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paul eluard s'il te plai
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Paul Eluard
(1895-1952) Quelques poètes sont sortis à Philippe Soupault Comme autrefois, d'une carrière abandonnée, comme un homme triste, le brouillard, sensible et tête comme un homme fort et triste, tombe dans la rue, épargne les maisons et nargue les rencontres. Dix, cent, mille crient pour un ou plusieurs chanteurs silencieux. Chant de l'arbre et de l'oiseau, la jolie fable, le soutien. Une émotion naît, légère comme le poil. Le brouillard donne sa place au soleil et qui l'admire? dépouillé comme un arbre de toutes ses feuilles, de toute son ombre? Ô souvenir! Ceux qui criaient. Paul Eluard Pour vivre ici Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné, Un feu pour être, son ami, Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver Un feu pour vivre mieux. Je lui donnai ce que le jour m'avait donné : Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes, Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés, Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes. Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes, Au seul parfum de leur chaleur; J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée, Comme un mort je n'avais qu'un unique élément. (Choix de Poèmes) (N.R.F.) *** Dormir la lune dans un oeil et le soleil dans l'autre Un amour dans la bouche un bel oiseau dans les cheveux Parée comme les champs les bois les routes et la mer Belle et parée comme le tour du monde Puis à travers le paysage Parmi les branches de fumée et tous les fruits du vent Jambes de pierre aux bas de sable Prise à la taille à tous les muscles de rivière Et le dernier souci sur un visage transformé. *** L'amoureuse Elle est debout sur mes paupières Et ses cheveux sont dans les miens, Elle a la forme de mes mains, Elle a la couleur de mes yeux, Elle s'engloutit dans mon ombre Comme une pierre sur le ciel. Elle a toujours les yeux ouverts Et ne me laisse pas dormir. Ses rêves en pleine lumière Font s'évaporer les soleils, Me font rire, pleurer et rire, Parler sans avoir rien à dire (Capitale de la Douleur) (N.R.F.) *** Je te l'ai dit Je te l'ai dit pour les nuages Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles Pour les cailloux du bruit Pour les mains familières Pour l'oeil qui devient visage ou paysage Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur Pour toute la nuit bue Pour la grille des routes Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles Toute caresse toute confiance se survivent. (L'Amour de la Poésie (1928)). (N.R.F.) |
Je ne suis pas seul Chargée De fruits légers aux lèvres Parée De mille fleurs variées Glorieuse Dans les bras du soleil Heureuse D'un oiseau familier Ravie D'une goutte de pluie Plus belle Que le ciel du matin Fidèle Je parle d'un jardin Je rêve Mais j'aime justement (Médieuses) (N .R.F.) Paul Eluard Sans rancune Larmes des yeux, les malheurs des malheureux, Malheurs sans intérêt et larmes sans couleurs, Il ne demande rien, il n'est pas insensible, Il est triste en prison et triste s'il est libre. Il fait un triste temps, il fait une nuit noire A ne pas mettre un aveugle dehors. Les forts Sons assis, les faibles tiennent le pouvoir Et le roi est debout près de la reine assise. Sourires et soupirs, des injures pourrissent Dans la bouche des muets et dans les yeux des lâches. Ne prenez rien : ceci brûle, cela flambe! Vos mains sont faites pour vos poches et vos fronts. * Une ombre... Toute l'infortune du monde Et mon amour dessus Comme une bête nue. *** Première du monde à Pablo Picasso Captive de la plaine, agonisante folle, La lumière sur toi se cache, vois le ciel : Il a fermé les yeux pour s'en prendre à ton rêve, Il a fermé ta robe pour briser tes chaînes. Devant les roues toutes nouées Un éventail rit aux éclats. Dans les traîtres filets de l'herbe Les routes perdent leur reflet. Ne peux-tu donc prendre les vagues Dont les barques sont les amandes Dans ta paume chaude et câline Ou dans les boucles de ta tête? Ne peux-tu prendre les étoiles? Écartelée tu leur ressembles, Dans leur nid de feu tu demeures Et ton éclat s'en multiplie. De l'aube bâillonnée un seul cri veut jaillir, Un soleil tournoyant ruisselle sous l'écorce, Il ira se fixer sur tes paupières closes. Ô douce, quand tu dors, la nuit se mêle au jour. *** Les dessous d'une vie ou La pyramide humaine (1926) D'abord, un grand désir m'était venu de solennité et d'apparat. J'avais froid. Tout mon être vivant et corrompu aspirait à la rigidité et à la majesté des morts. Je fus tenté ensuite par un mystère où les formes ne jouent aucun rôle. Curieux d'un ciel décoloré d'où les oiseaux et les nuages sont bannis. Je devins esclave de la faculté pure de voir, esclave des mes yeux irréels et vierges, ignorants du monde et d'eux-mêmes. Puissance tranquille. Je supprimai le visible et l'invisible, je me perdis dans un miroir sans tain. Indestructible, je n'étais pas aveugle. *** L'aube impossible Le grand enchanteur est mort! et ce pays d'illusion s'est effacé(Young) C'est par une nuit comme celle-ci que je me suis privé du langage pour prouver mon amour et que j'ai eu affaire à une sourde. C'est par une nuit comme celle-ci que j'ai cueilli sur la verdure perpendiculaire des framboises blanches comme du lait, du dessert pour cette amoureuse de mauvaise volonté. C'est par une nuit comme celle-ci que j'ai régné sur des rois et des reines alignés dans un couloir de craie! Ils ne devaient leur taille qu'à la perspective et si les premiers étaient gigantesques, les derniers, au loin, étaient si petits que d'avoir un corps visible, ils semblaient taillés à facettes. C'est par une nuit comme celle-ci que je les ai laissés mourir, ne pouvant leur donner leur ration nécessaire de lumière et de raison. C'est par une nuit comme celle-ci que, beau joueur, j'ai traîné dans les airs un filet fait de tous mes nerfs. Et quand je le relevais, il n'avait jamais une ombre, jamais un pli. Rien n'était pris. Le vent aigre grinçait des dents, le ciel rongé s'abaissait et quand je suis tombé, avec un corps épouvantable, un corps pesant d'amour, ma tête avait perdu sa raison d'être. C'est par une nuit comme celle-ci que naquit de mon sang une herbe noire redoutable à tous les prisonniers. *** À peine défigurée Adieu tristesse Bonjour tristesse Tu es inscrite dans les lignes du plafond Tu es inscrite dans les yeux que j'aime Tu n'es pas tout à fait la misère Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent Par un sourire Bonjour tristesse Amour des corps aimables Puissance de l'amour Dont l'amabilité surgit Comme un monstre sans corps Tête désappointée Tristesse beau visage. (La vie immédiate)(N.R.F.) |
Liberté
Sur mes cahiers d'écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J'écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J'écris ton nom Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J'écris ton nom Sur la jungle et le désert Sur les nids sur les genêts Sur l'écho de mon enfance J'écris ton nom Sur les merveilles des nuits Sur le pain blanc des journées Sur les saisons fiancées J'écris ton nom Sur tous mes chiffons d'azur Sur l'étang soleil moisi Sur le lac lune vivante J'écris ton nom Sur les champs sur l'horizon Sur les ailes des oiseaux Et sur le moulin des ombres J'écris ton nom Sur chaque bouffée d'aurore Sur la mer sur les bateaux Sur la montagne démente J'écris ton nom Sur la mousse des nuages Sur les sueurs de l'orage Sur la pluie épaisse et fade J'écris ton nom Sur les formes scintillantes Sur les cloches des couleurs Sur la vérité physique J'écris ton nom Sur les sentiers éveillés Sur les routes déployées Sur les places qui débordent J'écris ton nom Sur la lampe qui s'allume Sur la lampe qui s'éteint Sur mes maisons réunis J'écris ton nom Sur le fruit coupé en deux Dur miroir et de ma chambre Sur mon lit coquille vide J'écris ton nom Sur mon chien gourmand et tendre Sur ces oreilles dressées Sur sa patte maladroite J'écris ton nom Sur le tremplin de ma porte Sur les objets familiers Sur le flot du feu béni J'écris ton nom Sur toute chair accordée Sur le front de mes amis Sur chaque main qui se tend J'écris ton nom Sur la vitre des surprises Sur les lèvres attentives Bien au-dessus du silence J'écris ton nom Sur mes refuges détruits Sur mes phares écroulés Sur les murs de mon ennui J'écris ton nom Sur l'absence sans désir Sur la solitude nue Sur les marches de la mort J'écris ton nom Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l'espoir sans souvenir J'écris ton nom Et par le pouvoir d'un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté (1942) - Le poème "Liberté" de Paul Eluard fut largué par les avions de la RAF en milliers de tracts sur la France occupée. |
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