ãäÊÏíÇÊ áíáÇÓ

ãäÊÏíÇÊ áíáÇÓ (https://www.liilas.com/vb3/)
-   ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ (https://www.liilas.com/vb3/f387/)
-   -   ÍÕÑí Un couple de rêve, de Helen Bianchin (https://www.liilas.com/vb3/t105744.html)

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 21-02-09 04:21 PM

Un couple de rêve, de Helen Bianchin
 
Un couple de rêve,
de Helen Bianchin



Cela fait bientôt trois ans que Tasha partage la vie de Jared North, le plus célèbre avocat de Brisbane – un homme au physique d’athlète, et au pouvoir de séduction aussi puissant qu’irrésistible. Nombreuses sont d’ailleurs les femmes qui partagent cet avis : il suffit que Tasha s’éclipse quelques minutes, lors d’une soirée mondaine, pour qu’une nuée d’admiratrices se précipitent auprès de Jared… Mais le jeune femme est confiante. Avec Jared, elle vit une passion intense et exclusive, et leur couple est limage même du bonheur. Une image peut-être trompeuse, car en réalité, cet homme qu’elle aime plus que tout au monde ne lui a jamais demandé sa main… ni avoué son amour. Et à présent qu’elle est enceinte, Tasha redoute une seule chose : que Jared la demande en mariage seulement poussé par le devoir.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 21-02-09 04:23 PM

chapitre 1
Tasha sentit la tête lui tourner. Elle s’appuya un instant contre la portière de sa voiture et tenta de rassembler ses esprits. Enfin, elle tourna la clé dans la serrure et se glissa derrière le volant. Encore sous le choc, Tasha demeura immobile, inconsciente du temps qui s’écoulait. Elle fixait le pare-brise d’un regard absent, tandis que les mots du médecin résonnaient dans sa tête.
Enceinte de huit semaines…
Comment pouvait-elle se retrouver enceinte, grands dieux ?
Levant les yeux au ciel, elle laissa échapper un long soupir. Comment… Elle ne le savait que trop, même si elle ignorait encore une heure plus tôt qu’une telle farce fût possible. Car depuis toujours, elle avait pris sa pilule avec une régularité d’horloge, sans jamais l’oublier.
Hélas, aucun contraceptif n’était infaillible, avait souligné le médecin en récapitulant les causes possibles d’échec. Et parmi celles-ci, une grippe intestinale qui avait cloué Tasha au lit se trouvait être la plus plausible : pendant quelques jours, elle n’avait rien pu garder dans l’estomac. Rien, donc pas plus la pilule que le reste. Cette interruption avait perturbé tout le système de contraception…
Seigneur… Tasha renversa la tête en arrière et gémit : que faire, dans une telle situation ?
Elle avait vingt-sept ans, exerçait la profession de conseiller juridique et financier, et ses premiers succès laissaient présager une carrière très prometteuse. Sous peu, elle pouvait espérer créer son propre cabinet avec des associés… Sa vie était planifiée, jusque dans les moindres détails.
Et une grossesse n’était franchement pas prévue au programme. Elle ferma les yeux. Soudain, son cœur fit un bond.
Jared… Quelle serait sa réaction ?
Une seule chose était certaine : il serait aussi surpris qu’elle ; peut-être même plus.
Une paternité ! Comment allait-il accepter ?
Du simple soutien au refus catégorique, de la stupeur à la colère, de l’accueil chaleureux à l’enthousiasme : elle passa en revue l’infinité de scénarios possibles. Il y en avait un, pourtant, auquel elle n’entendait pas souscrire : interrompre cette grossesse. Etrangement, elle sentait vibrer en elle un instinct qui balayait définitivement cette option. Sans doute était-ce cet instinct qui guidait en cet instant sa main sur son bas-ventre, en un geste protecteur.
Bien sûr, cet enfant était celui de Jared, mais il était aussi le sien ! Quoi que le père en pense, elle garderait le bébé. La vie d’une mère célibataire n’avait rien d’un long fleuve tranquille, elle s’en doutait, mais elle ferait face.
Mais elle allait un peu vite… Et si Jared offrait de l’épouser ? Non, mieux valait ne pas rêver. Sans doute envisageait-il leur relation sous l’angle d’une certaine permanence mais enfin, ce n’était qu’une liaison, aussi régulière qu’elle pût être. Une forme de fidélité, certes, mais sans l’engagement du mariage.
Jusqu’à présent, cet arrangement lui avait convenu.
Aujourd’hui, une nouvelle vie était à envisager… Des décisions s’imposaient. Alors seulement, Tasha pourrait se représenter le nouveau cours de sa vie.
Sans réfléchir, elle sortit son portable de son sac et composa un numéro. Mais elle annula aussitôt l’appel. Jared devait plaider dans l’après-midi et son portable serait déconnecté. Il ne fallait pas compter lui parler avant le soir.
D’ailleurs, pareille annonce requérait un tête-à-tête, sûrement pas un coup de téléphone !
Tasha imaginait déjà un dîner aux chandelles, lors duquel elle porterait une tenue séduisante, à la limite de la provocation… La grande nouvelle viendrait au dessert.
Mais dans ce cas, elle devrait la remettre au lendemain soir. Un juron très peu féminin passa sur ses lèvres : ils étaient pris pour la soirée ! Il s’en était fallu de peu qu’elle ne l’oublie : la confrérie des juristes organisait l’un de ses nombreux dîners, et la profession comptait sur leur présence.
Tasha voulut chasser de son esprit diverses visions cocasses et absurdes : pourquoi ne pas faire son annonce au milieu des grands pontes du barreau, entre la poire et le fromage, dans le salon du grand hôtel ? Jared risquait d’en avaler de travers ! Mieux valait se montrer plus diplomate. Pourquoi, alors, ne pas acheter une paire de petits chaussons blancs et les placer sur son oreiller ? Ne serait-ce pas faire preuve de subtilité ? Jared apprécierait beaucoup…
Inconsciemment, les pensées de Tasha dérivaient vers celui qui était cause de tant d’interrogations… et finalement, elle ne savait plus si elle devait en rire ou en pleurer.
Jared North était l’un des avocats d’affaires les plus en vue de Brisbane — capitale du Queensland. Tout ce qui comptait sur la côte Est de l’Australie le connaissait au moins de nom. Il allait sur ses quarante ans et pouvait se prévaloir d’une expérience éprouvée ; dans son domaine de prédilection, il savait se montrer brillant. Ses talents d’orateur réduisaient à sa merci les criminels les plus endurcis, pulvérisant au passage les plaidoiries de leurs défenseurs.
Leur rencontre remontait à trois ans, lors d’un dîner de la confrérie. La réputation de Jared l’avait bien sûr précédé, mais si Tasha avait vu sa photo dans maints magazines, rien ne l’avait préparée au choc qu’elle avait reçu ce soir-là.
Un seul regard avait su la faire chavirer. Grand, doté d’une ample carrure, Jared se distinguait de ses collègues par une élégance naturelle, une façon inimitable de porter le costume. La nature l’avait gratifié de traits rudes mais réguliers et d’une mâchoire forte qu’adoucissait un nez parfaitement droit. On aurait dit une statue antique : il avait un profil admirable, un corps musclé, la peau mate, ce qui lui donnait un air presque latin, dû, d’après la rumeur, à une ascendance maternelle andalouse. Mais ce qui retenait l’attention des femmes, c’était son regard profond, dont l’éclat révélait un fin connaisseur des choses de l’amour. Derrière la façade sophistiquée de l’homme du monde, on devinait une sensualité innée, et son goût pour les passions débridées.
Et le regard qu’il avait lancé à Tasha avait quelque chose de si troublant qu’elle avait préféré ne pas s’interroger sur ce qu’elle ressentait. Elle s’était laissé porter… comme si la pièce et tous ses occupants avaient disparu. Elle avait toisé cet homme et son regard de braise, qui lui fouettait le sang et déchaînait son cœur.
Posément, sans se presser, il s’était dirigé vers elle. A l’occasion d’une rencontre, il avait échangé quelques mots avec un collègue mais ses yeux ne l’avaient pas quittée. Le souffle court, Tasha avait attendu qu’il la rejoigne.
Aujourd’hui, elle était incapable de se rappeler clairement leur conversation. Ne demeurait dans son esprit que le timbre profond de sa voix, dont les inflexions subtiles lui avaient signalé une éducation à l’étranger. Elle s’était laissé envoûter par sa bouche aux courbes sensuelles, et par la chaleur que dégageait son sourire.
C’était un homme au charme dangereux qu’elle avait en face d’elle, intelligent et astucieux. D’instinct, elle avait senti l’ascendant qu’il allait prendre sur elle.
Après trois mois d’une cour assidue, Jared avait suggéré qu’ils s’installent ensemble. Tasha avait préféré s’imposer un délai de six mois supplémentaires, ne souhaitant pas s’engager prématurément dans une relation dont le socle était une passion charnelle à l’avenir incertain. Mais depuis, deux ans s’étaient écoulés, et elle partageait le luxueux appartement de Jared au cœur de Brisbane, dans l’un des quartiers les plus prestigieux, et qui donnait sur le fleuve.
C’était une vie agréable. Et même plus que cela… Ils se consacraient tous deux à leurs carrières respectives et fréquentaient beaucoup leurs pairs, sans que cela les empêche de trouver du temps pour eux. Un appartement au bord du Pacifique, sur la Côte dorée, toute proche, leur donnait l’opportunité de s’échapper de temps en temps. Il suffisait d’une heure de route, plein sud, et la plage était à eux. Le soleil, le sable et le repos leur permettaient de décompresser, l’espace d’un week-end.
Une existence de rêve… au cours de laquelle, à aucun moment, le mot de mariage n’avait été prononcé.
Et Tasha ne voulait surtout pas qu’on le prononce, à moins que ce ne fût pour la seule raison possible : l’amour. Le vrai, l’éternel.
La sonnerie de son biper la rappela désagréablement à la réalité. Elle lut le message et reprit son portable pour contacter le bureau.
Quelques instants plus tard, elle mettait le contact et guidait avec souplesse sa BMW hors du centre médical, en direction de l’artère principale de Brisbane.
C’était une journée superbe, au ciel d’azur ponctué de quelques touches d’ouate blanche. Les pelouses, d’un vert luxuriant, les fleurs déjà épanouies et la chaleur du soleil : tout promettait l’été pour bientôt.
Brisbane se découpait au loin. Ce splendide ensemble d’architecture moderne était taillé dans le béton, le verre et l’acier. Les bâtiments résidentiels et les bureaux du cœur de la ville pointaient vers le ciel. Le fleuve majestueux était au centre des regards, et constituait le principal centre d’intérêt avec l’université, le centre d’arts et la rive sud, toujours pleine d’animation.
Quelques minutes plus tard, Tasha atteignait l’un des quartiers les plus chics. Elle se gara sur un parking privé et prit l’ascenseur qui menait à son bureau, au quinzième étage.
La jeune femme de la réception ressemblait à un mannequin. Tout le personnel se devait de refléter l’image impeccable de l’entreprise. Amanda apportait tout particulièrement une précieuse contribution à cette fin. Sans parler de son efficacité.
— Votre rendez-vous de 14 h 30 est reporté, mademoiselle. Vous trouverez un message sur votre bureau.
— Merci, Amanda…
Malgré ses préoccupations, Tasha s’arrangea pour sourire.
Le travail pouvait s’avérer une distraction nécessaire aux pensées qui l’obsédaient : elle vérifia ses rendez-vous sur son agenda, s’assura auprès de la secrétaire que celle-ci avait bien préparé tous les papiers nécessaires, et donna ses instructions pour quelques réponses par téléphone.
Deux consultations de clientèle et une réunion terminèrent sa journée de travail. Elle en vit venir la fin avec soulagement, car il lui semblait que ses facultés de concentration s’étaient subitement évaporées.
Elle tentait de se contenir, mais à plusieurs reprises, l’image d’un minuscule fœtus vint s’imposer à son esprit.
Si petit, et si vivant !
Pendant un instant, au moment de partir, elle resta tétanisée, consumée par un sauvage instinct de protection qui défiait toute rationalité.
Puis, la routine reprit ses droits, et elle examina quelques notes pour préparer la réunion du lendemain. Finalement, elle s’empara de son ordinateur portable, quitta le bureau et retrouva l’ascenseur, en direction du parking.
C’était l’heure de pointe, et le trafic était comme d’habitude bloqué … Tasha prit son mal en patience.
Un avertissement sonore du portable la prévint d’un message. Profitant d’un feu rouge, elle le lut. Il venait de Jared : « Retardé d’une heure. »
En était-elle irritée… ou soulagée ? Si une partie d’elle-même voulait fièvreusement s’assurer de la réaction de Jared, l’autre la redoutait.
Ce qui était stupide, se dit-elle après avoir garé sa voiture, en prenant la direction de son appartement.
Situé en haut de l’immeuble, il s’agissait d’un duplex à toit vitré – l’un des deux seuls que comptait la résidence de prestige, donnant sur le fleuve et les beaux quartiers.
L’appartement était spacieux, carrelé de marbre couleur crème, et les verrières allant du sol au plafond, teintées pour ne pas fatiguer les yeux, dispensaient une lumineuse clarté. De magnifiques tapis d’Orient, un ameublement moderne en bois clair, et quelques œuvres d’art contemporain qui dispensaient de chaleureuses touches de couleur donnaient à l’ensemble un caractère de luxe et de simplicité.
Le salon, ainsi que la salle à manger, étaient vastes, la cuisine et les parties utilitaires bien conçues. La chambre principale, avec son lit immense et une salle de bains attenante, constituait une suite de rêve. Les trois pièces suivantes se partageaient entre le bureau de Jared, une véritable bibliothèque de références légales équipée d’un ordinateur, celui de Tasha, avec canapé convertible, et la deuxième suite à l’usage des invités.
Tasha se dirigea vers la cuisine et sortit du réfrigérateur une bouteille de jus d’orange et du fromage. Elle but à longs traits et se coupa un morceau de gruyère qu’elle grignota sur un biscuit salé.
Cela faisait quelques jours qu’elle avait remarqué cette tendance à grappiller de petits en-cas, à toute heure du jour. Etait-ce un des symptômes de la grossesse ?
Il lui faudrait se procurer un livre et étudier le déroulement de ces neufs mois, se dit-elle en se rendant dans la chambre.
Choisir la tenue de la soirée n’était pas bien complexe, et elle sortit du dressing un élégant complet noir qu’elle posa sur le lit, avant de prendre sa douche.
Quand elle sortit, rafraîchie, une serviette drapée autour de sa mince silhouette, elle décida de se faire un brushing. Les ondulations de sa chevelure blond cendré descendaient jusqu’à ses épaules. Elle les releva en un chignon sophistiqué.
Elle passa ensuite au maquillage, et choisit des teintes subtiles pour illuminer l’éclat doré de ses yeux noisette. Il ne lui restait qu’à enfiler des sous-vêtements de soie et à s’habiller.
Enfin, elle chaussa une paire d’escarpins noirs, dont les talons ajoutèrent quelques centimètres à sa taille plutôt modeste. Debout devant le miroir, elle accrochait un pendentif à son cou lorsque Jared entra.
Son regard accrocha le sien, et Tasha fut troublée par la chaleur que dégageaient ses yeux gris sombre, presque noirs.
Sa veste jetée sur une épaule, Jared entreprit de défaire sa cravate et d’ôter ses boutons de manchettes.
Son menton portait une ombre légère, révélatrice : il faisait partie de ces hommes qui doivent se raser deux fois par jour. Cela ajoutait à son charme, en lui prêtant une allure presque inquiétante… et dangereuse au possible pour Tasha ; Jared lui faisait décidément de l’effet…
Elle tressaillit. La passion qu’il lui inspirait, même sous ses formes les plus douces, la liquéfiait littéralement. Un seul regard, et elle était perdue.
Il la rejoignit, un sourire intrigué aux lèvres.
— Laisse-moi attacher cela pour toi.
Il était bien proche d’elle, soudain. Un frisson la parcourut alors que les doigts de Jared frôlaient sa peau et qu’elle sentait son souffle sur sa nuque, l’odeur subtile de son eau de Cologne, ainsi que cette émanation virile qui n’appartenait qu’à lui.
Au moment où il fit longuement remonter ses mains sur ses épaules, elle tourna la tête et reçut dans le cou l’empreinte légère d’un baiser.
— Tu es belle.
Elle perçut l’altération rauque de sa voix. Délibérément, elle s’écarta.
— Il faut que tu prennes ta douche maintenant, sinon nous serons en retard…
Un petit silence suivit. Jared la fit pivoter vers lui.
— Rude journée ?
La demande était formulée d’une voix douce.
— On peut le dire comme cela, oui, répondit Tasha d’un ton aussi neutre que possible.
— Tu veux qu’on en parle ?
Elle se déroba :
— Nous n’avons pas le temps.
Jared lui saisit le menton, et releva son visage vers le sien.
— Il suffit de le prendre.
Non, cela serait trop long si elle voulait annoncer la grande nouvelle correctement. Il ne faudrait alors rien qui pût les distraire, aucun horaire à respecter.
Si elle commençait, Jared retarderait leur départ aussi longtemps que nécessaire, elle le savait. Et cette idée la rendait heureuse.
Mais d’autre part, la présence de Jared à cette soirée était considérée comme indispensable. Faire défaut sans raison avouable serait nuire à sa réputation.
Elle parvint à afficher un faible sourire.
— Oui, mais… cela peut attendre.
Jared lui jeta un regard dubitatif, incapable de traduire le sentiment que lui procurait la curieuse expression de Tasha.
— Vraiment, l’assura-t elle.
— Comme tu voudras.
Il avait capitulé. Tasha laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu’il jeta sa veste sur le lit et commença à se déshabiller.
*
* *
Une demi-heure plus tard, elle se glissait sur le siège passager de la Jaguar dernier modèle de Jared. Elle garda le silence alors qu’ils remontaient la rampe du parking et s’infiltraient dans le trafic.
Elle avait obtenu un délai. Mais pas pour longtemps. A la fin de la soirée, Jared devrait affronter la réalité… et accepter le choix de Tasha.


**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 21-02-09 04:26 PM

chapitre 2

La soirée donnée par la confrérie des juristes se déroula comme à l’ordinaire : dans le faste. Cadre magnifique et mets d’exception étaient la règle d’or. Un assortiment de canapés délicats, confectionnés par un célèbre traiteur, était présenté par un aréopage de serveuses en uniforme. Des maîtres d’hôtel à la tenue irréprochable circulaient, emplissant discrètement coupes de champagne et verres de jus d’orange.
L’élégance était de rigueur. Tasha observait les couples : les hommes arboraient des costumes sombres, sur lesquels tranchaient les taches vives des robes de soirée de leurs compagnes. C’était ravissant…
Il y avait pléthore de collègues avec qui discuter ; Tasha appréciait ces soirées, ces conversations plaisantes au cours desquelles on passait de groupe en groupe… La politesse exigeait qu’on ne négligeât personne. Mais elle n’oubliait pas pourquoi cette soirée importait tant pour elle.
Tasha était plus étonnée encore que flattée d’avoir été contactée par l’une des figures les plus éminentes de la confrérie, en vue d’une éventuelle association. L’homme était de ceux dont les gens recherchaient la compagnie, parfois de manière obséquieuse. Comme le petit cercle qui, ce soir, tentait de retenir l’attention de Jared…
Lui ne se départait pas d’un professionnalisme souriant, n’oubliant jamais le nom d’une société avec laquelle il avait travaillé. Il était extraordinairement à l’aise.
— Comment parviens-tu à te souvenir de tous ces gens ? chuchota Tasha.
Un léger sourire apparut au coin de la bouche de Jared. Ses yeux sombres gardaient une lueur secrète.
— Il suffit d’entraîner sa mémoire.
Qualité perfectionnée au fil des ans, de manière à en faire une arme, redoutée de ses rivaux et admirée de ses amis.
Tasha grignota un canapé et prit une gorgée de jus d’orange. Habituellement, elle préférait le champagne…
Le dîner fut annoncé, et s’avéra aussi éblouissant par le raffinement des plats que par l’intérêt des conversations. Tasha dégusta avec bonheur son dîner français, fin et savoureux. Elle avait très faim… évidemment ; inutile de se demander pourquoi. Et ces petites cailles servies avec raisins et navets enchantaient ses papilles.
Il y eut les discours d’usage que Tasha suivit avec intérêt. Nombre de ses interlocuteurs appréciaient chez elle sa distinction naturelle et son éloquence spontanée. Si Jared remarqua une différence dans son attitude, il n’en laissa rien paraître, sinon en lui lançant quelques regards appuyés, parfois interrogateurs, dont Tasha prit conscience à plusieurs reprises.
Il était constamment à ses côtés et elle baignait dans la chaleur de son sourire. Sa main, légère mais présente, quittait rarement sa taille.
Dès que Tasha levait les yeux vers lui, son sang battait plus fort à ses tempes, et elle éprouvait une contraction très familière au tréfonds de son être. C’était sans doute une forme de folie, dont la douceur inquiétante et sensuelle consumait son corps, annihilant toute volonté.
Les paumes larges de Jared pouvaient lui faire perdre la raison… Quant à sa bouche… Seigneur, rien que de penser à sa bouche sur sa peau, elle avait les sens en feu.
Comme s’il devinait le cours de ses pensées, il enlaça ses doigts aux siens. Du pouce, il caressa sa petite veine du poignet et elle referma sa main sur lui, laissant ses ongles mordre légèrement sa peau.
Savait-il le trouble dans lequel il la jetait ? A n’en pas douter, oui… Elle était sienne depuis le premier jour, piégée par le magnétisme de son charme unique, par la puissance virile qui émanait de lui. Et Jared le savait.
La question qui valait d’être posée, et dont la réponse seule comptait vraiment était celle-ci : quel effet avait-elle sur lui ? Ce qu’ils partageaient, sexuellement, était une réussite. Mieux que cela. C’était éblouissant. Elle aurait parié sa vie sur le fait qu’il ressentait la même chose qu’elle. Au cours de leurs étreintes, il perdait vraiment tout contrôle.
Mais était-ce de l’amour ? Ou seulement du désir ? Tasha, tristement, se rendit compte qu’elle ne pouvait trancher.
— Partons d’ici, chuchota Jared d’un timbre un peu voilé. La soirée tire à sa fin, nous avons rempli nos obligations.
Son regard s’aiguisa alors qu’il distinguait les traces de fatigue qui soulignaient ses yeux. Dieu, que Tasha semblait fragile ! Un virus, peut-être ? Il s’inquiéta. Elle avait admis avoir passé une journée difficile : cela ne lui ressemblait pas. Elle se montrait à la hauteur de tous les défis, c’était sa nature.
— Si tu veux, répondit-elle avec un sourire soulagé.
Tasha se prépara à abandonner ce lieu où grouillait une belle société un peu bruyante, pour un tête-à-tête dont l’issue risquait d’être explosive. Sa tension nerveuse grimpa d’un cran.
Les salutations d’usage prirent un certain temps, au terme duquel Tasha retrouva les coussins de cuir de la Jaguar. Jared fit ronronner le moteur. Aux alentours de minuit, ils atteignirent leur appartement. L’heure des sorcelleries, songea Tasha avec ironie.
— Café ?
— Non, merci.
Jared s’approcha et lui prit le menton. Comme elle semblait lasse !
— Je t’ai sentie nerveuse, ce soir ; un peu comme une chatte sur un toit brûlant… Que t’arrive-t il ?
Sous la douceur de la requête perçait une inquiétude bizarre. Presque dérangeante.
Existait-il une manière simple et naturelle d’annoncer la nouvelle ? Certainement pas. Tasha hésitait, reprenant un à un les discours qu’elle avait préparés durant la journée, les ressassant, et les jugeant tous plus ineptes les uns que les autres.
— Tasha ? Dis-moi ce qui se passe, veux-tu ?
Un léger sourire étira les coins de sa bouche.
— As-tu pulvérisé une limitation de vitesse ? reprit-il. Ou fait flamber ta carte de crédit ?
Ce trait d’humour lui fit lever les yeux. Elle secoua la tête. Il passa un pouce sur sa lèvre, enregistra son imperceptible tremblement et comprit que tout effort pour alléger l’atmosphère serait vain.
— C’est grave ?
Oh, Seigneur… S’il savait !
— Est-ce que je vais devoir continuer à te poser des questions indéfiniment, ou vas-tu enfin m’éclairer ?
Toute circonvolution était inutile. Les faits parleraient d’eux-mêmes.
— Je suis enceinte.
Etait-ce la pratique assidue des cours de justice qui lui permettait d’afficher un visage aussi neutre ? Ni choc ni surprise ne s’y reflétèrent. Tasha se crut obligée de poursuivre.
— Le docteur me l’a confirmé cet après-midi. J’avais pris rendez-vous.
Elle eut un geste d’impuissance.
— Ma grippe intestinale a annihilé les effets de la pilule… Au début, j’ai cru à un virus.
Elle avait envisagé bien des scénarios en réaction à son annonce… Mais certes pas le silence de Jared. Elle aurait préféré n’importe quoi à ce mutisme. Toute la journée elle avait été sur des charbons ardents, anticipant ses réactions, et défaite à l’idée qu’un enfant pût mettre fin à leur relation ; et lui restait de marbre, impénétrable.
— Je veux absolument le garder, dit-elle en lui jetant un regard méfiant.
Cet enfant est le mien, hurlait-elle en silence. Mais aussi de toi ! Il n’est pas envisageable de le perdre.
— T’ai-je dit que tu ne devais pas le garder ? dit-il enfin. Nous allons nous marier.
Tasha en resta coite. Elle ne s’était pas attendue à cette réponse. Bouche bée, elle le toisa avant de balbutier, la bouche sèche :
— Pourquoi ? Parce que tu m’aimes ?
— C’est la solution la plus pratique.
Tasha eut le sentiment que son cœur se déchirait, s’éparpillait aux quatre vents.
— Je ne veux pas d’un mariage de convenance. Il n’est pas question d’élever un enfant dans un foyer sans amour.
Les yeux de Jared s’assombrirent.
— Sans amour ? Comment peux-tu dire une chose pareille ?
Un muscle avait tressailli au coin de sa mâchoire.
— L’un d’entre nous a-t il jamais prononcé le mot « amour » ? rétorqua Tasha
Il n’avait pas passé les lèvres de Jared, jamais. Et parce qu’il ne le disait pas, elle ne l’avait pas dit.
— Notre accord sexuel est parfait, poursuivit-elle.
Sur une échelle de un à dix, elle classerait leur relation aux alentours de vingt… Une explosion des sens et de l’esprit. Elle n’avait jamais rien vécu d’aussi intense et doutait d’y parvenir avec qui que ce soit d’autre.
— Nous nous sommes *******és de profiter de ce que nous offrait la vie, sans établir aucun projet.
Elle s’interrompit, le cœur brisé par cette simple évocation.
— En tout cas, une grossesse n’en faisait pas partie. Pas plus que le mariage.
— Maintenant, tu portes notre enfant.
— Cela ne signifie pas que le mariage doive suivre…
— Je pense pourtant que c’est une bonne idée.
Tasha soutint son regard.
— Réponds honnêtement. Si je n’avais pas été enceinte, aurais-tu envisagé de m’épouser ?
S’il te plaît, donne-moi la confirmation dont j’ai besoin plus que tout, implora-t elle silencieusement. Balaie mes doutes, chasse mes craintes en prononçant, un mot, un seul, maintenant !
— Je présume que oui, au bout du compte, dit-il sans que son visage s’animât de la moindre expression.
C’était comme si une lame lui transperçait le cœur. Mais ce n’était pas le moment d’afficher la moindre faiblesse.
— Je ne veux pas de toi pour mari si tu ne me le proposes que par obligation, asséna-t elle enfin, faisant un effort considérable pour empêcher sa voix de trembler.
— Cela fait deux ans que nous sommes ensemble et tu me demandes si je me sens obligé ? répliqua-t il, stupéfait.
Tasha garda la tête haute.
— Deux années d’entière liberté, répondit-elle calmement. Tu aurais pu partir et moi aussi. Ma conception du mariage comprend l’amour, mais aussi le toujours. « Jusqu’à ce que la mort nous sépare »… Si tel était aussi ton désir, tu aurais suggéré notre mariage avant ce soir.
— Et tu interprètes cela comme une volonté de ne pas m’engager, de ne pas instituer légalement un état de fait ?
L’ombre de l’hésitation qu’elle avait senti dans sa voix, et le choix des mots qu’il employait lui fournirent une réponse.
— Oui.
— Tu es sûre de ne pas te tromper ?
S’il savait à quel point elle aurait voulu se tromper ! Elle mourait d’envie de lui avouer son amour. Elle ne voulait rien tant qu’être sa femme, la mère de ses enfants, et ne jamais le quitter ! Mais certainement pas comme un second choix, un pis-aller né d’un devoir moral. Mieux valait être seule que de forcer Jared à une union non choisie.
— Je ne crois pas faire erreur.
— Mais tu n’es pas entièrement sûre.
— Epargne-moi tes subtilités d’avocat. Garde-les pour ta prochaine plaidoirie.
Sans rien ajouter, elle quitta le couloir pour la chambre, dans laquelle elle prit ses affaires de toilette et sa chemise de nuit. Elle allait vers la chambre d’amis quand Jared lui barra le passage.
Le corps de Tasha enregistra une foule de détails : la veste qu’il tenait d’un doigt sur l’épaule, la cravate dénouée, la chemise à demi ouverte… Elle sentit une crispation familière au creux de son estomac et lutta pour garder la tête froide.
— Où vas-tu comme cela ?
— Dormir dans la pièce à côté, répondit-elle en le contournant, sans pouvoir fuir son regard soudain perçant.
— Il n’en est pas question.
Elle eut conscience qu’il se crispait, et parvenait mal à maintenir un contrôle sur lui-même. Et la douceur même de sa voix était dangereuse. Tasha choisit d’ignorer l’avertissement.
— Je ne veux pas faire l’amour avec toi.
Son regard se durcit, et la brusque immobilité de ses traits évoqua l’intensité de la panthère à l’instant de l’attaque.
— Soit, mais je ne vois pas pourquoi cela nous empêcherait de partager le même lit.
Impossible, songea Tasha. Pour qu’elle succombe en un rien de temps ? Elle ne le savait que trop, il suffisait d’un effleurement de ses mains sur ses hanches, de sentir ses doigts fermes cherchant doucement les replis en haut de ses cuisses pour que, même ensommeillée, l’excitation la tourne vers lui dans le noir. Le temps qu’elle prenne pleinement conscience de ce qui se passait, il serait trop tard…
— Ce n’est pas une bonne idée.
— Tasha…
— Non.
Elle leva une main, comme pour signifier l’interdit.
— S’il te plaît, poursuivit-elle. Je veux être seule à présent.
Le « s’il te plaît » signa la défaite de Jared.
— Il nous faut parler, plaida-t il encore.
— Nous venons de le faire.
Sa voix restait égale et calme, alors qu’intérieurement, Tasha se brisait. Elle avait si mal, c’était si douloureux qu’elle en garderait les traces jusqu’à la fin de sa vie.
Le regard de Jared plongea dans le sien et, pendant quelques secondes d’éternité, leurs deux volontés s’affrontèrent. Puis, rompant l’assaut, Jared s’effaça pour la laisser passer.
La chambre d’amis était équipée d’un dressing dans lequel était rangé le linge de nuit. Tasha n’eut qu’à se déshabiller et à faire le lit pour se glisser entre les draps de percale.
Le sommeil ne fut pas long à venir, mais la quitta aux petites heures du matin. Un instant désorientée en découvrant les objets qui l’entouraient, elle dut faire un effort pour se rappeler la raison de sa présence dans cette chambre étrangère. Le lit était plus que confortable, mais il y manquait le corps musclé de Jared contre lequel elle se lovait en dormant. Il la gardait serrée contre lui, même dans la nuit. L’absence de sa chaleur rassurante et du battement régulier de son cœur lui fit éprouver la profondeur du manque. Il percevait toujours le moindre de ses mouvements, et quand elle bougeait dans son sommeil, c’était pour sentir ses lèvres se poser doucement au creux de son épaule.
Cela les menait inévitablement à faire l’amour… L’appétit qu’il avait d’elle, toujours renouvelé, était pour Tasha la plus délicieuse des assurances. Ils semblaient si sûrs l’un de l’autre, sûrs de ce qu’ils partageaient !
« Plus maintenant, dit une petite voix glaciale au fond d’elle-même. Tu as tout gâché. »
Les pleurs gonflèrent alors ses paupières, glissant le long de ses tempes pour aller se perdre dans ses cheveux.
Et elle resta éveillée dans le noir, contemplant d’un regard fixe le plafond jusqu’à ce qu’une lueur grise, la première de l’aube, se glissât entre les persiennes pour redonner forme et contours à la chambre. Peu à peu, les couleurs revinrent. Le jour se levait.
Mais il était encore trop tôt pour affronter la journée. Cependant, si elle essayait de se rendormir, le sommeil la fuirait. Elle pouvait tenter de se glisser dans la chambre de Jared, pour prendre les vêtements dont elle aurait besoin mais cela impliquait de le croiser… et elle préférait que cela ne se produise pas avant qu’ils ne soient tous deux habillés. Il valait mieux attendre 6 h 30, moment auquel il descendait dans sa salle de gym personnelle pour une série d’exercices quotidiens.
En attendant, elle prit une longue douche, espérant ainsi soulager sa fatigue. Il n’en fut rien. Elle brossa alors ses cheveux, si longuement qu’elle en eut mal. Enfin elle fit soigneusement le lit, reprit ses vêtements de la veille, et entra dans la suite où avait dormi Jared.
Le lit portait les traces d’une nuit agitée : les draps étaient froissés, et les oreillers bourrés de coups de poing témoignaient assez du malaise qu’il avait dû ressentir.
Cette constatation lui procura un malin plaisir, et elle se dirigea vers la pièce attenante, dévolue à la garde-robe.
Un large choix s’offrait à elle. Elle sélectionna ses dessous les plus sexy, enfila ses bas les plus fins, et un tailleur qu’elle avait acheté la semaine précédente mais jamais porté. Des escarpins italiens aux talons de huit centimètres vinrent compléter la tenue qui aurait tourné la tête de n’importe quel homme.
Elle n’oublia pas ses produits de beauté, qu’elle plaça dans un sac avant de retourner à la chambre.
Le maquillage mobilisa tous ses soins. C’était une arme… Elle éclaira son regard d’une touche d’ombre à paupières bleue, souligna ses cils de mascara puis releva ses cheveux en un chignon sobre et souple.
Il ne manquait qu’une touche de parfum… Elle adorait le musc, et vaporisa son essence favorite au creux des poignets. Prendre soin d’elle était la meilleure manière d’affronter la journée, quoi que celle-ci pût lui réserver.
Et d’ailleurs, la matinée commençait mal : elle avait espéré quitter les lieux avant le retour de Jared, et elle déchanta en le trouvant assis dans la cuisine, une tasse de café à la main, le journal ouvert devant lui.
Habituellement, après sa gym, il se douchait et se préparait, déjeunant seulement avant d’aller au bureau.
Cette fois, il avait inversé le processus. Et dans sa tenue de sport, les cheveux emmêlés par l’effort, il avait l’air si séduisant que Tasha vacilla.
Quand il releva la tête, son regard la brûla.
— Le café est chaud.
Elle semblait en avoir besoin. Jared n’éprouva aucun plaisir à discerner, sous le maquillage soigné de la jeune femme, les traces d’une nuit aussi mauvaise que celle qu’il avait passée. Tasha s’attabla en face de lui et nappa un toast de miel. Bizarrement, elle avait dédaigné le café et se préparait un thé.
Parle, puisqu’il le faut, s’enjoignit-elle silencieusement. Tu sais pertinemment qu’un compromis boiteux ne te satisfera pas.
— Dans les prochains jours, je trouverai un autre appartement, déclara-t-elle d’un ton calme.
C’était dit. Elle inspira à fond, relâcha progressivement son souffle. Sa gorge était si serrée qu’elle dut avaler sa salive pour dissiper le malaise.
— Tu crois que je vais te le permettre ? dit-il d’une voix beaucoup trop douce.
Elle crut que sa respiration se bloquait et pendant quelques secondes qui s’étirèrent à l’infini, elle fut incapable d’articuler deux mots cohérents.
— La décision n’est pas tienne, parvint-elle enfin à répondre.
— Tu crois ?
Sous les inflexions soyeuses du ton se cachait une menace que Tasha préféra négliger.
— Il s’agit de mon enfant et de mon corps.
— De notre enfant, rectifia-t il. Et de notre décision.
Il se leva, conscient de l’avantage que lui donnaient sa taille et sa stature. Une lueur alarmée venait de passer dans les yeux de Tasha. Cela lui fit du bien. Tout ce qui pouvait jouer en sa faveur était bienvenu.
Mais elle ne reculait pas.
— J’ai déjà décidé.
— On peut revenir sur une décision.
Pour toute réponse, elle consulta sa montre.
— Je dois partir, ou je serai en retard.
Prenant sa mallette au passage, elle quitta l’appartement. L’ascenseur la conduisit à sa BMW et quelques minutes plus tard, elle se retrouvait au milieu du trafic.
Se concentrer sur son travail lui demanda beaucoup de volonté, et quand un conseiller lui fit remarquer qu’elle venait de commettre une erreur, elle posa ses deux mains sur son visage. Il s’agissait certes d’un point mineur, mais en temps normal, elle ne l’aurait pas laissé passer.
En guise de pause-déjeuner, elle se fit monter un sandwich qu’elle avala entre deux coups de fil à des agents immobiliers. Plus vite elle trouverait un appartement, mieux cela vaudrait. Quand elle raccrocha, elle avait rendez-vous pour visiter des logements le soir même après sa journée de travail.
L’après-midi fut tout aussi pénible que la matinée et elle poussa un soupir de soulagement lorsque, après 17 heures, elle se joignit à la foule des employés qui quittaient le bâtiment.
Le premier appartement fut une déception : prestations très insuffisantes et loyer surestimé.
Le second s’avéra plus convenable mais Tasha n’aimait pas sa situation.
— Je peux tout vous avoir si vous êtes prête à y mettre le prix, déclara l’agent immobilier d’un ton arrogant.
Sa façon de procéder déplut souverainement à Tasha, qui le quitta froidement :
— J’ai d’autres appartements à visiter demain. Je me remettrai en contact avec vous, si c’est nécessaire.
Rentrer… Il ne restait que cela à faire, mais Tasha se rendait bien compte qu’elle ne rentrait pas chez elle. Tout, le moindre meuble, appartenait à Jared. Elle ne possédait que quelques bijoux et ses vêtements. Quand elle avait quitté son précédent appartement, elle avait placé son mobilier au garde-meuble.
La vibration assourdie de son portable la fit sursauter. Elle vérifia l’origine de l’appel et son estomac se crispa. Jared.
— Qu’est-ce que tu fabriques ? Où es-tu ?
— A deux pâtés de maisons. J’ai encore un feu rouge à passer et j’arrive.
Elle avait tenté de parler d’un ton raisonnable mais celui de son interlocuteur ne l’était pas.
— Il est presque 19 heures ! Tu n’aurais pas pu appeler pour prévenir de ton retard ?
— Je… je n’ai pas vu l’heure.
Le feu passa au vert, et la file de voitures s’ébranla doucement.
— Il faut que j’y aille.
Et elle coupa la communication sans lui laisser le temps de rien ajouter.
Quand elle entra, Jared l’attendait, les mains dans les poches. La tension de ses traits démentait l’allure soigneusement décontractée qu’il avait adoptée.
— Tu consentiras peut-être à m’expliquer ?
Mentir n’aurait servi à rien. Elle préférait lui dire la vérité.
— J’ai visité deux appartements.
Machinalement, elle commença à détacher les boutons de sa veste mais son geste se figea quand elle se rappela qu’elle ne portait en dessous que les deux triangles de dentelle rouge de son minuscule soutien-gorge.
Elle vit la flamme dans les yeux de Jared, et le durcissement de son regard quand elle se reboutonna.
— Perte de temps. Tu n’iras nulle part.
Calme. Elle devait rester calme.
— Tu ne comptes tout de même pas me dire ce que je dois faire ou pas !
Jared désigna l’appartement d’un geste large.
— Pourquoi déménager alors que nous pouvons partager ceci ?
Et te voir chaque matin, chaque soir ? En vivant séparés, chambres à part, repas en solitaire ? Echanger en se croisant des conversations polies ? Mourir à petit feu…
— Ce n’est pas une bonne idée.
Elle avait réussi à dissimuler son émotion, mais le ton trop doux de Jared faisait vaciller sa volonté.
— Tasha…
Elle lui opposa un mur de fierté.
— Je ne m’opposerai pas à ta venue.
— Tu me laisseras te voir ?
— Pas moi, rectifia-t elle doucement, très consciente du sous-entendu. Tu pourras voir notre enfant.
— Venir quand je veux mais pas rester, c’est cela ?
— Tu pourras le prendre avec toi. Je ne veux pas que cet enfant ait un père en option ou qu’il le croie susceptible de sortir de sa vie à tout moment.
Le regard de Jared se durcit.
— Tu ne penses quand même pas que je ferais une chose pareille ?
— Sans doute pas. Mais ta future femme ne sera peut-être pas ravie d’accueillir l’enfant d’une précédente relation…
— Comme tu seras ma femme, la question semble sans objet.
Tasha leva un sourcil parfait en une interrogation muette.
— Une deuxième offre ? Merci mais non. Je n’accepterai jamais en sachant que si l’enfant n’avait pas existé, tu n’aurais pas formulé la demande.
Un muscle se crispa au coin de la mâchoire de Jared.
— Ai-je jamais écarté l’idée du mariage ?
Il s’en sortait bien, très bien. Mais ne savait-il pas, de par sa profession, l’art d’utiliser les mots à son avantage ? Il pouvait troubler l’adversaire au point de lui faire admettre n’importe quoi.
— Tu n’en as pas eu besoin.
— Sais-tu que tu te montres ridiculement têtue ?
— Vraiment ?
Tasha exhala un bref soupir. Il fallait du courage pour soutenir son regard noir.
— Après tout, c’est bien mon droit d’être têtue ! Et maintenant, si tu veux m’excuser, je dois aller me rafraîchir.
Après un coup d’œil à sa montre, elle continua avec une moue contrite :
— Je suis déjà en retard…
— Pour aller où ?
La voix de Jared n’avait rien de conciliant.
— Héloïse m’a dit au téléphone que Simon partait pour quelques jours. Je lui ai proposé de dîner avec moi.
— Une soirée entre filles, alors ?
— Exactement.
Elle passa devant lui et regagna sa chambre de la veille. Après un brin de toilette et avoir arrangé son maquillage et ses cheveux, elle se dirigea à nouveau vers le salon.
Jared attendait qu’elle ressorte et en la voyant, il sentit la montée familière du désir. Seigneur ! Elle était tout ce qu’il désirait au monde. Il avait besoin d’elle, elle était sienne !
A l’idée qu’un autre homme pouvait l’approcher… pire, qu’elle lui en donnerait le droit !… Il devenait fou de jalousie.
Saurait-elle jamais combien il lui avait été difficile de terminer cette journée, la plus longue qu’il eût jamais connue, lui semblait-il, sans compromettre sérieusement sa réputation professionnelle?
— Tasha.
— Oui ?
Elle s’était retournée sur le pas de la porte, et se tenait très droite en le voyant approcher.
— Tu as oublié quelque chose.
Elle fronça les sourcils. Clés, sac… Non, elle ne voyait pas.
— Ceci, fit-il en effleurant ses lèvres, puis prolongeant leur baiser en une étreinte sensuelle chaudement évocatrice.
En relevant la tête, il sourit de la sentir troublée. S’il la surprenait avant qu’elle ait le temps de relever sa garde, elle répondrait instinctivement, comme auparavant.
— Sois prudente au volant.
Oh, Seigneur… Pourquoi avait-il fallu qu’il se conduise ainsi, se dit-elle en descendant au sous-sol ? Elle sentait encore sa langue caressant sensuellement la sienne, la pression ferme de ses lèvres…
La circulation était lente et elle s’arrêta, le temps d’appeler Héloïse et de la prévenir qu’elle serait en retard.
Il était presque 20 heures quand elle parvint au restaurant.
— Désolée pour le retard, dit-elle en s’asseyant en face de son amie.
La jolie blonde sourit, levant une coupe de champagne à moitié vide.
— Un charmant gentleman m’a fait porter ceci avec ses compliments… au cas où je ne veuille pas passer la soirée seule.
— Tu lui as fait dire que j’arrivais ?
— Oui, mais il y avait de quoi hésiter, répondit Héloïse sur un ton faussement sérieux.
Tasha ravala un éclat de rire. Elle connaissait Héloïse depuis l’adolescence et elles avaient toutes deux partagé fous rires, larmes et confidences. Chacune aidait l’autre quand leurs histoires de cœur tournaient mal. Puis, Héloïse avait trouvé en Simon l’homme de sa vie. Quant à Tasha, elle était enceinte…
Vivement, elle se saisit du menu.
— Quoi de bon ce soir ?
Le sommelier arriva et Tasha demanda une eau minérale.
— Je conduis…
L’excuse était assez mauvaise puisqu’elle prenait toujours un verre de vin. Héloïse leva un sourcil étonné.
— Un seul verre ne te ferait pas grand effet…
Elles choisirent une entrée suivie d’un plateau de fromages et d’une corbeille de fruits.
— Je pensais que Jared serait avec toi…
— Déçue ?
— Non ! C’est rare que nous puissions sortir à deux.
— Sans nos hommes du moment…
— Oh, toi, fit Héloïse d’un ton soupçonneux, quelque chose ne va pas !
— Qu’est-ce qui te donne cette impression ? demanda Tasha en avalant une longue gorgée d’eau fraîche.
— L’habitude d’une vieille amitié ! Vas-tu avouer, ou continuons-nous comme si de rien n’était ?
Après tout, Héloïse finirait bien par le savoir.
— Je suis enceinte.
— Tu plaisantes ? fit son amie, sidérée.
— J’aimerais bien.
— Comment cela, tu aimerais bien ? Enfin, Tasha, ce n’est peut-être pas le moment idéal mais quand même… un bébé ! C’est merveilleux ! A quand le mariage ?
Héloïse s’était penchée, l’œil brillant de plaisir.
— Il n’y en aura pas.
— Pardon ?
— Je ne vais pas épouser Jared.
Son amie repoussa son assiette.
— Il y a un sérieux problème, alors ! Te l’a-t il proposé ?
— Oui.
— Et tu as refusé ? Tu es folle.
Ça, ce n’était pas impossible…
— Je ne veux pas d’un mariage sur commande.
— C’est bien ce que je disais, dit Héloïse avec une franchise sans compromis. Tu es folle. Et têtue, qui plus est.
— Têtue ?
— Mais enfin, Tasha ! C’est pathétique, au bord du ridicule. Sors de tes rêves, et épouse-le !
— Pour me demander combien de temps cela va durer ? Pour craindre de le perdre dans les bras de la première femme qui passe ? On a déjà vu le schéma : le mari laisse femme et enfants à la maison pour pouvoir s’offrir quelques petites escapades… Très peu pour moi.
— Bien des mariages tiennent ainsi.
— Bien des femmes sont assez stupides pour laisser faire.
— Elles y trouvent sans doute leur compte.
— Oui, la sécurité, une belle maison et un portefeuille rempli ? N’est-ce pas un peu cynique ?
— Mieux valent les avantages de l’épouse que le statut temporaire de maîtresse…
— Donc, tu te demandes pourquoi cela ne me conviendrait pas, si c’est assez bon pour les autres ?
— Ton cas est différent. Pourquoi veux-tu que les choses changent entre vous ? Tu adores Jared et il est visiblement fou de toi. Bon sang, vous vivez ensemble depuis deux ans ! D’accord, vous n’aviez pas prévu l’enfant. Et après ? Ce sont des choses qui arrivent. De toute façon, tu souhaites le garder ?
— Absolument.
— Et tu refuserais à cet enfant l’équilibre d’une relation stable, un foyer dans lequel vivent ses deux parents, tout cela par fierté ? Tu devrais faire un stage d’adaptation au réel.
— Si mes souvenirs sont bons, tu as bien attendu le grand amour pour te marier ?
— C’est juste. Mais le chemin jusqu’à l’autel a été semé d’embûches.
Il était vrai que les fiançailles d’Héloïse avaient été secouées de plusieurs tempêtes. Mais Simon et elle avaient su trouver le chemin du port. La magie des premiers jours n’avait pas disparu.
— En ce qui me concerne, soupira Tasha, ce ne sont pas des embûches mais plutôt des obstacles.
— Donc, tu t’en tiens à ta décision première. Je n’en doutais pas, hélas.
Quand elles eurent terminé leur dessert, le serveur vint prendre commande des cafés. Tasha en profita pour changer de sujet.
— Et le travail ?
Héloïse appartenait à une compagnie spécialisée dans les relations publiques. Elle leva les yeux au ciel.
— Une vraie folie. Le vol de Simon arrivera de Tokyo une heure avant que je ne m’envole pour Sydney… Nous aurons de la chance si nous nous croisons à l’aéroport ! Heureusement que nos métiers nous intéressent !
— Et c’est le principal. Vous n’étiez pas faits pour les tâches routinières. On ne peut pas tout avoir.
— Non, soupira Héloïse. Le monde n’est pas parfait.
Il était presque 23 heures quand elles se séparèrent. En ouvrant sa voiture, Héloïse promit :
— Je t’appellerai bientôt pour avoir de tes nouvelles. Prends soin de toi, Tasha, et réfléchis à ce que je t’ai dit.
— J’y penserai.
En regardant son amie s’éloigner, Tasha ne put s’empêcher de penser qu’Héloïse avait peut-être raison.
La nuit était belle, d’un indigo profond parsemé d’étoiles. Leur scintillement se reflétait dans les ondulations du fleuve. La ville était encore animée, à cette heure, joyeuse.
Se punir soi-même n’avait rien d’une expérience agréable, se dit Tasha en prenant la bretelle qui suivait le pont.0
Qu’est-ce qui clochait chez elle ? Pourquoi n’acceptait-elle pas l’offre de Jared en rangeant ses idéaux au placard ? Devenir Madame Jared North, donner une légitimité à son enfant… Bien des femmes se seraient *******ées de cela. Ce que Jared avait à offrir n’avait rien de négligeable. C’était un homme généreux, au lit comme en dehors. Elle savait qu’il tenait à elle : le désir ne pouvait-il pas suffire ? Pourquoi ne pas le considérer comme un substitut acceptable de l’amour ?0
Etait-elle folle d’en vouloir trop ?0
Sans équivoque possible, la réponse était oui.0

sommanha 21-02-09 04:31 PM

ßæíÓ ßÏå æ ÚÇá ÇáÚÇá

ÚÔÑÉ Úáì ÚÔÑÉ íÇ ÓÊ ÑíåÇã

http://cherry-berry.org/images/graph...rs/cute001.gif

ÓæÓæ

ÑíãÇ 21-02-09 04:58 PM

ÑíåÇã ãííííííä ÞÏß íÇ Úã ÇÎÏÊ ÇáÚáÇãÉ ÇáÊÇãÉ ãä ÇáÇÈáÉ åååååååååå

ÊÓáã ÇíÏß íÇ ÞãÑ æÃßííÏ ÇáÕÈÇíÇ íáí ÈíÞÑæÇ ÝÑäÓí ÈÞãÉ ÇáÇäÈÓÇØ ÇáÂä


http://www.liillas.com/up2//uploads/...5c7826ced0.gif

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 21-02-09 05:17 PM

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ sommanha (ÇáãÔÇÑßÉ 1872462)
ßæíÓ ßÏå æ ÚÇá ÇáÚÇá


ÚÔÑÉ Úáì ÚÔÑÉ íÇ ÓÊ ÑíåÇã


http://cherry-berry.org/images/graph...rs/cute001.gif


ÓæÓæ




ãÑÓí íÇ ÞãÑ ÈÇáÊÃßíÏ ÑÇÍ íÕíÈäí ÇáÛÑæÑ ãä ÊÞííãß æÊÔÌíÚß áí
Çááå íÚØíßí ÇáÚÇÝíÉ:rdd10ut5:

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 21-02-09 05:26 PM

[/quote]

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ ÑíãÇ (ÇáãÔÇÑßÉ 1872507)
ÑíåÇã ãííííííä ÞÏß íÇ Úã ÇÎÏÊ ÇáÚáÇãÉ ÇáÊÇãÉ ãä ÇáÇÈáÉ åååååååååå

ÊÓáã ÇíÏß íÇ ÞãÑ æÃßííÏ ÇáÕÈÇíÇ íáí ÈíÞÑæÇ ÝÑäÓí ÈÞãÉ ÇáÇäÈÓÇØ ÇáÂä



http://www.liillas.com/up2//uploads/...5c7826ced0.gif




ÔßÑÇ íÇ ÍÈíÈÊí æÇááå ÈÚãá Çááí ÈÞÏÑ Úáíå Ýí ÓÈíá ÊáÞí ÊÔÌíÚ ããÇËá
:flowers2::flowers2::flowers2::flowers2::flowers2::flowers2: :flowers2:
:flowers2::flowers2::flowers2::flowers2::flowers2:
:flowers2::flowers2::flowers2:
:flowers2::flowers2:
:flowers2:
:flowers2:
:flowers2::flowers2:
:flowers2::flowers2::flowers2:
:flowers2::flowers2::flowers2::flowers2::flowers2:
:flowers2::flowers2::flowers2::flowers2::flowers2::flowers2: :flowers2:

classicoofou 21-02-09 07:55 PM

trés bon debut ça ressemble beaucoup à hélen bianchin j'ai meme cru au debut que c'est "marriage possession"

merci .

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 21-02-09 08:51 PM

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ classicoofou (ÇáãÔÇÑßÉ 1872652)
trés bon debut ça ressemble beaucoup à hélen bianchin j'ai meme cru au debut que c'est "marriage possession"

merci .

ÓÚíÏÉ áÃä ÇÎÊíÇÑí ÃÚÌÈß

cocubasha 22-02-09 01:31 PM



Çááå íÚØíßí ÃáÝ ÚÇÝíÉ ÑíåÇã

ãÌåæÏ æáÇ ÃÑÑÑÑÑÑæÚ


http://sl.glitter-graphics.net/pub/1...l44k0ph6dc.gif


**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 26-02-09 03:15 PM

chapitre 3


L’appartement était silencieux. Elle entra et, sur la pointe des pieds, se dirigea vers la cuisine. Un grand verre d’eau fraîche lui fit du bien. Tout était toujours aussi tranquille lorsqu’elle regagna le couloir.
Est-ce que Jared était là ?
A l’idée qu’il pût être sorti, Tasha fronça les sourcils. Il aurait sûrement laissé un mot, ou au moins un message sur le répondeur de son portable…
— Tu as passé une bonne soirée ?
Elle sursauta presque. Jared se tenait sur le seuil de son bureau, debout dans l’encadrement de la porte. Derrière lui, on devinait la bibliothèque et le beau meuble ancien sur lequel il travaillait, que ne déparait pas la touche moderne de l’ordinateur.
Dans son jean noir et sa chemise de coton blanc à demi ouverte, les cheveux en désordre comme s’il y avait nerveusement passé la main, il avait l’air d’un pirate.
Yeux sombres, peau mate… Son regard était aussi profond qu’insondable.
Tasha se sentit vaguement inquiète et instinctivement, elle fut sur la défensive. En temps normal, elle se serait serrée contre lui, sûre de son accueil, elle l’aurait embrassé et l’enlaçant, il aurait poussé leur baiser plus loin…
Parfois ils bavardaient mais le plus souvent, il la portait dans ses bras et ne la déposait que sur le lit. Fureur et tendresse se succédaient tour à tour dans des joutes amoureuses qui les menaient tard dans la nuit. Et dans ce cas, la conversation était remise au lendemain, lorsque, après avoir pris leur douche ensemble, ils partageaient le petit déjeuner.
Mais ce soir Tasha demeurait immobile. L’incertitude se mêlait à l’attraction, qui, indéniablement, se manifestait encore.
— Très bonne, merci.
Jared ne bougeait pas. Elle aurait pu passer devant lui pour rejoindre la chambre d’amis, mais elle lisait dans son attitude comme une attente, une vigilance qu’il valait mieux prendre en compte.
— Tu as travaillé toute la soirée ? reprit-elle, pour faire descendre la tension.
Jared était l’une des rares personnes qu’elle eût jamais croisées à pouvoir, après seulement quatre heures de sommeil, affronter avec énergie et détermination tous les imprévus que réservait la journée.
Affûté comme une lame, c’était l’image souvent utilisée pour décrire son esprit. Il avait une puissance de réflexion et une mémoire presque surhumaines. Rien ne lui échappait.
— J’en ai encore pour quelques heures.
Le son presque métallique de sa voix fut pour elle un avertissement. Ils se montraient parfaitement polis l’un envers l’autre, beaucoup trop, en fait. Derrière la maîtrise de soi, Tasha sentait affleurer la colère.
Etait-ce contre elle que cette colère était dirigée ? Evidemment ! La grossesse était de sa faute. Pas entièrement, bien sûr, mais elle aurait dû prévoir les conséquences de sa grippe ; prendre plus de précautions. Mais à ce moment-là, la possibilité d’une grossesse ne lui avait pas même traversé l’esprit.
Fallait-il y voir l’intervention d’une puissance divine ? Un test, envoyé par le destin, pour éprouver la solidité de leur relation ?
Bon sang ! Il fallait cesser ce délire, se maudit silencieusement Tasha. Elle perdait vraiment pied !
— Bonne nuit, fit-elle en s’avançant.
Elle était passée, mais il l’arrêta, d’une main posée sur son épaule. Puis, lui tenant le menton, il l’obligea à lever les yeux. Seigneur, comme il était proche…
— Non. S’il te plaît, ajouta-t elle doucement.
— Tu as peur, Tasha ?
Il passa le pouce sur sa lèvre, une ombre de sourire à la bouche.
— De toi ? Sûrement pas.
— Courageuse, toujours…
Tasha préféra ignorer le ton persifleur et se concentra sur sa volonté de rester calme. C’était d’autant plus méritoire que son pouls battait à cent à l’heure.
— Quel est le but de tout ceci, Jared ?
— Faut-il absolument qu’il y en ait un ?
— Oui, parvint-elle à articuler.
— Dans ce cas…
Sa bouche se posa sur la sienne et il l’embrassa langoureusement. Un instant, elle se laissa aller. C’était un élan instinctif, et elle eut grand peine à le juguler. Lorsqu’il la sentit se raidir, Jared la lâcha. Tasha en éprouva à la fois soulagement et dépit.
— Tu ne joues pas franc-jeu, fit-elle, le souffle un peu court.
— Croyais-tu vraiment que j’allais te laisser tous les atouts en main ?
Elle le dévisagea et lut la résolution sur ses traits figés. Il fallait absolument qu’elle parvienne à agir avec sa tête, et pas seulement avec son cœur.
— De ta part, ça m’aurait étonnée…
L’image sophistiquée de Jared dissimulait une force primitive, une énergie indomptable couplée à une volonté de fer. Ce qui faisait de lui un homme redouté, au tribunal comme partout ailleurs.
S’y ajoutait une sensualité à fleur de peau. Il savait comment plaire à une femme, comment lui donner du plaisir en mêlant passion, tendresse, et une certaine ardeur un peu sauvage, maîtrisée, une exigence toujours présente sous une apparente douceur.
Un léger frisson la parcourut. Aucune personne sensée n’aurait souhaité se faire un ennemi de Jared North, dans quelque domaine que ce fût.
— Je vais me coucher.
Résolue, elle franchit la distance qui la séparait de la chambre d’amis.
— Dors bien…
Cette fois encore, son ton était ironique, voire amer. Tasha ne répondit pas et se réfugia dans la chambre. Une fois la porte close, elle s’y appuya un long moment.
Sa fatigue était plus nerveuse que physique. Un tel bouleversement de ses émotions allait sûrement la tenir éveillée des heures durant.
Pendant qu’elle se démaquillait, elle entreprit de chasser méthodiquement les pensées conflictuelles qui s’affrontaient en son esprit. Puis elle se déshabilla, enfila une veste de pyjama et se mit au lit.
Elle dut s’endormir, mais son esprit l’entraîna dans un rêve tellement réaliste qu’elle croyait le vivre : désespérément, elle tentait de retenir le bébé qu’on voulait lui enlever. Son bébé ! La nourrice l’emmenait au loin. Tasha hurlait pour l’arrêter mais aucun son ne semblait sortir de sa gorge et la nourrice continua son chemin. Elle voulut se lever pour la rattraper ; alors, elle réalisa que des tubes et des sangles la retenaient à son lit. Tasha voulut les arracher, mais tels des serpents, ils s’enroulèrent autour d’elle pour la paralyser.
Une voix familière se fit alors entendre. Des caresses apaisantes couraient sur son corps. Elle entendit des mots, sans en comprendre le sens. Puis la scène changea. Le bébé était à présent en âge de jouer dehors et elle le contemplait, allongée sur la pelouse d’une belle maison, alors qu’à quatre pattes, il tentait d’attraper ses jouets… Son cœur explosait de fierté maternelle.
Rêves, fantasmes, souhaits… il y avait sans doute un peu de tout cela dans les images qui lui restèrent, vivaces, lorsqu’elle s’éveilla. Le jour perçait à peine derrière les persiennes et Tasha se rendit compte qu’elle n’était plus dans la chambre d’amis. Et qu’elle n’était plus seule…
Avait-elle crié pendant la nuit ? Jared l’avait-il… ?
— Tu m’as appelé.
Il était accouru en l’entendant crier et l’avait prise dans ses bras. La voix torturée de Tasha l’avait glacé et, la portant jusqu’à son lit, il l’avait apaisée de son mieux, veillant sur son sommeil jusqu’au petit matin.
Avait-elle conscience de s’être blottie contre lui pendant la nuit ? En tout cas, à sentir son cœur battre contre sa joue, à baigner dans sa chaleur, et dans le parfum musqué qui émanait de sa peau, elle comprit que son corps s’abandonnait. Son pouls s’accélérait, ses pores lui semblaient s’entrouvrir, une impatience électrisée s’emparait d’elle et ses membres, impuissants à lui obéir, s’alanguissaient dans l’attente de caresses et de baisers dont elle connaissait trop bien le pouvoir.
C’était la voie qu’ils suivaient bien souvent le matin, celle d’un échange amoureux languide, parsemé de soupirs, de longues étreintes… Toute la magie de la séduction, lorsque deux corps se connaissaient.
Mais ce matin-ci n’était pas comme les autres. Tant de choses avaient changé, lors des dernières quarante-huit heures ! Envolées, la familière camaraderie et la relation confiante d’un amour sans réserve. Place aux doutes, aux obstacles, au repli sur soi.
Le ressentiment était perceptible aussi, d’un côté comme de l’autre. Et si elle ne voulait pas que Jared se méprenne sur ses intentions, elle devait quitter le lit à l’instant. Sinon, son attitude apparaîtrait comme une invitation amoureuse. Ils avaient vécu deux ans ensemble et pourtant, elle se sentait aussi nerveuse que la première fois qu’ils avaient fait l’amour.
— Il faut que je me lève.
La main de Jared descendit pour se poser sur son ventre.
— Reste.
La gorge sèche, elle déglutit difficilement. Le besoin qu’elle avait de ses caresses était immense, mais elle pourrait par la suite regretter de s’être abandonnée au plaisir.
— C’est impossible.
Il y avait dans sa voix un tel désespoir, une telle solitude que Jared en fut bouleversé, bien plus que par les mots qu’elle prononçait.
— Reste avec moi, reprit-il doucement.
C’était tellement simple, d’accepter ! Il était si cruel de se dérober… Mais un engagement fondé sur le sens du devoir plutôt que sur l’amour serait pour elle inacceptable. Jamais elle ne se satisferait de demi-mesures, et c’était pour cette raison qu’il fallait sortir de ce lit, immédiatement. Car si Jared l’embrassait, elle ne pourrait plus lutter.
— Je dois me rendre au bureau de bonne heure ce matin.
Il ne fit pas un geste pour la retenir. Elle s’enfuit, et préféra se doucher dans la suite réservée aux amis, craignant qu’il ne la rejoigne sous l’eau comme souvent. L’intimité qui s’ensuivrait lui aurait été trop difficile à supporter.
Une demi-heure plus tard, ayant séché ses cheveux, elle se rendit compte qu’il lui fallait, comme la veille, retourner prendre dans le placard de sa chambre de quoi s’habiller. Avec un peu de chance, Jared serait encore sous la douche…
Son jour de chance devait être passé, se dit-elle en voyant Jared simplement vêtu d’un caleçon de soie noire. Elle observa le jeu des muscles sous la peau bronzée de ses larges épaules, alors qu’il tendait le bras pour attraper sa chemise de coton blanc. Chacun de ses mouvements était souple, comme celui d’un félin et Tasha, fascinée, ne put le quitter des yeux alors qu’il la boutonnait, puis enfilait un pantalon à la coupe élégante avant d’en remonter la fermeture Eclair d’une geste vif.
Rien n’aurait pu empêcher la spirale familière du désir de se dérouler en elle. Autant retenir une marée montante…
Non seulement le corps de Jared lui manquait, mais aussi son humour affectueux, les taquineries qu’ils s’adressaient d’un cœur léger. Une semaine plus tôt, elle serait allée à lui pour l’embrasser, exultant dans le rayonnement de l’amour partagé.
Elle adorait le contempler, sentir sa peau musquée, et l’arôme subtil de son eau de Cologne. C’était si bon… juste se lover contre lui, se blottir entre les bras rassurants qui la serraient !
Et sa bouche… rien que d’évoquer les plaisirs érotiques qu’elle lui procurait, elle sentait son sang devenir lave et tourbillonner dans ses veines.
Cela suffit ! s’admonesta Tasha en un cri silencieux.
Elle prit une grande inspiration, rassembla ses affaires et sortit s’habiller dans l’autre pièce.
Heureusement, l’habitude vint au secours de sa volonté pour l’aider à se vêtir, se maquiller, tendre les draps du lit et prendre sa mallette, avant de rejoindre la cuisine dont s’échappait l’arôme tentateur du café fraîchement passé.
Elle aurait donné dix jours de sa vie pour une tasse de café… mais ce n’était pas bon pour l’enfant. Elle mit de l’eau à chauffer dans la bouilloire pour un thé et déposa une tranche de pain dans le toaster.
— Tu as quelque chose de spécial à faire aujourd’hui ? s’enquit Jared en s’installant au bar de la cuisine pour boire son café. Tu parlais d’aller au bureau de bonne heure…, ajouta-t il en interceptant son regard surpris.
Mieux que personne, il savait interpréter le langage du corps et celui de Tasha était dépourvu de tout artifice. La jeune femme brillait comme un diamant au milieu des autres, de toutes celles qui n’avaient ni son charme, si son courage, ni son intégrité. Au cœur d’un monde de faux-semblants, elle avançait grâce à ses convictions, à son inaltérable honnêteté. Jared avait vu autour de lui tant de femmes interchangeables, dont le vrai caractère disparaissait sous des couches d’hypocrisie sociale… Il les avait considérées comme elles l’avaient considéré : en partenaire plaisant, tant sur le plan sexuel qu’au quotidien. Et puis il avait rencontré Tasha.
— Oui, j’ai deux ou trois choses à faire avancer, fit-elle d’une voix neutre.
A dire vrai, elle n’en avait pas pour plus de dix minutes… Vérifier un dossier, rédiger une note et demander à une sténo d’insérer une correction avant de photocopier un exemplaire client, il n’y avait pas de quoi motiver un départ aussi matinal ! D’autant plus que son premier rendez-vous de clientèle était programmé pour 9 h 30.
Elle termina son toast, but une dernière tasse de thé et prit son attaché-case.
— Il se peut que je rentre tard, ce soir.
Jared lui renvoya un regard aussi clair que le sien.
— Même chose pour moi. Ne m’attends pas pour dîner.
Avant qu’elle ait eu le temps d’être sur ses gardes, il l’avait rejointe. L’attirant à lui, il l’embrassa à pleine bouche.
Elle avait les lèvres les plus douces du monde, se dit-il en savourant leur texture, mordillant leur renflement avant d’accentuer la sensualité de son baiser pour en faire une arme ouvertement tentatrice.
Tasha aurait voulu résister mais au-delà de quelques secondes, cela lui fut impossible. Il devait être magicien ou sorcier…
Quand il releva la tête, elle eut toutes les peines du monde à ne pas aller chercher sa bouche à nouveau.
L’avait-il senti ? Jouait-il là-dessus pour lui faire abandonner ses idées de départ ?
C’était une raison de plus pour reconquérir son indépendance, se dit Tasha. Et très vite. Car plus elle resterait, plus la tentation serait difficile à repousser.
Jared était passé maître dans l’art de la séduction, s’avoua-t elle avec une pointe d’ironie : son regard était lourd de passion, mais il savait se faire mélancolique ou rêveur ; ses doigts habiles connaissaient les caresses qui la faisaient chavirer. Même dans les gestes les plus anodins… Comme lorsqu’il cherchait la petite veine à son poignet, la courbe sensuelle de ses lèvres… Tout se mêlait en une attraction magnétique qui faisait basculer ses sens, et l’attirait vers lui aussi sûrement qu’un papillon de nuit allant se brûler à la flamme.
Mais elle ne voulait pas se consumer. Il lui fallait vivre.
Sans un mot, elle sortit et prit l’ascenseur qui conduisait au sous-sol.
Ainsi commença une journée de tracas incessants. L’absence de deux sténographes obligea Tasha à redistribuer leur travail mais les documents prévus pour la clientèle ne pouvaient plus être prêts à temps.
Un des collègues de Tasha succomba à une migraine en milieu de matinée, lui laissant le soin de reprendre ses rendez-vous… alors que son agenda était déjà bien chargé.
A nouveau, elle se *******a d’un sandwich pour déjeuner et consacra sa pause à téléphoner, appelant agence après agence dans l’espoir d’avoir au moins deux appartements à visiter le soir.
Elle avait bien conscience de l’urgence d’un déménagement. Comment se permettre encore des nuits de cauchemars, à l’issue desquelles elle appelait Jared au secours ?
A ce souvenir, elle eut un frisson. Se réveiller à ses côtés était devenu trop dangereux.
Se doutait-il de sa vulnérabilité ? Du combat qu’elle avait dû mener, pour ne pas céder au plaisir de le caresser, de glisser dans la routine amoureuse de tant de matins ?
Elle avait réussi à fuir… aujourd’hui. Mais combien de temps résisterait-elle ? Jared semblait décidé à exploiter chaque avantage, à profiter de toutes les situations… Elle finirait par céder… Alors, elle pourrait faire le deuil de ses prétentions à l’indépendance. Jared aurait beau jeu d’ironiser sur ses changements d’humeur. Le pire serait qu’elle violerait ses convictions les plus ancrées concernant le mariage et ses convictions sur l’amour.
Une douleur terrible envahit sa poitrine, une incommensurable tristesse embruma son regard. Mariée à Jared… Ce serait le paradis sur terre. Il était l’homme de sa vie… Il lui était aussi nécessaire que l’air qu’elle respirait.
Mais elle ne pouvait supporter la seule idée d’une union de convenance, une « régularisation » qu’il effectuerait par sens du devoir.
D’autres couples élevaient des enfants en dehors des liens du mariage. Cela allait contre ses principes : lorsqu’on avait un enfant, il fallait s’engager totalement envers lui.
Et puisqu’elle refusait un mariage dont l’amour ne serait pas le moteur, autant élever l’enfant dans un monde où les frontières étaient clairement établies et les principes respectés. Sans malentendu.
— Vous pouvez me faire visiter ce soir ? fit-elle d’une voix soulagée. Très bien. Disons à 18 h 30 ?
Une bonne chose de faite. Quatre appartements étaient visitables, dont l’un au moins semblait prometteur.
A l’heure dite, elle rejoignit le premier agent immobilier à l’adresse indiquée.
Elle s’était pourtant montrée claire dans ses exigences, mais la première visite s’avéra décevante : pas d’ascenseur, pas de garage… Le second appartement était à peine mieux. Cela en laissait deux à voir, soupira Tasha en se rendant au rendez-vous suivant, dans le quartier de Kangaroo Point.
Les environs étaient agréables, l’immeuble bien situé, moderne. Tasha reprit espoir en franchissant le seuil du spacieux hall. Ça pouvait marcher.
Une demi-heure plus tard, elle signait le bail. Dès le lendemain, elle pourrait disposer des clés, et elle comptait emménager dès que possible.
Voilà une décision pleine de bon sens, s’assura-t elle en rejoignant la file de voitures qui allait vers le fleuve. Alors, d’où venait cette douleur qui ressemblait à une amputation ?
Dans la vie, il fallait savoir s’adapter. C’était la clé, philosopha-t elle. Ce changement était nécessaire, elle saurait en tirer tout le bénéfice.
Mentalement, elle commença à dresser la liste des tâches indispensables : contacter un déménageur pour faire déposer ses meubles à sa nouvelle adresse, penser aux branchements de téléphone et d’électricité, aux livraisons des courses…
Ce fut un soulagement de constater l’absence de la Jaguar lorsqu’elle se gara. Elle monta à l’appartement, se prépara une légère collation, se doucha et enfila un peignoir de soie, puis reprit le travail sur son ordinateur portable installé sur un coin de table.
Savoir s’organiser était une obligation dans n’importe quel domaine, et Tasha y ajoutait un grand respect de la clientèle et de son propre travail. Son salaire était à la hauteur de ses compétences. Elle savait concentrer toutes ses facultés sur la tâche en cours, qualité qui lui vaudrait sous peu une proposition d’association. Performante était le qualificatif flatteur accolé à son nom lors de ses études, compliment que lui avaient fréquemment adressé ses maîtres, docteurs en droit.
Le fait de devenir mère célibataire ne devait en rien modifier ses objectifs. Bien sûr, elle aurait la responsabilité d’une éducation. Mais elle ne serait pas la seule à mener de front ces défis. Si d’autres y parvenaient, pourquoi pas elle ?
Il y avait des nourrices, des crèches, des études après l’école. On pouvait envisager un internat aussi… mais pas avant l’âge de douze ans. Les week-ends seraient à partager avec Jared. Et elle s’arrangerait pour prendre la majeure partie de son congé annuel pendant les vacances scolaires.
Cela allait marcher, décida-t elle. Il le fallait.
Instinctivement, elle plaça la main sur son ventre. Serait-ce une fille ou un garçon ? Il faudrait qu’elle achète un livre sur la grossesse et les premiers mois du bébé.
En attendant, son travail l’attendait, et elle se concentra sur son écran, devant lequel Jared la trouva en rentrant. A côté d’elle, deux livres de droit ouverts et un bloc-notes bien rempli témoignaient du travail accompli.
— Tu n’as pas terminé ?
Tasha leva la tête, lui adressa un bref regard, et continua à entrer des données sur son portable.
— Non.
Jared ouvrit le Frigidaire et se servit un grand verre de lait qu’il but d’un trait.
— Rude journée ?
Elle lui sembla plus pâle que d’habitude et ses yeux brillaient d’un éclat trop sombre. Il repoussa l’envie d’aller la prendre dans ses bras pour la conduire dans sa chambre.
Deux nuits plus tôt, c’était exactement ce qu’il aurait fait, étouffant ses protestations d’un baiser et la déshabillant pour mieux la couvrir de caresses. Ils auraient fait l’amour tout à loisir…
— Bien remplie, en tout cas, fit-elle en guise de réponse, sans pour autant s’interrompre.
Elle sentait sa détermination faiblir. Regarder Jared n’aurait fait qu’empirer les choses.
— Dans ton état, tu ferais mieux d’aller te reposer.
— Tu te crois encore au XIXe siècle?
Il s’approcha, attiré par le drapé souple de la soie du peignoir qui révélait ses formes. En se plaçant derrière elle, il voyait l’endroit où les pans s’écartaient sur sa poitrine ronde. Plus que tout, il aurait voulu se pencher, écarter un peu plus le tissu… Il connaissait la douceur de ses seins, leur fermeté, la façon dont leurs bouts roses se dressaient à la moindre de ses sollicitations. Il mourait d’envie de les faire durcir sous ses doigts…
Au lieu de quoi, il se *******a d’enlever les épingles qui retenaient sa coiffure : un chignon tortillé à la hâte au sortir de la douche, et dont plusieurs mèches s’étaient déjà échappées. C’était un tableau trop tentant pour qu’on y résistât.
— Je t’en prie, non…
Il y avait eu un halètement presque perceptible dans sa voix, et elle se détesta de se montrer si vulnérable.
Les mains de Jared s’attardèrent sur son cou, puis il les fit glisser jusqu’à ses épaules, le temps d’une brève étreinte, avant de les laisser retomber à ses côtés.
— Il est tard, Tasha, fit-il d’une voix calme, presque douce. Boucle ton dossier et viens te coucher.
A ses côtés ? Il pouvait toujours rêver…
Mais comment lui dire qu’elle souhaitait travailler jusqu’à épuisement, pour que la fatigue lui procure un sommeil si lourd qu’il n’y aurait pas même place pour le rêve ?
— Encore une dizaine de minutes et j’en aurai terminé.
Jared ôta sa veste.
— Je vais prendre une douche.
Combien de temps lui faudrait-il pour s’apercevoir qu’elle ne venait pas le rejoindre ? Chercherait-il à lui faire changer d’avis… ou resterait-il indifférent ?
En tout cas, il ne pouvait pas imaginer qu’elle ait oublié leur différend… le premier, en deux ans, à durer plus d’une journée. Si l’on exceptait les quelques voyages de Jared pour affaires, ils n’avaient jamais dormi séparément. Il pouvait toujours se montrer patient et compréhensif, cela ne la ferait pas changer d’avis.
La montre de Tasha indiquait 23 heures. Il était temps de mettre un point final à cette journée. Demain serait un autre jour.
Quelques minutes plus tard, ayant rangé les livres de Jared dans la bibliothèque, elle se blottit sous les draps de la chambre d’amis.
Et s’il venait la chercher ? Elle aviserait à ce moment-là, se dit-elle en éteignant la lumière.
Le sommeil la prit rapidement. Si vite qu’elle ne vit pas la porte s’entrouvrir, ni le rai de lumière balayer son lit.
Jared s’approcha du lit et la regarda dormir. Il s’assura qu’elle reposait d’un sommeil apaisé, et s’émerveilla de son innocence enfantine : la bouche en avant, elle semblait faire la moue, une main sous l’oreiller, les cheveux épars sur le frais coton et quelques mèches collées à sa joue.
Tout au fond de lui, il sentit une violente contraction. Elle était à lui. Sa femme. Têtue, indépendante et fière. Il ne la perdrait pas. Jamais.
Il aurait voulu se glisser à ses côtés, la serrer contre lui tout au long de la nuit.
Pendant longtemps il demeura immobile à la contempler. Puis, tout doucement, il quitta la pièce.0


cocubasha 26-02-09 04:05 PM



Çááå íÚØíßí ÇáÚÇÝíÉ ÑíåÇã

ÊÓáã ÇáÃíÇÏí ÍÈíÈÊí

http://kns2003sa.jeeran.com/K04.gif



**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 26-02-09 04:08 PM

ãÑÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓÓí íÇ ÞáÈí

gagui 27-02-09 11:38 PM

yislamou ya kalbi natra al bakya

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 28-02-09 03:10 AM

ÔßÑÇ ßËíÑ íÚØíßí ÇáÚÇÝíÉ
http://www.liillas.com/up2//uploads/...bf55a19400.jpg

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 17-03-09 11:31 PM

CHAPITRE 4
Jared partit tôt pour le tribunal, préférant le calme du bureau qu’on mettait à sa disposition pour revoir tranquillement son dossier et préparer sa ligne d’attaque. Il avait laissé un mot rédigé d’une plume rapide à l’encre noire à Tasha, contre le grille-pain.
Le procès promettait d’être long, ardu, et les témoins nombreux. Pour adversaire, il avait un procureur qui adorait intimider le jury. Il y avait toutes les chances pour qu’il transforme l’affaire en une démonstration de force, tirant à hue et à dia pour infléchir la loi dans le sens qui l’arrangeait, quitte à lasser la patience du président. Et ses scrupules ne l’encombreraient pas, à coup sûr.
L’audience de la veille avait pourtant laissé entrevoir une mince possibilité de le contrecarrer… mince, pour ne pas dire insignifiante, mais Jared voulait y réfléchir tout à loisir, afin de pouvoir l’exploiter si cela s’avérait possible.
La ville était calme au petit matin, et l’air vif. Le ciel d’azur promettait une belle journée de début d’été, tandis que le fleuve reflétait paresseusement le verre et l’acier des immeubles.
Les feux étant en sa faveur, Jared fit le trajet d’une traite, et glissa sa carte codée à l’entrée du parking où un emplacement lui était réservé à l’année.
En comptant le temps d’une entrevue avec le conseiller juridique de son client, il lui restait trois heures pour peaufiner ses arguments avant d’aller plaider.
L’ascenseur le transporta vers les hauteurs de l’immeuble à une vitesse vertigineuse. La réception était encore déserte. Jared savoura le calme ambiant et entra dans son bureau.
En franchissant le seuil, il devenait autre : toutes ses facultés étaient dévolues au cas qu’il traitait et sa vie personnelle se trouvait mise entre parenthèses. Son esprit revoyait les moindres détails des audiences, la façon dont le jury percevait l’affaire, les nuances, les défauts de procédure. Il établissait alors son plan de bataille et cherchait à tirer profit de la moindre opportunité.
Toute pensée intime était bannie… Cela incluait Tasha et sa ferme intention de la faire changer d’avis.
Il aurait la soirée pour cela. Le week-end. Il fallait qu’elle reste. Il saurait s’y prendre.
En attendant, seule comptait l’affaire en cours.
Tasha referma son portable et raya sur sa liste le coup de fil qu’elle venait de passer. Puis, retournant à la réception, elle se prépara à accueillir son prochain rendez-vous.
Une heure plus tard, elle en avait fini et pouvait se consacrer à quelques tâches administratives avant sa pause-déjeuner, essentiellement consacrée à des appels personnels.
Elle quitta le bureau assez tôt pour se trouver dans son nouvel appartement en même temps que les déménageurs. Sur place, ces derniers placèrent les meubles aux endroits qu’elle indiquait. Il y avait aussi quelques caisses, étiquetées deux ans auparavant.
Le réfrigérateur émit un bruit rassurant dès qu’il fut branché et Tasha vida une caisse de linge, qu’elle mit immédiatement dans la machine à laver. Elle put ensuite se consacrer à la vaisselle et aux divers ustensiles de cuisine.
Tout cela prit plus de temps qu’elle ne l’avait prévu, et malgré la satisfaction d’en avoir terminé, elle ressentit une grande lassitude. De plus, elle était affamée…
Une sonnerie persistante lui parvint, renvoyée en écho par le silence des pièces. Tasha regagna le salon et sortit son portable de son sac.
— Tu sais quelle heure il est ?
La voix de Jared dénotait une colère glacée.
— Désolée, j’avais à faire et je ne me suis pas rendu compte…
Elle jeta un coup d’œil à sa montre… 23 heures passées !
— Où diable étais-tu donc ?
A quoi servait de repousser la nouvelle ?
— Dans mon nouvel appartement. J’installe les meubles.
Le silence qui suivit sa déclaration aurait pu faire voler les vitres en éclats.
— Tu veux bien me répéter cela ? dit Jared d’un ton aussi calme qu’inquiétant.
— Tu as très bien entendu.
— Tasha, gronda-t il, comme un avertissement.
— Jared, j’ai dit que je déménageais. Est-ce assez clair ?
Elle sentit dans la pause qui suivit l’effort qu’il faisait pour garder le contrôle de lui-même.
— Où est cet appartement ?
— Je te laisserai l’adresse demain quand je passerai reprendre mes vêtements. Tu la trouveras sur la console de l’entrée. Bonne nuit.
Voilà, elle avait réussi à maintenir ce qu’elle voulait : du calme, de la politesse.
— Alors tu ne rentres pas ?
Maintenant que la décision était prise, pas question de revenir dessus.
— A demain.
Elle coupa la communication avant que Jared ait pu répliquer. Et soudain, l’objet qu’elle tenait au creux de sa main lui parut aussi étranger qu’une créature d’un autre monde. Lentement, elle releva la tête, comme si elle regardait ces murs pour la première fois. Ces murs étrangers… Seigneur, qu’avait-elle fait ?
La faim la rappela à la réalité. Heureusement, il lui restait une banane au fond de son sac. Il lui faudrait s’en *******er pour ce soir.
La petite collation la réconforta un peu et après une douche, elle gagna son nouveau lit.
Le sommeil ne lui fit pas défaut — la journée avait été assez riche en événements pour que son corps réclame le repos — et elle s’éveilla tard. Elle enfila rapidement les vêtements de la veille et descendit dans un café où elle prit un thé au lait et des croissants.
Elle avait besoin d’énergie avant l’épreuve qui l’attendait… En glissant la clé dans la serrure de la porte de Jared, elle sentit la panique la gagner.
En pure perte, elle avait espéré qu’il ne serait pas là. Il était devant elle, debout, à l’attendre. Sa haute stature projetait une menace muette. Il était vêtu de noir, jean et polo, ce qui ajoutait à l’impression inquiétante.
— Si cela ne te dérange pas, je vais aller prendre mes vêtements, parvint à exprimer poliment Tasha.
— Cela me dérange.
Elle affronta son regard après le réconfort d’une brève inspiration.
— Nous en avons parlé hier, dit-elle en s’avançant dans le couloir.
— Tu en as parlé hier. Je n’ai pas eu le temps de donner mon point de vue.
— Je le connais, dit-elle en entrant dans la chambre.
Elle retira une valise d’un placard et commença à y entasser des robes. Jared l’avait suivie et se tenait sur le seuil. Il l’observait, et continua pendant qu’elle vidait la commode, empilant ses affaires dans la valise sans aucune précaution. Elle n’avait jamais eu l’occasion de mettre sa patience à l’épreuve et ne tenait pas à commencer aujourd’hui.
Il ressemblait à un ange noir, grand, large d’épaules, mince de hanches, arborant une expression sombre et déterminée. Il se contrôlait, sans doute ; mais pour combien de temps ?
— Il n’y a rien que je puisse dire ou faire pour que tu changes d’avis ? dit-il d’une voix rauque.
— Non.
Ce non sorti de sa propre gorge semblait tellement définitif que Tasha en eut un frisson. La douleur l’assaillit brutalement, intense, à lui couper le souffle.
Reprends-toi, s’admonesta-t elle. Tu as pris ta décision, va jusqu’au bout.
Elle décrocha ses tailleurs de la penderie. La deuxième valise était déjà pleine, elle ne suffirait pas. Il lui faudrait déposer les vêtements restants sur la plage arrière de la voiture. Les deux valises rentreraient dans le coffre ; ainsi, elle ne serait pas obligée de revenir.
— Tu estimes qu’entre nous, tout est terminé ?
Les inflexions de sa voix glissèrent le long de sa colonne vertébrale comme une coulée de glace. Chaque mot était un pic enfoncé dans son cœur.
Tasha prit une nouvelle brassée de vêtements qu’elle plaça sur le lit avant de se retourner.
Elle n’aurait pas dû le regarder. Il y avait sur son visage une expression qu’elle ne lui connaissait pas, une dureté, une distance qui lui firent mal. Si seulement elle avait pu retirer ce qu’elle avait dit !
— J’estime que nous avons besoin de temps pour réfléchir. Séparément.
— Et tu penses qu’en déménageant, tu trouveras les réponses ?
Elle soutint son regard.
— Je n’en sais rien.
— Tu portes mon enfant.
Seigneur, qu’était-elle en train de faire ?
— Je t’en prie, supplia-t elle, au bord des larmes. Ne rends pas les choses plus difficiles encore.
Il aurait facilement pu la faire fléchir, avec seulement quelques mots ; le fait qu’il se retienne en disait long.
— Tu n’imagines quand même pas que je vais te regarder partir sans lutter pour te garder ?
Les yeux de Tasha s’embuèrent. Elle était à deux doigts de craquer.
— Je ne vais pas disparaître.
— Non, tu disparais simplement de mon quotidien…
Elle mit un moment à articuler, tant sa gorge était serrée.
— Oui.
— L’objet de tous ces efforts est donc d’acquérir de l’espace et de l’indépendance ?
Il n’aimait pas l’idée, mais il pouvait s’en accommoder.
— C’est cela.
Elle referma ses valises et Jared s’en saisit.
— Je peux me débrouiller, dit Tasha d’une voix à peine audible.
Il lui décocha un regard dur.
— Je te suis en voiture.
— Je préférerais…
— Tais-toi.
L’ordre n’admettait pas de réplique et aux côtés de Jared, elle attendit l’arrivée de l’ascenseur. En silence, ils descendirent au parking. Tasha ne fit aucun commentaire lorsque Jared installa les valises dans le coffre de sa propre voiture.
Elle prit place dans sa BMW et démarra, trop consciente de la Jaguar qui la suivait à courte distance.
Que penserait-il de sa nouvelle résidence ? Question inutile. Elle l’avait choisie pour elle, donc elle ne devait pas chercher son approbation !
Que, d’ailleurs, elle n’obtint pas. Sans commentaire, il se *******a de déposer les valises sur le lit. Tasha était restée au salon mais Jared n’avait pas besoin de guide pour trouver la chambre : il n’y en avait qu’une.
— Merci, dit-elle gauchement quand il ressortit.
La sonnerie de la porte la fit sursauter et ce fut Jared qui ouvrit.
— Salut ! fit une voix masculine au timbre agréable. Je suis Damian, le voisin d’en face. Et vous ?
— Le compagnon de Tasha.
Sa réponse fit froncer les sourcils du jeune homme.
— Je croyais qu’elle emménageait seule.
— Je n’ai pas été consulté à ce sujet.
Tasha s’était approchée et le jeune homme lui décocha un regard ouvertement appréciateur. Grand et mince, il semblait à peine sorti de l’université ; son allure décontractée était assez plaisante.
— Je suis Tasha, dit-elle avec un petit sourire.
— Ha ha ! Donc, j’ai le droit de regarder mais pas de toucher, si je comprends bien… Quel dommage !
Il accompagna sa déclaration d’un clin d’œil malicieux.
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas.
Sur ce, il retourna chez lui.
— Curieux bonhomme, fit Jared en refermant la porte. Pas désagréable.
— Non, dit Tasha en écho. Merci pour ton aide. Je t’offrirais bien un café mais je n’ai pas eu le temps de passer au supermarché.
Elle eut l’impression qu’il allait dire quelque chose mais à la place, il se pencha et planta un bref baiser sur ses lèvres.
— Appelle-moi au moindre problème.
Sans pouvoir répondre, elle le vit quitter son appartement et refermer doucement la porte derrière lui.
Elle était seule. N’était-ce pas cela qu’elle avait voulu ?
Oh, bon sang, ce n’était pas le moment de rester là, à ressasser des idées noires ! Elle avait des valises à vider et des courses à faire.
Son week-end entier fut consacré à mettre en ordre sa nouvelle vie.
Jared appelait chaque soir, et tous deux s’en tenaient à une conversation aussi brève que courtoise.
Il y avait des avantages à vivre seule. Tasha n’avait à se préoccuper que d’elle-même. Personne à prévenir d’un retard, ou d’une impossibilité à préparer le dîner.
Cette solitude, elle l’avait voulue. Alors pourquoi son estomac se serrait-il chaque fois qu’elle pénétrait dans l’appartement vide ? Au bout de trois jours, elle ne s’y était toujours pas habituée.
Elle avait un peu honte de ses doutes. Ce mode de vie, elle l’avait choisi, alors autant s’en accommoder. Car l’alternative…
Eh bien, elle préférait ne pas y penser.
Elle traversa la chambre, prit au passage des sous-vêtements propres et se dirigea vers la salle de bains.
C’était le soir de l’invitation, avait précisé Jared lors de son coup de fil quotidien. Ils étaient conviés à dîner par les Haight-Smythe, et ce depuis quinze jours. Impossible de leur faire défaut à la dernière minute.
Tasha aurait préféré qu’il refuse. Une soirée donnée par les Haight-Smythe était considérée comme une grande occasion, et on était certain d’y fréquenter l’élite ; ce qui signifiait l’obligation de se mettre sur son trente et un, et de tenir une conversation brillante. Rien de tout ceci ne souriait particulièrement à Tasha.
Il lui faudrait se surpasser, néanmoins. Un défi, se dit-elle en se maquillant. Elle opta pour un chignon élégant et sélectionna un fourreau noir dans sa garde-robe. Il était sans manches, à l’exception de deux demi-lunes de dentelle qui couvraient les épaules, et lui allait à ravir. Mais après avoir passé le fourreau, elle se rendit compte qu’il la faisait paraître trop pâle. Une couleur vive s’imposait et elle choisit une robe plus évasée, aux pans taillés en biais, d’un rouge éclatant. Une fente de côté laissait apparaître ses jambes et une fois qu’elle eut choisi des escarpins et un sac assorti, l’ensemble avait de quoi couper le souffle.
Un pendentif et deux petits diamants à ses oreilles vinrent compléter la tenue. Au moment où elle se rendait au salon, elle entendit le bourdonnement de l’Interphone.
C’était Jared, parfaitement ponctuel.
— Je descends.
Il attendait dans le hall d’entrée, son impressionnante carrure soulignée par le complet de soirée immaculé qu’il portait sur une chemise bleu nuit. L’ange noir, toujours… La familiarité de ses traits réveilla en elle des pulsions assoupies et elle en eut mal.
Comment avait-il pu à ce point se rendre maître de ses sens ? Elle vibrait au même rythme que lui, ils étaient tous deux connectés de mille façons, pas seulement physiquement, mais aussi au niveau émotionnel… Comme si leurs deux âmes n’aspiraient qu’à fusionner.
A cet instant même, elle brûlait de l’enlacer, de goûter à sa bouche pendant que leurs langues se mêleraient en une danse sensuelle, prélude à d’autres plaisirs qu’apporterait la fin de la soirée.
Une excitation légère, euphorisante, un sourire prometteur, une connivence… comme tout ceci lui manquait !
— Bonsoir, dit-elle du ton neutre qu’elle avait soigneusement répété.
— Bonsoir, Tasha. Comment vas-tu ?
Il s’approcha et effleura sa tempe, ce qui la laissa, à son grand dépit, plus frustrée qu’elle n’aurait voulu l’admettre.
— Très bien. On y va ?
La résidence des Haight-Smythe se nichait dans une courbe du fleuve, au sein d’une banlieue chic où se mêlaient demeures imposantes, et constructions modernes, signes extérieurs de fortunes plus récentes. L’aisance des propriétaires se lisait dans les moindres détails, depuis les pelouses savamment coupées jusqu’aux arbres alignés qui bordaient les avenues.
La demeure d’Emily et de Jonathan datait du début du siècle, et avait adopté un style victorien. Une restauration fidèle lui avait restitué sa première splendeur. Plafonds hauts à corniches, parquets de bois polis et larges baies lui donnaient son caractère. L’intérieur était meublé avec goût, de pièces anciennes et de tapis orientaux. De magnifiques œuvres d’art ornaient les murs.
C’était le nec plus ultra de l’élégance, reconnut Tasha en acceptant un jus d’orange présenté par un maître d’hôtel stylé. Elle laissa son regard flotter autour d’elle.
La plupart des invités lui étaient connus et il était aisé de se mêler aux groupes en échangeant quelques plaisanteries, ou des bribes de conversation. Comme si le monde était toujours le même… Mais il avait basculé ; pour elle, du moins.
Bien qu’elle ne décelât aucun changement dans le comportement de Jared, elle sentait la tension s’accumuler en elle comme un ressort prêt à lâcher.
Son sourire était-il trop brillant ? Sa voix trop haute, et sa spontanéité trop appliquée ?
— Détends-toi, murmura-t il.
Jared sentait chacune des inflexions de son humeur, ne le savait-elle pas depuis tout ce temps ?
— Qu’est-ce qui te fait croire que je suis tendue ?
Il lui prit la main et caressa doucement la petite veine au creux de son poignet. Son pouls battait trop vite et il chercha à le calmer. Tasha aurait voulu reprendre sa main, il l’en empêcha.
— Jared, quelle bonne surprise !
La voix féminine aux agréables modulations leur fit tourner la tête. Soleil Emile les regardait, l’air ravie. C’était l’héritière de la célèbre lignée des Emile, famille spécialisée dans le conseil juridique. Son prénom annonçait une sophistication un peu apprêtée… Mais Emile et associés n’avaient plus besoin de se bâtir une réputation.
Grande et mince, auréolée d’une superbe crinière auburn, Soleil ressemblait à un mannequin. Elle ne s’habillait que chez les grands couturiers européens, et ses chaussures venaient des plus prestigieuses maisons italiennes. Comme elle était juriste de profession, Tasha trouvait assez irritant de devoir reconnaître ses compétences, et encore plus de constater qu’elle ne perdait pas une occasion d’être associée aux affaires plaidées par Jared.
Avaient-ils eu une liaison ? Jared, interrogé, avait fourni une dénégation amusée mais la resplendissante Soleil laissait croire à qui voulait l’entendre que leurs relations dépassaient de beaucoup le cadre strictement professionnel.
Pourquoi s’en inquiéter ce soir ? Tout simplement parce qu’il suffirait que Soleil ait le moindre soupçon de leur séparation pour qu’elle affûte aussitôt ses armes, en vue du coup de grâce.
A cette pensée, Tasha eut l’impression qu’on lui perçait le cœur.
— Bonsoir, Soleil, parvint-elle à articuler en souriant.
Ils échangèrent quelques phrases aimables, ponctuées de rires. Tout cela n’était-il pas terriblement policé ?
— Tu ne m’en voudras pas si je t’emprunte Jared un peu plus tard ? demanda Soleil dans un éblouissant sourire. Nous devons parler affaires…
Sans attendre la réponse de Tasha, elle se tourna vers lui.
— Je te confirmerai les détails par e-mail mais j’aimerais te brosser un tableau général de la situation.
Qui croyait-elle abuser ? La seule chose que Soleil avait en tête, c’était de jeter son dévolu sur l’homme, pas sur l’avocat. Et comment Jared pouvait-il être assez aveugle pour ne pas dépister ses manœuvres ?
Peut-être les voyait-il, après tout. A ce que Tasha en savait, Jared ne voyait Soleil que dans le cadre de son métier, et c’était peut-être délibéré.
Reprends-toi, se dit Tasha silencieusement. Soleil a toujours fait partie de l’environnement de Jared, pourquoi choisir cette soirée pour en souffrir ?
— Excusez-moi, murmura Soleil en posant brièvement la main sur le bras de Jared.
Tasha crut percevoir un ronronnement sensuel sous le vernis sophistiqué de la jeune femme. Elle eut du mal à retenir un regard furieux alors que celle-ci s’éloignait, se mêlant gracieusement à la foule des invités.
Le dîner fut bientôt annoncé. La table avait certainement tout d’un triomphe d’élégance et de goût, mais Tasha n’y prêta pas la moindre attention.
Jared se montra attentionné, plus qu’à l’ordinaire, tant et si bien qu’elle se pencha pour décréter, avec un sourire tranquille :
— Attention à ne pas en faire trop…
— Tu crois que c’est le cas ? Cela ne me gêne pas.
Sa voix était rauque et son souffle bien trop proche d’elle, rappelant une intimité dont le souvenir la troublait. Savait-il seulement l’effet qu’il avait sur elle ?
Sans doute. Ils partageaient une longue histoire, dont le souvenir la hantait. Sa bouche, ses mains, la façon dont il en usait pour la conduire au bord du délire… Au-delà de la raison, dans un domaine où l’exigence de la passion était la seule règle, vers des rivages qui transcendaient tout ce qu’elle aurait cru possible.
« Et tu renonces à tout cela ? » La petite voix qui murmurait à l’intérieur d’elle-même était impitoyable. « Es-tu folle ? »
Etait-ce trop demander que de vouloir tout ? Se fixait-elle des objectifs impossibles à atteindre en ce monde ?
En toute honnêteté, elle devait admettre qu’elle considérait son mariage avec Jared comme possible, et même probable, lorsqu’elle avait accepté de vivre avec lui. Pourtant, il ne l’avait jamais proposé. Peut-être craignait-il de figer une relation satisfaisante en l’état…
Le regard de Jared était toujours posé sur elle. Elle y vit passer une ombre indéfinissable. Avait-elle rêvé ? C’était déjà dissipé. La surprise agrandit ses yeux quand il saisit sa main pour la porter à ses lèvres. Pendant quelques secondes, elle oublia tout pour se noyer dans la chaleur de son geste.
Comment pouvait-elle s’abandonner de la sorte à son baiser galant et tendre, alors qu’elle venait de le quitter ? Décidément, ses sens avaient tout empire sur elle, et cette constatation l’irrita considérablement.
L’avait-il fait exprès ? Son geste était-il destiné à rappeler à tous, y compris à elle, qu’elle lui appartenait ?
Il étreignit sa cuisse, indifférent au raidissement qu’elle tentait de lui opposer. Au contraire, il accentua sa pression.
Le dessert était une charlotte aux framboises, un chef-d’œuvre de légèreté que Tasha dégusta d’une main, tandis que de l’autre, elle menait une bataille silencieuse sous la table en espérant que personne ne s’apercevait de leur manège. Heureusement, les conversations absorbaient les convives et personne ne sembla remarquer leurs jeux de main. Les entremets furent retirés pour faire place, à la mode anglaise, au plateau de fromages qui devait clore le repas. Tasha ne put retenir un soupir de soulagement.
Enfin, le dîner s’acheva et Emily invita ses hôtes à se rendre au salon pour le café.
Tasha frémit alors que la main de Jared se posait sur elle, cette fois au creux de ses reins.
— Est-ce absolument nécessaire ?
Elle avait dissimulé l’acidité de sa remarque sous un sourire courtois et le même lui fut adressé en réponse, accompagné d’un regard lourd.
Cela ne lui ressemblait pas, de se conduire ainsi… Une excuse lui monta aux lèvres, vite ravalée lorsqu’un invité sollicita leur attention.
Le thé lui fut servi par la maîtresse de maison dans une délicate tasse de porcelaine et elle rejoignit son hôte, Jonathan Haight-Smythe.
— Tasha ! Quel plaisir de vous avoir parmi nous ! Merci de vous être libérée.
Juge à la cour suprême, Jonathan avait pu sonder tous les aspects de l’âme humaine. Il rendait la justice avec une grande impartialité, respectueux des procédures à la lettre, impitoyable envers ceux qui tentaient de pervertir le système judiciaire.
— C’est à moi de vous remercier, fit Tasha en souriant. Le dîner était somptueux et la compagnie délicieuse.
Le compliment était sincère et atteignit son but.
— Vous êtes trop bonne. Dites-moi, j’ai entendu dire que votre carrière s’orientait vers de nouveaux sommets ?
Les mouvements de partenariat étaient complexes, dans le monde de la justice, et Tasha parvint à répondre sans rien dévoiler de projets encore mal assurés, ce qui lui valut un sourire compréhensif de son hôte.
Du coin de l’œil, elle avait remarqué la manœuvre de Soleil, qui n’avait pas perdu une seconde pour capter l’attention de Jared. L’image de leurs deux têtes penchées l’une vers l’autre s’imprima dans son esprit avec la violence d’une photographie et revint la hanter tout au long de la soirée.
Tasha était encore en pleine conversation lorsqu’elle sentit la présence de Jared à ses côtés. Elle savait toujours à quel instant il se dirigeait vers elle. C’était comme un sixième sens… Dire qu’une semaine plus tôt elle s’en serait félicitée, aurait été émue à l’idée qu’ils étaient les deux moitiés d’une même âme, incomplète tant qu’ils ne s’étaient pas rejoints !
Ce soir, le sentiment de lui appartenir encore s’accompagnait d’une douleur sourde, inhabituelle.
— Vous voudrez bien nous excuser, Jonathan ?
La demande de Jared était d’une parfaite courtoisie mais Tasha perçut comme un agacement sous les inflexions veloutées de sa voix.
Son corps puissant dégageait une tension qu’elle seule pouvait interpréter. Il était si proche qu’elle sentait le parfum léger de son eau de toilette, mêlée à l’odeur du frais du coton, du lin et de la soie de son costume fait sur mesure par un exceptionnel tailleur italien. Une élégance innée se dégageait de chacun de ses mouvements.
Jared n’était pas seulement un bel homme. La richesse et l’opulence lui étaient familières, ses ancêtres ayant toujours investi sagement. Plusieurs générations avaient assuré les assises de la fortune familiale.
On recherchait la compagnie de Jared, tant à cause de son statut social que de son argent mais lui, tout en demeurant d’une courtoisie parfaite, cachait une lassitude dont bien peu étaient conscients. Il accueillait les flatteries des opportunistes avec un détachement certain.
Confronté à l’avidité du monde, il s’amusait du refus que Tasha opposait à ses tentatives de cadeaux. Elle n’en acceptait que pour Noël et son anniversaire.
Elle se rappelait comment elle lui avait déclaré, digne et solennelle, que pour autant qu’elle appréciât l’intention, le plus beau cadeau qu’il pût lui faire, elle le possédait déjà. Son amour.
Aujourd’hui, aurait-elle pu répondre de la même façon ?
— Nous devons partir, s’excusa Jared auprès de leur hôte. Je dois revoir mes notes avant l’audience de demain.
Après les salutations d’usage, il prit la main de Tasha et, quelques instants plus tard, ils remontèrent en voiture.
Une soudaine averse les surprit, zébrant le pare-brise de longues traînées avant de se transformer en simple bruine. L’humidité imprégnait l’air.
A cette heure tardive, le trafic avait beaucoup diminué et Jared ne fut pas long à la reconduire. Il arrêta la Jaguar en bas de son appartement et coupa le contact.
Tasha posa la main sur la poignée de la portière.
— Merci de m’avoir raccompagnée.
Un bras sur le volant, il se pencha vers elle.
— Qu’est-ce qui te presse ?
Le besoin de lui échapper… S’il la touchait, elle était perdue.
— Tu disais que tu voulais revoir tes notes… Et il est tard.
— Tu te préoccupes de mon bien-être, Tasha ?
— De ta clientèle, plutôt.
Elle avait apporté la précision d’un ton neutre mais elle ne put retenir un frisson lorsqu’il l’obligea à tourner son visage vers lui.
— C’est très aimable à toi.
Baissant la tête, il effleura ses lèvres d’un baiser si doux qu’il en était insupportable.
Seigneur. Sa gorge se serra et elle dut mobiliser toute sa volonté pour rester impassible, alors que Jared appuyait son baiser avec une sensualité qui la laissa pantelante. Malgré elle, elle brûlait d’envie qu’il continue…
Il lui serait si simple de s’abandonner, de succomber à des caresses si persuasives !
Désespérée, elle comprit qu’elle ne voulait rien tant que l’inviter à monter, arracher ses vêtements et l’attirer dans sa chambre.
Elle voulait sentir sa bouche sur la pointe de ses seins… Elle se rappelait la sensation de son excitation contre son ventre, elle voulait savourer encore le goût de sa peau, et livrer avec lui une joute sans retenue. A ses côtés, faire l’amour prenait une dimension insoupçonnée.
Un gémissement lui échappa alors que Jared s’écartait et pendant un instant de folie, elle s’accrocha à lui. S’il était resté contre elle un instant encore, elle l’aurait supplié.
Grands dieux ! Les mots étaient déjà sur ses lèvres. Le sang reflua de son visage, le laissant livide sous l’éclairage du parking. Ses yeux étaient noyés des pleurs qu’elle retenait.
Doucement, il caressa sa joue, et s’attarda à dessiner le contour de ses lèvres, encore humides de son baiser.
Il voulait lui faire l’amour, la tenir contre lui, ne plus jamais la laisser partir… Et c’était bien ce qu’il allait faire. Mais pas tout de suite. Il fallait lui laisser le temps et l’espace dont elle pensait avoir besoin ; pas trop, cependant.
— Cela fait bien des années que je n’ai plus fait l’amour en voiture, dit-il d’un ton taquin. Je pensais que c’était réservé aux adolescents.
Tasha lutta pour retrouver un équilibre. Il fallait répondre sur le même ton, sinon elle courait au désastre.
— Etait-ce en BMW, en 4x4 ou avais-tu déjà la Porsche ?
— Je me souviens du moment, mais pas du véhicule.
Sa réponse suscita la réaction qu’il espérait… un éclat de rire sincère.
— Et tes partenaires, tu t’en rappelles ?
— Certaines étaient plus mémorables que d’autres.
Mais aucune ne t’arrivait à la cheville, songea-t il.
Un petit silence gêné suivit, qu’aucun des deux ne semblait pressé de rompre. Enfin, Tasha ouvrit la portière.
— Bonne nuit.
Il la regarda quitter la voiture.
— Je t’appelle…
Il attendit qu’elle soit entrée dans l’immeuble à l’aide d’une carte électronique, et ne la quitta du regard que lorsque les portes se furent refermées sur elle. Elle ne s’était pas retournée.
Sourcils froncés, il tourna la clé de contact.


**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 17-03-09 11:34 PM

CHAPITRE 5


Le travail supplémentaire dû à l’absence d’un associé, en congé pour raison familiale urgente, fut en quelque sorte une bénédiction. Cela permit à Tasha de n’avoir plus une minute à elle, et de ne pas trop ressasser d’idées noires.
C’était du moins ce qu’elle tentait de croire.
Car au fond d’elle-même, elle savait bien que l’image de Jared l’accompagnait en permanence.
Pourtant, il lui fallait rester concentrée. Les erreurs étaient impardonnables et elle consacrait tout le temps nécessaire à s’assurer qu’aucune ne lui échappait. Le mode du pilotage automatique n’était pas prévu dans sa profession…
Un appel de la réception interrompit sa réflexion.
— Livraison spéciale !
Tasha vérifia qu’il lui restait bien cinq minutes avant son prochain rendez-vous.
— J’arrive.
Elle attendait un contrat porté par coursier. Il lui faudrait l’analyser et en préparer rapidement une synthèse, pour un rendez-vous fixé le lendemain. Les documents légaux pouvaient réserver autant de pièges qu’un champ de mines. Chaque clause devait être soigneusement examinée, chaque mot soupesé, pour s’assurer de l’adéquation du contrat aux désirs du client. La plus grande vigilance s’imposait.
Mais ce n’était pas une enveloppe cartonnée qui l’attendait sur le bureau d’Amanda, à la réception. C’était un énorme bouquet de roses rouges, et Tasha sentit son estomac se contracter en pensant à celui qui les envoyait.
— C’est pour une occasion, ou juste comme ça ? s’enquit Amanda.
— Juste comme ça…
— Je vais vous trouver un vase.
L’amicale efficacité d’Amanda faisait merveille dans tous les domaines.
— Merci.
Tasha attendit d’être retournée dans son bureau pour lire la carte glissée dans le bouquet.
« Je t’aime. Jared. »
Il l’aimait ? Ce ne pouvait être qu’ironique. Comprenait-il le sens véritable de ce mot ? En tout cas, lui et elle ne devaient pas l’interpréter de la même façon. Et s’il croyait l’attendrir par cet envoi, il se trompait lourdement.
Dans l’intimité de son bureau, elle se permit d’admirer les pétales d’un carmin velouté, et respira le parfum entêtant. Affluèrent à sa mémoire les souvenirs d’autres bouquets offerts par Jared pour célébrer…
Non. C’était un chemin dangereux, qu’elle devait s’interdire.
Un léger coup frappé à sa porte l’obligea à se ressaisir.
— Voici un vase. Plein d’eau, précisa gaiement Amanda en le déposant sur une crédence. Au fait, votre cliente est arrivée.
— Donnez-moi une minute avant de l’amener ici ; le temps de disposer les fleurs.
Le contrat arriva peu après la fin de son rendez-vous, et elle profita de l’heure du déjeuner pour y jeter un premier coup d’œil. Elle prit quelques notes sur les points litigieux et se consacra aux travaux de l’après-midi. Il lui fallut rester une heure de plus que prévu pour boucler sa journée.
Enfin, elle put rentrer chez elle. Ou plutôt, retourner à cet appartement qu’elle ne parvenait pas à considérer comme son foyer. Il y eut ce moment irritant où, au volant de sa voiture, elle prit machinalement une intersection qui conduisait tout droit chez Jared. Elle maugréa contre sa distraction, mais ce fut bien pire lorsqu’elle s’aperçut qu’il lui était impossible de faire demi-tour ! Le trafic était dense, en fin de journée, et les conducteurs, peu disposés à l’indulgence, ne l’auraient pas laissée manœuvrer. Enfin elle entrevit l’opportunité de tourner et la saisit, ignorant délibérément la sonnerie insistante de son portable. Elle trouverait le message sur son répondeur et s’il s’agissait de Jared, elle prendrait le temps de dîner et de se détendre avant de le rappeler. La journée avait été longue et plutôt bousculée… Sans compter qu’il lui restait ses notes à mettre au propre et quelques références à vérifier. Ensuite, elle organiserait un résumé précis du contrat. En bref, elle n’était pas près de se coucher…
Mais la première chose à faire, c’était abandonner ses escarpins et son tailleur, libérer ses cheveux du carcan de leur chignon et se mettre enfin à l’aise, sans oublier de se démaquiller.
Une salade de poulet et un fruit lui servirent de dîner. Puis, elle ouvrit une bouteille d’eau, et installa son ordinateur portable sur la table de la cuisine.
Elle était plongée dans l’analyse d’une référence lorsque la sonnerie de la porte retentit. Etonnée, elle leva les yeux. Personne, hormis Jared, ne connaissait sa nouvelle adresse. Et le sas de sécurité signifiait qu’il devait l’appeler avant de franchir l’entrée…
Elle vérifia l’identité du visiteur par l’œilleton et, reconnaissant son voisin, elle ouvrit.
— Damian ?
Son sourire enjôleur amena une note de bonne humeur sur les traits de Tasha.
— Est-ce une visite de courtoisie ? Car à vrai dire, je suis assez occupée, ce soir…
— Eh bien, je dois retrouver quelques amis dans un café du centre-ville, et je me demandais si vous voudriez vous joindre à nous.
— Merci mais…
— Merci non ? interrompit-il, un sourcil levé.
— Eh bien, disons plutôt une autre fois.
La sonnerie du téléphone lui fournit un prétexte plausible pour en rester là.
— Excusez-moi, je dois aller répondre.
Elle referma la porte, la verrouilla et ouvrit son portable.
— Rude journée ?
Elle ferma les yeux, exaspérée de se sentir les jambes en coton rien qu’à entendre le timbre velouté de Jared.
— Assez, oui, dit-elle un peu sèchement avant que ses bonnes manières ne lui reviennent. Au fait, merci pour les roses.
Elle les avait laissées au bureau, comptant dès le lendemain les porter à la réception afin que tout le monde en profite.
— Ne me remercie pas, tout le plaisir est pour moi.
Le mot de plaisir dans la bouche de Jared évoquait tant d’autres choses que le pouls de Tasha s’emballa.
— Pourquoi appelles-tu ?
— Pour dire bonsoir.
Elle ravala un soupir las.
— J’ai pas mal de travail à boucler, trois heures me suffiront à peine alors si…
— As-tu dîné, au moins ?
Les doigts de Tasha se crispèrent sur l’appareil.
— Est-ce un interrogatoire ?
— Tu peux répondre par oui ou par non, cela me convient.
— Alors, oui.
— Bien, reprenons sur de nouvelles bases. Puisque tu as dîné, est-ce qu’un café en ville t’intéresse ?
Il semblait vaguement amusé par sa réaction.
— Je ne suis pas habillée.
— Dans ce cas, prenons-le chez toi.
La proposition recelait un piège dans lequel elle ne tenait pas à tomber.
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
Parfois, il fallait savoir perdre une bataille pour mieux gagner la guerre, se dit Jared.
— Tu as raison, surtout si tu as encore du travail. Bonne nuit, Tasha. Dors bien.
Quelle audace de vérifier ainsi son emploi du temps ! A peine eut-elle coupé la communication que Tasha voulut le rappeler, histoire de lui dire sa façon de penser. Mais une nouvelle sonnerie l’en empêcha.
Elle activa l’appel en lâchant un « oui » plutôt sec.
— Je tombe mal…
C’était la voix d’Héloïse. Tasha prit une profonde inspiration.
— Comment vas-tu ?
— On en parlera plus tard. Demain, sous les arcades ? Le charmant petit restaurant en bout de galerie, à 13 heures ?
— Avec plaisir. Veux-tu que j’appelle pour réserver ?
— Je me charge de tout. Tu vas bien, toi ?
— Ça va, mentit Tasha. Tu sais ce que c’est, un collègue absent, la surcharge de travail qui en découle… Mauvaise journée, mais rien de plus.
— On en reparle demain. Salut !
Le lendemain, Tasha arriva en retard au déjeuner, en dépit de ses efforts. Elle passa rapidement sa commande et se prépara à affronter les questions de son amie.
Héloïse réagit exactement comme Tasha le prévoyait : elle demanda mille détails sur le nouvel appartement puis aborda directement le sujet de Jared.
— Nous nous téléphonons, admit Tasha, devant l’air interrogateur de son amie.
— Vous sortez encore ensemble ?
— Plus ou moins.
— Mon chou, cela ne veut rien dire. Soit vous sortez, soit non.
Tasha eut un petit mouvement d’épaules.
— Nous sommes allés ensemble à un dîner prévu depuis quinze jours.
— Et ?
— Et c’est tout, assura-t elle fermement.
— Comme un rendez-vous entre adolescents ? Il est venu te chercher, il t’a raccompagnée, et puis… rien ?
— Rien.
— Voilà qui m’impressionne, déclara Héloïse avec un sourire taquin. Heureusement que je suis ta meilleure amie, sinon je ne te croirais pas !
Leur amitié remontait aux années de collège. Pendant l’adolescence, elles s’étaient mutuellement soutenues lorsque le temps était à l’orage : divorce des parents d’Héloïse, nombreux remariages du père de Tasha… Aux dernières nouvelles, ce dernier courtisait une riche veuve texane. Il n’avait pas revu sa fille depuis des années.
Un environnement stable avait toujours manqué à Tasha et pour elle, l’internat était devenu un refuge. Très jeune, elle s’était décidée pour des études de droit. La réussite se devait d’être au rendez-vous.
— Je sais pouvoir compter sur toi, dit-elle en posant la main sur celle de son amie. Je ne sais plus que penser… Il m’a envoyé des roses.
— Il t’adore, dit Héloïse avec détermination.
— Disons plutôt qu’il appréciait ce que nous partagions : un style de vie agréable, une liaison sans contraintes… Enfin, aucune de ces contraintes qui vous lient à jamais.
— Et toi, tu voudrais te lier ?
Les yeux de Tasha s’assombrirent.
— J’ai mes raisons, tu le sais bien.
En prenant une gorgée de thé, elle s’aperçut que sa main tremblait.
— D’accord, mon père ne m’a pas fourni de très bons exemples en ce qui concerne les unions réussies…
— Tu n’es pas obligée de suivre le même chemin.
— Justement, je dois faire preuve d’exigence…
Un coup d’œil à sa montre lui confirma l’heure avancée.
— Il faut que je file. Finis tranquillement ton café, je vais régler.
— Il n’en est pas question ! s’insurgea Héloïse.
— Ne dis pas de bêtises. Tu te rattraperas la prochaine fois !
Quelques minutes avant la sonnerie du réveil, Tasha s’éveilla en sursaut. Une nausée terrible la précipita dans la salle de bains.
Seigneur, cela se reproduirait-il chaque matin ?
La veille, un thé léger et un toast avaient eu raison de son mal au cœur. Mais aujourd’hui, c’était pire ! Pour certaines femmes, les nausées duraient toute la grossesse, et parfois se produisaient plusieurs fois par jour !
Elle plaça une main sur son ventre.
— Bébé, dit-elle d’un ton raisonneur, si tu dois me faire ce coup-là matin, midi et soir, maman va prononcer des mots que tes jeunes oreilles ne devraient pas entendre !
Au bout d’une demi-heure, elle avait recouvré ses esprits et put procéder à sa toilette.
Mais elle avait pris du retard, et se demanda si elle pourrait arriver jusqu’à son bureau lorsque sa voiture refusa de démarrer. La mécanique n’était pas son fort, mais elle avait vérifié le niveau d’huile et celui du liquide de refroidissement avant de faire une nouvelle tentative. Qui se solda encore par un échec…
— Des problèmes ?
Un visage se penchait à la vitre. Elle reconnut Damian et eut une mimique d’impuissance.
— Elle refuse de démarrer…
Il souleva le capot, farfouilla un instant et prit la place de Tasha derrière le volant. A son tour, il mit le contact et fit la moue.
— La batterie est à plat.
Il ne restait que deux options à Tasha : appeler un dépanneur et être définitivement en retard, ou bien prendre un taxi. Et tant pis pour la voiture.
— Laissez vos clés au gardien, proposa Damian. Je vous déposerai en ville et, de votre bureau, vous pourrez vous arranger avec un garage.
Une aide aussi efficace était une bénédiction ! Pleine de gratitude, elle remercia chaleureusement le jeune homme.
— Je vous dois une fière chandelle.
Elle fut en retard quand même et dut recevoir les plaintes aigres-douces d’un client qui n’appréciait pas de perdre son temps.
Ce n’était, hélas, qu’un début : la journée alla de mal en pis : réunions dépassant l’horaire prévu, secrétaires absentes, déjeuner escamoté pour faire face au surcroît de travail…
Il y eut une interruption en milieu d’après-midi, lorsque Amanda lui porta la rose unique, sublime, qui venait d’arriver pour elle.
— Jared North est si romantique, soupira la réceptionniste.
Quelque temps plus tôt, les yeux de Tasha se seraient embrumés… Cette fois, elle se *******a d’un simple :
— Oui, n’est-ce pas ?
Elle prit le temps de vérifier au téléphone que la batterie de sa voiture avait bien été remplacée, ne put quitter le bureau qu’à 18 heures et se retrouva à faire la queue pour obtenir un taxi.
Fatiguée, affamée, elle se sentait très sotte avec sa rose à la main et son énorme attaché-case.
L’appel d’un Klaxon lui fit à peine tourner la tête au milieu des bruits de la ville et elle ne jeta qu’un coup d’œil indifférent à la voiture qui s’arrêtait à deux pas.
Une vitre s’abaissait. Le conducteur se pencha à la fenêtre.
— Tasha, grimpez et je vous reconduis !
Tasha reconnut Damian, hésita un instant… Mais l’attente devant la file de taxis semblait devoir durer toute la nuit. Et elle était vraiment fatiguée. Elle ouvrit la portière et s’installa sur le siège passager.
— Merci.
— A votre service.
Il redémarra pour se joindre au trafic, et lui adressa un sourire amical.
— Il faudra que je m’arrête chez le traiteur chinois, pour prendre un repas tout prêt. Ça vous dirait que j’en prenne pour deux ?
La lassitude qu’éprouvait Tasha rendait l’idée séduisante. Au moins, elle n’aurait pas à cuisiner.
— D’accord mais c’est moi qui vous l’offre.
— Et si je refuse ?
— Considérez cela comme un remerciement…
Ils s’approvisionnèrent auprès d’un petit restaurant réputé pour son bœuf sauté, et posèrent leurs plats sur la banquette arrière.
— Chez vous ou chez moi ? s’enquit Damian une demi-heure plus tard alors que l’ascenseur les laissait à l’étage.
— Aucune importance, fit Tasha en haussant les épaules. Disons chez vous.
Il ouvrit la porte sur ce qui se présentait comme un appartement typique de jeune célibataire, avec équipements son et télé à la pointe de la technologie, et un décor sobre où dominait le cuir noir du canapé et des fauteuils.
Damian posa les repas sur la table du salon.
— Bière ? fit-il en se dirigeant vers le réfrigérateur.
— Merci, non, je ne bois pas.
Déclaration qui resterait inchangée tout le temps de sa grossesse…
— Coca, limonade, eau plate ?
Tasha opta pour la dernière proposition et ils dégustèrent les chop sueys qu’il avait rapportés. Tasha se servait des baguettes avec dextérité.
— Dites-moi, demanda Damian en essayant de saisir une pousse de bambou au bout de ses baguettes, pourquoi une aussi jolie fille que vous choisit-elle de vivre seule ?
Tasha le regarda bien en face.
— Est-ce pour faire connaissance entre voisins ou par intérêt plus personnel que vous me demandez cela ?
— Les deux.
— Avec pour but ?
— Un rendez-vous, un de ces soirs…
Il engloutit une bouchée de légumes, tenta de prendre l’air d’un gamin pris en faute et échoua misérablement.
— Enfin, si le « compagnon » n’en est plus un, précisa-t il. Et si vous acceptez l’invitation…
Il était l’heure de jouer cartes sur table.
— Le « compagnon » est le père du bébé que je porte, déclara tranquillement Tasha. Il se croit obligé de me proposer le mariage.
Damian fit de son mieux pour ravaler sa déception.
— Je vois… J’espère que cela n’est pas un obstacle à notre amitié ? Je m’en sors très bien avec les gamins : j’ai cinq neveux et trois nièces. Personne ne me bat sur le maniement de la couche-culotte, assura-t il avec un sourire malicieux.
— C’est précieux. On peut vous appeler en cas d’urgence.
— Cela ne nous empêchera pas d’aller voir un film ensemble ou de partager un repas, dit-il en souriant toujours.
— Bien sûr que non, répondit Tasha, touchée par sa gentillesse.
Elle terminait le repas lorsque son téléphone portable résonna. C’était… Jared.
— Je peux te rappeler ? demanda-t elle un peu sèchement.
La réponse étant positive, elle coupa la communication.
— Laissez-moi deviner, dit Damian, mi-figue, mi-raisin. Le « compagnon » ?
— Gagné.
— Vous faut-il vous ruer à votre appartement ou prendrez-vous le temps d’un café ?
— Un thé serait parfait.
— Vous n’obéissez pas au doigt et à l’œil, dit-il d’un ton taquin. J’apprécie beaucoup cette qualité, chez une femme.
Il se leva pour préparer le thé et, quand il revint, la conversation reprit, agréable et détendue. Tasha ne se pressa pas. La compagnie de Damian était plaisante, pourquoi ne pas en profiter ?
En conséquence, presque une heure s’était écoulée lorsqu’elle souhaita bonne nuit à son hôte et regagna son appartement.
Machinalement, elle déposa sa mallette, mit la rose dans un vase, ôta ses vêtements et s’offrit la détente d’une longue douche.
Elle se sécha dans une moelleuse éponge, enfila une nuisette et rappela Jared.
— Il n’est pas nécessaire que tu m’appelles tous les soirs, déclara-t-elle assez fraîchement.
— Tu devras t’y habituer.
Il y avait dans la voix de Jared un côté coupant qu’elle préféra ignorer.
— Rien ne te donne le droit de…
— Oublie immédiatement ce genre de déclaration. Recommençons sur de meilleures bases et raconte-moi ta journée.
— Tu veux la jouer « poli » ?
— Tu préfères la jouer « agressive ? »
Non, elle ne préférait pas.
— Alors, ta journée ? reprenait Jared devant son absence de réponse.
— Batterie à plat, client furieux… A part ça, comme d’habitude.
— Tu aurais dû m’appeler pour la voiture.
— Damian m’a donné un coup de main. Il m’a déposée en ville.
— Vraiment ? gronda Jared. C’est trop aimable à lui. Je parie qu’il t’a aussi ramenée…
— C’était un hasard, mais oui. On a dîné ensemble.
— Raconte-moi ça.
Tasha n’aimait pas la tournure que prenait la conversation.
— Il passait chez le chinois en me raccompagnant. Il a pris deux parts.
— Et vous avez dîné ensemble… Chez toi ou chez lui ?
— Chez lui.
Il y eut un instant de silence.
— Tu es en train de me dire que tu as passé deux heures chez un type que tu ne connais que de vue ?
— Bon sang, Jared, c’est mon voisin d’en face !
— Et alors, est-ce une garantie de moralité ?
— Je n’ai rien fait de mal ! Je lui devais bien cela pour le dépannage de ce matin. Et puis d’ailleurs, ajouta-t elle sur sa lancée, tu n’as pas le droit de me dicter ma conduite. Je vais où je veux, et je passe deux heures avec qui me plaît.
— Ça, c’est ton point de vue !
Les doigts de Tasha serrèrent le portable jusqu’à ce que ses jointures blanchissent.
— Je vais terminer cette conversation, Jared. Bonsoir.
Elle referma le portable et l’éteignit. Seigneur, comment osait-il…
« Et pourtant, son inquiétude était légitime », murmura une petite voix tout au fond d’elle-même alors qu’elle se couchait. Et puis, on ne pouvait pas écarter l’idée qu’il soit jaloux. Cette possibilité donna à Tasha un instant de satisfaction.



**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 17-03-09 11:35 PM

ÞÑÇÆÉ ããÊÚÉ áÌãíÚ ÚÔÇÞ ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÝÑäÓíÉ

cocubasha 18-03-09 01:59 AM



Çááå íÚØíßí ÃáÝ ÚÇÝíÉ ÑíåÇã

ÊÚíÔí æ ÊÌíÈí ÏÇíãÇ



http://sl.glitter-graphics.net/pub/6...yzzxf79erp.gif



**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 19-03-09 11:55 PM

ÇÞÊÈÇÓ:

ÇáãÔÇÑßÉ ÇáÃÕáíÉ ßÊÈÊ ÈæÇÓØÉ cocubasha (ÇáãÔÇÑßÉ 1902564)


Çááå íÚØíßí ÃáÝ ÚÇÝíÉ ÑíåÇã

ÊÚíÔí æ ÊÌíÈí ÏÇíãÇ



http://sl.glitter-graphics.net/pub/6...yzzxf79erp.gif




Çááå íÚÇÝíßí íÇ ÞáÈí æÊÓáãí

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 20-03-09 12:50 AM

CHAPITRE 6

Le téléphone sonna juste après huit heures, et voyant qu’il s’agissait de Jared, Tasha faillit ne pas décrocher.
— Tu n’as rien à me dire, Tasha ?
— J’aurais préféré rester muette mais si tu me tentes…
L’écho du rire de Jared, un peu voilé, la surprit et la troubla.
— Pourquoi appelles-tu, Jared ?
— Monica arrive par avion demain. Elle vient nous rendre visite…
Monica, la mère de Jared, avait perdu son mari. Comme elle entretenait d’excellents rapports avec Tasha, elle venait souvent à Brisbane passer quelques jours chez eux. Jared lui avait-il dit qu’ils ne vivaient plus ensemble ?
— Elle ne reste que peu de temps, car elle part sur la côte. J’ai pensé qu’on pourrait l’emmener dîner samedi soir et peut-être, aller au théâtre.
— Et si je refusais ?
— Elle serait terriblement déçue de ne pas te voir.
Jared ne mentait pas et Tasha avait une réelle affection pour Monica. Déchirée, elle se résolut au compromis.
— D’accord… pour le dîner.
— Je te rappellerai quand j’aurai réservé.
Si c’était cela, vivre seule ! médita Tasha en s’insinuant dans le trafic dense du début de matinée. Depuis qu’elle avait pris son indépendance, Jared lui avait téléphoné sans discontinuer, ils avaient dîné ensemble, s’apprêtaient à le refaire et elle vivait entourée des roses qu’il lui faisait parvenir… Cette fois, c’était Monica qui les obligeait à se revoir. Et la semaine suivante, quoi encore ?
Leur séparation tournait à la farce. Et par la faute de qui ?
Tasha se gara dans le parking souterrain du bureau et s’apprêta à une autre dure journée. De fait, lorsqu’elle rentra le soir, elle en était à se demander qui pouvait bien vivre les grossesses radieuses évoquées par les magazines. Depuis le matin, une nausée insidieuse s’était ajoutée à sa fatigue. Il n’y avait pas de quoi se sentir radieuse le moins du monde.
Tout ce qu’elle souhaitait, c’était une bonne douche et un dîner léger. Puis elle se blottirait dans un fauteuil avec un bon livre et tirerait un trait sur les tracas jusqu’au lendemain.
Tasha venait à peine de s’asseoir lorsque le téléphone sonna. Heureusement, ce n’était qu’Héloïse. Elle poussa un soupir de soulagement.
Son amie lui proposait le rendez-vous habituel pour déjeuner ensemble le lendemain. Tasha accepta avec plaisir mais sa voix laissait percer sa lassitude.
— Comment te sens-tu ? s’enquit Héloïse.
— En morceaux… Je te passe les détails.
— Dois-je demander des nouvelles de Jared ?
— De préférence non.
— Comme tu voudras, répondit son amie en riant. A demain, alors. Passe une bonne nuit.
Le sommeil ne lui fit pas défaut et le lendemain, au réveil, Tasha se sentait fraîche et dispose. Cet état plaisant dura bien cinq minutes, avant que son estomac ne se contracte et l’oblige à se réfugier dans la salle de bains.
Au travail, les secrétaires absentes avaient été remplacées par des temporaires. Les choses reprenaient leur cours habituel. Tasha vit affluer sur son bureau tout ce qui avait pris du retard et passa sa matinée à tout mettre à jour.
Elle parvint quand même à rejoindre Héloïse presque à temps. Le restaurant sous les arcades n’était pas très loin du bureau. Son amie l’accueillit avec un sourire affectueux et elles s’étreignirent.
— Que prends-tu ?0
Tasha commanda du thé et une salade César. La serveuse revint rapidement avec les plats et les deux amies, tout en bavardant, commencèrent leur déjeuner.
— Comment vas-tu ? s’enquit Tasha.
— A vrai dire… Je ne voulais pas t’en parler au téléphone mais…
Le regard de son amie pétillait d’excitation contenue.
— On a proposé à Simon un excellent poste à New York, reprit Héloïse. Nous en avons parlé… Il accepte. Lui part dans quinze jours et je le rejoins deux semaines plus tard.
— C’est formidable ! s’exclama Tasha, sincèrement enthousiasmée. Mais tu vas me manquer terriblement…
Ce n’était que pure vérité. On pouvait avoir de nombreuses relations et pourtant, les amis véritables se comptaient sur les doigts d’une main.
— Allons, New York n’est pas si loin, la consola Héloïse. Nous pourrons toujours correspondre par e-mail… Et j’ai déjà prévenu Simon que je reviendrai pour la naissance de ton bébé.
— Oh ! Héloïse ! Tu ferais ça ?
— Je ne voudrais manquer le grand événement pour rien au monde ! N’oublie pas, dit-elle d’un ton faussement solennel, que la petite personne que tu portes sera mon filleul. Ou ma filleule.
— Bien sûr ! C’était prévu entre nous depuis toujours…
Tasha s’interrompit, percevant un froncement de sourcils sur le visage de son amie.
— Ça ne va pas ?
— Je viens de voir entrer Jared avec Soleil.
— Ils se dirigent par ici ?
— On dirait.
— Soleil est conseillère juridique sur l’affaire que traite Jared, lui rappela Tasha.
Mais au même moment, elle se disait qu’il était bien tard pour un déjeuner d’affaires… La session de l’après-midi avait déjà commencé, au tribunal.
— Jared vient de nous remarquer, l’informa Héloïse. Et Soleil fait de son mieux pour ne pas sembler trop déçue !
— Cette femme est une actrice-née.
— Cela promet d’être intéressant, murmura Héloïse alors que le couple les rejoignait. Bonjour, Soleil. Jared, quel plaisir !
— Tasha…
Il se pencha pour effleurer sa joue d’un baiser, posant la main sur son épaule.
— La plaidoirie est ajournée jusqu’à demain, précisa-t il, et Soleil a suggéré qu’on mange un morceau avant de regagner le bureau.
Qu’y avait-il d’étonnant à cela ? Soleil aurait fait n’importe quoi pour un tête-à-tête avec Jared.
— Pourquoi ne pas vous joindre à nous ? offrit suavement Héloïse, ignorant le regard noir de Tasha.
— Nous ne voudrions pas interrompre votre discussion entre filles, rétorqua Soleil avec une égale suavité. D’autre part, Jared et moi devons discuter de quelques points de notre affaire…
Tasha choisit de jouer le jeu.
— Discussion confidentielle, bien entendu… Mais je doute que vous trouviez une table à cette heure-ci. Nous sommes sur le point de finir, prenez donc la nôtre.
— Je m’en voudrais de vous presser, dit Jared d’un ton un peu rauque.
Se rendait-il compte des sous-entendus de leur petite conversation ? Peut-être pas, se dit Tasha. Néanmoins, elle n’allait certainement pas assister au numéro de vamp que Soleil allait donner.
— Je dois retourner au bureau, mentit-elle effrontément. Héloïse, tu es mon invitée.
Elle se leva. En fidèle amie, Héloïse la suivit.
— Au revoir, Jared. Soleil…
Dès qu’elles furent hors de portée de voix, Héloïse demanda :
— Pourquoi cette précipitation ? A quoi joues-tu ?
— A quitter les lieux avant de devenir impolie.
— Ce faisant, tu laisses le champ libre à cette vipère !
— Franchement, je m’en moque.
— Allons donc !
Tasha régla la note et l’intermède coupa court à la discussion.
— Merci, reprit Héloïse. Ce devait être mon tour de t’inviter, tu sais… Appelle-moi.
Elles se séparèrent, chacune empruntant un chemin différent. Tasha passa l’après-midi à tenter d’oublier l’image de Soleil assise en face de Jared.
Ce n’était pas la première fois qu’ils allaient ensemble au restaurant. Jared décrivait ces pauses comme de simples déjeuners de travail. Seigneur, combien de fois Tasha avait-elle déjeuné avec un collègue, elle aussi ? Sans aucune idée romantique derrière la tête !
Donc, pourquoi cela la perturbait-elle autant ?
« Parce qu’il s’agissait de Soleil, une intrigante qui allait mettre tout en œuvre pour obtenir ce qu’elle voulait », gronda une voix intérieure.
Et qui n’hésitait pas à pousser ses avantages, constata Tasha lorsque Amanda lui annonça Soleil sur la ligne deux.
— Soleil… Que puis-je faire pour toi ? demanda-t elle froidement.
— Je tenais juste à t’avertir amicalement : rien ne me retient plus maintenant que Jared et toi êtes en train de vous séparer.
— Vraiment ? répliqua Tasha en essayant de paraître indifférente. Et qu’est-ce qui t’a menée à cette intéressante conclusion ?
— L’essentiel est que je sois au courant.
— Si c’est ce que tu espérais, pourquoi avoir attendu si longtemps ?
— Pour séduire Jared ?
Soleil égrena un rire en cascade, particulièrement irritant.
— J’ai quelques scrupules, parfois.
Première nouvelle, ironisa silencieusement Tasha avant de reprendre tout haut :
— Suis-je censée te souhaiter bonne chance ?
— Pas la peine, rétorqua Soleil, faisant tinter les notes cristallines de son rire. Je ne me fie jamais à la chance.
— Grand bien te fasse, Soleil. Maintenant, si tu n’as rien d’important à me dire, tu ne m’en voudras pas de te quitter. Un client m’attend.
Tasha raccrocha. Soleil l’avait tellement agacée qu’elle en aurait brisé quelque chose, rien que pour soulager sa mauvaise humeur. Laquelle persista tout l’après-midi… Tasha fut soulagée de partir pour pouvoir ruminer à son aise, dans son salon. Lorsqu’elle se gara devant chez elle, Damian attendait l’ascenseur. Le temps qu’elle entre, et il lui tint la porte.
— Fichtre, j’espère que votre colère n’est pas dirigée contre moi, dit-il avec un sourire malicieux.
Tasha secoua la tête et sourit. La bonne humeur de son voisin était contagieuse.
— Que diriez-vous de déposer les ennuis de la journée à votre porte ? reprit Damian. On pourrait aller au cinéma et grignoter un morceau…
Pourquoi pas ? Cela l’aiderait à décompresser.
— Vous êtes sûr, vous n’avez rien de mieux à faire ?
— Rien du tout. Je suis tout à vous.
Il ouvrit la porte de l’ascenseur et s’effaça devant elle.
— Dans dix minutes, ça vous va ?
Ils prirent la voiture de Damian et après un hamburger-frites, choisirent une comédie dans le cinéma de quartier le plus agréable. Le film était franchement amusant, et Tasha sortit de la projection d’excellente humeur. Il devait y avoir quelque chose de vrai dans l’adage qui présentait le rire comme la meilleure des médecines !
La thérapie dura jusqu’à ce que Tasha remarque une jeune femme à la chevelure auburn, qui, la voyant, s’empressa d’approcher.
— Eh bien, quelle coïncidence…, ronronna Soleil en arrivant à leur hauteur. Ne vas-tu pas nous présenter ?
Elle fixait Damian d’une manière si obstinée, si ostensible que celui-ci se racla la gorge et se présenta.
— Damian. Un ami de Tasha.
— Un ami, vraiment ? Vous avez fait connaissance dans le cadre du travail ?
— Non, répondit-il laconiquement.
Soleil laissa glisser son regard vers Tasha.
— Il faut que je parle à Jared de notre rencontre…
La perfidie de son propos était évidente. Tasha ne se laissa pas décontenancer. Elle passa son bras sous celui de Damian.
— Je suis sûre que ce genre d’histoire va le passionner. Tu veux bien nous excuser, Soleil ?
Damian comprit l’intention et lui emboîta le pas pour quitter l’auditorium.
— Je parie qu’il ne s’agit pas de votre meilleure amie…
Tasha leva un sourcil interrogateur.
— Comment l’avez-vous deviné ?
— Si vos regards avaient lancé des poignards, elle ne se serait pas relevée ! J’ai bien cru que vous alliez la massacrer, dit-il avec une grimace.
Son expression la fit rire.
— Vous êtes devin…
— Je peux faire mieux : à mon avis, cette entreprenante jeune femme lorgne le « compagnon ».
— Jared.
— Si vous le dites. Soleil ne sait pas que vous êtes enceinte ?
— Non.
— De toute façon, dit Damian, ouvrant la portière de Tasha, qu’elle le sache ou non n’a aucune importance. Car d’ici quelques semaines, Jared va vous récupérer, et ce sera comme si Soleil n’avait jamais existé. Au cas où il ait jamais remarqué son existence…
— Mais… Vous êtes incroyable. De quelle planète venez-vous ?
Il démarra en riant.
— Jared n’est pas fou. Il peut vous lâcher la bride, mais sous peu, il vous ramènera au bercail !
— Et si je ne veux pas y rentrer ?
Damian lui jeta un regard perçant.
— Etes-vous si sûre de ne pas le vouloir ?
Qu’il aille au diable ! Tasha ne se sentait pas prête à affronter une telle clairvoyance. Ils terminèrent en silence le trajet qui les ramenait à leur immeuble, dans le quartier de Kangaroo Point.
Au sortir de l’ascenseur, Tasha posa une main légère sur le bras de son voisin.
— Merci. J’ai passé une excellente soirée. Je recommencerai avec plaisir, si cela vous convient aussi.
— Quand vous voudrez. Prévenez-moi !
Un grand sourire illuminait son plaisant visage.
— Et n’hésitez pas à appeler en cas de besoin.
Tasha entra chez elle, referma soigneusement le verrou, et quelques minutes après, elle était dans son lit.
*
* *
Dîner en compagnie de Monica, la mère de Jared, avait toujours été un plaisir pour Tasha. Ces deux années avaient créé entre elles des liens solides.
Mais que Monica pensait-elle de leur couple ? Croyait-elle que leur expérience de vie commune déboucherait sur un mariage ? Des enfants ? L’espérait-elle ?
Avec beaucoup de tact, la mère de Jared avait évité toute question mais au fil du temps, on pouvait comprendre qu’elle s’interroge sur le sens que son fils donnait à cette relation.
Tasha ne pouvait donc réprimer une certaine nervosité, tout en se préparant pour la soirée. Pour consolider sa confiance en elle, elle choisit un tailleur-pantalon rouge, très chic, et le compléta de hauts escarpins. Elle se maquilla avec légèreté, soulignant sa bouche d’un gloss brillant.
Jared devait passer la prendre à 18 heures. Elle descendit quelques minutes avant et déboucha dans le hall juste au moment où la Jaguar se garait.
Un instant, Tasha se demanda quelle explication Jared avait pu fournir à sa mère au sujet des appartements séparés. Y aurait-il un reproche muet dans le regard de Monica ?
Et la grossesse ? En avait-il parlé, ou comptait-il lancer la nouvelle comme une bombe en plein milieu du repas ?
Jared ne lui laissa pas même le temps d’un bonjour. Il se pencha vers elle et prit ses lèvres, enlaçant sa langue à la sienne pour un baiser bref mais évocateur. Tasha sentit ses jambes se dérober. Chaque centimètre de sa peau renaissait à la vie.
Il ne jouait pas franc-jeu… Mais comme ils n’étaient pas seuls, Tasha ravala ses commentaires.
Monica s’avança et lui prit affectueusement les mains.
— C’est un tel plaisir de vous revoir !
— Plaisir partagé, assura Tasha avec un chaleureux sourire. Vous comptez passer quelque temps sur la côte, à ce que m’a dit Jared…
Ils regagnèrent la voiture en devisant et Jared leur tint les portières ouvertes.
— Tasha, asseyez-vous devant, décida la mère de Jared.
Le refus de Tasha provoqua son insistance.
Essayait-elle délibérément de la réconcilier avec son fils ?
Le restaurant que celui-ci avait choisi était connu comme l’un des plus réputés. Le maître d’hôtel se porta à leur rencontre et, avec déférence, les plaça à l’une des tables les mieux situées.
— Alors, quoi de neuf ? s’enquit Monica en attendant la venue du sommelier.
Voilà ce que Tasha attendait et redoutait tout à la fois. Que dire ? La vérité semblait, comme souvent, la meilleure solution.
— Vous voulez dire, à part mon déménagement ?
— Je suis certaine que vous aviez une bonne raison.
Tasha leva les yeux vers Jared : il restait de marbre.
L’arrivée du sommelier fournit un répit et ils passèrent la commande du repas.
A peine eut-il disparu que Jared reprit la main :
— Continue, Tasha, tu ne seras plus interrompue.
— Je suggère que tu donnes toi-même l’explication, se défendit-elle. Tu manies si bien le langage…
Le rire tranquille de Jared la déconcerta.
— A ton gré : de qui que provienne la nouvelle, je suis certain que ma mère sera ravie de l’apprendre. Tu vas bientôt devenir grand-mère.
— Vous allez avoir un enfant ?
Une joyeuse surprise illumina le beau visage de Monica.
— J’en suis tellement heureuse pour vous deux !
Tout à son ravissement, elle serra ses mains l’une contre l’autre et se pencha vers Tasha.
— Comment se passe la grossesse ?
— Elle a des matins difficiles, intervint Jared. Et pour répondre à ta prochaine question, oui, j’ai proposé à Tasha de m’épouser.
— Mes enfants, si je peux vous aider en quoi que ce soit pour les préparatifs…
On en arrivait à l’instant le plus douloureux.
— Il n’y aura pas de mariage, dit doucement Tasha. La grossesse n’était pas prévue.
Monica tourna un regard interrogateur vers son fils.
— Je travaille à la faire changer d’idée, maman…
Disait-il la vérité ?
Heureusement, le serveur apporta les entrées, ce qui fournit une diversion, et Tasha admira le tact de Monica : avec le plus grand naturel, celle-ci enchaîna sur une conversation agréable et toute différente du sujet précédent.
La mère de Jared était active dans de nombreux domaines et s’occupait d’organisations caritatives. Comme elle racontait à merveille les anecdotes que ne manquaient pas de lui fournir ses occupations, Tasha finit par se détendre un peu.
D’autant plus que les plats étaient délicieux, et très raffinés. Jared avait commandé des gambas et elles semblaient si succulentes que Tasha ne put retenir un regard d’envie. Jared lui retourna un sourire chaleureux et piqua une crevette au bout de sa fourchette.
— Goûte…
Du bout des dents, Tasha cueillit le délicat crustacé dont la chair lui sembla fondre sous son palais. La sauce était divine : comment dissimuler son plaisir ? Jared, en la voyant savourer sa bouchée, lui en proposa une deuxième, de la même façon. L’intimité du geste était flagrante… Tasha se laissa ensorceler. La magie agissait toujours entre eux et pendant un instant, elle se prit à souhaiter que tout fût comme avant. Si elle pouvait reculer les aiguilles des pendules…
Mais repartiraient-ils sur les mêmes bases ?
Sûrement pas. Le doute resterait présent… Jamais Tasha n’aurait voulu d’une union sans fondations solides. Elle n’était pas femme à se lancer légèrement dans l’aventure du mariage en se disant qu’au pire, le divorce résoudrait les conflits. Cela, c’était bon pour son père. Il n’avait jamais songé aux conséquences de ses revirements sentimentaux. Avait-il un instant imaginé la vie de la jeune Tasha, obligée de refréner son affection envers ses belles-mères, puisqu’elle savait qu’aucune ne ferait longtemps partie de la famille ? De même, l’adolescente avait évité de s’attacher à ses demi-frères et sœurs, car une fois le divorce prononcé, les jeunes mères les emmenaient définitivement.
Tasha avait vécu une jeunesse solitaire, marquée par la nécessité de lutter seule, sans attendre d’aide de quiconque.
— Tu sembles bien loin, dit tendrement Jared, conscient de son changement d’humeur.
Il aurait tant voulu la serrer contre lui, balayer ses craintes et la protéger, toujours. Pour qu’elle n’ait plus jamais aucune raison de douter.
Tasha parvint à afficher un faible sourire.
— Un instant d’inattention, ce n’est rien…
Mais elle n’avait plus faim et repoussa son assiette.
— Excusez-moi.
— Il n’y a rien à excuser, ma chérie, fit gentiment Monica.
Tasha déclina l’offre d’un dessert et préféra un thé.
Il était plus de 22 heures quand ils quittèrent le restaurant après que Jared se soit chargé de régler l’addition. En sortant, il enlaça les doigts de Tasha.
Son étreinte était chaude et ferme. Tasha n’eut pas envie de s’en dégager et ils demeurèrent ainsi jusqu’à la voiture.
Et lorsque Jared sortit des billets de théâtre, elle n’eut pas non plus envie de lutter. Elle avait pensé rentrer, mais Monica semblait si enthousiaste ! Pourquoi gâcher son plaisir ?
— J’adore ce metteur en scène ! Quelle bonne idée, Jared !
Le foyer du théâtre bruissait de monde. Chacun semblait rivaliser d’élégance et de toilettes.
Tasha reconnut quelques personnes de sa connaissance, et salua de la tête deux clients. L’assemblée devenait de plus en plus compacte et la conversation difficile, dans le brouhaha général. Le flux des spectateurs obligea Tasha à se rapprocher de Jared. Avec une acuité presque gênante, elle percevait la force qui émanait de lui.
Sous la coupe stricte du costume, les contours de son corps lui étaient si familiers ! Elle ressentit un besoin terrible de se lover contre lui. S’il pouvait l’enlacer, effleurer ses cheveux de ses lèvres…
Il suffirait de si peu, d’une simple oscillation, d’une bousculade pour qu’elle aille se blottir contre sa poitrine…
Tasha s’admonesta en silence : un geste aussi inconsidéré aurait de telles conséquences ! Et d’ailleurs, ces petits jeux étaient indignes d’elle. Prétendre qu’on l’avait bousculée ne tromperait personne.
Une sonnerie retentit, annonçant le début du spectacle.
— Ce sera un plaisir de s’asseoir un peu, soupira Monica. On étouffe, ici…
Ils se rendirent à l’orchestre et le rideau se leva sur une pièce du répertoire moderne, pleine d’humour et de finesse. Les acteurs étaient excellents et les deux heures du spectacle s’écoulèrent comme un songe.
Monica ne tarissait pas d’éloges lorsqu’ils quittèrent le théâtre. Jared lui baisa la main en souriant.
— Ravi que cela t’ait plu.
Tasha sentit la paume de Jared se plaquer contre ses reins. Devinait-il l’effet qu’avait sur elle ce simple geste ?
Un mois plus tôt, elle aurait cherché au fond de ses yeux sombres la promesse des moments intimes qui les réuniraient dans la nuit. Elle aurait souri, ils auraient badiné et tous deux, complices, se seraient laissés gagner par la brûlure du désir.
L’abstinence était mauvaise conseillère puisqu’elle lui dictait de se rapprocher de lui. Poser ses lèvres sur sa peau, sentir les muscles se tendre, et sous ses caresses, le toucher soyeux de sa virilité… Tasha en mourait d’envie. Son aura était aphrodisiaque, elle brûlait de goûter son corps.
Lui seul savait la métamorphoser : sous ses mains, elle devenait lascive, s’offrant à chaque plaisir qu’il choisissait de lui procurer. Elle les lui retournait au centuple, jusqu’à ce que le souffle de Jared se brise et qu’il l’arrache aux caresses qu’elle lui prodiguait. Alors il la conduisait au sommet, et chacun perdait tout contrôle dans les bras de l’autre.
— Jared…
Une voix sensuelle avait interrompu sa rêverie, et Tasha se mordit inconsciemment la lèvre. Soleil était là… Accompagnée d’un avocat connu dont Tasha peinait à se rappeler le nom.
— Quelle première extraordinaire ! s’exclama Soleil en laissant glisser sa main sur le bras de Jared. Et quel plaisir de vous revoir, madame North ! Tasha…
Le plaisir avoué semblait tout devoir à l’hypocrisie mais pour qui ne la connaissait pas, Soleil excellait à donner le change.
— J’espère que votre séjour se passe sous les meilleurs auspices, continuait-elle à l’adresse de Monica. Robert et moi allions justement chez Michael’s pour un café. Voudriez-vous vous joindre à nous ? Cela nous permettrait de bavarder un peu, chère Monica… Nous partageons un même intérêt pour tant de bonnes œuvres !
Seigneur ! Jared allait-il gober une ruse aussi grossière ? La seule personne avec qui Soleil tenait à bavarder, c’était lui ! Quant à son soi-disant dévouement aux actions caritatives, mieux valait ne pas gratter sous la surface : Soleil se *******ait d’assister, parée comme une princesse, à tout événement susceptible de lui valoir une photo bien placée à la une des revues juridiques spécialisées. Monica, au contraire, œuvrait dans l’ombre et efficacement, donnant de son temps sans compter.
— Merci mais nous avons d’autres engagements, dit Jared en s’inclinant légèrement.
Façon élégante de se dégager, car d’engagement il n’y avait point. Soleil dissimula sa déception sous un sourire qui n’atteignait pas ses yeux.
— Une autre fois, peut-être ?
— Une autre fois.
Ils se séparèrent. Portés par le mouvement de la foule, Monica, Tasha et Jared se retrouvèrent bientôt à l’extérieur.
— Merci, dit Monica, l’œil pétillant.
— Pourquoi ?
— Tu m’as offert un excellent dîner, un spectacle de choix et pour finir, tu m’épargnes la fastidieuse compagnie de Soleil…
— Tout le plaisir est pour moi.
— Je connaissais la mère de Soleil. Une femme charmante… Dommage que sa fille n’ait pas hérité de ses qualités.
— Elle se défend très bien dans sa partie, tu sais.
Monica lança à Jared un regard perçant.
— Je n’en doutais pas, puisque tu acceptes de travailler avec elle.
Dans la voiture qui reconduisait Tasha à son appartement, tous restèrent silencieux. Mais les au revoir entre les deux femmes furent plus que chaleureux.
— Ne vous dérangez pas, dit Tasha en quittant l’habitacle.
Jared tint néanmoins à l’escorter. Elle ouvrait la bouche pour le remercier mais il posa un doigt ferme sur ses lèvres.
— Ne dis rien…
Le ton de sa voix était légèrement rauque et il attira Tasha vers lui, plaquant ses lèvres sur les siennes avec une détermination qui n’admettait aucun refus.
— Je t’appelle demain, dit-il alors que l’ascenseur s’ouvrait.
Elle monta et Jared attendit que les portes se fussent refermées pour partir.
Tasha avait décidé de consacrer son dimanche à la flânerie et au shopping. Elle se leva d’assez bonne heure, s’habilla d’un jean et d’un tricot léger. Le soleil était de la partie, baignant la matinée d’une douce chaleur.
Prenant ses lunettes de soleil et ses clés, elle sortit en direction de la rive sud, où se tenaient divers marchés d’artisanat. Paresseusement, elle déambula d’échoppe en échoppe. Puis elle alla manger une pizza en terrasse et se consacra aux incontournables courses dans les grands magasins.
Lorsqu’elle reprit sa voiture, le soleil jetait ses derniers feux dans un ciel strié d’orange et de rose. Le coffre de Tasha débordait de paquets, et elle s’était arrêtée au traiteur chinois pour un léger en-cas de nems et de soja.
La fatigue de la journée la portait à lézarder. C’était un soir à regarder un film à la télévision. Ensuite, une bonne douche, et rien de plus fatigant avant de se coucher.
Le téléphone sonna sur le coup de 20 heures. Tasha sortait à peine de la douche. A la hâte, elle enroula une serviette sur son corps humide.
— Tasha…
La voix de Jared lui donna la chair de poule. Instinctivement, elle resserra la serviette autour d’elle en un geste de protection.
— Bonsoir Jared, dit-elle d’une voix tellement formelle qu’un rire amusé lui répondit. Tu vas bien ?
— Comme un homme qui tape depuis deux heures sur son clavier des références, en vue d’un renvoi de l’affaire. Et toi ?
— Comme quelqu’un qui s’apprête à aller au lit après une soirée télé.
— Je pourrais proposer quelque chose de plus motivant.
La voix était chaude, vibrante de sous-entendus. Son pouls se mit à battre la chamade.
— Je n’en doute pas, répliqua-t elle en luttant pour garder son calme. Mais je vais décliner l’offre. Tu m’appelais à propos de… ?
— D’un gala de charité à l’hôtel Hilton, mardi soir. J’ai deux billets. De beaux objets ont été légués à la fondation, et ils tiennent des enchères.
S’habiller sur son trente et un et rester trois heures en représentation n’avait rien qui puisse tenter Tasha. Jared dut le sentir car il plaida :
— C’est pour une bonne cause, tu sais ! De plus, il y aura une vente de porcelaine ancienne.
Il savait bien que c’était le point faible de Tasha : elle adorait la porcelaine. Effectivement, elle répondit d’un ton moins froid :
— Je présume que tu m’invites…
— Tu présumes à juste raison.
— J’accepte.
— Très bien. Sois prête à 18 h 30, un cocktail est prévu avant les enchères.
— Bien, chef.
Il y eut un silence perceptible à l’autre bout du fil.
— Tu peux jouer au brave petit soldat tant que tu es au téléphone mais seras-tu aussi courageuse quand nous serons face à face, mon chou ?
Les inflexions de sa voix étaient celles des nuits chaudes, lorsque les mots murmurés, avec douceur et volupté, promettaient des regains de plaisir…
— A ton avis ?
Elle ne parvint pas à se convaincre que sa voix n’avait pas vacillé.
— A mardi, Tasha. Dors bien…

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 08-04-09 04:08 PM

chapitre 7

Le lundi lui apporta une rose, et le mardi une autre, qu’elle plaça avec les précédentes en face de son bureau. La première n’avait pas seulement commencé à faner.
Le choix d’une tenue pour la soirée d’enchères demandait réflexion et Tasha opta pour une classique jupe noire, longue et parfaitement coupée, qu’elle égaya d’un haut brodé de sequins d’argent. Une étole de soie argentée vint mettre la touche finale, et, chaussant des escarpins noirs à talons aiguilles, elle releva ses cheveux en chignon.
Elle vérifiait son rouge à lèvres lorsque le bourdonnement de l’Interphone lui signala l’arrivée de Jared.
— Je descends.
Lui aussi avait misé sur l’élégance : il avait une allure stupéfiante, en smoking et nœud papillon. Toute femme se serait retournée sur son passage…
La chaleur de son sourire et l’admiration visible dans son regard donnèrent à Tasha comme un frisson de plaisir.
— Tu es très en beauté. Très séduisante…, la complimenta Jared en lui ouvrant la Jaguar. Et sexy.
Il referma la portière sans lui laisser le temps de protester.
Le chasseur du Hilton s’occupa de garer la voiture, ce qui permit à Tasha et à Jared d’arriver pile à l’heure. Le champagne circulait déjà dans le salon particulier réservé à l’étage pour l’occasion.
A 19 h 30, les portes de la grande salle furent ouvertes, et les futurs acheteurs purent contempler les pièces mises aux enchères. Outre la porcelaine, il y avait quelques tableaux et des bijoux. Des agents de sécurité circulaient en permanence et Jared ne quitta pas Tasha. Ils admirèrent plusieurs services de porcelaine fine, ainsi que des vases en cristal de chez Baccarat et Lalique.
— Y a-t il quelque chose que tu aimes particulièrement ? s’enquit Jared.
— Ce serait plus rapide de te dire ce que je n’aime pas ! s’exclama Tasha en riant. Allons-nous voir les tableaux ?
Elle savait que les préférences de Jared se portaient vers la peinture, et Tasha ne fut pas surprise de voir qu’il avait déjà repéré quelques natures mortes sur le catalogue.
Sans surprise, ils croisèrent les Haight-Smythe, eux aussi amateurs d’art. Quelques plaisanteries furent échangées, mais l’heure des enchères approchait et ce fut au dernier moment, alors qu’ils étaient à nouveau seuls, que Tasha remarqua le père de Soleil. Sa fille le rejoignit et s’avança vers eux. Les salutations d’usage furent échangées.
— C’est à peine une surprise, dit Soleil avec un sourire triomphant. Jared, j’aurais parié te voir ici ce soir.
Jared l’aurait-il parié aussi, s’interrogea Tasha ?
— Non, chuchota-t il, lisant ses pensées, alors que son père entraînait Soleil vers les bijoux.
Peut-être pas. En tout cas, il était lassant de croiser Soleil à chaque fois qu’ils sortaient en ville.
— Entièrement d’accord avec toi, décréta Jared.
— Es-tu devenu télépathe ? rétorqua-t elle, sidérée.
Le sourire de Jared lui fit battre le cœur.
— Non. Mais tu n’es pas trop difficile à deviner. Heureusement pour moi…
— Pardon ?
Il passa un doigt sur le renflement de sa lèvre.
— Disons que certaines fois, cela m’a guidé…
Tasha piqua un fard et fut reconnaissante au commissaire-priseur de commencer les enchères.
Tasha n’enchérit pas, mais Jared le fit à plusieurs reprises, emportant une huile sur toile, une figurine en porcelaine de Lladro et un vase en cristal Lalique. Dans l’ensemble, la vente fut un succès, dépassant largement les espérances de la fondation.
Une fois les questions financières réglées, les participants furent conviés au salon où les attendaient thé, café et petits fours.
Bien entendu, Soleil mit un point d’honneur à les rejoindre. Elle était si radieuse que Tasha se sentit le cœur au bord des lèvres. Mais son énergie naturelle reprit le dessus.
— Nous semblons partager les mêmes goûts, en matière de sortie…, dit-elle avec une ironie à fleur de mots.
Elle eut la satisfaction de constater que Soleil plissait les yeux, très consciente du sous-entendu.
— L’élite de Brisbane se compte sur les doigts de la main, répliqua cette dernière. Pas étonnant que nous nous retrouvions. Nous sommes tout de même moins nombreux qu’à New York…
— Même à New York, vous vous arrangeriez pour traquer votre proie.
La bouche aux contours parfaitement dessinés se pinça, et Soleil rétorqua :
— Ravie que vous reconnaissiez mes talents. Une femme avertie en vaut deux…
A cet instant, Jared prit la main de Tasha et la porta à ses lèvres.
— Si nous rentrions, chérie ?
— Bien sûr.
Tasha adressa un sourire poli vers Soleil et son père.
— Bonsoir…
Elle faillit ajouter que la rencontre avait été un plaisir mais se ravisa. L’hypocrisie n’était décidément pas son fort.
— Peux-tu m’expliquer la raison de cet échange aigre-doux ? fit Jared dès qu’ils eurent quitté l’hôtel.
— Je préfère parler d’autre chose.
— Soleil est…
— Excellente dans sa partie, compléta Tasha.
— Très obstinée dans ses approches, allais-je dire.
Le chasseur leur fit ramener la Jaguar et accepta le pourboire que lui glissa discrètement Jared.
Avec un ronronnement félin, la voiture fonça dans la nuit.
— Elle ne perd pas une occasion avec les hommes, reprit Jared en rejoignant le centre-ville.
— Ah, tu as remarqué aussi…
— Je suis assez observateur, dit-il avec un sourire en coin.
— Tu m’impressionnes…
— Un compliment de ta part, Tasha ?
— Peut-être, concéda cette dernière.
Ils ne furent pas longs à atteindre la résidence de Kangaroo Point. Alors que Jared abordait le parking privé, elle défit sa ceinture de sécurité.
— Merci pour cette intéressante soirée.
Elle avait parlé précipitamment, pressée de se réfugier chez elle.
Et pourtant, une partie d’elle-même voulait rester auprès de Jared… Elle brûlait de goûter sa bouche, de retrouver la sensuelle intimité de son contact. Mais elle savait qu’un bref baiser ne la satisferait pas. Elle voudrait aller plus loin, et c’était bien là le danger.
Il serait si simple de l’inviter à monter… Si merveilleux de lui faire l’amour. Elle savait que leur plaisir serait indescriptible. Et elle savait aussi que cela ne résoudrait rien. Seigneur, il lui fallait quitter cette voiture avant de faire la plus irréparable sottise de sa vie.
— Bonne nuit.
— Tu oublies quelque chose, fit calmement Jared.
Il encadra de ses mains l’ovale de son visage et l’embrassa. D’une façon si excitante, si ouvertement érotique que Tasha se sentit chavirée.
Lorsqu’il abandonna ses lèvres, elle était sous le charme, incapable de dire un mot.
— Si tu ne veux pas de moi dans ton lit ce soir, tu ferais bien de quitter cette voiture tout de suite, dit-il en effleurant doucement sa bouche.
Il ne lui en fallut pas plus pour revenir sur terre. Prenant son sac à la hâte, elle sortit ses clés et se retrouva devant l’ascenseur sans avoir jeté un regard en arrière.
Jared pianotait nerveusement sur son bureau. Jamais il ne s’était senti aussi seul, ni aussi oppressé.
Sa vie venait de basculer, en quelques jours à peine. Il avait quitté un état de bonheur serein pour les abords d’un territoire désolé dont l’étendue l’effrayait.
L’appartement vide, horriblement silencieux, le rendait malade. Plus aucune lumière ne l’accueillait le soir, plus aucun rire joyeux. La nuit, personne ne cherchait son étreinte. Le ciel lui en était témoin, il avait perdu toute joie de vivre en l’absence du corps tiède de Tasha lové contre lui.
Il exerçait un tel contrôle sur lui-même qu’il parvenait à plaider normalement. Mais en dehors du tribunal, il agissait mécaniquement, sans intérêt pour rien. Son travail était la seule chose qui le maintenait à flot et il s’y adonnait désespérément, rentrant le plus tard possible, et ramenant de lourds dossiers.
Comment aurait-il pu accepter la décision de Tasha ? Même s’il la respectait, comment admettre que ces deux années se soient évaporées sans laisser de trace ?
Bon sang, il lui avait demandé sa main ! N’était-ce pas suffisant ?
Apparemment non.
Sa première réaction avait été la colère. Il était sûr que Tasha reculerait devant une séparation et que si par hasard elle passait à l’acte, cela ne durerait pas. Quelques jours, une semaine au plus.
Mais cela durait. Elle acceptait ses appels, et répondait avec une politesse contrainte qui le glaçait.
Il aurait tout donné pour qu’elle revienne… dans ses bras, chez lui, dans sa vie ! Le besoin qu’il avait d’elle le consumait.
Jared passa une main lasse dans ses cheveux, ébouriffant l’ordonnance parfaite de sa coupe. Appuyé au dossier de sa chaise, il regarda d’un œil vide la pile de dossiers qui se dressait devant lui, intacte… Machinalement, son regard dériva vers la baie vitrée. A ses pieds s’étendait la ville, lumineuse, indifférente à son désespoir.
Chaque nuit, c’était la même chose. Il évaluait ses chances, pesait le pour et le contre, essayait de trouver une ligne d’action… pour se dire finalement qu’il n’avait plus aucune carte en main. Ses compétences, son habileté et toute sa force de persuasion se heurtaient à la résolution de Tasha. Pour la première fois, inefficaces.
Le seul atout qui lui restait peut-être tenait au fait qu’elle acceptait toujours leurs obligations sociales communes.
D’un geste mécanique, Jared saisit son stylo-plume et tapota le bloc-notes relié cuir de son bureau.
Tasha acceptait de sortir avec lui, oui. Mais elle ne l’invitait jamais à monter…
Il étouffa un juron. Après avoir été amants, ils en revenaient à un flirt d’adolescents ! Pourtant, pendant les brèves étreintes qu’elle avait acceptées, il sentait chez elle la même sensualité, la même passion… d’aucuns appelaient cela une alchimie, d’autres une compatibilité sexuelle. Lui, tout simplement, pensait que c’était de l’amour. Le fluide magnétique circulait toujours entre eux et pendant deux ans, cela les avait menés à des sommets d’extase dont il n’avait jamais connu l’équivalent.
Une certitude était ancrée en lui : ce ne serait jamais pareil avec une autre.
Tasha ressentait-elle la même chose, lorsqu’elle acceptait encore de faire l’amour avec lui ? Sûrement. Aucune femme ne se serait abandonnée comme elle. Elle perdait tout contrôle, et semblait saisie d’une frénésie passionnelle qui le rendait fou. Certaines fois, il l’avait menée si loin, si haut qu’il avait cru la voir se consumer dans ses bras. Sienne, si pleinement…
Et pourtant, rien de tout cela ne se limitait au sexe. Tasha était devenu sa lumière, l’air même qu’il respirait. Sa raison d’être.
Jamais il n’accepterait de la perdre. Devenir un père par intermittence, réduit à un droit de visite… pour finir par voir un autre homme prendre sa place ?
Son poing se crispa à cette pensée. Un réflexe de défense presque animal lui commandait de se battre.
Cette fois, c’était dans un élégant coffret que se présentait la livraison. Tasha referma la porte de son bureau sur Amanda, et observa l’envoi. Il était très soigneusement emballé et sur le papier-bulle, on avait placé une carte de visite. Tasha la retira : « J’ai pensé que cela irait bien dans ton bureau. Jared. »
Curieuse, Tasha termina de déballer l’objet. Il s’agissait de la délicieuse figurine en porcelaine, le Lladro que Jared avait acquis lors des enchères. Une merveille…
Tasha ne put s’empêcher de l’appeler immédiatement.
— Merci…, dit-elle avec sincérité. Je l’adore.
— Mais de rien. J’aime provoquer ton plaisir.
Tasha frissonna au sous-entendu.
— Je comptais t’appeler ce soir, reprenait Jared. Tu n’as pas oublié le show au Casino Conrad-Jupiter ? Nous avions réservé des places…
Tasha ferma un instant les yeux. Elle avait complètement oublié… Ce qui n’avait rien d’étonnant, au vu des événements qui se bousculaient dans sa vie.
Ce spectacle au Casino — situé sur la Côte dorée — promettait d’être une extravagante folie. A l’époque, elle avait vivement souhaité le voir. Jared avait suggéré qu’ils combinent cette sortie avec un week-end sur la Côte dorée. L’appartement qu’il y possédait, dans une luxueuse résidence avec accès privé à la plage, rendait la proposition évidente. Et chacun de leurs séjours là-bas avait enchanté Tasha. Les journées se passaient sur le sable, quant à leurs nuits…
En toute logique, elle aurait dû refuser.
— J’aimerais mieux ne pas rester pour le week-end, dit-elle d’une voix faible, consciente que cela représentait déjà une capitulation.
— Il y a deux chambres dans l’appartement…
Croyait-il que cela serait de nature à la rassurer ?
— Jared…
— Sois prête à midi, Tasha.
Il coupa avant qu’elle n’ait eu le temps de formuler un vrai refus.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 08-04-09 04:10 PM

chapitre 8

Passer un week-end sur la côte avec Jared était insensé. Alors, que faisait-elle sur le siège passager de sa voiture, à écouter un CD tout en admirant le paysage que déroulait l’autoroute ?
Bien sûr, elle mourait d’envie de voir ce spectacle au Casino. Néanmoins, elle jouait avec le feu en acceptant de partager son appartement.
Dix fois elle avait saisi son téléphone portable dans l’intention d’annuler. Et toujours, au dernier moment, elle l’avait reposé.
Ses propres tergiversations finirent par l’irriter. Après tout, n’était-elle pas assez forte pour lui résister ? Elle saurait lui montrer qu’elle voulait être son amie, rien de plus. C’était important pour la suite, puisqu’il y aurait l’enfant. Une amitié fondée sur une réelle affection valait mieux pour son éducation. Et quoi qu’il lui en coûte, même si cela devait lui briser le cœur, elle deviendrait l’amie de Jared.
— Quelle belle journée, tu ne trouves pas ?
Etait-ce bien lui qui parlait, avec cette politesse distante ? Elle en avait la chair de poule. Quand elle pensait à ce qu’ils avaient partagé, à leur intimité… dans son esprit, les images de leurs étreintes défilaient. Il valait pourtant mieux les oublier. Il le fallait.
Elle adorait la Côte dorée, la proximité de sa plage, ses parcs à thèmes et ses galeries marchandes, regorgeant de boutiques sophistiquées. Elle y trouvait tous les avantages de la ville, sans les inconvénients. Dans ce paradis touristique régnait une atmosphère festive tout au long de l’année.
Le trajet fut bref, et bientôt, ils empruntèrent le boulevard qui longeait la côte. Tasha frémit d’impatience à la vue des élégants immeubles, bordant une mer indigo scintillante. Cette vue avait pour elle des vertus magiques.
Quelques instants plus tard, Jared garait la Jaguar au parking souterrain.
— Je propose que nous posions nos affaires et qu’ensuite, nous descendions déjeuner sur Tedder Avenue.
— Excellente idée, dit Tasha en le suivant vers les ascenseurs.
Tedder Avenue était l’un de ces quartiers chic où la belle société aimait à se retrouver autour d’un brunch au Bahia, ou d’un café au Mustang Sally. La journée s’écoulait tranquillement à ne rien faire en attendant l’heure d’un dîner en terrasse, sur le bord de mer.
C’était une vie facile, oisive, dont Tasha ne se serait pas satisfaite au quotidien, mais qui était vraiment plaisante le temps d’un week-end.
L’appartement de Jared donnait sur la plage, et les baies ouvraient sur l’océan… Spectacle chatoyant, toujours mouvant. L’ameublement, luxueux, déclinait des camaïeux de blanc et de beige. C’était l’endroit idéal où se détendre et oublier ses soucis.
Tasha déposa ses affaires dans la chambre d’amis et suspendit la tenue qu’elle comptait porter dans la soirée. Puis elle prit son sac et rejoignit Jared.
Il était appuyé à la vitre et regardait la mer. Il se retourna à son approche et rien n’aurait pu préparer Tasha à l’émotion électrisée qu’elle ressentit en le voyant.
Il avait vraiment tout pour lui : une taille et un physique que beaucoup lui enviaient, une carrure sculpturale et un visage fin qui lui donnaient un côté sauvage, indompté ajoutant à son charme. La sensualité qui émanait de lui en faisait un homme vraiment dangereux.
Mais il n’y avait pas que cela : sa profondeur de vues, son intelligence lui avaient forgé un caractère trempé. Il savait se montrer d’une extrême sophistication et pourtant, on devinait en lui un élément indéfinissable, de l’ordre de la détermination, qui pouvait s’avérer fatal à tout ennemi.
— Tu es prête ?
— Oui, allons-y.
Elle avait faim de plus en plus fréquemment dans la journée. Il était trop tôt pour que son corps manifeste de notables changements, mais Tasha avait remarqué quelques menues différences.
Ils se rendirent à pied au cœur de Tedder Avenue, et une terrasse les accueillit bientôt. Après avoir commandé un plateau de fruits de mer, Jared s’enquit des projets de Tasha pour l’après-midi.
Une multitude de choix s’offrait à elle mais elle pencha pour le plus simple :
— Une promenade sur la plage pour me détendre.
— Pas de shopping ?
— Il n’y a rien dont j’aie besoin.
A l’exception d’une chose, qui ne pouvait s’acheter…
Vers 15 heures, ils eurent terminé et descendirent sur la plage pour déambuler pieds nus dans le sable jusqu’au Sheraton Hotel où ils prirent une boisson fraîche à l’ombre du bar. Puis ils rebroussèrent chemin, marchant paresseusement au bord de l’eau, inhalant la fragrance iodée de l’air.
En fin d’après-midi, détendus et gorgés de soleil, ils regagnèrent l’appartement pour se changer.
Tasha avait sélectionné un fourreau noir pour cette soirée, d’une coupe élégante et près du corps. Elle arborait un pendentif de diamants et des boucles d’oreille assorties. Après s’être vêtue, elle accorda un soin tout particulier à son maquillage, et releva ses cheveux en queue de cheval, laissant quelques mèches folles encadrer son visage. Pour finir, elle enfila des escarpins noirs et prit un petit sac de soirée.
Jared lui avait réservé une surprise et la conduisit directement au Palazzo Versace Hôtel. Quatre étoiles, le summum du luxe.
On vint leur ouvrir la porte de la voiture et un voiturier la prit en charge, tandis qu’on les précédait dans le spacieux hall d’entrée.
— Je crois que tu aimes bien cet endroit…
— Oui, murmura Tasha, éblouie. C’est l’un de mes préférés.
Elle se rappelait la première fois où il l’avait emmenée au Palazzo, peu après l’ouverture de l’établissement. Elle avait adoré son décor élégant, ses dalles et ses piliers de marbre, son bassin intérieur où s’épanouissaient des fleurs d’eau et sa vue imprenable sur la côte.
— Merci, reprit-elle doucement.
— C’est à moi que cela fait plaisir.
Elle lui sourit, combattant l’envie de s’attarder sur le dernier mot qu’il avait prononcé. Détends-toi, s’adjura-t elle silencieusement alors que le maître d’hôtel les conduisait à leur table. Profite de l’instant, sans plus penser à rien.
Le soleil déclinait. Bientôt, il ferait nuit. Le paysage prendrait alors une autre dimension, mystérieuse et secrète malgré les brillantes lumières de la ville.
Ils passèrent un moment délicieux, dégustèrent des mets exquis, et ce fut presque à regret qu’ils quittèrent cet eden pour se rendre au Casino.
Celui-ci n’était distant que de quelques kilomètres en direction du sud et pendant le trajet, Tasha se rendit compte à quel point le magnétisme de Jared n’avait cessé de s’imposer à elle, tout au long de cette journée.
Chaque fois qu’il posait une main légère au creux de ses reins, ou sur son épaule, quand il enlaçait ses doigts ; c’était comme s’il imprimait sa marque en elle.
Comment ignorer la chaleur de son regard, comment méconnaître ses propres réactions ?
Jared était-il conscient des battements accélérés de son cœur, de sa crispation frémissante quand il la touchait ?
Elle aurait tout donné pour pouvoir l’embrasser… En sortant de voiture, mue par un réflexe inconscient, elle faillit lui tendre ses lèvres. Ce ne fut qu’à la dernière seconde qu’elle se reprit.
Le Casino était une ruche bourdonnant de monde et d’activités. Lui tenant fermement la main, Jared conduisit Tasha jusqu’à l’auditorium.
« Spectaculaire », « Incroyable »… Tasha ne tarit pas d’éloges pour décrire le show. La musique, la mise en scène, tout l’enchantait, et son enthousiasme se reflétait dans son regard.
Savait-elle combien elle était ravissante ? Son charme n’était pas superficiel, comme chez les femmes que fréquentait Jared dans son milieu. La séduction de Tasha irradiait du plus profond d’elle-même. Elle était sans artifice, ne jouait aucun méprisable petit jeu. Son authenticité avait amené un souffle d’air frais dans sa vie.
Curieusement, Jared n’avait jamais envisagé qu’elle pût le quitter. Dans ses relations avec les femmes, c’était le plus souvent lui qui rompait. Cette fois, pourtant…
— Je n’aurais manqué cela pour rien au monde, s’exclama Tasha lorsque les lumières se furent définitivement éteintes. N’était-ce pas fantastique ?
— Excellent. Veux-tu aller prendre un verre ?
— D’accord.
Ils gagnèrent le foyer et Jared installa Tasha à une table. Puis il s’éclipsa pour passer la commande au bar, pris d’assaut par le public, et lorsqu’il revint, il était en compagnie de… Soleil. Etait-ce une coïncidence ? Tasha estima que dans ce cas, le hasard faisait trop bien les choses…
A les voir ensemble, elle s’aperçut qu’ils formaient un couple étonnant. La crinière auburn de Soleil était un atout éblouissant, qui couronnait une silhouette sans défaut. Son visage charmeur, ses tenues toujours élégantes faisaient d’elle une femme véritablement splendide.
— Soleil…
Lorsqu’il revint s’asseoir à ses côtés, Jared glissa un bras autour de sa taille et lui offrit un sourire enjôleur… Ce fut sans doute ce qui permit à Tasha de saluer sa rivale avec un peu plus de cordialité que d’ordinaire. Mais la réponse de Soleil manqua singulièrement de chaleur.
— J’ai croisé Soleil au bar et je lui ai demandé de se joindre à nous, expliqua Jared sans enthousiasme excessif.
— Bien sûr, acquiesça Tasha.
Le sourire de Jared lui réchauffait toujours le cœur : elle pouvait bien supporter Soleil quelques instants. La courtoisie l’imposait, d’ailleurs.
Pendant qu’elle prenait place à leur table, Tasha se demandait quelles pressions Soleil avait exercées pour se retrouver sur la même affaire que Jared. Elle avait fait jouer l’influence de son père, sans nul doute…
Ils commandèrent et la conversation, aisée, roula sur le fabuleux spectacle qu’ils venaient de voir.
Au bout d’un moment, Tasha se leva.
— Si vous voulez bien m’excuser un instant…, dit-elle avec un sourire poli.
Celui-ci dissimulait un ennui profond. Effet que lui faisait toujours la conversation futile de Soleil. Aller se repoudrer le nez était un prétexte aussi bon qu’un autre… Mais à sa grande surprise, Soleil lui emboîta le pas.
Seigneur… Elle cherchait donc le tête-à-tête ! Si elle cherchait à l’impressionner, elle en serait pour ses frais.
Lorsque Tasha sortit des toilettes, sa rivale, devant la glace, vérifiait attentivement la tenue d’un maquillage pourtant parfait. Pour elle aussi, l’intermède était un prétexte.
— Donc, Jared et vous ne partagez plus le même appartement ?
Au moins, la déclaration avait le mérite d’aller doit au but.
— Je ne passe pas la nuit à l’hôtel, rétorqua Tasha.
Les yeux de Soleil jetèrent un éclair froid vaguement inquiétant.
— Répondez donc à ma question, chérie.
— Qui m’oblige à discuter de ma vie privée ? Je ne suis pas à la barre, que je sache.
— Si l’information était fausse, vous vous seriez récriée, répliqua Soleil alors qu’une expression satisfaite épanouissait ses lèvres aux contours soigneusement dessinés. Je tenais simplement à vous avertir. Jared est pour moi, à présent.
— Si vous ne craignez pas de vous heurter à un refus…
— J’ai quelques cordes à mon arc. En matière d’hommes, certains prétendent même que j’ai du talent.
Tasha reprit son petit sac et, sur le pas de la porte, marqua un bref arrêt :
— Parfois, on évalue mal la difficulté. Tout le monde n’est pas lucide quant à ses capacités.
Cette dernière salve lui fournit une grande satisfaction. Il était plaisant de clouer le bec d’une pareille pimbêche.
Tasha revint s’asseoir avec quelques instants d’avance sur Soleil, le temps d’un coup d’œil complice échangé avec Jared.
— Je ne te demande pas comment cela s’est passé ? dit-il à mi-voix, sur un ton légèrement amusé.
— Passons ! répliqua Tasha avec un sourire moqueur. La revoilà…
Soleil reprit son siège, se tourna vers Jared et lui demanda de sa voix trop assurée :
— Vous restez pour le week-end ?
— Oui, répondit celui-ci sans s’avancer.
— Moi aussi ! J’ai réservé une suite au Royal Palace. Je pensais à une petite partie de golf, demain matin… Cela vous intéresse ?
Jared suspendit sa réponse, juste le temps nécessaire pour ne pas paraître impoli :
— Merci, mais non… Tasha et moi avons d’autres projets.
Tasha ne put retenir un regard étonné.
— Des projets?
Il tourna vers elle un sourire câlin.
— Oui, pour la matinée…
Il appuya sa déclaration d’un clin d’œil qu’il ne voulait pas discret et, se tournant vers Soleil, Tasha haussa légèrement les épaules.
— Dommage pour le golf… On dirait que Jared a d’autres idées en tête.
Ce dernier termina son café et se leva.
— Si tu es prête, Tasha…
— Bien sûr, répondit-elle en prenant son sac. Profitez de votre week-end, Soleil. Je suis certaine que nous nous reverrons sous peu.
Hélas. Soleil n’abandonnerait pas si vite. Et pourtant, elle venait d’essuyer une belle rebuffade. Tasha sourit.
Ils remontèrent en voiture et en démarrant, Jared se tourna vers elle :
— Ai-je droit à une explication sur votre petit entretien ?
Il reprit la direction de la grande plage. Tasha n’avait pas l’intention d’esquiver.
— Elle a tenu à me prévenir qu’elle s’apprêtait à passer à l’attaque.
— Et tu as répondu ?
— Que certains surestimaient leurs capacités.
Jared réprima un petit sourire. Soleil avait affaire à forte partie.
Ils atteignaient la résidence, et Jared obliqua pour entrer dans le parking. L’ascenseur eut tôt fait de les mener à leur appartement.
— Est-ce que Soleil t’ennuie ? dit-il en ouvrant la porte.
Il jeta les clés sur la console de l’entrée.
— C’est plutôt à toi qu’il faudrait poser la question… C’est toi qu’elle poursuit.
Tasha s’était rendue dans sa chambre pour ôter ses boucles d’oreilles et ses escarpins, mais elle entendit distinctement la réponse de Jared.
— Devrais-je me sentir flatté ?
— Tu tournes la tête de toutes les femmes ! s’écria Tasha, exaspérée de sa réaction. Toutes, de six à soixante ans !
Il s’était approché jusqu’au seuil et elle dut se morigéner pour ne pas lui lancer son sac à la tête.
— A moins d’être plus aveugle qu’une taupe, tu l’as forcément remarqué !
Et de fait, il n’y avait pas plus perspicace que lui pour lire dans les âmes. Le langage du corps ne lui était pas étranger non plus. C’était l’une des raisons pour lesquelles Tasha préférait ne pas pousser plus loin la discussion : il lisait en elle comme à livre ouvert.
— Merci pour le dîner et pour le show, reprit-elle en guise de diversion. J’ai apprécié les deux.
— Mais pas la présence de Soleil…
— Non, répondit-elle honnêtement. Bonne nuit
Tranquillement, elle ferma la porte de sa chambre.
Elle ne mit que quelques minutes à se déshabiller et se démaquiller, puis se glissa entre les draps frais, essayant d’oublier le regard coupant de Soleil.
Le sommeil dut la prendre sans qu’elle s’en aperçût car elle s’éveilla d’un bond. Un moment, elle se sentit désorientée par l’aspect inhabituel de la chambre. Elle avait la bouche sèche. Un grand verre d’eau lui ferait du bien. Pieds nus, elle se rendit à la cuisine.
Un rai de lumière filtrait à travers les stores. La ville, elle, ne dormait jamais complètement. Tasha sortit un verre et l’emplit d’eau filtrée.
Au-dehors, la nuit pâlissait. L’aube n’allait pas tarder à poindre, mais on voyait encore briller les étoiles.
Elle but à longues gorgées. Une fois désaltérée, pourtant, Tasha se rendit compte que la soif n’était pas seule en cause. Elle se sentait nerveuse, beaucoup trop pour retourner se coucher. Le paysage nocturne l’attirait comme un aimant.
Quelque chose bougea à la périphérie de sa vision et elle identifia le trait lumineux qui rayait le ciel : un jet, en route pour l’aéroport de Coolangatta, un peu plus au sud. Les silhouettes des immeubles se dressaient, sentinelles immobiles, illuminées par les néons multicolores des publicités. La circulation était minimale à cette heure. Au loin, on entendit une sirène et un crissement de pneus. Un automobiliste inconscient qui se faisait poursuivre par la police, sans doute. Très vite, le calme retomba sur la ville.
— Tu n’arrives pas à dormir ?
Absorbée dans la contemplation du paysage, Tasha n’avait ni entendu, ni senti entrer Jared.
— J’avais soif. J’espère que je n’ai pas perturbé ton sommeil.
« Si, et pas seulement cette nuit », songea Jared.
— Je ne dormais pas.
Tasha resta un instant silencieuse. Elle ne s’était pas retournée, et gardait les yeux rivés sur la ville endormie.
— Tout est si tranquille à cette heure, dit-elle enfin.
Il était proche, bien trop pour qu’elle n’ait pas envie de fuir… mais ses membres lui refusaient tout service.
Elle le sentait derrière elle, incroyablement présent. La touche musquée de son parfum parvenait jusqu’à elle, comme sa chaleur, et l’extraordinaire puissance virile qui émanait de lui. Il dormait nu et elle imaginait les contours de son corps dans la pénombre. Ses souvenirs, malgré elle, recréaient sa souple musculature. Elle n’avait aucun mal à imaginer son excitation.
Elle oscilla légèrement vers lui, comme si la mémoire de leurs étreintes agissait de son propre chef, stimulée par le flux d’énergie primitive qui circulait entre eux.
« S’il te plaît, supplia-t elle en silence. Retourne d’où tu viens. Je n’aurai pas la force de tenir si tu ne m’aides pas… »
Elle était sans volonté, comme un instrument réglé à la perfection qui attend le toucher du maître pour exhaler la musique de son âme. Pour que leurs deux êtres s’accordent en une harmonie tellement magique, tellement ensorcelante qu’elle en perdrait souffle et raison.
Elle sentit ses mains la prendre aux épaules, et elle ploya en un soupir.
Sa peau frémissait dans l’attente de ses caresses, chaque terminaison nerveuse impatiente, piaffant de fébrilité. A nouveau elle vibrait, intense. A nouveau, en elle la vie s’éveillait.
Jared ne bougeait pas et elle non plus. Sur le fil, ils semblaient craindre de rompre le charme, de dissiper la magie de l’instant et restaient immobiles, au bord de l’inévitable.
Le souffle de Jared effleura ses tempes. Il écarta le flot de ses cheveux pour dénuder sa nuque et y posa la bouche, déclenchant chez elle une spirale de désir. Doucement, il vint taquiner le lobe de son oreille.
Elle aurait dû lui dire d’arrêter, il fallait qu’elle s’écarte de lui. Mais elle restait immobile, soumise à une alchimie trop puissante pour être combattue.
Un baiser, se disait-elle. Un simple baiser… Rien de plus.
Enfin Jared la fit pivoter vers lui. Il encadra l’ovale de son visage de ses deux mains, puis sa bouche se plaqua sur la sienne en une tendre supplication qui lui noua la gorge.
Leurs langues se mêlèrent en une danse lente, persuasive, et Tasha sentit ses jambes se dérober. Du bout des doigts, elle se hasarda à effleurer les larges épaules de Jared pour se retirer aussitôt, comme si elle se brûlait à sa chaleur.
Et toujours, sa langue contre la sienne prenait, donnait en une caresse tellement suggestive que Tasha rendait les armes. Elle s’abandonnait à son baiser… Enfin, elle acceptait.
Mais ce n’était pas assez. Ce ne serait jamais assez, et elle gémit lorsque la main de Jared se glissa sous sa nuisette et remonta le long de sa cuisse.
Il retrouva sa peau avec un bonheur indicible. Elle était comme de la soie sous ses doigts, si ferme et douce, si chaude… Telle qu’il l’avait toujours aimée. Tasha était à lui de nouveau, fébrile, passionnée, et peu à peu, ses craintes se dissipaient. Il avait eu si peur de ne plus jamais la toucher !
C’était si bon de la sentir trembler alors qu’il effleurait sa toison… Tasha laissa échapper un gémissement aigu quand il écarta les plis veloutés de son intimité pour explorer sa moiteur. Elle se cambra contre lui, cherchant instinctivement à faciliter sa caresse. Doux et précis, Jared la sollicitait, et il sentait son clitoris palpiter sous ses doigts.
Rien ne le rendait plus heureux, et plus fier, que la jouissance de Tasha. Elle lui appartenait, alors, tout entière… elle était sienne…
Quant à Tasha, elle se sentait renaître au plaisir. Il éveillait en elle mille sensations fugaces et bruissantes, comme un envol de papillons. Sa main plongée entre ses cuisses l’étourdissait. Quand il relâcha son emprise pour la dénuder, faisant passer sa nuisette au-dessus de sa tête, elle ne put que s’accrocher à lui du regard, éperdue, soumise à un maelström d’émotions si profondes, si merveilleusement complexes qu’elle en aurait crié.
Délibérément séducteur, Jared savoura d’un baiser humide le creux de son épaule, frôla son dos de la main jusqu’à atteindre l’arrondi de ses fesses.
— Je… je ne pense pas…, dit-elle en un hoquet.
— Non, répondit-il d’une voix sourde. Ne pense pas.
Il lui écarta les cuisses et la saisit par les hanches, l’attirant contre lui. Avant de fermer les yeux, Tasha eut le temps de penser qu’il mettait tout en oeuvre pour la faire succomber… et que cela n’avait aucune importance. Car elle avait envie de lui, besoin de la magie de ses étreintes.
Cette nuit, rien que cette nuit… Etait-ce mal de le vouloir si fort ?
Il l’emporta pour la mener jusqu’à sa chambre et elle enfouit le visage dans son cou, pour ne pas lui révéler l’intensité du désir qui brûlait dans ses yeux.
La lune se glissait entre les stores, nimbant la pièce d’un halo d’argent.
Jared déposa Tasha sur le lit avant de se couler auprès d’elle.
Du bout du doigt, il dessina le contour de sa lèvre pleine.
— Je veux te donner du plaisir, dit-il doucement, et sa bouche captura la tendre pointe de son sein qu’il savoura longuement.
Puis il agaça du bout des doigts son autre téton, et le fit durcir avant de l’aspirer entre ses lèvres. Tasha s’offrait, frémissante.
Elle se cambra soudain, en le sentant descendre, et ses yeux s’embuèrent. La bouche de Jared traçait un chemin moite sur sa peau, glissant jusqu’à son ventre puis plus bas, déterminée à lui prodiguer le plus intime des baisers.
Sa langue s’insinua en elle et il suivit la montée de son plaisir. Elle s’était embrasée, et gémissait régulièrement sous sa caresse. Quand la jouissance survint, comme une secousse, elle retint un cri, et il eut l’impression qu’elle se brisait.
Sa peau était perlée de fines gouttelettes quand elle se pencha sur lui. A son tour, elle lui donna du plaisir, repoussant ses larges mains sur le côté pour le savourer tout à son aise. Sa bouche continua, avide de lui, jusqu’à ce que la respiration de Jared se noue et qu’elle l’ait mené au bord de l’extase.
Alors elle le chevaucha, exultant de le prendre en elle. Ses lents et profonds coups de reins l’entraînaient dans un tourbillon. Electrisée, elle se sentait prête à le suivre, jusqu’au bout.
C’était magique, se dit-elle lorsqu’ils reprirent leur souffle dans les bras l’un de l’autre, enlacés, au bord du sommeil.
La chambre s’éclairait progressivement et sous peu, l’aube aurait repoussé la nuit. Le disque de feu du soleil ne tarderait plus à apparaître, inondant l’horizon de sa lumière. Bientôt, la ville s’éveillerait.
Mais pour l’heure, dans la pénombre, ils étaient blottis l’un contre l’autre. Les paupières de Tasha s’abaissèrent doucement et, nichée contre l’épaule de Jared, elle s’endormit

dalia32 08-04-09 11:45 PM

ÌÒÇß Çááå ÇáÝ ÎíÑ

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 09-04-09 06:39 PM

ÔÜßÜÜ æÈÇÑß Çááå Ýíß ÜÜÜÑÇ áß ... áß ãäí ÃÌãá ÊÍíÉ .

aghatha 14-04-09 09:36 PM

stp la suite on attend tjrs et merci

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 15-04-09 04:01 PM

chapitre 9

Il devait être tard. Au moins 10 heures. Mais elle se sentait si bien qu’elle ne se préoccupait guère de l’heure.
Avec la grâce d’un félin, elle s’étira, et son pied frôla une jambe musclée. Elle se figea… puis la mémoire lui revint. Tournant la tête, elle rencontra le regard brillant de Jared.
— Tu as bien dormi, chérie ?
Tasha faillit rétorquer qu’elle dormait toujours bien après l’amour, mais elle se retint.
Du revers des doigts, il caressa doucement sa joue. Un sourire sensuel flottait sur ses lèvres.
— Ce que nous avons partagé était merveilleux.
Elle sentit sa gorge se serrer.
— Je vais me doucher. Veux-tu qu’on prenne le petit déjeuner ici, ou dehors ?
Si elle ne s’accrochait pas aux détails prosaïques, elle allait prononcer des mots qu’elle regretterait.
Jared était-il dupe ? En tout cas, elle ne parvenait même pas elle-même à ignorer la force de son trouble… Sa respiration saccadée la trahissait, de même que le soulèvement désordonné de sa poitrine.
Il était si proche, et les souvenirs de la veille si vifs ! Elle sentait encore, dans sa plus secrète intimité, la brûlure de leur étreinte. Pire, elle devait s’avouer qu’elle le désirait à nouveau et c’était pure folie. Voilà donc ce qui la clouait au lit !
Reprends-toi, se conjura-t elle sévèrement en quittant les draps d’un bond. Jared l’avait vue nue des milliers de fois, alors pourquoi éprouvait-elle le soudain besoin de disparaître ? Elle se réfugia sous la douche et régla la pomme sur un débit relaxant. Voluptueusement, elle laissa le jet glisser sur elle et ferma les yeux.
Elle allait attraper le savon quand elle sentit le contact d’un poignet… Un cri lui échappa, elle ouvrit les yeux. Jared l’avait rejointe et le savon était dans sa main.
— Laisse-moi !
Jared avait commencé à lui savonner le bras. Si elle le laissait faire, elle était perdue.
— Pas question. J’adore couvrir ta peau de mousse.
Tasha posa ses deux paumes sur la poitrine de Jared pour le repousser : cela n’eut aucun effet.
— Jared…
Sa voix s’étrangla alors qu’il savonnait ses seins. C’était si bon… Son pouce passa un peu rudement sur un de ses tétons, et elle eut un mouvement de recul.
Une inquiétude traversa le regard de Jared.
— Je t’ai fait mal ?
— Non, mais…
Au diable les faux-fuyants.
— Ils sont devenus extrêmement sensibles, avoua-t elle.
Il s’en voulut d’avoir poussé si loin la veille, mordillant du bout des dents les pointes dressées pour conduire Tasha à l’extrême limite du plaisir.
Etouffant un juron, il l’embrassa fougueusement mais reprit ses caresses d’une main plus douce, qui glissa ensuite entre ses cuisses.
— Non…
Elle avait posé une main décidée sur son poignet, et il s’arrêta. Tasha le regardait, sourcils froncés.
— Rien n’est résolu. Ce n’est pas parce qu’hier, nous avons pris beaucoup de plaisir que…
Elle vit les yeux de Jared s’assombrir. Son visage était devenu de pierre.
— Simplement du plaisir ? dit-il d’une voix sourde. C’est comme cela que tu appelles ce que nous avons partagé ?
Il y avait plus que cela. Bien plus. Pour lui.
La dénégation qu’elle voulait lui opposer se bloqua dans sa gorge.
— Je préfère ne pas en parler maintenant.
— Eviter le sujet ne le fera pas disparaître, rétorqua Jared, la mâchoire crispée.
— De toute façon, tu ne me laisses pas l’oublier…
— Tu peux compter sur moi pour te le rappeler.
Tasha détourna les yeux.
— J’aimerais mieux prendre ma douche seule, si tu n’y vois pas d’inconvénient.
— Et si j’en vois un ?
Il l’obligea à relever le visage vers lui. Les yeux de Tasha étincelaient de colère contenue.
Il prit brutalement ses lèvres, exigeant, possessif, retournant derrière son dos le poing qu’elle levait vers lui. Il immobilisa son autre main et la plaqua à lui, insinuant de force sa langue dans sa bouche.
Elle poussa un petit gémissement, de plaisir et de fureur confondus. Le temps sembla s’arrêter quelques secondes… Puis Jared s’arracha à elle.
Tasha n’aurait pu prononcer un mot. Machinalement, elle passa la main sur sa bouche meurtrie par son assaut. Des larmes noyaient ses yeux, et elle dut cligner des paupières pour les ravaler.
Etouffant un juron, Jared desserra son étreinte. Il ne se reconnaissait plus. Le dégoût de lui-même l’envahissait. Il avait failli…
— Je te conjure de sortir, dit-il d’une voix blanche. Avant que je ne fasse quelque chose que je pourrais regretter toute ma vie.
Tasha ne se le fit pas dire deux fois, et, attrapant une serviette, elle se réfugia dans sa chambre.
Le temps de s’habiller, et elle avait retrouvé son calme. Elle sortit, vêtue d’un jean et d’un débardeur de coton.
A cet instant, Jared quittait la salle de bains, une simple serviette drapée autour des reins. Tasha sentit sur elle son regard appréciateur et à cet instant, elle crut bien le détester.
Une subite vague de nausée s’empara d’elle.
Elle dut pâlir car elle entendit la voix inquiète de Jared :
— Tasha ?
Déjà, elle se précipitait dans la salle de bains, en proie à une terrible crise de vomissements.
Jared fut derrière elle à l’instant, repoussant ses cheveux, maintenant ses épaules secouées de haut-le-cœur. Il épongea ensuite le visage de Tasha, avec des gestes très doux.
— Ça va ? demanda-t il gentiment.
Oh, Seigneur…
— Oui, je crois.
Les nausées du matin étaient de retour, et elles n’auraient pas pu choisir un pire moment. Jared la fit asseoir.
— Ne bouge pas. Je vais te préparer du thé et des toasts.
Ces simples mots faillirent déclencher à nouveau une crise, mais Tasha la maîtrisa en se rappelant les recommandations des manuels de grossesse : un déjeuner chaud et léger.
Voyant sa bouche trembler, Jared la prit contre lui et elle sentit ses yeux s’embuer.
— Ne pleure pas… S’il te plaît.
C’était une simple réaction physique, la suite de la crise et elle le lui expliqua. Tendrement, il baisa chacune de ses paupières.
— Ça va aller, dit Tasha. Va… va me préparer ce thé.
Quand il fut sorti, Tasha en profita pour se rafraîchir. Lorsqu’elle s’assit dans la cuisine, le thé l’attendait. Après en avoir avalé une tasse et avoir grignoté un toast, elle se sentit de nouveau presque humaine.
— Merci.
Jared débarrassa sa tasse avant de lui demander :
— Cela fait longtemps que tu souffres de nausées ?
— Un peu plus d’une semaine, mais c’est la première fois que c’est aussi violent.
— Je suis désolé…, dit-il en passant doucement la main sur sa joue. Te sens-tu assez remise pour une promenade sur la plage? Ensuite, nous pourrions déjeuner en ville…
Elle avait envie d’air frais et de soleil.
— D’accord, répondit-elle.
— Bien. Donne-moi deux minutes pour me raser.
Pendant ce temps, elle enfila une paire de tennis et bientôt, ils étaient au bord de l’eau.
Jared prit sa main, enlaça ses doigts aux siens. Elle aurait voulu rester en colère contre lui mais la façon dont il s’était occupé d’elle lors de sa crise effaçait tout sentiment d’animosité.
La matinée s’annonçait radieuse. Tasha inspira à pleins poumons l’odeur tonifiante de l’iode. Le soleil caressait sa peau, et un souffle de vent venu de l’océan jouait dans ses cheveux, ramenant quelques mèches sur ses joues.
Ils prirent un brunch sur le boulevard qui bordait la plage, puis rentrèrent à l’appartement pour empaqueter leurs quelques affaires du week-end. Mais la journée n’était pas finie. Lorsqu’ils reprirent la voiture, Jared piqua vers les montagnes au lieu de rentrer sur Brisbane. La route escarpée grimpait vers le mont Tamborine et ils choisirent une petite ville située à mi-hauteur pour admirer le paysage, prendre un thé, et déambuler dans les boutiques d’artisanat local.
Tasha fit quelques achats : un pot de confiture fabriquée sur place et une adorable poterie représentant un lézard, animal emblématique représenté dans les peintures traditionnelles.
Le jour déclinait. A regret, ils se décidèrent à rentrer, et prirent l’autoroute du nord. Il faisait presque sombre, quand ils arrivèrent en vue de Brisbane.
— Chinois ou italien ? proposa Jared lorsque le fleuve fut atteint. Cela évitera le souci du repas.
— Italien, trancha Tasha.
— Sur place ou à emporter ?
— Tu m’offres le choix ?
— Bien entendu.
Tasha imagina les tables romantiques, nappées de rouge, la lueur des chandelles plantées dans des bouteilles de Chianti et les arômes d’ail et d’origan, évocateurs d’exotisme… Son choix fut vite fixé. Jared se dirigea vers Milton, banlieue de Brisbane où se trouvait le meilleur restaurant italien.
C’était vraiment la plus agréable façon de conclure la journée et Tasha se régala de lasagnes vertes, alors que Jared préférait une immense pizza, couverte de salami, d’olives et de tomates séchées.
Un vrai paradis, se dit Tasha en prenant une bouchée de lasagnes fondantes. Non loin d’eux, un violon jouait une rengaine évocatrice.
— Tu dois plaider demain, il me semble ?
— Exact.
Il s’agissait d’une affaire complexe dont les journaux se feraient sûrement l’écho.
— Qui préside ?
Jared cita un juge respecté, dont la sévérité était connue. L’adversaire de Jared était un homme habile, qui ne s’embarrassait pas de scrupules pour remporter ses succès.
— Un choc de titans, observa pertinemment Tasha. Soleil fait-elle partie de ton équipe ?
Elle connaissait la réponse avant même de poser la question…
— C’est son père qui m’a confié l’affaire.
Tasha eut un regard désabusé.
— Bien entendu… J’aurais dû m’en douter.
— Le cynisme ne te va pas.
— Je suis bien obligée d’observer qu’elle utilise tous les moyens pour te séduire.
— Je ne la considère que comme une associée.
— Une associée particulièrement séduisante.
Jared lui lança un regard amusé.
— Tu veux vraiment que je contredise ce point ?
— Pour te forcer à mentir ? Non, ce n’est pas la peine.
Un rire de gorge échappa à Jared.
— Comptes-tu finir ces lasagnes ? Elles semblent délicieuses…
— Ne change pas de sujet, dit Tasha en affectant la contrariété. Je connais tes tours d’avocat !
Leur conversation se poursuivit sur un mode taquin, leur rappelant les souvenirs d’autres soirées où ils avaient ainsi badiné. Mais à l’époque, ils rentraient ensemble et partageaient une douche ou un long bain, avec bougies et verre de vin, avant d’aller faire l’amour jusque tard dans la nuit.
Cette soirée, malheureusement, aurait une autre conclusion. Lorsque Jared arrêta la voiture devant son appartement de Kangaroo Point, Tasha ne put maîtriser la tristesse qui s’emparait d’elle.
— Si je te demande d’aller prendre quelques affaires et de rentrer avec moi, accepteras-tu ? demanda posément Jared.
Savait-il à quel point elle en mourait d’envie ? Faire comme si de rien n’était… Mais on ne pouvait pas faire tourner les horloges à l’envers. La seule possibilité était d’aller de l’avant.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, dit-elle d’une voix à peine audible.
— Tu sais que je te reposerai la question autant de fois qu’il le faudra ?
Elle préféra ne pas répondre et détacha sa ceinture de sécurité.
— Je vais prendre mon sac dans ton coffre.
Jared éteignit le moteur et la précéda.
— Je peux me débrouiller, protesta Tasha. Tu n’avais pas besoin de sortir.
— Ne dis pas de bêtises, dit-il en retirant son sac de la voiture.
— Merci…
Au moment d’insérer sa clé pour ouvrir la porte du hall, elle se retourna.
— Bonne nuit, dit-elle en baissant les yeux, pour qu’il ne voie pas ses larmes.



**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 21-04-09 04:16 PM

chapitre 10


Jared appela juste avant 8 heures, alors qu’elle finissait sa deuxième tasse de thé.0
— Comment était-ce, ce matin ?0
— Comme hier…
Tasha se concentra sur la conversation pour dissiper l’effet qu’avait sur elle la voix grave et profonde de Jared.
— A ce point-là ?
Elle faillit répondre « Oui, et c’est ta faute ! ». Mais ç’aurait été idiot…0
— Je survivrai, dit-elle laconiquement.
Survivre… bien sûr. Cela aurait été tellement plus simple s’ils avaient été deux à partager ces instants !
— Je t’appellerai ce soir, promit-elle avant de raccrocher et de filer prendre sa douche.
Une journée difficile l’attendait. A la vérité, des semaines difficiles l’attendaient.
Et les jours suivants ne se déroulèrent pas plus confortablement. Chaque soir, Tasha ramenait de quoi travailler jusqu’à une heure avancée. Le lendemain, elle partait de bonne heure et tout recommençait.
Jared était aussi très pris par sa plaidoirie. Mais tous les matins, il téléphonait à Tasha de son bureau, alors qu’elle n’avait pas même quitté son appartement.
Lorsqu’il appela le mercredi matin, elle mettait la dernière touche à son maquillage. La voix de Jared ne la surprit pas.
— J’allais filer, dit-elle sans autre forme de politesse.
— Ce qui veut dire, « dépêche-toi » ?
— S’il te plaît.
— Je dois prendre l’avion pour Melbourne demain matin. Une médiation y est prévue entre les deux parties.
— Soleil part avec toi ?
— Oui.
— Parfait, dit-elle d’un ton aussi détaché que possible. Amusez-vous bien.
La réponse de Jared laissa percer une certaine exaspération.
— Ce n’est pas le but. Je t’appelle dès mon retour.
— Si tu as le temps.
Ce n’était pas ce qu’elle voulait dire. Mais les souhaits de bon voyage n’avaient pu passer ses lèvres. La contrariété l’en avait empêchée. Soleil avait toujours cet effet-là sur elle. Et savoir qu’il ne partait pas seul…
— A bientôt, conclut-elle brièvement, sentant la colère la gagner.
Elle était furieuse, oui, mais contre elle-même bien plus que contre lui…
La journée fut aussi chargée que les précédentes, et Tasha eut du mal à se concentrer. L’image de Jared passait et repassait sans fin devant ses yeux. Malgré elle, elle s’interrogeait. Ces dernières semaines, Jared s’était comporté comme s’il voulait à toute force la regagner. Rien ne le dissuadait. S’il y avait un frein à leur relation, c’était elle qui le mettait…
Pouvait-elle encore douter de ses sentiments pour elle ? Et combien de temps supporterait-il la séparation qu’elle lui imposait ? Peut-être finirait-il par se résigner : il deviendrait un père à mi-temps comme tant d’autres…
S’écoulerait-il longtemps avant qu’il ne la remplace ? Bien des femmes le convoitaient. Soleil, bien sûr, mais elle n’était que la plus entreprenante.
A l’idée de le perdre, Tasha sentit son cœur se contracter. Soudain, elle eut peur. Il fallait qu’elle se décide à rappeler Jared. Peut-être pourraient-ils essayer à nouveau… ensemble. Pour elle en tout cas, il n’y avait pas d’autre issue, elle s’en rendait bien compte. Pourvu qu’il en fût de même pour lui…
Le soir, quand elle rentra, elle avait travaillé jusqu’à l’épuisement. Mais les rendez-vous de la journée n’étaient pas seuls en cause…
Rapidement, elle se prépara une salade de poulet, qu’elle picora sans grand appétit, en lisant les journaux. Puis, ayant lavé la vaisselle, elle s’installa au salon et se lova sur le canapé. Elle se sentait trop fatiguée pour lire. Prenant sa télécommande, elle alluma la télévision.
C’était l’heure du bulletin d’informations, et Tasha suivit avec attention les reportages sur la situation au Moyen-Orient. Mais les images s’interrompirent alors que le présentateur annonçait un flash de dernière minute. Une bande le résumait en boucle au bas de l’écran :
« Explosion d’une bombe à l’aéroport de Melbourne. Sept morts, de nombreux blessés. Le terminal a été évacué, et tous les vols sont annulés jusqu’à nouvel ordre. »
Un cœur pouvait-il s’arrêter de battre ? Tasha en eut l’impression à cet instant.
Jared. Oh, Seigneur… Jared ! Luttant contre la panique qui s’emparait d’elle, elle se précipita vers son portable.
S’il ne lui était rien arrivé, n’aurait-il pas déjà appelé ? Tasha sentit son pouls s’affoler. Une terreur incontrôlable la gagna.
Heureusement, le numéro de Jared était enregistré en touche de raccourci sur le clavier de son portable… Elle tremblait tellement qu’elle aurait été incapable de le composer.
Pour tout contact, elle n’obtint que la tonalité du hors-zone : l’appel avait échoué. Rapidement, elle envoya un SMS. Sans succès.
Les autorités avaient dû mettre un numéro d’urgence à la disposition du public. Fébrilement, elle chercha une chaîne d’information, zappant de l’une à l’autre jusqu’à trouver le renseignement espéré.
Cette fois, au bout du fil, la réponse fut presque immédiate mais il sembla à Tasha que l’attente prenait des heures.
— Nous n’avons personne qui corresponde à votre signalement sur la liste des blessés, dit enfin l’opérateur. Rappelez d’ici une heure.
Tasha crut devenir folle. Une heure ? Un siècle pour elle ! Une éternité ! Sans rien d’autre à faire que d’entendre les informations qui ne lui apprenaient rien de nouveau…
Il fallait que Jared soit en vie. Il le fallait !
Les mots se répétaient dans sa tête, martelés par son désespoir comme une incantation. Sans s’en rendre compte, elle se mit à prier.
Une seule réalité émergeait clairement de son esprit en feu : la vie sans Jared ne valait pas d’être vécue.
Ce n’était pas une découverte… Elle l’avait toujours su, mais avait refusé de l’admettre pour s’accrocher à des principes. Principes qui, désormais, ne signifiaient plus rien.
Face à l’écran, elle regardait, hypnotisée, un défilé d’images qu’elle ne voyait même pas. Le lieu de l’explosion offrait un tableau chaotique et les secours travaillaient sans relâche au milieu des débris. Soudain, Tasha s’aperçut que l’heure était presque écoulée. A nouveau, elle composa le numéro d’urgence.
Cette fois, il lui fallut attendre d’interminables minutes avant d’être prise en charge par un opérateur. Celui-ci lui confirma l’absence du nom de Jared sur leur liste de blessés.
Elle raccrocha. Que faire ? Elle eut brusquement l’idée de prendre le premier vol pour Melbourne. Même si elle ne pouvait rien faire de plus, au moins, elle serait sur place et chercherait Jared !
Oh, Seigneur !… Si quoi que ce soit lui était arrivé, elle en mourrait.
La sonnerie de son portable la déconcerta tellement que son cerveau mit un millième de seconde à l’enregistrer. Elle bondit sur l’appareil.
— Tasha !
La voix de Jared lui procura un tel bonheur qu’elle crut défaillir. Sa main se crispa sur l’appareil.
— Tu… tu es blessé ? hoqueta-t elle.
Elle reconnaissait à peine sa propre voix, habitée par la terreur, entrecoupée !
— Quelques coupures, rien de sérieux. Des projections de débris…
Jamais il ne lui dirait ce qu’il avait frôlé. Autour de lui, les blessures s’avéraient beaucoup plus graves. La chance avait joué en sa faveur.
— L’équipe médicale a insisté pour que nous soyons immédiatement transférés et examinés à l’hôpital. Comme mon portable n’a pas résisté au choc, je n’ai pas pu t’appeler plus tôt. Ils vont nous trouver un hébergement pour la nuit, et les vols reprendront normalement demain. Je te rappelle dès que j’en saurai plus.
Il observa une très courte pause et ajouta :
— Je t’aime.
La gorge serrée, Tasha entendit raccrocher. Elle en aurait pleuré.
Comment pouvait-il couper après lui avoir dit cela ? La laisser tremblante, à chercher sa respiration, alors qu’elle venait de passer les heures les plus terribles de son existence ? Seigneur, elle s’était demandé s’il était encore vivant !
Fébrile, incapable de tenir en place, elle tenta de calmer son agitation en se consacrant au ménage. Il avait déjà été fait, mais c’était une façon comme une autre d’évacuer sa tension.
Enfin, épuisée, Tasha se décida à se coucher. Avec le décalage de l’horaire d’été, qui mettait Melbourne en avance d’une heure sur Brisbane, il y avait peu de chance que Jared rappelât le soir même.
Pourtant, son cerveau se refusait à se laisser aller au sommeil… Etre allongée était un supplice. Elle se tournait en tous sens, bourrait son oreiller de coups de poing. Rien à faire. Le sommeil la fuyait.
Jusqu’aux petites heures, elle resta donc au salon, à regarder les programmes de la nuit. A l’aube, enfin, elle sentit qu’elle pourrait prendre un peu de repos. Elle regagna son lit et s’effondra.
Le réveil sonna longuement avant qu’elle ne s’éveille. Sa première réaction fut de vérifier son portable mais il n’y avait aucun message. Alors elle déjeuna, de céréales et de fruits, puis elle prit sa douche et partit au bureau.
La journée commença comme à l’habitude… mais rien n’était pareil. Tasha passait par différents états d’esprit, tantôt pleine d’excitation, tantôt abattue. Plus la matinée s’avançait, plus elle se sentait fébrile. Sa concentration s’en resentit.
Enfin, à 10 heures, le bourdonnement de son portable lui signala un message :
« Je rentre par le vol de fin d’après-midi. Sois prête à 19 heures. Nous dînerons dehors. »
Tasha pianota un bref « D’accord » sur son clavier avant de consentir à respirer normalement. Un soulagement intense inonda son corps jusqu’à ses terminaisons nerveuses. Le soulagement, enfin…
Ce ne fut qu’à force de volonté qu’elle parvint à honorer ses rendez-vous de l’après-midi.
A 17 heures, sans attendre une minute de plus, elle referma son ordinateur et quitta le bureau. A cette heure de pointe, elle mettrait bien une demi-heure à rentrer. D’autant plus qu’elle comptait s’arrêter chez un fleuriste.
Ce qu’elle fit, pour acheter une simple rose, très belle, blanche et épanouie.
Une fois à son appartement, elle se détendit quelques instants dans sa cabine de douche, sous le jet tiède, et se lava les cheveux. Puis elle s’habilla avec soin, choisissant une robe de cocktail bleu pastel, aux manches à mi-longueur, qui s’arrêtait au-dessus du genou. Le décolleté était moins sage et elle le mit en valeur par un pendentif, une belle perle noire offerte par Jared. Elle opta pour un maquillage lumineux et, enfin prête, prit une pochette assortie à la robe, chaussa des escarpins légers et sortit sans oublier sa rose.
L’image de Jared ne la quittait pas et elle sentit l’excitation monter alors qu’elle s’apprêtait à le rejoindre au bas de l’immeuble.
Il était 19 heures pile quand elle déboucha dans le hall et qu’elle le vit, debout à côté de sa voiture. Il l’attendait.
Elle se jeta dans ses bras, cherchant sur son visage la moindre trace de blessure.
— Où as-tu mal ?
C’était la question la plus importante, bien plus essentielle que de dire bonjour !
Jared s’empara de son visage, glissa les doigts dans ses cheveux et prit sa bouche. Son baiser était urgent, brûlant… D’une impatience à peine contenue. Lorsqu’il s’écarta, ce fut pour mieux reprendre ses lèvres mais avec tendresse, cette fois, avec une douceur qui fit fondre Tasha.
Elle se colla contre lui ; il fallait qu’elle le touche, qu’elle le sente contre elle, de chair et de sang, vivant !
— Tu es sûr que tout va bien ?
Les lèvres de Jared effleurèrent ses cheveux, puis se posèrent au coin de sa bouche.
— Certain. Je n’ai que quelques ecchymoses, des coupures, rien de méchant. J’ai fait partie des plus chanceux.
— Merci, Seigneur, fit-elle avec une ferveur qui ne lui était pas habituelle. Tu es toujours là, avec moi !
Jared eut un sourire presque intrigué.
— C’est au mot près ce que je me suis dit.
— Et Soleil ?
Tasha ne pouvait faire autrement que de s’enquérir d’elle.
— Un bras cassé, quelques côtes fracturées. Ils la gardent à Melbourne jusqu’à ce qu’elle puisse voyager sans inconfort.
Tasha promena les doigts sur son visage, comme si elle cherchait à se rassurer. Jared saisit sa main, et embrassa longuement sa paume.
— Si nous allions manger ?
— Je meurs de faim, répondit-elle sincèrement.
Elle n’avait rien pu avaler depuis l’explosion. Mais elle n’avait pas faim que de cela… Le reste pouvait attendre, néanmoins. Patienter un peu avait aussi de bons côtés. Cela servirait à aiguiser ses sens…
Jared avait choisi un petit restaurant calme et élégant, à l’écart du centre ville. Loin de la foule et de l’agitation… Pourtant Tasha sentit croître sa nervosité alors que le maître d’hôtel les mena jusqu’à une table retirée, doucement éclairée par le halo d’une lampe. L’abat-jour rose et la nappe, dont les longs plis retombaient à terre, s’accordaient à la perfection.
Tasha s’installa et posa sa rose sur la nappe, à côté d’elle.
Jared s’apercevait-il que son coeur tambourinait dans sa poitrine ? Avec un regard tendre, il désigna le délicat bouton floral.
— Je présume que ceci a une signification ?
— Oui, dit-elle sans rien ajouter de plus.
Elle se saisit du menu, d’une main qui tremblait encore un peu. Sereine, posée, voilà ce qu’elle s’était promis d’être. Mais intérieurement, elle piaffait. La sensation de faim s’estompait déjà, battue en brèche par sa nervosité. Elle se *******a d’une salade de crustacés.
— La médiation s’est passée correctement ? dit-elle pour entamer la conversation.
Jared lui décocha un regard étonné. D’où venait ce subit empressement à parler affaires ?
— On ne peut mieux, dit-il laconiquement.
Tasha se troubla. Il avait compris qu’elle n’était pas dans son état normal. Tout à l’heure, elle se sentait assez sûre d’elle mais à l’instant de parler, sa belle assurance la fuyait. Pourtant, il fallait qu’elle ose… L’entêtement qui l’avait poussée à le quitter l’obligeait à présent à aller jusqu’au bout.
Une question devait être posée et quelle que fût la réponse de Jared, elle ne devait pas l’esquiver.
« Maintenant », lui ordonna une voix intérieure. « Maintenant ou jamais. »
Tasha prit sa respiration… Il ne lui fallut qu’une seconde pour sortir de sa pochette le petit mot qu’elle avait préparé. Elle le posa à côté de Jared et poussa la rose vers lui.
— Cadeau…
Pour lui, rien que pour lui. Elle s’offrait, avec leur enfant à naître.
Accepterait-il ? La seule supposition d’un rejet lui serrait le cœur comme un étau de glace.
L’expression de Jared restait indéchiffrable. Combien de temps pouvait-on mettre à lire une simple ligne ? Tasha en connaissait les mots par coeur :
« Tu es l’amour de ma vie. Veux-tu toujours de moi pour femme ? »
Il sembla à Tasha qu’une éternité s’écoulait avant que Jared ne consente à relever la tête. Il plongea son regard dans le sien, en une interrogation muette qu’elle ne pouvait laisser sans réponse.
— Je suis à toi, dit Tasha, la gorge serrée. Pas à cause de l’enfant. C’est de toi dont j’ai besoin. Cette séparation, c’était pour ne pas te contraindre à… Je redoutais que tu ne m’épouses que pour…
Elle s’arrêta. Ses mains tremblaient.
— Tu ne crains plus que je me sente obligé ?
Oh, non, elle ne le craignait plus. Plus après la façon dont il lui avait fait l’amour, plus après son infinie patience.
— Plus maintenant.
Ce n’étaient que deux mots, tout simples, mais imaginait-elle un seul instant ce qu’ils représentaient pour lui ? Comme il avait souffert ces dernières semaines, comme elle lui avait manqué ? Comme il avait eu mal de son absence, craignant de ne jamais la retrouver ?
Il n’avait pas dormi une seule nuit correctement, depuis son départ. Le monde était devenu un lieu hostile, vide de sens, qu’il ne voulait plus habiter sans elle à ses côtés.
Il la regarda, vit la femme qu’elle était, ce qu’elle était devenue. Sa force, sa valeur, son intégrité. Et il sut que jamais, au grand jamais, il ne considérerait leur union comme acquise. Il lui faudrait la mériter, toujours. L’amour de Tasha était un cadeau renouvelé, venu droit du cœur. Il lui incombait d’entretenir cette flamme.
— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis, ma chérie ?
— Tu aurais pu partir, tu ne l’as pas fait, dit-elle avec simplicité. Tu ne m’as pas laissée seule et pourtant, tu m’as laissée libre.
Le regard de Jared s’était allumé d’un éclair sombre.
— A l’exception d’une nuit…
Un sourire flotta sur les lèvres de Tasha. Elle ne se souvenait que de leur passion, de l’intensité de son amour.
Mais il n’avait toujours pas répondu… Quelle en était la raison ? Retardait-il le moment de s’excuser, de lui dire qu’il ne pouvait accepter ?
Dieu du ciel… Il n’allait pas… Non ! Ce fut comme un cri silencieux jailli du plus profond d’elle-même, un avant-goût du désespoir qui l’attendait si jamais…
— Je t’aime, dit-elle d’une voix étranglée.
La bouche de Tasha s’était mise à trembler. Elle lutta pour se contrôler.
— Tu es l’homme de ma vie, le seul. Quand j’ai entendu les informations, quand j’ai compris qu’il s’agissait d’une bombe… à l’idée que tu puisses être tué…
Trop troublée pour poursuivre, elle prit une profonde inspiration. Jared la dévisageait intensément.
— Ma vie n’aurait plus aucun sens sans toi, dit-elle enfin.
Jared sentit quelque chose bouger au tréfonds de lui, comme si pour la première fois les pièces de son existence se mettaient en place. Une émotion poignante l’étreignait.
Il avait failli la perdre. Cru qu’il ne pourrait jamais la regagner. Rien n’était garanti en ce bas monde, et surtout pas l’amour…
Le plus précieux des cadeaux. Celui que rien ne pouvait acheter.
Il se pencha, et suivit d’un doigt tendre le contour de sa joue.
— Oui.
Oui ? Cela signifiait-il qu’il…
— J’accepte ton offre.
Soulagement et bonheur inondèrent Tasha d’un flot de douceur. Son visage expressif s’illumina d’une joie si intense que Jared en fut bouleversé.
— Nous allons nous marier. Le plus vite possible.
Un serveur s’approcha de la table, une rose à la main.
— Pour vous, madame, dit-il en souriant. De la part de monsieur…
Tasha prit la fleur. Elle avait du mal à retenir ses larmes. Les pétales de velours, d’un parfait carmin, se resserraient sur un parfum capiteux, envoûtant.
— Tu vois, dit Jared en indiquant la tendre rose qu’elle lui avait apportée. Nous avons les mêmes idées, nous sommes à l’unisson…
— Elle est magnifique, Jared.
— Rentrons, veux-tu ?
Il ne pouvait plus résister au besoin de l’enlacer. Et Tasha, dans son regard, lut ce qu’elle cherchait depuis toujours.
Jared régla la note. Puis, serrés l’un contre l’autre, ils retournèrent à la voiture. Il lui ouvrit la portière.
— Chez toi ou chez moi ? demanda-t-il d’un ton très doux.
— Choisis.
— Chez nous, dit Jared en prenant la direction de leur appartement.
Le lieu qu’élirait Tasha serait toujours chez nous, du moment qu’elle accepte de le partager avec lui. De dormir dans son lit… Jared s’astreignit à une prudence redoublée car l’image de Tasha venait danser devant ses yeux. Nue, étendue sous lui, moite, le regard chaviré quand il la menait au comble de la jouissance…
Quand enfin il entendit le revêtement du parking crisser sous ses pneus, il sut qu’ils étaient arrivés. Ils quittèrent la voiture d’un même mouvement et leurs mains se joignirent. Jared buvait le regard de Tasha, le désir liquide qui le noyait… Et sa bouche… Dès qu’ils auraient franchi le seuil, il prendrait sa bouche. L’ascenseur les entraîna sans qu’ils aient conscience de l’avoir pris.
Il leur sembla qu’ils n’arriveraient jamais à l’appartement. Tasha avait glissé ses mains contre la poitrine de Jared et dès qu’il eut ouvert la porte, elle repoussa sa veste. Elle voulait sentir sa peau contre la sienne, sentir battre son cœur, et elle le voulait maintenant.
Impatients, ses doigts arrachèrent les boutons de sa chemise, en dégagèrent les pans, défirent la ceinture de son pantalon.
L’odeur musquée de Jared enivrait ses sens, lui tournant la tête comme le plus puissant des alcools. Tasha scella ses lèvres à son torse, le goûta de la langue, joua avec sa toison bouclée. Déjà, elle laissait descendre sa bouche, mais Jared la releva.
Il la hissa contre lui et elle noua les jambes autour de sa taille tandis qu’il l’étreignait. Il l’embrassa, sauvagement, comme s’il cherchait à étancher une soif inextinguible.
Et ce fut à son tour de la déshabiller, de ses gestes rapides, précis, avant de refermer les lèvres sur ses seins, léchant leurs pointes dressées.
Plaqués l’un à l’autre, ils titubèrent jusqu’à la chambre et roulèrent sur le lit.
Leurs derniers vêtements tombèrent à terre et les doigts de Jared cherchèrent l’écrin intime de Tasha, pénétrant, remontant au cœur de sa moiteur. Il sentit son plaisir déferler alors qu’elle gémissait son nom.
— Jared, mon amour… Viens… maintenant, supplia Tasha.
Il se glissa en elle et retrouva son enivrante chaleur. Elle l’accueillit en le serrant tellement fort que Jared en eut le souffle coupé. S’accordant à son rythme, elle le suivit, frénétique quand il le voulait, et plus douce au fur et à mesure que, consciemment, il se contrôlait et ralentissait.
C’était délicieux… mieux que cela, indescriptible.
A dessein, il se dégagea d’elle et posa de petits baisers sur son visage, s’arrêtant au coin de sa bouche, en dessinant les contours du bout de la langue pour finir par un baiser si lent, si érotique qu’elle fut soudain au bord des larmes.
— Tu ne joues pas franc-jeu, murmura-t elle en le repoussant sur les draps.
— Alors tu veux me rendre la pareille, c’est cela ? dit-il d’une voix rauque.
Une lueur indéfinissable dansait dans les yeux noisette de Tasha.
— Exactement.
Elle l’enjamba et sa bouche descendit le long de son torse, avec une lenteur délibérée, retardant sciemment l’instant de le savourer. Car ce qu’elle voulait, c’était tout de lui, absorber son essence, le rendre fou, éperdu de désir et de passion pour elle.
Les gémissements qui échappaient à Jared, sa respiration saccadée témoignaient assez de sa réussite.
C’était une euphorie, une magnifique exploration de l’empire qu’une femme pouvait avoir sur un homme. Il suffisait de vouloir le combler, de le mener à l’extase, dans une nouvelle dimension où il perdait tout contrôle.
Rendu à sa merci. Vulnérable, comme jamais. Totalement confiant.
Elle adorait voir se crisper les muscles de son ventre, son frémissement intime alors que ses lèvres lui infligeaient le plus doux des plaisirs, jusqu’à la jouissance.
Ce fut, pour elle comme pour lui, une fête glorieuse des sens dont ils émergèrent heureux, pantelants et comblés. Emotionnellement épuisés…
Ils dormirent un moment, se réveillèrent au beau milieu de la nuit pour se chercher et se prendre. Encore et encore.
Ce n’était pas assez, ce ne serait jamais assez et quand le soleil se leva sur l’horizon, Jared porta Tasha dans la baignoire, fit couler l’eau du bain tout en la caressant. Tasha ferma les yeux, se laissa aller au plaisir de ses mains sur elle. Elles glissaient avec la mousse sur sa peau, indiscrètes, à la recherche de toutes les sensations qu’elles pouvaient procurer.
Jared la rejoignit dans l’eau et ce fut à elle de prendre l’initiative, effleurant tour à tour chaque parcelle de son corps, attentive à ne pas réveiller la douleur des hématomes qu’elle découvrait, dans la lueur pâle du petit matin.
— Jared, tu aurais dû me dire de faire plus attention, cette nuit !
— Je n’ai rien senti ! J’adore quand tu t’empares de mon corps, dit-il avec une note d’humour dans la voix. J’en oublie tout…
Elle posa de légers baisers sur chacune de ses ecchymoses et Jared s’abandonna à sa douceur. Quand elle eut fini, il la serra contre lui avec une infinie tendresse. Ils sortirent de l’eau, se séchèrent mutuellement et Jared la porta à nouveau dans la chambre, lovée dans ses bras.
Ils s’allongèrent, puis se blottirent l’un contre l’autre, et Jared tira les draps sur eux.

**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** 25-04-09 12:40 PM

chapitre 11



Ils se levèrent tard, affamés.
Jared s’occupa des œufs au bacon pendant que Tasha préparait toasts, thé et café.
Rien ne les pressait. Ils prirent leurs aises, dégustant tranquillement le festin matinal, s’offrant l’un à l’autre les meilleures bouchées de bacon croustillant.
— J’ai quelque chose à te montrer, dit soudain Jared, lorsqu’ils eurent terminé.
Tasha se tourna vers lui ; il était si séduisant, dans son jean et dans son polo noirs ! Elle adorait le voir abandonner le côté formaliste de l’avocat pour s’habiller sport, dans des tenues simples qui mettaient en valeur son corps musclé.
Jared s’approcha, et lui prit la main.
— Viens.
Elle leva le visage vers lui, et au pétillement de son œil, comprit qu’il serait inutile de résister.
— Ai-je le droit de demander où l’on va ? dit-elle en riant.
— Non, rétorqua Jared avec un baiser énergique, qu’il adoucit finalement du bout de la langue.
— Bien.
— Tu n’argumentes pas, Tasha ?
Il semblait surpris.
— Pourquoi, tu préférerais ?
Le sourire de Jared creusa deux fossettes dans ses joues.
— Impertinente, avec ça ?
Elle plongea son regard dans le sien.
— Bien trop amoureuse pour cela.
Il l’attira contre lui et l’embrassa à nouveau, d’une façon si sensuelle que Tasha sentit ses jambes fléchir.
— Si tu tiens vraiment à ce que nous sortions, il vaut mieux arrêter là, soupira-t elle.
Sans un mot, Jared alla ouvrir la porte. Tasha chaussa des tennis et le rejoignit.
Bientôt, ils traversaient le pont et Jared, au volant de la Jaguar, mit le cap sur une agréable banlieue du nom d’Ascot.
Ascot était réputée pour la beauté de ses demeures, sises dans de vastes jardins, parfois même des parcs. Les avenues larges, bordées de pelouses ou de plates-bandes soignées, rivalisaient de couleurs tendres en ce début d’été.
Chaque propriété était un plaisir pour les yeux : de belles bâtisses anciennes, habitées par plusieurs générations, ou modernes, au contraire, tout en baies vitrées, pour mieux jouir du panorama sur le fleuve et le port de plaisance.
Tasha fut intriguée lorsque Jared quitta la voie sur berge pour piquer vers la colline.
— Je ne suis pas habillée pour rendre visite, observa-t elle avec un coup d’œil à son jean.
Jared lui retourna un sourire tendre.
— Tu es parfaite telle que tu es.
Il emprunta une vaste allée qui pénétrait l’une des propriétés.
Au fond du parc se dressait une maison superbe, flanquée en est et ouest de deux vérandas, et dont la façade principale ouvrait sur le paysage par une immense baie. La vue sur le fleuve devait être grandiose, et plus belle encore de l’étage, songea Tasha avec admiration.
Le seul détail qui nuisait à la perfection de l’ensemble était le monceau de terre que l’on devinait derrière la maison, et qui indiquait le creusement d’une piscine. La présence d’un camion empli de matériaux de construction signalait aussi des rénovations, menées à l’intérieur de la demeure.
Jared gara sa voiture à l’entrée, toujours mystérieux…
— Allons-y, veux-tu ?
Tasha le suivit. L’air était vif et comme nettoyé par la brise matinale. Il y flottait une senteur capiteuse, émanant sans doute d’un massif de roses en contrebas, soigneusement entretenu.
— Sommes-nous attendus ?
La curiosité de Tasha était piquée au vif mais avant que Jared ne pût répondre, la porte s’était ouverte et un couple âgé apparaissait sur le perron.
— Monsieur North…
Leur salutation était bien formelle s’il s’agissait, comme Tasha l’avait cru, d’une visite de politesse…
Jared procéda aux présentations.
— Amy et Joe sont les gardiens. Ils s’occupent de la propriété pendant que celle-ci est en rénovation.
L’incrédulité se peignit sur le visage de Tasha. Voulait-il dire que… Elle scruta les traits de Jared.
— C’est… ta maison ? Tu l’as achetée ?
— Oui, dit-il simplement. Allons voir l’intérieur, veux-tu ? Tu pourras me dire si cela te plaît.
Comment ne pas aimer cette demeure ? Les hauts plafonds, les parquets polis, la lumière… Un escalier à double révolution menait à l’étage, et Tasha écouta Jared lui confier ses plans alors qu’ils exploraient le superbe espace.
— Cette chambre-ci, à côté de la principale, sera transformée en chambre d’enfant, et ces deux pièces deviendront respectivement une bibliothèque et un bureau.
La chambre principale possédait sa propre salle de bains, et les deux chambre d’amis leur douche.
— Qu’en penses-tu ?
— C’est merveilleux, dit-elle du fond du cœur.
— Les décorateurs commenceront dans quinze jours. Je voulais que tu puisses choisir les teintes qui te plaisent, ainsi que le mobilier.
Il semblait avoir tout organisé… depuis longtemps.
— Quand as-tu acheté cette maison ?
— Quelques jours avant que tu ne m’annonces ta grossesse, dit-il en l’enlaçant.
— Etais-tu si sûr de moi ?
— Non… J’étais sûr de moi-même, de mes sentiments. Certain de te vouloir jusqu’à la fin de mes jours.
Il prit son visage entre ses mains, la regarda au fond des yeux.
— Cette maison, c’était un moyen de te le prouver.
Tasha était tellement émue qu’elle ne put articuler une parole.
— Il y a encore une petite chose…, reprit Jared en sortant un écrin de sa poche. Ceci…
« Ceci » était une bague, un diamant délicatement taillé en forme de poire, qu’il passa au doigt de Tasha. Celle-ci en eut le souffle coupé.
— Et nous avons rendez-vous à l’église dans deux semaines, ajouta Jared.
— Deux semaines ?
Tasha écarquilla les yeux. La tête lui tournait.
— Ce n’est… ce n’est pas possible.
— Bien sûr que si, dit Jared en suivant ses émotions sur son visage mobile. Ce sera un mariage intime, famille et amis proches uniquement. Je prends en charge l’organisation. Tu n’auras qu’à t’occuper de ta robe.
*
* *
Ce qui fut dit fut fait. Tasha demanda à Héloïse d’être sa demoiselle d’honneur et dès cet instant, sa vie fut un tourbillon. Ensemble, elles coururent les boutiques de mariage, les couturiers : Héloïse, impitoyable, ne lui laissa pas une seconde de répit avant que tout fût parfait.
Heureusement, Jared s’occupait de la réception, du traiteur et des invitations car Tasha, prise en semaine par son travail, n’avait plus une minute à elle. Chaque soir elle s’écroulait, recrue de fatigue pour mieux reprendre sa course frénétique le lendemain.
Enfin, la veille du grand jour arriva. Héloïse était chez eux pour mettre la dernière main aux préparatifs.
— Tu devrais passer la nuit chez moi, dit-elle à Tasha. Il n’est pas prévu que les futurs époux dorment ensemble la veille de la cérémonie !
Jared protesta, à l’unisson avec Tasha : on était au XXIe siècle et pour un mariage célébré dans l’intimité, on pouvait se permettre des entorses au protocole.
— Mais je t’assure que nous n’arriverons pas à l’église ensemble, promit Tasha à son amie.
Lorsque Jared et Tasha se retrouvèrent seuls, elle était épuisée.
— Détends-toi, dit-il gentiment.
— Je crois que tu aurais mieux fait de m’enlever, soupira Tasha en s’écroulant sur le lit. Cela nous aurait évité les complications !
Le rire de Jared lui répondit.
— Je n’ai pas de cheval blanc… Pour compenser, je te propose une séance de relaxation.
Il se mit à lui masser la plante des pieds, puis remonta doucement jusqu’aux chevilles, dénouant les tensions sous ses mains habiles. C’était le paradis, se dit Tasha. Elle ferma les yeux alors que les mains de Jared remontaient vers ses cuisses. Rien ne surpasserait jamais les émotions qu’il libérait en elle.
Lorsque la respiration de Tasha devint profonde et régulière, Jared s’allongea à ses côtés et remonta les draps, heureux de ce que le lendemain leur apporterait.
La matinée du samedi commença par une petite pluie fine, rapidement suivie d’un soleil éclatant dans un ciel d’azur. La journée s’annonçait parfaite pour un mariage…
— Nerveuse ? demanda Héloïse alors qu’elle fixait une couronne de roses miniatures sur la coiffure de Tasha.
— Non…
Il n’y avait aucune place pour le doute en elle, aucune insécurité. Tout était juste à la bonne place.
Héloïse se recula pour juger de l’effet.
— Superbe.
Le sourire de Tasha rencontra le sien dans la glace.
— Merci.
Pour sa tenue, elle avait préféré la simplicité aux cascades de dentelles. La robe à découpe princesse, ajustée au corsage puis évasée vers le bas, mettait en valeur sa silhouette élégante.
Au doigt, elle portait le diamant de Jared.
— Parfait, mon chou, dit Héloïse avec un clin d’œil complice. Il est temps de démarrer la représentation !
La famille et les amis proches étaient rassemblés devant la petite chapelle de pierre lorsque la limousine, louée avec chauffeur, déposa Tasha et son amie.
Monica s’avança, et serra Tasha contre son cœur.
— Tout va bien se passer. Je suis très heureuse pour vous.
Tasha lui pressa la main, trop émue pour pouvoir parler. Héloïse vit deux larmes perler à ses yeux.
— Ne va pas trop vite en besogne, lui murmura-t elle. Souris maintenant, garde les larmes pour après ! Et n’oublie pas que c’est le plus beau jour de ta vie !
Tasha sourit.
— Je n’ai jamais été aussi heureuse.
— Alors dépêchons-nous. Jared est déjà à l’intérieur.
Il attendait qu’elle entre, et la suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle le rejoigne, à la croisée de la nef.
Tasha avançait, sans rien remarquer de la congrégation assemblée. Elle ne voyait que Jared, comme s’ils étaient seuls au monde. Et l’émotion qu’elle lisait dans son regard lui fit comprendre qu’il partageait ses sentiments.
Il lui sembla que son cœur cessait de battre. La joie était tellement présente… En elle, dans les yeux de Jared…
Lui ne pouvait s’arracher à sa contemplation. Tasha le touchait comme aucune autre femme n’avait su le faire, elle était belle de la seule beauté qui comptait, celle du cœur. Son âme était généreuse et ardente. Toute sa vie, il lui dirait chaque jour la signification qu’avaient pour lui ces instants.
Il ne put s’empêcher de l’embrasser quand elle parvint à sa hauteur, avec une telle fougue qu’un rire amusé parcourut l’assemblée.
— Eh bien, si les futurs mariés sont prêts, nous pouvons peut-être commencer ? proposa le prêtre.
— Sois sérieux, le gronda Tasha en souriant.
— Je n’ai jamais été aussi sérieux de ma vie.
Et pour confirmer ses dires, il plaqua un autre baiser sur ses lèvres, avant de se tourner vers l’officiant.
La cérémonie fut solennelle et pleine de joie. Le bonheur des nouveaux époux irradiait, et bien des cœurs dans l’assemblée battirent à l’unisson avec les leurs.
Vers 10 heures, enfin, ils s’éclipsèrent et le chauffeur les déposa devant l’appartement de Jared. Ils s’y changèrent rapidement et prirent quelques affaires avant de s’engouffrer dans la Jaguar.
Les contraintes du travail de Tasha, pas plus que la plaidoirie de Jared, ne leur laissaient beaucoup de temps libre. Ils avaient donc décidé, en guise de lune de miel, de passer le week-end sur la Côte dorée, dans leur appartement plutôt qu’à l’hôtel.
Le trajet ne fut pas long, et ils retrouvèrent leur cadre familier. Tasha, le front contre la baie vitrée, admira la coulée sombre du fleuve qui se jetait dans la mer. Les lumières de la ville s’y reflétaient… Le spectacle était somptueux.
Jared la rejoignit, et elle le sentit venir plutôt qu’elle ne l’entendit. Sans se retourner, elle se laissa aller contre lui.
— Je crois que je ne m’en lasserai jamais, dit-elle en désignant le paysage baigné de lumière nocturne.
— Comme moi de toi, murmura Jared à son oreille. T’ai-je dit à quel point tu étais belle ?
— Pas depuis dix minutes, fit Tasha avec un délicieux sourire. Essaierais-tu de me séduire ?
Toujours de dos, elle enlaça sa nuque et appuya la tête contre son épaule.
— Te séduire ? En est-il besoin ? répondit Jared en souriant.
Il la prit dans ses bras et la mena à la chambre.
— Non. Je suis à toi, murmura Tasha tout contre sa bouche.
Leur baiser, d’abord tendre, devint de plus en plus érotique, véritable prélude à une nuit d’amour. Leurs mains s’enlacèrent, avant de se séparer pour se fondre en caresses brûlantes et passionnées. Ils sentaient leurs bouches fébriles, jamais rassasiées. Surtout, leurs âmes étaient unies… En soupirant, ils se donnèrent l’un à l’autre jusqu’au petit matin.
Ils ne quittèrent pas l’appartement — et presque pas leur lit — du week-end. Ils passaient de la salle de bains au salon, avalant à la hâte un repas tout prêt… Il n’y avait pas d’autres motifs pour interrompre leurs caresses.
Le lundi matin, seulement, ils rejoignirent Brisbane, et lorsque Jared arrêta la voiture en bas du bureau de Tasha, il déposa un baiser voluptueux sur ses lèvres avant qu’elle ne le quitte.
— Bonne journée. Prends soin de toi… Jusqu’à ce soir.
Tasha aurait voulu rire et pleurer en même temps.
— A ce soir.
La vie, se dit-elle en le suivant du regard alors qu’il se perdait dans le trafic, la vie ne pouvait pas être plus belle qu’en ce jour.
Épilogue
Siohban Marie North fit son apparition en ce monde avec trois jours d’avance, et rassura tout le monde en poussant un vigoureux hurlement.
Son père, fasciné dès le premier instant, la traitait comme la chose la plus précieuse au monde, un petit être qu’il entendait bien défendre jusqu’à son dernier souffle.
Ses traits délicats évoquaient en miniature ceux de sa mère, et son impatience à se nourrir indiquait un tempérament déjà affirmé.
— Qu’elle est têtue ! taquinait gentiment son père.
— Déterminée, rectifiait Tasha alors même que son cœur fondait devant tant d’amour paternel.
Jared ne se lassait de contempler ni la mère, ni la fille. Et la chaleur de son regard comblait Tasha, l’émouvait au plus profond de son âme.
— Quand revenez-vous à la maison ? demanda instamment Jared.
— Il te faudra patienter encore quelques jours…
Elle ramena sa fille le cinquième jour, et toutes deux furent accueillies par une grand-mère en adoration.
Monica s’occupa de tout pendant quelques semaines, promettant de revenir pour le baptême de la fillette.
Celui-ci, par le plus grand des hasards, était fixé à un an du jour où Tasha avait appris sa grossesse. Jared s’était-il rendu compte de la signification de cette date pour elle ?
Le baptême se déroula à merveille. Siobhan était un bébé modèle, qui souriait à tous chaque fois qu’elle s’éveillait.
Serrés l’un contre l’autre, les festivités terminées, les heureux parents regardèrent leur fille s’endormir dans son berceau.
La chambre d’enfant était doucement éclairée par une veilleuse et ils quittèrent la pièce sur la pointe des pieds, confiants. Un système d’alarme par Interphone, récemment installé, les préviendrait du moindre pleur…
Maintenant que la tension de la fête se dissipait, Jared goûtait la satisfaction d’une journée bien remplie. Mais il n’avait pas que le repos en tête.
— Je vais descendre ranger un peu, fit Tasha en plantant au coin de sa bouche un petit baiser.
— Non.
— Non ?
— J’ai d’autres projets.
— Dans quel domaine ?
— Dans un domaine très amoureux. Si je ne me trompe pas, nous disposons d’environ trois heures avant que Siobhan ne s’éveille…
Un éclat de rire monta aux lèvres de Tasha.
— Et pendant ces trois heures, tu comptes…
— Faire l’amour à ma femme, tout à loisir, dit-il en glissant la main au creux de son dos.
— Je crois que c’est négociable.
— Surtout avec des arguments tels que celui-ci, rétorqua Jared, caressant langoureusement l’arrondi de ses fesses.
Il lui fit l’amour avec une telle tendresse, une telle délicatesse que Tasha en aurait pleuré.
— Je t’aime, murmura-t elle quand leur passion se mua en tendre étreinte.
Ces mots-là, ils savaient qu’ils se les répéteraient jour après jour, au cours du long voyage qu’ils venaient à peine de commencer. Et peut-être même au-delà…0



- FIN -

soheir nour 12-11-09 02:34 PM

yeslamooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo
bgd merciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

m452 09-01-10 09:52 PM

merci pour le roman ça me tente beaucoup

rahmouna 02-08-10 11:05 PM

merci beaucoup

majdouline two 20-09-13 02:56 PM

ÑÏ: Un couple de rêve, de Helen Bianchin
 
ÑæÇíÉ ÑÇÆÚÉ ÌÏÇ.ÇÔßÑß ÌÒíá ÇáÔßÑ Úáì ÇáãÌåæÏ ÇáßÈíÑ ÇáÏí ÞãÊ Èå.

majdouline two 01-12-13 07:45 PM

ÑÏ: Un couple de rêve, de Helen Bianchin
 
merci beaucoup


ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 05:30 AM.

Powered by vBulletin® Version 3.8.11
Copyright ©2000 - 2024, Jelsoft Enterprises Ltd.
SEO by vBSEO 3.3.0 ©2009, Crawlability, Inc.
ÔÈßÉ áíáÇÓ ÇáËÞÇÝíÉ