. Du moins, encore aurait-il fallu que lui-même n’ait pas été éperdument épris de Sabina !
Le cœur battant, il décacheta l’enveloppe.
« Si vous souhaitez me parler, montrez cette lettre à l’un des gardes du corps. On vous laissera passer.
Sabina »
C’était tout. De son côté, elle ne mentionnait nullement qu’elle désirait le voir !
Lorsque, dans le miroir, Sabina aperçut le reflet de Brice qui se tenait sur le seuil de sa loge, elle fut frappée par son expression déterminée. Avait-elle eu raison de lui adresser ce mot ? se demanda-t elle, le cœur serré.
Elle avait été si bouleversée de le voir dans le public, tout à l’heure. Depuis quand Brice s’intéressait-il aux défilés de mode ? Nul doute que, s’il se trouvait au premier rang ce soir, c’était pour la voir elle ! en avait-elle déduit.
A présent, elle n’en était plus aussi certaine…

Tout en continuant à se démaquiller devant le miroir — et en dissimulant soigneusement les doutes intérieurs qui la rongeaient — elle lui demanda :
— La soirée t’a-t elle plu ?
Tout naturellement, elle l’avait tutoyé. Oh, et puis zut ! se dit-elle. Il n’allait tout de même pas s’en offusquer, lui qui avait pris la liberté de l’embrasser.
— C’est la première fois que j’assiste à un défilé, mais il m’a semblé parfait, dit-il en demeurant sur le seuil.
— Et à part ça, comment vas-tu ?
— Ce n’est tout de même pas pour me demander cela que tu m’as envoyé ce mot ?
S’appliquant consciencieusement à retirer le fard de ses paupières, Sabina espérait qu’il ne percevrait pas le tremblement de ses mains.
— Parce que, de ton côté, tu es vraiment venu ici pour assister à un défilé de mode ? répliqua-t elle d’un ton cinglant.
— Tu as des doutes sur mes motivations ?
— Je pense en effet que tu cherches juste à savoir si je serai à la réception qu’organise Hugh, la semaine prochaine.
— Eh bien, y seras-tu ? demanda-t il d’un air de défi.
Elle sentit sa gorge se nouer en constatant qu’elle avait vu juste ! Et dire qu’elle avait espéré que…
Elle aurait pourtant dû s’en douter ! Ces baisers, ce flirt, tout cela, c’était un jeu pour Brice. Un jeu dangereux, certes, mais néanmoins un jeu !
Lui lançant un regard furieux dans le miroir, elle rétorqua :
— Tu sais, je n’apprécie pas le fait que tu me croies capable de blesser ma mère en ne me rendant pas à cette réception.
— Ce qui signifie que tu viendras ?
— Oui, répondit-elle avec agacement, même si cela ne te regarde pas. Bon, c’est tout ce que tu avais à me dire ?
Elle était bien plus furieuse qu’elle ne voulait l’admettre. Il fallait qu’il ait une piètre opinion d’elle pour toujours la soupçonner du pire !
Au fond, qu’espérait-elle ? Qu’elle lui avait manqué ? Que le cœur de Brice avait fait un bond de joie dans sa poitrine quand elle était montée sur l’estrade… tout comme le sien, tout à l’heure, lorsqu’elle l’avait aperçu assis au premier rang ?
— Non, ce n’est pas tout ! déclara-t il dans son dos. As-tu terminé, ou comptes-tu te rendre au cocktail ?
— Je ne me rends jamais à ces ennuyeux et interminables cocktails.
— Et où est l’attentionné Clive, ce soir ?
Elle n’en savait fichtre rien. Néanmoins, elle n’avait aucune envie de le lui dire…
— Il ne travaille pas aujourd’hui.
— Et Latham ?
— Toujours en Australie.
Du moins aux dernières nouvelles !
— Dans ces conditions, tu accepteras peut-être d’aller prendre un verre avec moi ?
Elle hésita. Etait-ce raisonnable ?
Bien que Brice l’ignore encore, sa vie avait radicalement changé durant ces trois dernières semaines. D’ailleurs, personne n’était au courant. Pas même sa mère. Et pour l’instant, elle préférait que les choses demeurent ainsi.
Allons, elle pouvait bien aller prendre un verre avec lui sans qu’il s’aperçoive pour autant des changements survenus dans son existence !
— Je sais ce qui t’est arrivé en novembre dernier, lui annonça-t il tout à trac.
Il avait prononcé cette phrase avec douceur, et pourtant elle eut l’impression qu’il venait de la poignarder. Elle se retourna vivement… pour lire dans ses beaux yeux verts qu’il ne bluffait pas.
— Je suppose que c’est ma mère qui t’a mis au courant ?
— En effet, mais uniquement parce que je l’ai questionnée à ce sujet.
— Ce qui m’est arrivé ne regarde que moi : le public n’était pas censé l’apprendre ! s’écria-t elle.
— Je ne suis pas le public ! s’exclama-t il à son tour. D’ailleurs, dans quelques semaines, nous ferons partie de la même famille.
— Le fait que ma mère épouse ton grand-père ne fait pas de nous des membres d’une même famille ! s’insurgea-t elle.
— A mes yeux, si !
— Libre à toi !
Pour sa part, elle refusait cette vision des choses. Elle se consumait d’amour pour cet homme, et ne voulait pas le croiser lors de fêtes familiales ! Surtout que, tôt ou tard, il s’y rendrait en compagnie de sa future épouse !
— Ecoute, Sabina, je ne suis pas venu ici ce soir pour me disputer avec toi dans cette maudite loge.
— Et où comptais-tu le faire ? demanda-t elle d’un ton à la fois moqueur et meurtri.
— Acceptes-tu oui ou non de venir prendre un verre avec moi ? demanda-t il sans répondre à sa provocation.
Elle le jaugea un instant, prit une grande inspiration.
— J’arrive, décréta-t elle en se levant brusquement.
— Enfin ! Il faudra donc toujours que nous nous disputions, tous les deux ?
— Ne compte pas sur moi pour te faciliter la vie, dit-elle alors dans un sourire mutin.
— Rassure-toi, rien n’est facile avec toi, Sabina.
Quelques minutes plus tard, lorsqu’ils se retrouvèrent dans la rue, elle déclara :
— Prenons ma voiture.
— Ta voiture ? Tu conduis maintenant ? C’est nouveau !
— Pas vraiment ! Cela fait des années que j’ai mon permis.
Elle savait parfaitement à quoi il faisait allusion. Pas au fait qu’elle fût en mesure de conduire, mais à l’absence de limousine avec chauffeur !
C’était pourtant l’un des changements les moins importants qui soit intervenu dans son existence, ces trois dernières semaines…



cocubasha 04-08-09 03:36 PM



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aghatha 10-08-09 12:05 AM

merci ma chere pr ts ces chapitres chui vrament impatiente de voir la fin merci

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 24-08-09 05:02 PM

CHAPITRE 15


— Tu n’es pas la même, ce soir, Sabina, déclara Brice, songeur, tandis que tous deux prenaient place dans le salon d’un grand hôtel londonien. Tu es comme transformée.
A cet instant, on déposa devant eux, sur une table basse, les deux cafés que Brice avait commandés. L’endroit était des plus cosys — mais Sabina décidément fort mystérieuse !
Lisait-il réellement de la méfiance dans son regard par ailleurs fuyant ? Difficile à dire, car le sourire poli qu’elle affichait brouillait les pistes, tel un masque.
— Ah bon ? fit-elle en prenant sa tasse de café. Bah, je suis toujours un peu excitée après un défilé ! Sans doute est-ce pour cette raison que je te donne cette impression.
Ils se turent quelques instants, puis il reprit :
— Tu as une très belle voiture.
— Merci, lui dit-elle en souriant, l’air heureux. J’adore conduire à Londres.
Oui, elle avait définitivement changé, se dit-il. La peur qui semblait l’habiter la première fois qu’il l’avait rencontrée avait disparu. D’ailleurs, à présent, il savait quelle en était l’origine…
— Ne tiens pas rigueur à ta mère des confidences qu’elle m’a faites à ton sujet, lui dit-il en se calant sur la banquette. Elle croyait que nous étions amis.
— Je ne suis pas la première personne connue à recevoir des lettres anonymes, déclara-t elle alors d’un air ennuyé.
— Manifestement, il ne s’agissait pas simplement de lettres. L’individu qui te traquait s’est tout de même aventuré jusque dans ta loge pour t’agresser !
A cette seule pensée, il sentit monter en lui des pulsions meurtrières ! Tout comme cela avait été le cas lorsque Leonore lui avait expliqué l’agression dont Sabina avait été victime, agression qui avait ancré la peur en elle, l’avait transformée en une jeune femme profondément angoissée qui s’effrayait de sa propre ombre et était devenue étrangère aux siens.
Après sa conversation avec Leonore, Brice avait été envahi par une immense colère. Sa première pensée avait été de retrouver le scélérat qui avait osé commettre un crime si abominable afin de lui infliger une bonne leçon.
Insidieusement, un désir plus fort l’avait peu à peu étreint : celui de se précipiter chez Sabina pour la protéger et veiller à ce que jamais un tel malheur ne se reproduise.
Le problème, c’est que Richard Latham assurait déjà la fonction de protecteur auprès d’elle. Comme il enrageait de ne pouvoir prendre sa place !
Evitant toujours le regard perçant de Brice, Sabina déclara rapidement :
— Mon agresseur a accepté d’entrer dans un service psychiatrique pour se faire soigner. Il n’y a pas eu de nouveaux incidents.
Et c’était aussi pour cette raison que l’agression avait pu être passée sous silence ! Evidemment, il comprenait que Sabina préférât éviter toute publicité — même s’il ne pouvait s’empêcher de repenser, le cœur étreint par l’angoisse, à un autre top model qui, deux ans auparavant, avait été agressée dans des conditions similaires et n’avait pas survécu !
— Ecoute, Brice, ajouta-t elle, tout cela, c’est de l’histoire ancienne, alors n’en parlons plus, d’accord ?
— Et les lettres que tu reçois, objecta-t il alors d’une voix rauque, c’est de l’histoire ancienne, peut-être ?
A ces mots, elle devint livide.
Il avait donc vu juste en ce qui concernait la fameuse enveloppe verte, pensa-t il. Il s’agissait bel et bien de courrier anonyme !
— Je n’ai pas l’impression que le séjour en hôpital psychiatrique se soit révélé d’une grande efficacité pour ton agresseur, ajouta-t il.
A cet instant, il vit le pouls de Sabina s’accélérer à la naissance de son cou, et le désarroi que reflétèrent ses traits lui déchira le cœur.
— Brice, je préférerais ne pas reparler de tout cela, dit-elle d’un ton saccadé.
— Je peux le comprendre, concéda-t il. Il n’empêche que cet individu te harcèle toujours, n’est-ce pas ? Il n’attend que la prochaine occasion pour…
— Assez ! s’écria-t elle d’un ton cinglant avant de reprendre d’une voix presque tremblante, cette fois : arrête, Brice… Je ne reçois plus de lettres depuis des semaines.
— Mon intuition me dit pourtant que, la dernière fois que je suis venu à Mayfair et que tu étais alitée, prétendument souffrante, tu venais de recevoir l’une de ces maudites lettres.
Elle lui jeta un bref coup d’œil, avant de détourner le regard, fort mal à l’aise.
— Bien vu, reconnut-elle. Je… C’est la dernière que j’ai reçue.
— Cela fait donc quatre semaines, observa-t il. A quel rythme en reçois-tu d’ordinaire ?
— Tous les quinze jours, à peu près, répondit-elle d’un ton las.
— Il est un peu tôt pour décréter que ces envois ont cessé, tu ne crois pas ?
La colère qu’il ressentait envers leur auteur perçait malgré lui dans sa voix. Soudain, Sabina ouvrit la bouche pour dire quelque chose… mais, au dernier moment, se ravisa.
— Sabina… ? Qu’y a-t il que tu ne peux me dire ? demanda-t il, inquiet, convaincu qu’elle lui cachait quelque chose.
Dans un ultime effort, elle parvint à esquisser un petit sourire, et répondit :
— Allons, Brice, nous ne sommes pas assez intimes pour échanger des confidences.
Cruelle ! pensa-t il alors. Pour sa part, il la connaissait suffisamment pour savoir avec certitude qu’il était amoureux d’elle — et qu’elle l’obsédait en permanence, jour et nuit.
— Merci ! répondit-il, vexé.
— De rien, fit-elle d’un air mutin.
Décidément, il était même incapable de lui tenir ombrage de sa cruauté. Sourcillant, il reprit :
— Manifestement, tu as été fort occupée ces dernières semaines…
Si occupée qu’elle était toujours sortie ou indisponible chaque fois qu’il avait essayé de la joindre !
Brusquement, il la sentit sur ses gardes.
— Tu ne devrais pas t’en étonner, Brice. Je t’ai pourtant dit que mon emploi du temps était fort chargé.
— Effectivement. Note que de mon côté, je n’ai pas chômé non plus.
— Ah bon ? fit-elle en affichant un intérêt poli.
Il se raidit : il détestait ses marques de politesse, il préférait encore ses coups de griffe.
— J’ai fini le portrait, annonça-t il d’un ton abrupt.
— Mon portrait ?
— Evidemment ! De quel autre pourrait-il s’agir ?
Une rougeur colora ses joues tandis qu’elle balbutiait :
— Mais je… je n’avais pas terminé de poser pour toi. En outre, tu… enfin, Richard t’a dit qu’il annulait la commande.
— Tu sous-estimes donc mon talent au point de me croire incapable de peindre un sujet sans l’avoir devant les yeux ?
— Non, ce n’est absolument pas ce que je voulais dire ! Mais pourquoi terminer ce tableau… alors que ton client ne va pas te l’acheter ? Enfin, je présume que je pourrais toujours…
— Il n’est pas à vendre ! trancha-t il.
Il avait terminé ce portrait pour lui, pour son propre salut.
La peindre sur la toile avait été une sorte d’exutoire pour pallier son absence — sa façon à lui de se rapprocher d’elle durant ces trois semaines où il n’avait pu la contacter.
Et puis, sans se vanter, ce portrait était extrêmement réussi. Le visage et le buste de Sabina se détachaient sur le fond de la fameuse chambre médiévale, et l’on aurait dit une vestale auréolée de mystère.
Jamais il ne le vendrait ! A personne. Heureusement que Latham avait renoncé à la commande, car Brice n’aurait su comment lui annoncer qu’il gardait le tableau pour lui !
— Je ne comprends pas, fit Sabina.
— Vraiment ?
— Oui, sincèrement… Que comptes-tu en faire, au juste ?
— Je ne sais pas encore. L’exposer, peut-être.
Pourtant, en formulant cette éventualité, il comprit que jamais il ne pourrait se séparer du tableau — même pour le confier à une galerie réputée à titre provisoire. Non, il allait l’accrocher dans sa chambre, en face de son lit. Ce serait, hélas, son seul moyen d’être proche de la jeune femme !
— Si jamais tu décides de le présenter dans une exposition, fais-moi signe, lui dit-elle. J’aimerais tout de même le voir.
— Tu peux passer chez moi quand tu veux pour l’admirer, rétorqua-t il. Tu seras toujours la bienvenue.
— J’attendrai l’exposition, assura-t elle dans un sourire tendu.
— Comme tu voudras.
L’atmosphère venait subitement de changer entre eux, constata Brice. Sabina semblait avoir perdu la vitalité qui l’animait tout à l’heure. Etait-ce à cause de lui qu’elle s’était départie de cette joie si inhabituelle chez elle ? Si tel était le cas, il le déplorait sincèrement.
— Sabina…
Il s’arrêta tout net en la voyant porter sa tasse à ses lèvres. Car il venait de s’apercevoir d’un autre changement chez elle… ou plus exactement d’une absence qu’il n’avait pas notée jusque-là !
Elle ne portait plus son gros diamant à l’annulaire gauche, l’ostentatoire symbole de ses fiançailles avec Latham !
Sabina posa sur Brice un regard interrogateur, avant de comprendre pourquoi il fixait sa main gauche avec une telle insistance : il était manifestement déconcerté par l’absence de sa bague de fiançailles.
Qu’à cela ne tienne, elle n’était pas à court de justifications ! Elle pouvait affirmer, par exemple, qu’elle la retirait toujours lors des défilés et qu’elle avait tout simplement oublié de la remettre. Ou bien qu’elle l’avait rapportée au bijoutier afin qu’il la retaille car la pierre s’accrochait systématiquement aux vêtements, ce qui lui avait valu de déchirer la dernière création d’un couturier de renom.
Décidément, pensa-t elle non sans dérision, son imagination était fertile !
— Qu’as-tu fait de ta bague ? parvint-il enfin à demander.
A ces mots, elle se mit à fixer à son tour son annulaire gauche, comme si elle venait juste de s’apercevoir qu’elle ne portait pas le diamant…
Comment réagirait Brice si, au lieu d’élaborer un petit mensonge pour justifier l’absence de bague à son doigt, elle lui annonçait qu’elle avait rompu ses fiançailles ?
Sur une impulsion, elle le regarda droit dans les yeux et déclara :
— Je n’ai aucune idée de ce que Richard a pu en faire depuis que je la lui ai rendue.
— Tu as rendu ta bague de fiançailles à Richard ?
Il avait dû reformuler à haute voix les surprenants propos de Sabina pour bien en saisir le sens.
— Oui, je ne me sentais pas en droit de la garder après notre rupture, confirma-t elle.
— Quand la lui as-tu remise ? demanda-t il lentement, d’une voix tendue.
Si elle lui confessait la vérité — c’est-à-dire qu’elle avait rendu la bague à Richard trois semaines auparavant, à leur retour d’Ecosse —, nul doute qu’il se sentirait en partie responsable de la rupture. De fait, il l’était, mais elle était trop orgueilleuse pour le lui avouer de but en blanc.
Elle redoutait qu’il n’en tire une fierté déplacée !
Devant le silence de Sabina, Brice reprit :
— Durant ces trois dernières semaines, je n’ai cessé de téléphoner chez Richard et, à chaque fois, on me disait que tu n’étais pas là.
— C’était tout à fait exact, puisque je n’habite plus chez lui depuis plusieurs semaines, répondit-elle rapidement avant d’ajouter d’un ton fatigué : Brice, il est tard et le défilé m’a exténuée. Aussi, si tu veux bien m’excuser…
Là-dessus, elle fit un mouvement pour attraper son sac, posé près de ses pieds, sur la moquette.
— Non, je ne veux pas t’excuser ! s’exclama-t il. Tu ne peux pas tout simplement te lever et partir après m’avoir annoncé ta rupture avec Latham !
— Et pourquoi pas ? Richard et moi avons rompu d’un commun accord, répondit-elle d’un air détaché. Ce n’est pas la fin du monde, tu sais. Bien au contraire. J’apprécie infiniment d’avoir recouvré ma liberté.
Cette dernière phrase la surprit elle-même, pourtant elle exprimait la stricte vérité. Depuis le soir où elle avait quitté Richard, elle avait senti renaître son ancienne confiance en elle-même. D’un coup, la peur qui la tenaillait depuis des mois avait disparu
— J’aime ma nouvelle indépendance, insista-t elle. J’ai emménagé dans mon propre appartement et, à présent, je fais absolument ce que je veux et je vois qui je veux. J’avais oublié à quel point c’était agréable.
Elle disait vrai. Après son agression, elle avait vécu dans la peur de la récidive, et avait su gré à Richard de la protéger. Elle n’avait pas réalisé alors le prix de cette protection étouffante…
Durant ces trois semaines, elle avait retrouvé toute son assurance. Par ailleurs, son appartement lui plaisait énormément. Elle l’avait meublé avec goût et avait repris une vie sociale, résolue à tourner la page.
La preuve : elle s’apprêtait même à se rendre à la réception de Hugh et sa mère, la semaine prochaine ! Mieux : elle avait téléphoné à cette dernière pour l’inviter à déjeuner, et pour la première fois, les deux femmes avaient échangé des confidences. Elle était certaine de pouvoir compter sur la discrétion de Leonore : celle-ci ne répéterait jamais leur conversation à Brice— et notamment ce qu’elle lui avait avoué à son sujet !
— Je vois, articula-t il enfin, pour le moins déconfit. Dans ces conditions, il n’y a guère de chance que tu acceptes mon invitation à dîner, demain soir ?
Elle était prête à confirmer ses craintes, lorsque, soudain, elle perçut l’intensité de son regard vert…
— Et en quel honneur m’inviterais-tu ? fit-elle, le souffle court.
— Parce qu’il est encore trop tôt pour te demander de passer le reste de ta vie avec moi ! répondit-il alors sur le ton de l’autodérision.
A ces mots, elle écarquilla grand les yeux.
Avait-elle bien entendu ?
Venait-il de dire que… ?
Elle secoua la tête, incapable de prononcer le moindre mot. Brice était-il en train de lui avouer qu’il l’aimait ?
— Si je comprends bien, tu n’es pas d’accord pour passer le restant de tes jours avec moi, n’est-ce pas ? reprit-il alors, se méprenant sur sa réaction. Très bien… Dans ces conditions, je me *******erai d’un dîner.
Il allait bien trop vite pour elle ! Comment était-il passé d’un dîner… à une vie entière ? Avait-elle manqué quelque chose ?
— Euh… Peut-on revenir un tout petit peu en arrière, Brice ? suggéra-t elle alors en lui lançant un regard incertain. Je suis bien consciente que tu as flirté avec moi, ces derniers mois. Tu m’as même embrassée, mais…
— Que les choses soient claires entre nous, Sabina ! coupa-t il d’un ton déterminé. Je ne flirte pas. Je ne l’ai jamais fait, et ne le ferai jamais.
— Mais…, voulut-elle objecter.
— Quant aux baisers… C’était soit t’embrasser, soit te donner la fessée. J’ai opté pour la solution la plus plaisante pour moi !
Elle eut soudain du mal à respirer. Une bulle de bonheur enflait à l’intérieur d’elle-même, tandis qu’elle buvait la moindre de ses paroles. Une bulle fragile, si fragile qu’elle redoutait qu’elle n’éclate…
— Partons d’ici, Brice ! décréta-t elle sur un ton pressant. Allons dans un endroit où nous pourrons parler tranquillement.
Le salon fourmillait encore de monde, en dépit de l’heure tardive. Il la regarda quelques secondes sans répondre, puis demanda :
— Puis-je d’abord avoir ton accord pour le dîner de demain ?
Si ce qu’elle pensait et espérait de toutes ses forces était vrai, alors il pouvait avoir son accord pour bien davantage que le dîner. De peur de se méprendre, elle se garda pourtant de le lui avouer, se *******ant de hocher la tête en signe d’acquiescement.
— Parfait, décréta Brice. Eh bien, allons-y !
Non sans timidité, elle accepta la main qu’il lui tendait, savourant la sensation de sa paume large et chaude pressée contre la sienne tandis qu’il l’entraînait vers la sortie, et qu’ils s’enfonçaient dans la nuit illuminée de Londres.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 24-08-09 05:05 PM

CHAPITRE 16

Jamais il n’avait ressenti une telle nervosité, pensa Brice en remplissant deux verres de scotch. Certes, Sabina avait accepté de venir chez lui, mais il ignorait encore ce qui l’avait poussée à le faire !
Souhaitait-elle le « larguer » ailleurs que dans le salon d’un hôtel de luxe… ou bien nourrissait-elle d’autres projets ?
— Tiens, dit-il en lui tendant le verre qu’il venait de remplir.
Lui-même avala alors une gorgée de whisky pour se redonner du courage. Il se sentait l’âme d’un condamné attendant la sentence.
— Sabina…
— Brice…
Ils avaient parlé en même temps, et chacun s’était arrêté spontanément pour laisser l’autre s’exprimer.
— Toi la première ! décréta Brice, préférant rester debout au lieu de s’asseoir, car il était bien trop nerveux.
Certes, Sabina venait de lui annoncer sa rupture avec Latham, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’il ait une chance auprès elle. D’ailleurs, le fait qu’elle se réjouisse d’avoir retrouvé son indépendance et sa liberté n’augurait rien de bon. Au contraire. Seul point positif : elle avait accepté son invitation à dîner.
Sabina n’avait pas encore touché à son verre. Prenant une large aspiration, elle déclara :
— Brice, je voulais te dire certaines choses avant de… avant de…
De quoi ? se dit-il in petto, à bout de nerfs. De prononcer sa condamnation ? Après toutes ces semaines de stress, il n’était pas certain d’accuser le choc avec élégance !
Même si Latham n’était plus un obstacle entre eux, pourquoi s’intéresserait-elle davantage à lui ? fit une petite voix intérieure de façon bien insidieuse.
— Parle, Sabina ! lui ordonna-t il d’un ton tendu. Je regrette, mais la patience n’est pas mon fort.
— Effectivement, c’est ce que j’ai cru comprendre, rétorqua-t elle en souriant. Bien ! Comme je te l’ai déjà dit, je ne vis plus avec Richard.
Elle le regardait à présent droit dans les yeux — de ses prunelles aussi bleues que l’azur.
— La séparation a eu lieu il y a trois semaines, poursuivit-elle. Lorsque nous sommes revenus d’Ecosse…
— Continue, l’encouragea-t il, le souffle court.
Elle avala une gorgée d’alcool et poursuivit :
— C’est moi qui ai provoqué la rupture, même si Richard en était arrivé aux mêmes conclusions que moi. J’ai alors découvert un Richard que je ne connaissais pas. Un homme résolu à tout, oui, à tout, pour conserver une pièce qu’il considérait comme unique dans sa collection déjà fort vaste.
Ses yeux brillaient de larmes, des larmes qu’elle s’efforçait de retenir.
— Tu affirmais tout à l’heure qu’il était encore trop tôt pour savoir si l’envoi de ces lettres anonymes avait définitivement cessé ou non. Eh bien, je peux te garantir que je n’en recevrai plus…
Elle fit une courte pause, presque hésitante, avant de déclarer :
— Pour la bonne raison que c’était Richard qui me les envoyait !
Brice la fixait d’un air hébété, incapable d’assimiler ce qu’elle était en train de lui dire.
Comment Latham aurait-il pu être le corbeau ? Allons, il fallait être logique !
Tout d’abord, Latham n’était pas le forcené qui avait agressé Sabina dans sa loge, en novembre dernier, pour la bonne raison que ce dernier était désormais interné dans un centre psychiatrique.
Ensuite, il était la personne avec qui Sabina vivait. Il était donc censé l’aimer, la choyer. Et non chercher à la bouleverser en lui envoyant des lettres anonymes.
A moins que ce ne fût précisément le but ! pensa-t il soudain. La bouleverser, la fragiliser… Le propre neveu de Latham ne l’avait-il pas mis en garde contre son oncle ?
— Difficile à croire, n’est-ce pas ? reprit Sabina dans un triste sourire. Moi-même, je m’étonne encore d’avoir pu faire confiance à cet individu. Hélas, c’est la vérité, Brice. Richard et moi nous sommes donc disputés juste après notre retour d’Ecosse… Ce fut une querelle assez violente au cours de laquelle il a fini par m’avouer qu’il était l’auteur de ces lettres.
— Mais enfin, pourquoi ?
— Tu ne devines pas ?
— Je crains que si ! Il voulait que tu demeures dépendante de lui, n’est-ce pas ? déclara Brice avec amertume. Après l’agression, tu étais extrêmement vulnérable et très sensible à la gentillesse trompeuse de Latham…
— Effectivement, admit Sabina. En vérité, jamais nous n’avons été amoureux, Richard et moi. Nous… nous avions passé un contrat. Lui me protégeait et moi…
— Toi, tu devenais son bien, un objet rare qu’il exhibait à son bras.
— Exact, avoua-t elle tristement. J’étais dans un tel état de faiblesse après l’agression !
Elle lui lança alors un regard implorant, comme si elle cherchait sa mansuétude, craignant peut-être qu’il ne la condamne.
— Et de son côté, Latham était prêt à tout pour te garder, enchaîna-t il en sentant monter une sourde colère en lui.
Le salaud ! pensa-t il. Comment avait-il pu ? Comment avait-il osé imposer un tel marché à Sabina ?
— C’est exact, approuva-t elle gravement. Tu faisais allusion tout à l’heure à ta visite, le jour où j’étais alitée… Rappelle-toi : la veille, j’étais venue chez toi alors que je croyais Richard en voyage. Quand je suis rentrée, il était à la maison et a exigé des explications, étant donné que Clive l’avait déjà informé de la situation. Les mesures de rétorsion n’ont pas tardé… Dès le lendemain, il m’a envoyé une lettre anonyme pour me punir de t’avoir vu sans sa permission ! Et moi, naturellement, j’ai été encore une fois dévastée d’avoir reçu des nouvelles du corbeau. Incapable de me lever.
Une expression de profond dégoût apparut sur le visage de Brice alors qu’elle poursuivait, la gorge serrée :
— De fait, je réalise aujourd’hui que je recevais une lettre dès qu’il estimait que j’avais besoin d’un rappel à l’ordre — au cas où j’aurais oublié que j’étais « sa chose » à lui ! D’ailleurs, ces messages anonymes contenaient une phrase récurrente : « Tu m’appartiens. »
— L’ordure, je vais lui régler son compte ! s’exclama-t il alors en serrant les poings.
— Non, Brice, c’est inutile à présent.
— Inutile ? Certainement pas, il va voir de quel bois je me chauffe, je peux te le garantir.
— Non ! trancha-t elle. Cela ne servirait à rien. Je me suis fiancée avec lui pour de mauvaises raisons. J’ai moi aussi ma part de responsabilités dans le sordide marché qui nous liait… Je crois même que si je n’avais pas ouvert les yeux à temps, j’aurais fini par l’épouser. Car, malgré tout, sans être éprise de lui, je l’aimais bien. Enfin… certainement pas de la façon dont je t’aime toi.
A ces mots, la plus vive surprise se peignit sur le visage de Brice. Nul doute que cette fois, il l’avait parfaitement comprise.
Ils étaient décidément logés à la même enseigne ! pensa-t elle alors. Elle partageait son étonnement pour l’avoir elle-même ressenti tout à l’heure lorsqu’il l’avait invitée au restaurant « à défaut de pouvoir passer le reste de sa vie avec elle ».
Elle revenait de si loin ! Si elle avait été incapable de se remettre de son agression, c’était parce que ces lettres lui rappelaient constamment sa vulnérabilité, l’enchaînant par conséquent à son bourreau. Et puis, sans crier gare, Brice était entré dans sa vie, et elle avait commencé à ouvrir les yeux…
Aujourd’hui, elle avait la certitude d’être guérie, même s’il lui était encore fort douloureux de penser que Richard était bel et bien l’auteur de ces lettres. Et surtout, une question la torturait sans relâche : comment avait-elle pu se laisser abuser si aveuglément ?
— Richard est une personne fort étrange, poursuivit-elle doucement sans le quitter des yeux. Sais-tu pourquoi il a soudain décrété que je n’étais plus… parfaite ?
— Serais-je la cause de son revirement ? demanda Brice en sourcillant.
Elle éclata de rire avant de déclarer :
— Eh oui ! Tu es responsable à cent pour cent de cette prise de conscience ! Richard est un collectionneur qui se *******e d’admirer ses biens. Il… nous…
Elle s’interrompit un instant, gênée, avant de reprendre :
— Il est horrifié à l’idée d’avoir un rapport physique avec une autre personne.
— Mais je croyais que…
— A tort, Brice. Notre relation n’a jamais été consommée. Nous faisions chambre à part — même lorsque nous descendions à l’hôtel. Voilà pourquoi cela ne me gênait nullement de ne pas dormir avec lui au château ! Cette clause faisait partie de notre curieux marché. Ou plus exactement, elle en était la condition sine qua non. Au départ, je croyais que c’était par respect pour notre amitié, puis je me suis aperçue que Richard répugnait réellement à tout contact physique.
Une prise de conscience qui l’avait déconcertée, il y avait trois semaines.
Oui, elle avait définitivement passé un contrat des plus étranges avec un déséquilibré mental, et qui plus est, maître chanteur ! Elle devait s’estimer heureuse de s’en être sortie indemne !
— Latham est plus fou que je ne croyais, déclara Brice d’un air méprisant. Néanmoins, cela ne m’empêchera nullement d’aller lui donner une bonne leçon pour qu’il ne s’avise jamais de recommencer.
— Non, je peux t’assurer que je n’entendrai plus parler de lui, affirma Sabina. Richard et moi sommes parvenus à un accord — un autre ! ajouta-t elle non sans dérision. Il restera en dehors de ma vie et de celle de mes amis si je m’engage en contrepartie à ne pas le dénoncer à la police comme l’auteur des messages anonymes que je recevais… Ainsi, nous serons quittes.
— Il s’en tire à trop bon compte !
— Allons, tu oublies qu’il me considérait comme une œuvre d’art et qu’il a été trompé sur la marchandise ! C’est une sacrée punition, pour un esthète.
— Que veux-tu dire ?
— Qu’il me croyait à son image, sensible à la beauté mais insensible au désir physique. Et il a finalement découvert que j’étais attirée par toi !
— Une attirance si réciproque et si forte, qu’il m’est difficile de rester dans la même pièce que toi plus de cinq minutes sans avoir envie de te faire l’amour, déclara subitement Brice, lassé de l’entendre évoquer Latham.
Elle éclata de rire.
— Cinq minutes ? Menteur ! Je constate que cela fait près de quinze minutes que nous discutons ! répondit-elle d’un air provocateur.
— Voilà une négligence impardonnable de ma part, murmura-t il alors d’une voix rauque en s’avançant vers elle. Je t’aime, Sabina. Je veux t’épouser.
— Avant de te répondre, je me dois de t’avouer deux ou trois petites choses, fit-elle d’un air mystérieux.
— Je suis tout ouïe.
— Je veux que tu saches que mes actions ne sont plus dictées par la peur, comme c’était le cas jusque récemment. Je me suis remise de l’agression, et je m’en serais remise bien plus tôt sans l’intervention de Richard. Comprends-tu ce que je veux te dire, Brice ?
— Oui, aucune de tes actions n’est désormais dictée par la peur, répéta-t il docilement… et non sans impatience !
— Parfait ! dit-elle d’un air satisfait. Dans ces conditions, ma réponse est oui !
— Oui, je t’aime… ou oui, je veux t’épouser ?
— Oui, je t’aime et oui, je veux t’épouser ! annonça-t elle sans l’ombre d’une hésitation.
— Je ne suis pas certain de pouvoir te croire, murmura-t il en fermant les paupières, ivre de bonheur.
Sabina se *******a de sourire. Elle non plus ne parvenait pas à le croire ! Pourtant, c’était un fait : Brice et elle s’aimaient et allaient se marier.
— Je suis certaine que je vais trouver un moyen pour t’en convaincre, insinua-t elle alors d’une voix cajoleuse.
— Etes-vous en train de me faire une proposition indécente, mademoiselle Smith ? feignit-il de s’indigner.
— Absolument, monsieur McAllister ! confirma-t elle d’un air assuré.
A cet instant, il l’attira à lui et captura sa bouche dans un baiser passionné. Un baiser qui était le signe d’un véritable amour — de ceux qui durent une vie entière.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 24-08-09 05:07 PM

Épilogue


— Je dois admettre, Logan, que tante Meg a plutôt bien pris les choses, déclara Brice d’un ton amusé avant d’avaler une gorgée de champagne.
Les deux cousins décochèrent un regard simultané à Margaret Fraser, la célèbre actrice, en train de s’entretenir avec Darcy, la femme de Logan, tout en s’attendrissant sur le bébé que cette dernière tenait dans ses bras.
— Et moi qui croyais qu’elle ne se remettrait pas de son statut de grand-mère ! poursuivit Brice. Décidément, tante Meg est bien plus forte que je ne le croyais. D’autant qu’à présent, elle a une belle-mère qui n’a que dix ans de plus qu’elle !
A cet instant, les regards des deux cousins se portèrent vers leur grand-père, un « jeune marié » qui, en compagnie de sa chère épouse, accueillait les invités se pressant à leur réception de mariage.
Leonore était absolument charmante dans son tailleur en satin couleur crème, pourtant le regard de Brice glissa subrepticement vers la ravissante jeune femme qui assumait le rôle de demoiselle d’honneur…
Sabina.
Sa propre femme.
Depuis exactement deux semaines, quatre jours et — il lança un coup d’œil à son poignet — trois heures.
Jamais encore il n’avait connu un tel bonheur !
Croisant son regard, Sabina lui décocha un merveilleux sourire, lui confirmant qu’elle lisait dans ses pensées. Toute ombre avait disparu de ses beaux yeux, seuls l’amour et le bonheur s’y reflétaient désormais.
Même s’il ne l’avouerait jamais à Sabina, Brice avait rencontré Richard Latham pour l’informer que, s’il s’avisait de menacer son épouse de près ou de loin, sa vie serait à jamais brisée. Il avait tout lieu de croire que Latham l’avait pris au sérieux et compris la leçon.
— De quoi parlez-vous, tous les deux ? demanda Fergus en s’approchant nonchalamment de ses cousins, une coupe de champagne à la main.
— Du changement radical intervenu dans le clan McDonald depuis dix-huit mois, répondit Logan. A la grande joie de tous.
— C’est vrai, commenta Fergus. Il y a d’abord eu le mariage de ta mère avec le père de Darcy. Puis le tien avec Darcy. Le mien avec Chloe, la naissance de notre petit garçon. Et ensuite, grand-père qui nous prend de court ! Sans parler de ce petit cachottier, à nos côtés…
Là-dessus, il donna une tape affectueuse à Brice sur l’épaule, avant d’ajouter d’un air incrédule :
— Je serais curieux de savoir ce que tu as pu raconter à cette merveilleuse créature pour la persuader de t’épouser !
— Seuls mon charme et mes regards irrésistibles ont opéré, assura Brice, moqueur.
— Vraiment ? fit Fergus.
— Oui, c’est atavique.
— Et de qui aurais-tu hérité cette incroyable séduction ? s’enquit Logan.
— De grand-père, évidemment !
Les trois cousins éclatèrent de rire et reportèrent alors toute leur attention sur le patriarche de leur famille, rayonnant de bonheur au bras de sa nouvelle épouse.
— Cela fait un bien fou de le voir à nouveau heureux, déclara Logan.
— Ça oui ! renchérirent Fergus et Brice.
— Vous avez l’air fort satisfaits de vous-mêmes, déclara Chloe en s’approchant du trio.
— Effectivement, approuva Darcy tout en tendant à son mari leur petit garçon qui voulait aller dans ses bras.
— Et pourquoi ne le seraient-ils pas ? demanda alors Sabina de sa belle voix rauque en passant le bras sous celui de ses deux cousines par alliance. Ils ont toutes les raisons de l’être… puisqu’ils sont mariés avec nous !
Là-dessus, elle leur décocha à tous un sourire délicieusement malicieux.
Brice lui adressa pour sa part un regard empli d’amour et de fierté. Son cœur débordait d’allégresse. Il était bien plus que satisfait, il était comblé !
Aux anges… avec l’un des plus gracieux d’entre eux.



- FIN -

ruba 24-08-09 06:54 PM

Merci riham. y3tiki alf 3afye

:flowers2: :flowers2: i

Ramadan Karim sweety

aghatha 25-08-09 03:55 PM

merci de ts mon coeur soeurette t geniallllllllllllllllllllllllllllllle

ÚÈíÏÉ ÒÈíÏÉ 28-01-11 10:59 AM

ÔßÑÇ Úáì ÇáÑæÇíÉ ÇáÑÇÆÚÉ

romantiqua 03-02-11 06:18 PM

[COLOR="Magenta"]merci c'est magnifique :55:]pourtant j'ai des romans en français et en arabe et je n'arriva pas à les telecharger car mon scanner est en panne
comment puis -je faire pour les partager avec vous
?


ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 01:59 PM.

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