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ÇáÊÓÌíá: Jun 2006
ÇáÚÖæíÉ: 7370
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 363
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chapitre 5

— Voici votre café, mademoiselle Jones !
Capri s’étira, bâilla et rabattit le drap sur son visage.
— Merci, Mary-Lou, murmura-t-elle. Je mettrai mon ensemble bleu clair, aujourd’hui... Il n’est pas au pressing, au moins ?
— Je n’en sais rien. En tout cas, je suis allée chercher votre robe de chambre, uniquement par respect de la décence.
Eberluée, Capri rejeta d’un seul coup draps et couvertures. Qui pouvait bien lui parler ainsi ? Et où était-elle ? Les yeux encore ensommeillés, elle regarda avec stupeur la gardienne de Blueberry Island.
Pourquoi avait-elle cru, un instant, qu’elle était à Houston ? Le contraste était saisissant entre la silhouette fluette de la gouvernante de son père, Mary-Lou, et les formes généreuses de Zoé.
La jeune femme tenait à la main une tasse de café fumant, et elle la posa sur la table de nuit d’un air maussade. Manifestement, elle n’agissait pas par pure bonté d’âme ! Où était Tiggart ? Et pourquoi ne lui avait-il pas apporté ce café lui-même ?
— Merci, balbutia Capri.
Zoé ne bougeait pas, les bras croisés sur la poitrine. Qu’attendait-elle ? Et comment une femme pouvait-elle être aussi séduisante dans une salopette en jean ? Avec un mouvement de jalousie, Capri détourna son regard.
— Et merci pour mon peignoir, ajouta-t-elle.
— Je l’ai fait parce que Tiggart me l’a demandé.
— Tiggart ? Où est-il ?
Que s’était-il passé, hier soir ? Capri se souvenait de la sensation brûlante de l’alcool dans ses veines, et du plaisir qu’elle avait eu à sentir les bras de Tiggart se refermer sur elle. Ne l’avait-il pas embrassée, juste avant qu’elle dorme ?
Bouleversée, elle tenta de calmer les battements de son cœur. S’il faisait preuve de tendresse envers elle, parviendrait-elle à garder ses distances ? Au fond d’elle-même, elle en doutait. D’ailleurs, le voulait-elle vraiment ?
— Il est parti pêcher avec Sam, jusqu’à ce soir.
Au sourire triomphant de Zoé, Capri n’eut pas de mal à comprendre que la gardienne trouvait cet éloignement fort à propos ! Cachant mal sa déception, la jeune femme se pencha pour boire une gorgée de café.
— Je croyais... Je ne l’ai pas entendu partir, ce matin, balbutia-t-elle.
— Naturellement ! Il n’a pas dormi ici, répliqua Zoé avec un sourire qui s’agrandissait.
Capri reposa sa tasse, les doigts tremblants. Ainsi, Tiggart n’avait pas dormi à côté, dans le lit de camp du living ? Et Zoé cherchait-elle à lui faire comprendre... qu’ils avaient passé la nuit ensemble ?
Dévorée de jalousie, elle imagina la jolie blonde dans les bras de Tiggart. Pourquoi en ressentait-elle une telle douleur ? Après tout, Tiggart n’était rien pour elle. Incapable de réagir, Capri suivit les mouvements de Zoé, qui, les bras chargés de linge fraîchement repassé, ouvrait les tiroirs de la commode.
Lentement, la jeune femme repliait les chemises et les sous-vêtements de Tiggart, et les plaçait dans les tiroirs. Que cherchait-elle à lui prouver ? Que ses relations avec son employeur étaient des plus intimes ?
— Vous savez, mademoiselle Jones, vous feriez mieux de garder vos distances avec Tiggart. Je dis ça dans votre intérêt... Il n’aime que les aventures, brèves de préférence.
Capri soutint le regard éloquent de Zoé. Décidément, elle ne prenait même plus la peine de masquer son hostilité !
— Cela ne vous regarde pas, protesta Capri. Au cas où vous l’auriez oublié, je suis en vacances, ici, et j’agis comme bon me semble. J’ai payé pour cela.
— Oui ! Elles disent toutes ça ! Tous les étés, je vois débarquer des femmes comme vous, hautaines et frustrées. Tiggart est bien trop poli pour les envoyer promener, alors c’est moi qui m’en charge.
Le sang de Capri ne fit qu’un tour. Repoussant violemment sa tasse de café, elle s’assit dans le lit.
— Sortez ! ordonna-t-elle.
Zoé se *******a de hausser les épaules d’un air méprisant. Refermant le dernier tiroir, elle se tourna vers Capri.
— A votre guise, lança-t-elle. Seulement, à force de jouer avec le feu, on se brûle ! Je vous ai vus sur la jetée, hier soir. Si vous croyez que Tiggart peut s’attacher à une femme, surtout une femme comme vous, vous vous faites des illusions.
— C’est peut-être vous qui en avez, des illusions !
— Pas en face de celle qui doit lui rappeler son ex-femme... Susan était plus sensationnelle : on aurait dit le sosie d’Elizabeth Taylor avec ses yeux violets et ses longs cheveux noirs.
— Son ex-femme ? répéta Capri, stupéfaite. Je... J’ignorais qu’il avait été marié.
— Rassurez-vous, il ne l’est pas resté longtemps. Je n’avais que quinze ans, à l’époque, mais j’avais assez de jugeote pour me rendre compte de ce qui se passait. La famille de Tiggart et la mienne sont très liées, et j’ai vu Susan changer du jour au lendemain après son mariage. Une fois la bague au doigt, elle a décidé de faire de Tiggart un autre homme...
Zoé éclata de rire, rejetant sa somptueuse chevelure en arrière.
— Autant vouloir décrocher la lune ! s’exclama-t-elle. Tiggart ne changera jamais, il est bien trop indépendant. Susan peut en témoigner, ils ont divorcé au bout de deux ans.
Sur ce coup de théâtre, Zoé tourna les talons, et claqua la porte derrière elle. Capri demeura assise sur le lit, pétrifiée. Pourquoi Zoé lui avait-elle révélé tout cela ?
Inutile de chercher bien loin... Elle avait utilisé l’arme de la vérité, sûre de son effet sur Capri. En effet, un divorce laissait toujours des traces. Si Tiggart avait été blessé une fois, il devait être difficile de trouver le chemin de son cœur !
Etait-ce pour cela qu’il l’avait questionnée, durant le barbecue ? Il n’était guère prêt à faire des sacrifices, se rappela-t-elle. Et il avait une piètre opinion des femmes...
Mais qui au juste était Tiggart Smith ? Capri ignorait tout de lui. Tant qu’elle l’avait cru gardien de l’île, elle s’était souvent demandé pourquoi il manquait à ce point d’ambition. Cependant, à présent qu’elle le savait propriétaire, sa présence ici prenait une autre signification.
D’où tenait-il sa fortune ? Et pourquoi sa femme avait-elle voulu le faire changer ? Avait-il une façon de vivre particulière ? Mille questions lui venaient à l’esprit... L’une d’entre elles, et non des moindres, la hantait. Qui était Zoé pour lui ? Et quel rôle jouait-elle dans sa vie ?
A 15 heures, Capri éteignit son ordinateur. Il était temps d’aller prendre un bain de soleil ! Puisque Tiggart pêchait au large, la voie était libre.
La jeune femme étala sa serviette de bain sur la plage déserte, et s’enduisit soigneusement le corps de crème solaire. Quel plaisir de s’offrir ainsi aux rayons du soleil ! De l’océan, venait une brise rafraîchissante, et le bruit régulier des vagues la berçait comme par magie.
Pourvu qu’elle ne s’endorme pas ! Il fallait absolument qu’elle guette la vedette de Tiggart. Lentement, pourtant, Capri céda à une bienfaisante torpeur.
Quelque chose lui chatouillait le dos... Serait-ce un papillon, un insecte ? Clignant des paupières, la jeune femme se redressa brusquement, pour se retrouver face à face avec Tiggart Smith.
Ainsi, elle s’était endormie malgré ses résolutions ? Le cœur battant la chamade, Capri contempla le corps hâlé de Tiggart, vêtu seulement d’un short kaki. Sans mot dire, il s’agenouilla près d’elle, et s’empara du tube de crème solaire.
— Vous ne prenez pas de risque, à ce que je vois ! s’exclama-t-il.
Troublée, Capri se recoucha, et enfouit le visage dans ses bras.
— Tout le monde sait que les rayons du soleil sont dangereux, dit-elle.
— Et personne n’est sûr que cette crème vous protège à cent pour cent, murmura-t-il en suivant du doigt la courbe de ses épaules.
Capri tenta en vain d’ignorer ce contact bien plus dangereux que tous les soleils de la galaxie ! Mais elle avait beau s’aplatir dans le sable et se raidir, la main de Tiggart errait toujours sur son dos.
— Je... J’aime assez le soleil pour prendre ce risque, balbutia-t-elle.
— Ah ! L’amour, l’amour, ironisa-t-il. Que ne risquerait-on pas au nom de l’amour !
— Vous n’y croyez pas, vous ?
Avant de répondre, Tiggart ôta le bouchon du tube de crème et mit du gel dans sa paume.
— Mais si, j’y crois, Jones !
— Vraiment ?
— Cela vous étonne ?
Ce qui l’étonna, ce fut sa propre absence de réaction lorsque Tiggart commença à lui masser le dos. Pourquoi ne se révoltait-elle pas ? Fermant les yeux, Capri essaya d’utiliser ce qui lui restait de raison.
— Oui, dit-elle. Zoé m’a dit que...
Elle s’interrompit, parcourue de délicieux frissons de volupté. Quelle merveilleuse torture ! Incapable du moindre mouvement, Capri le laissa défaire l’agrafe de son Bikini.
— Oui ?
— ... que vous aviez été marié, reprit-elle dans un souffle. Je pensais...
Les mains expertes de Tiggart remontèrent le long de son dos, et refermèrent l’agrafe. Combien de temps parviendrait-elle à retenir le gémissement de plaisir qui lui montait aux lèvres ?
— Que j’avais renoncé à l’amour ? Non, Jones. Je suis devenu très prudent, c’est vrai. Cependant, cela m’attire toujours, comme une flamme à laquelle on peut se brûler, mais aussi se réchauffer.
A présent, il s’attardait sur sa taille, ses hanches, en des mouvements si lancinants qu’elle crut s’évanouir.
— Vous comparez l’amour à... un feu ? demanda-t-elle.
— Oui, c’est ainsi. A mon tour de poser des questions, Jones ! Pourquoi refusez-vous le mariage ? Avez-vous divorcé, vous aussi ?
Capri secoua la tête en signe de dénégation. Ce n’était guère le moment de lui expliquer ses raisons. Elles lui paraissaient soudain si dérisoires. Dérisoires ? Dans un éclair de lucidité, Capri sortit de sa torpeur. Tiggart avait-il le pouvoir de lui ôter la mémoire ?
— Non ? remarqua-t-il. En tout cas, quelqu’un vous a blessée dans le passé, et vous en gardez les séquelles, malheureusement.
— Non, c’était la vie qui l’avait blessée, et une fois avait suffi ! Capri, d’un souple mouvement de reins, roula sur le côté, et s’assit au bout de la serviette, ramenant ses jambes contre sa poitrine.
— Ça ira comme ça, merci, balbutia-t-elle.
— Je n’ai pas fait l’autre côté !
— Non ! C’est inutile.
Capri laissa son regard errer sur l’océan. Comment Tiggart pouvait-il l’amener à oublier les principes mêmes de sa vie ? Il lui fallait absolument remettre de l’ordre dans ses pensées...
— Comment s’appelle l’homme qui vous a blessée, Jones ? Qui vous a détournée de la flamme de l’amour ?
Une mouette au loin poussa un cri perçant, et Capri suivit son envol vers les nuages.
— Je n’ai pas envie d’en parler, murmura-t-elle.
— Vous avez dû l’aimer beaucoup.
Pourquoi lui parlait-il avec tant de douceur ? Il y avait une invite dans sa voix, une tendresse qui lui donnait envie de briser le silence de son cœur. Pourtant, jamais elle n’avait parlé de Jamie depuis sa mort, pas même avec son père. Et aujourd’hui, un parfait inconnu lui demandait de lui confier son secret ?
— Il était la moitié de moi-même...
Avait-elle vraiment prononcé ces mots ? Capri n’en revenait pas. Comment Tiggart était-il parvenu à rompre sa réserve ? A présent, elle mourait d’envie de tout lui dire, de lui expliquer qui était Jamie.
Et si Tiggart pensait qu’il s’agissait de son amant ?
Comme elle aurait aimé lui faire part de l’amour qu’elle avait toujours porté à son frère, fauché en pleine jeunesse par une mort absurde !
Capri avait voulu mourir aussi, à l’époque. Seule la pensée d’abandonner son père à un chagrin atroce l’en avait empêchée.
— Pardon, murmura Tiggart. Je ne voulais pas vous faire pleurer.
La jeune femme essuya ses paupières d’un revers de la main. Elle pleurait ? Elle ne s’en était pas aperçue...
— Vous et moi, nous remplissons toutes les conditions pour rentrer au Club des cœurs brisés, reprit-il d’un ton qui se voulait léger.
— Un club ?
— Oui. Créé spécialement pour les personnes ayant reçu une blessure mortelle en amour...
— Cela fait-il de nous des membres à perpétuité ?
Malgré la volonté de Tiggart d’alléger son chagrin, Capri ne parvenait pas à plaisanter. Comment s’arracher à la douleur que provoquait en elle l’évocation de la mort de Jamie ?
— Quelle idée morbide ! s’exclama Tiggart. Vous souhaitez vivre dans le passé toute votre vie ?
Comment savoir ce qu’elle souhaitait ? Capri ne pensait jamais à l’avenir. Aujourd’hui seulement, elle eut l’intuition de ce qu’elle serait dans une trentaine d’années : seule, solitaire, sans amour...
— On dirait une condamnation à mort, remarqua-t-elle.
— Exactement !
— Depuis combien de temps êtes-vous divorcé, Tiggart ?
— Six ans.
— Zoé dit que votre femme était très belle.
Il prit une poignée de sable et la fit glisser entre ses doigts, comme si par ce geste il évoquait le temps écoulé.
Pourquoi lui avait-elle posé cette question ? Après tout, peu lui importait de se comparer à l’ex-Mme Tiggart Smith.
— Oui, Susan était très belle, en effet.
Comment pouvait-elle être jalouse d’une femme qu’elle ne connaissait pas ? Tentant de calmer les battements de son cœur, Capri revint à un sujet plus immédiat.
— Merci de m’avoir fait porter mon peignoir et du café, ce matin, murmura-t-elle.
— Il n’y a pas de quoi. Je suis allé à votre bungalow, hier soir, après vous avoir mise au lit.
— L’ours y était-il encore ?
— Non. Il a dû avoir plus peur que vous !
— Seigneur ! Plus jamais je ne ferai cuire du bacon en pleine nuit !
Tiggart éclata de rire, et la contempla entre ses paupières mi-closes. Sous se regard ardent, Capri rougit et se pencha pour arranger la serviette autour d’elle.
— Avez-vous bien dormi ? demanda-t-il.
— Oui, merci... Je... Enfin, j’aimerais savoir... Pourquoi n’êtes-vous pas resté chez vous, cette nuit ?
— Parce que vous étiez dans mon lit.
— Mais...
— Vous auriez voulu que je vous y rejoigne ?
— Bien sûr que non ! Cependant, il y a un lit de camp dans votre living.
— Ce n’était pas sans risque.
Pourquoi ce ton laconique ? Et que voulait-il dire par là ? Que la présence de Capri le compromettait ? Vexée, elle détourna les yeux. Comme s’il avait deviné ses pensées, Tiggart éclata de rire.
— Pas pour moi, petite sotte ! Pour vous ! Votre chemise de nuit ne vous couvrait guère, hier soir, et si j’étais resté trop près de vous, je n’aurais juré de rien. C’est pour cela que j’ai envoyé Zoé vous porter votre peignoir. Et que je suis parti à la pêche... J’avais trop envie de revenir.
Revenir dans les bras de Zoé ? La gardienne avait-elle passé la nuit avec lui ? La question lui brûlait les lèvres, cependant Capri n’eut pas le loisir de la poser. Tiggart l’avait attirée contre lui, et sa bouche effleurait son visage de baisers qui l’embrasèrent tout entière.
— J’espérais vous oublier en mer, murmura-t-il à son oreille.
— Y êtes-vous parvenu ?
— Non, petite sorcière...
Délicieuse, merveilleuse sensation... Capri se sentit chavirer lorsque les lèvres de Tiggart s’emparèrent des siennes, sensuelles, possessives. Etait-ce le soleil de cette splendide journée d’été qui lui ôtait ainsi toute résistance ?
Pourquoi Tiggart avait-il habilement esquivé sa question tout à l’heure ? D’après Zoé, pourtant, il n’y avait aucun doute. Si seulement la gardienne lui avait menti !
Capri s’accrochait désespérement à cette idée. Les lèvres de Tiggart avaient une chaleur si passionnée ! Un frisson violent la parcourut et, dans un geste dont elle n’eut pas conscience, elle commença à caresser la nuque de Tiggart, puis glissa le long de ses épaules et de son dos musclé.
Soudain, un petit avion de tourisme traversa l’espace au-dessus de la plage. Capri n’en eut cure, enveloppée dans un cercle magique. Mais Tiggart recula.
— Vous savez, Jones, ce n’est pas l’endroit idéal, ni le bon moment, pour... la perfection qui nous attend.
— Hmmm...
Impossible de prononcer un mot, tant son regard continuait d’être attiré comme par un aimant vers la peau brune de son torse. Comment briser ce sortilège ?
— Que faites-vous ce soir, Jones ?
— Je dois travailler. J’ai un rapport à terminer.
— Remettez ça à une autre fois. Sam a pêché un énorme bar, ce matin, et Ellen nous invite à le déguster ensemble. J’ai été chargé de vous transmettre l’invitation.
— Non, remerciez-les pour moi. Je ne peux vraiment pas.
— Vous vous arrêtez bien pour dîner, non ?
— Oui, mais...
— Alors vous n’aurez rien à cuisiner ! Si vous voulez, vous retournerez auprès de votre cher ordinateur après le repas. D’accord ? Oh, à propos, j’aimerais que vous portiez le chemisier que vous aviez hier soir.
— Mon chemisier mauve ? Pourquoi ?
Trop tard ! En répondant ainsi, elle acceptait indirectement l’invitation de Tiggart. Où avait-elle la tête ? Elle n’était pas venue à Blueberry Island pour baguenauder tous les soirs avec Tiggart Smith !
— Vous le saurez plus tard, Jones ! Je passe vous prendre à 6 heures. Ça va ?
— Très bien.
Chavirée, Capri regarda Tiggart s’éloigner d’une foulée élastique. Pourquoi cédait-elle toujours ? Plus le temps passait, et plus elle s’attachait à lui, oubliant ses résolutions, son travail, sa vie à Houston. N’était-il pas tendre, et fort, et attentionné, et...
Capri se mit debout, en proie à un trouble puissant. Les événements prenaient un tour vraiment inattendu. Ce soir, plus que jamais, elle devait être sur ses gardes. Sinon, dans quel abîme tomberait-elle ?
*
* *
— C’est le meilleur poisson que j’aie jamais mangé ! Seule dans la cuisine avec Ellen, Capri essuya l’assiette que la jeune femme lui tendait.
— Merci, Capri, répondit Ellen. Tiggart aussi est bon cuisinier, non ? Les steaks qu’il nous a préparés hier soir étaient délicieux... Oh ! Pardon ! J’oubliais !
Confuse, Ellen retira les mains de l’évier et les essuya rapidement sur son tablier.
— Vous avez dû vous demander pourquoi j’étais partie si brusquement, hier soir, répliqua Capri. En fait, j’étais furieuse de découvrir la supercherie de Tiggart. Il m’avait toujours laissé croire qu’il était le gardien. Plus tard, à tête reposée, j’ai regretté d’avoir eu une telle réaction. Après tout, il a voulu me jouer un petit tour, c’est tout. J’avais été assez odieuse et hautaine, le jour de mon arrivée.
— Capri, il vous a suivie, hier soir...
Les yeux brillants de curiosité, Ellen rangea les assiettes dans le placard, et se tourna vers son amie.
— Et ensuite, Zoé l’a suivi, continua-t-elle. Sous le pré****e qu’elle ne trouvait pas la deuxième caisse de bières, mais moi, je savais bien qu’elle était près du réfrigérateur. Quand Zoé est revenue, elle semblait en rage.
— Evidemment... Elle nous a vus sur la jetée. Tiggart me... enfin, il...
— Il vous embrassait ? lança Ellen, l’air joyeux.
— Oui, avoua-t-elle.
— Oh ! C’est merveilleux, Capri !
— Qu’y a-t-il de si merveilleux ? demanda Tiggart, depuis l’embrasure de la porte.
Les deux jeunes femmes se retournèrent, surprises. Capri frémit, comme si elle le voyait pour la première fois. Pourquoi Tiggart avait-il l’air de plus en plus séduisant ? Dans la lumière dorée de la cuisine, le contraste entre ses cheveux blonds et sa peau hâlée le rendait plus attirant que jamais.
— Le poisson, répondit Capri. Je venais de complimenter Ellen sur sa façon de le préparer, et elle... elle prétend que... Bref, c’est merveilleux.
Au sourire sardonique de Tiggart, elle comprit qu’il ne croyait pas une seconde à son petit mensonge.
— En effet, il était très bon, répliqua-t-il.
Pourquoi regardait-il sa montre ? Voulait-il partir ? Déjà ? Le cœur serré, Capri consulta la sienne. Il n’était que 9 heures... Durant tout le dîner, elle n’avait pu s’empêcher de penser aux paroles de Tiggart, sur la plage. L’endroit idéal, le bon moment... étaient-ce simplement des mots ? Ou bien voulait-il lui faire des avances en la raccompagnant à son bungalow ?
— Ellen, Sam m’a dit que vous étiez fatiguée aujourd’hui, lança-t-il. Vous devriez aller vous coucher.
Comment n’avait-elle pas remarqué plus tôt les cernes de fatigue qui ombraient les paupières de son amie ? Capri maudit son inattention. Quelle égoïste elle faisait ! Toute à ses pensées, elle ignorait les autres...
— Vous auriez dû me le dire, Ellen ! s’écria Capri.
— Mais non, je vais bien ! Le bébé est un peu gros, c’est tout...
— Taratata ! Ne vous en faites pas pour vos invités, nous allions partir, de toute façon. Capri et moi désirons nous promener sur la plage, lança Tiggart.
Avant que Capri puisse protester, Ellen lui jeta un regard complice.
— Quelle bonne idée ! lança-t-elle. Dans ce cas, je ne vous retiens pas... Sammy ! Nos invités s’en vont !
Comme son mari arrivait dans la cuisine, Ellen sortit une bouteille de vin blanc du réfrigérateur. Elle était à demi pleine, car aucun des convives n’avait bu plus d’un verre au dîner.
— Tenez, Tiggart, vous finirez cette bouteille sur la plage. Moi je ne bois pas, et Sam préfère la bière. Je vais même vous fournir les gobelets en plastique...
Du vin, la présence enivrante de Tiggart sur la plage au clair de lune... Parviendrait-elle à conserver son sang-froid ? Tremblante, Capri drapa sa veste sur ses épaules, et s’efforça de rester calme. Tant pis si elle disait des banalités !
— Il fait encore chaud, murmura-t-elle.
— Oui... La nuit est parfaite.
Comment pouvait-il rester aussi détendu ? C’était un de ses traits de caractère les plus marqués... et peut-être le plus agréable. Pourquoi y était-elle si sensible ? A cause de l’attirance des contraires ?
En tout cas, elle y était trop sensible. Mieux valait mettre fin à cette escapade nocturne, avant que son instinct la trahisse de nouveau. Si elle ne pouvait pas résister à ses baisers en plein jour, qu’en serait-il au clair de lune ?
Parvenus à hauteur de son bungalow, Capri s’arrêta et feignit de bâiller.
— Les Walter sont vraiment très gentils, et j’ai passé une excellente soirée. Finalement, je vais me coucher au lieu de travailler...
— Eh ! Pas si vite ! Oubliez-vous le vin que nous a offert Ellen ?
Son regard lourd de sous-entendus l’enveloppa, et Capri se figea, hypnotisée. Elle n’avait qu’un mot à dire, et Tiggart la laisserait partir. Pourtant, ce mot, elle n’arrivait pas à le prononcer...
Comme s’il devinait son incertitude, Tiggart posa les lèvres sur sa chevelure soyeuse. Capri frémit, conquise, et ses doutes s’envolèrent comme par magie. Sans un mot, Tiggart lui prit la main, et la guida le long du sentier plein d’ombres
Jamais elle ne s’était sentie aussi en sécurité avec un homme. Et pourtant, qui au monde était plus dangereux pour elle que Tiggart Smith
?

 
 

 

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chapitre 6

Quelle ironie ! Pour une fois qu’elle contrecarrait les projets de son père, elle se trouvait piégée ! Tout en foulant le sable encore tiède, Capri réfléchissait. Parviendrait-elle à fuir cet homme comme elle avait fui tous les autres jusqu’ici ?
— A quoi pensez-vous ? questionna Tiggart.
— Oh ! fit Capri en tressaillant. Je pensais à mon père...
— Vous avez encore vos deux parents ?
— Non, maman est morte quand j’avais quatorze ans.
Tiggart eut un mouvement imperceptible, comme pour lui reprendre la main. Au lieu de cela, il continua à marcher près d’elle.
— C’est un âge bien délicat pour une jeune fille ! Perdre sa mère au moment où l’on devient une femme, où l’on a justement besoin d’une confidente... Etait-elle malade ?
— Non, maman n’était jamais malade !
Depuis combien de temps n’avait-elle pas évoqué le souvenir de sa mère ? Du manque terrible qu’elle avait ressenti à son décès ? Ni Jamie ni son père n’avaient su à quel point elle en avait été affectée.
Aurait-elle dû partager son chagrin avec eux ? Capri refoula un vif sentiment de culpabilité. N’était-il pas trop tard, à présent, pour se poser la question ?
— Elle travaillait ? demanda Tiggart.
— En quelque sorte... Personne n’aurait pu enfermer Madeline Jones toute une journée ! Autant essayer de mettre un aigle dans une cage. Ma mère était comme ça, forte, indépendante, audacieuse. Elle aimait tellement la vie ! Et elle était très active dans les organisations de charité, et dans tous les comités, pour rassembler des fonds. A elle seule, elle aurait fait bâtir un hôpital.
— Et que faisait cette femme extraordinaire quand elle ne participait pas à ces comités ?
— Vous ne devinez pas ? Elle pilotait un avion ! Elle avait son propre appareil... La première fois que je l’ai vue piloter, elle dessinait des spirales dans le ciel. Comme j’avais peur qu’elle s’écrase ! Je n’avais que quatre ans, et bien sûr je ne comprenais pas comment elle pouvait manier cet engin. J’étais terrifiée, hystérique... Emily, notre nurse, a eu beaucoup de mal à me calmer avant le retour de maman. Je ne lui ai jamais avoué à quel point j’avais eu peur pour elle, de crainte de la décevoir. Elle était si courageuse !
— Elle ne s’en est pas aperçue ?
— Non, pour elle, c’était une telle joie. Pourtant, j’avais eu raison d’avoir peur. Madeline s’est tuée en vol dix ans plus tard.
— Vous avez assisté à l’accident ?
— Non, j’étais au lycée. Enfin, une école privée. Mon père est venu me chercher.
Capri se tut, absorbée par les souvenirs. On l’avait appelée, en plein cours, ainsi que Jamie, et ensemble ils avaient cherché leur père dans la cafétéria. Il n’y était déjà plus... Enfin, ils l’avaient trouvé dans le parking, errant parmi une dizaine de motos en stationnement.
Comme ils avaient pleuré, tous les trois ! Jake Jones était alors un homme brisé, dévasté par la douleur.
— Attention, Jones !
Les yeux pleins de larmes, Capri ne regardait plus où elle marchait. Et elle avait bien failli trébucher sur un petit tas d’algues. Heureusement, Tiggart l’avait enlacée. Et, tout en s’appuyant contre lui, la jeune femme oubliait un peu son chagrin.
— Assez parlé de moi ! lança-t-elle. Et vous ? Vos parents sont-il... Oh ! J’oubliais ! Ils vous ont mis dehors à onze ans, alors vous n’avez aucune idée de ce qu’ils sont devenus !
Tiggart sourit à sa raillerie. Cependant, à la façon dont il la regarda, Capri comprit qu’il aurait aimé en savoir plus à son sujet. Dieu merci, il respecta sa réserve.
— Vous n’êtes pas très loin de la vérité, déclara-t-il. Mon père a pris sa retraite l’année dernière, et il a acheté un camping-car. Depuis, ils n’arrêtent pas de voyager. Aux dernières nouvelles, ils sont en Californie, ou bien en Oregon.
— Un instant ! dit Capri en se dégageant de son étreinte. J’enlève mes sandales..., le sable est si doux.
« Et vous êtes trop attirant », faillit-elle ajouter. Si, par chance, il ne la prenait plus par la taille, elle aurait peut-être la force de combattre son désir.
Cependant, Tiggart ne l’entendait pas ainsi. A peine fut-elle pieds nus qu’il l’attira de nouveau contre lui. La gorge sèche, elle posa la première question qui lui vint à l’esprit.
— Quel était le métier de votre père ?
— Expert-comptable, à Calgary.
— Et vous avez des frères et sœurs ?
— Une sœur seulement : Tracy. C’est l’aînée... Elle enseigne l’anglais avec son mari dans un lycée de Calgary et ils ont un fils de onze ans. Tracy a déjà écrit plusieurs romans d’amour sur des thèmes historiques. Elle aimerait se consacrer à l’écriture à plein temps.
— Voilà pourquoi vous vouliez m’aider à écrire mon roman ! Et... puisque vous n’êtes pas gardien, me direz-vous votre véritable métier ?
— J’ai monté une société à Calgary avec un associé. J’aime bien être mon propre patron, et venir ici quand j’en ai envie. Et vous, Jones ? Que faites-vous en réalité ?
Capri regarda des lumières scintiller au loin sur le Pacifique. Etait-ce un bateau croisant au large, ou bien le reflet d’un phare sur les vagues ?... Si elle questionnait Tiggart plus avant à propos de son métier, serait-il aussi peu communicatif ? Il avait peut-être une raison, comme elle, de lui taire ses véritables activités. Inutile dans ces conditions de lui expliquer sa condition de riche héritière.
— Je travaille dans une grande entreprise à Houston, répondit-elle. Dans un service administratif.
Tiggart parut satisfait de cette explication. A moins qu’il ne soit lui aussi fasciné par le paysage ? Parvenus au bout de la plage, ils virent la baie qui s’offrait à eux dans toute sa splendeur. L’océan miroitait sous la pleine lune, masse argentée venant mourir sur la grève dans un doux bruit d’écume. Etait-ce le paradis ? Ou bien un rêve ?
Lentement, Tiggart fit glisser la veste de Capri sur ses reins, et la déposa sur l’herbe bordant la plage. Le cœur battant, elle le regarda s’installer.
— Venez vous asseoir près de moi, Jones.
Il lui tendait la main, confiant dans son pouvoir sur elle... Que faire ? Comment résister à l’ardeur de son regard, à la chaleur des doigts qui se refermaient sur les siens ? Troublée, la jeune femme se laissa choir près de lui.
— Nous allons porter un toast, reprit Tiggart. Aux Walter, pour vous avoir détournée de votre ordinateur !
Capri prit le verre de vin qu’il lui offrait, et le porta à ses lèvres. Comment retrouver le contrôle de ses émotions ? Tiggart ne la touchait pas, mais sa seule présence près d’elle l’affolait, l’attirait comme un aimant.
Se rappelait-il de sa promesse de l’après-midi ? Etait-ce maintenant, l’heure idéale ? Elle commettrait une grande erreur en s’abandonnant, en renonçant aux promesses qu’elle s’était faites. Feignant d’arranger la veste sous ses jambes, Capri se pencha et, discrètement, renversa son verre dans l’herbe.
L’alcool lui avait déjà joué un tour la veille. Et, ce soir, mieux valait garder les idées claires. Elle était à deux doigts d’un abîme aussi vertigineux que délicieux...
— Tiggart, pourquoi vouliez-vous que je porte ce chemisier ce soir ? demanda-t-elle.
Etendu sur le côté, il l’observait avec intensité, comme s’il cherchait à lire sur ses traits.
— A cause des initiales brodées sur la poche, répondit-il.
— C.J ? Je ne vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire.
— Elles me rappellent de bons souvenirs. De très vieux souvenirs de l’école maternelle.
— Pourquoi ? Votre institutrice portait-elle un chemisier semblable ?
— Mme Sparrow ? Grand Dieu, non ! Elle était toujours vêtue d’incroyables blouses en synthétique de couleur moutarde ou bordeaux.
— Alors, dans ce cas...
— C’est elle qui m’a appris à écrire. Elle nous faisait d’abord tracer des lettres bâton sur des cartons, avant de faire des lignes sur notre cahier. Vous voyez, comme cela...
Délaissant son verre à motié plein, Tiggart étendit la main et suivit du doigt les lettres brodées sur la poitrine de Capri. Celle-ci frissonna. Avait-il décidé de lui faire perdre l’esprit ?
— Vous n’êtes plus un petit garçon, balbutia-t-elle. A votre âge, on ne joue plus.
— Qui de nous deux est en train de jouer, Jones ?
Se renversant sur le dos, Tiggart ferma les yeux, laissant la jeune femme totalement déconcertée. Elle n’aurait jamais dû accepter son invitation ! Dans quel piège l’avait-il entraînée ?
— Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle.
— Il y a cinq minutes, vous hésitiez à m’accompagner. Cependant, vous êtes venue. Et vous saviez que j’allais flirter avec vous, non ?
— Pas sous la forme d’une leçon d’écriture !
— Ne changez pas la conversation, Jones... Répondez-moi franchement.
A quoi bon mentir ? De toute façon, elle n’aurait pas le dernier mot avec Tiggart Smith. Et il y avait un peu de nervosité dans sa voix. Serait-il moins sûr de lui qu’il ne paraissait ?
— C’est vrai, avoua-t-elle. Je ne savais pas quelle décision prendre tout à l’heure. J’ai agi par impulsion.
— Pourquoi cette impulsion vous éloigne-t-elle de moi, à présent ? Vous acceptez que je vous fasse la cour, mais vous vous méfiez... Dois-je en conclure que vous ne savez pas ce que vous voulez ?
— Je ne vois pas...
— Chut ! dit-il en posant un doigt sur les lèvres de la jeune femme. Je ne veux pas vous forcer, Jones. Si vous n’êtes pas prête, j’attendrai. Seulement, je jouerai franc jeu : vous êtes la femme la plus désirable que j’aie jamais rencontrée.
— Vraiment ?
Malgré son ton glacial, Capri sentait un feu inconnu envahir ses veines. Ainsi donc, il était arrivé, ce moment idéal dont Tiggart avait parlé ce matin ! Rassemblant tout son courage, elle affronta son regard.
— J’ai mon mot à dire, il me semble ! lança-t-elle.
— Tout à fait.
— Merci beaucoup ! Vous êtes très aimable.
— Ne vous méprenez pas, Jones, nous ferons l’amour, vous et moi. Tôt ou tard, c’est inévitable... La balle est dans votre camp.
« Vous avez utilisé la même technique pour attirer Zoé dans vos filets ? Eh bien, continuez comme cela ! Si elle se pâme devant vous, pas moi ! »
La réplique de Capri résonnait encore à ses oreilles, le lendemain matin. Impossible dans ces conditions de se concentrer sur son travail. Jetant un regard désespéré aux chiffres qui défilaient devant ses yeux, elle tenta une dernière fois de chasser ces souvenirs.
L’analyse des statistiques qu’elle venait de réaliser semblait mettre en évidence un fait : l’absentéisme, au siège des bureaux de la Jones Oil Company, concernait surtout le personnel féminin.
Les femmes ayant des enfants en dessous de l’âge de six ans battaient tous les records. Certaines d’entre elles manquaient parfois jusqu’à cent jours par an ! Et pour quelles raisons ? Capri poussa un long soupir de résignation : quatre-vingts pour cent des absences provenaient de problèmes de garde d’enfants.
Pourquoi la puissante compagnie pétrolière n’avait-elle jamais envisagé une solution pour les jeunes mères de famille qu’elle employait ? La bonne marche de l’entreprise se trouvait menacée par ces absence répétées. Quant à former de nouveaux employés, cela coûterait cher, et ne résoudrait en rien le problème.
Ellen n’avait-elle pas évoqué une solution intéressante ? Une crèche sur le lieu même du travail... voilà qui pourrait arranger bien des choses !
Qu’en penserait le conseil d’administration de la Jones Oil Company ? La plupart de ses membres étant des hommes, se rendraient-ils compte de l’urgence de cette situation ?
Capri reprit confiance. Les chiffres seraient très éloquents ! Et puis, si elle n’avait pas traversé tant d’épreuves, ne se serait-elle pas mariée, elle aussi ? Elle aurait pu avoir des enfants, sans pour cela vouloir abandonner son métier.
Dans ce cas, elle aurait été ravie de cette facilité. Soudain, Capri s’imagina sur les marches de l’immeuble de Houston, un bébé dans les bras... Un bébé blond aux yeux clairs, comme ceux de Tiggart.
Attristée, Capri se leva et se versa un verre de thé glacé. Pourquoi ses pensées la ramenaient-elles constamment à Tiggart Smith ? La scène de la veille la hantait. Jamais elle n’aurait dû parler de Zoé de la sorte !
Pourquoi s’était-elle montrée si vindicative ? En vain avait-elle cherché le sommeil après son retour de la plage. Sa colère avait laissé place à un grand désarroi. Tiggart avait renoncé si vite à la séduire !
Sa proposition avait de quoi décontenancer. La balle était dans son camp, disait-il ? Il n’aurait pas trouvé de meilleurs mots pour la faire fuir ! Qu’attendait-il ? Qu’elle endosse toute la responsabilité de leur relation ? Ah ! Non ! C’était trop facile !
Après l’avoir couverte de caresses et de baisers, il prétendait que c’était à elle d’agir ? Capri avait regagné son bungalow comme une furie, sans se retourner.
Et Tiggart n’avait rien fait pour la rattraper. Après tout, n’était-ce pas mieux ainsi ? Elle voulait quitter l’île aussi libre et indépendante qu’elle y était arrivée, non ?
Un coup frappé à la porte la tira de ses réflexions. Qui cela pouvait-il être ? Tiggart ? Sûrement pas. Il attendait qu’elle vienne d’elle-même se jeter dans la gueule du loup !
Malgré tout, la jeune femme alla vérifier sa coiffure devant le miroir au-dessus de l’évier. Sur son visage dépourvu de maquillage, il n’y avait aucune trace de sa nuit sans sommeil... Au contraire, ses yeux brillaient, plus verts que jamais, contrastant avec son teint de pêche bruni au soleil.
Un autre coup à la porte la ramena à la réalité. Mue par un fol espoir, Capri lissa ses cheveux en arrière et respira profondément. Si jamais c’était Tiggart, elle ne devait pas exprimer la moindre émotion.
— Bonjour, Capri !
Ellen, s’éventant avec une petite branche d’arbre, se tenait sur le seuil. Ne sachant si elle devait être déçue ou soulagée, Capri la contempla sans répondre.
— Miranda dort, et Sammy est resté près d’elle, expliqua la future mère. Je suis venue aux nouvelles... Comment s’est passée votre promenade, hier soir ?
— Bonjour, Ellen. Voulez-vous un grand verre de thé glacé ? Vous avez l’air de souffrir de la chaleur.
— Ne m’en parlez pas ! J’ai même du mal à respirer, il n’y a pas un souffle d’air.
Si Capri croyait échapper à la curiosité de son amie, elle se trompait lourdement ! Une fois installée sur une chaise de la cuisine, Ellen lui jeta un regard inquisiteur.
— Alors ? questionna-t-elle. Vous ne vous seriez pas disputés hier soir, par hasard ?
— Comment avez-vous deviné ?
— Eh bien, j’ai croisé Tiggart ce matin sur le sentier. Lorsque je l’ai questionné sur votre promenade, il a paru plutôt... contrarié. Lui, toujours de si bonne humeur ! J’en ai donc tiré mes propres conclusions.
— Vous le connaissez bien, n’est-ce pas ?
Capri s’assit à son tour. Inutile de nier, Ellen était bien trop subtile pour ne pas comprendre la nature de leur problème.
— Sammy et moi venons ici depuis sept ans, répondit Ellen. Bien sûr, Tiggart n’est pas toujours sur l’île en même temps que nous, mais nous avons appris à nous connaître. Cependant, il reste très mystérieux sur ses activités.
— Vous ne connaissez pas son métier ?
— Non. Je sais qu’il voyage dans le monde entier, c’est tout. Quand il arrive ici, il est toujours épuisé. Quelquefois, il dort même pendant deux jours d’affilée !
Pourquoi cette expression mystérieuse ? Intriguée, Capri se pencha vers son amie.
— On dirait que vous savez quelque chose, Ellen.
— Eh bien, j’ai découvert une chose étrange, il y a deux ans. J’étais venue lui apporter un pot de confiture de mûres, que j’avais confectionnée. Il n’était pas là, mais la porte était ouverte. Alors je suis entrée pour déposer le pot sur la table de la cuisine. Au moment de partir, j’entends une voix d’homme dans le living... Croyant trouver Tiggart, je m’approche. Personne. Imaginez ma surprise ! Eh bien, j’entends des voix, me dis-je. J’allais partir, lorsque la voix appela de nouveau. Cette fois, je n’avais pas rêvé ! Cela provenait d’un placard et, sans même réfléchir, j’ai ouvert la porte. Devinez ce que j’ai trouvé ?... Une radio VHF ! Quelqu’un appelait Tiggart, et cela avait l’air très urgent. Sur le sentier, j’ai croisé Tiggart et je lui ai fait part de ma découverte. Savez-vous ce qu’il m’a répondu ? « Merci ! » Tout simplement ! Une heure plus tard, il était parti.
— Comment cela, parti ?
— Il a quitté l’île, et on ne l’a pas revu avant l’année suivante. Naturellement, j’ai essayé de le questionner. Mais il a éludé toutes mes questions le plus gentiment du monde !
— Bizarre, murmura Capri.
Qui était réellement Tiggart Smith ? Et pourquoi s’entourait-il de tant de mystère ? A elle aussi, il avait refusé d’expliquer en quoi consistait son métier. Décidément, cet homme demeurait une énigme.
— Il faut que je m’en aille, déclara Ellen. J’ai promis à Sammy de ne pas m’absenter longtemps.
Comme elle se levait, la jeune femme s’agrippa un instant à la table. Jamais Capri n’avait vu son amie aussi pâle. Et puis, on aurait dit qu’elle portait son enfant plus bas, aujourd’hui.
— Ellen ? Qu’avez-vous ? s’inquiéta Capri.
— Ce n’est rien, rassurez-vous. Il fait si chaud... Je vais rentrer et m’allonger un peu.
S’éventant de nouveau, la jeune femme reprit quelques couleurs, et se dirigea vers la porte.
— Quel dommage que cela n’ait pas marché, hier soir, dit-elle. Vous allez tellement bien ensemble, Tiggart et vous ! Et la façon dont il vous a invitée à cette promenade au clair de lune... Vous lui plaisez, j’en suis certaine !
— Vous perdez votre temps, Ellen ! Tiggart ne m’intéresse pas, ni personnne d’autre d’ailleurs. Je vous l’ai dit, je ne veux pas me marier.
— Qui vous parle de mariage ?
— Seigneur ! Vous m’imaginez avoir une aventure avec lui ? Il n’en est pas question !
Si Ellen savait ! Hier soir, Capri avait été à deux doigts de céder à son instinct. Par quel miracle Tiggart n’avait-il pas profité de leur solitude pour embraser son désir ? A l’heure actuelle, elle aurait peut-être été sa maîtresse.
— Ma chère, vous devez être unique en votre genre pour refuser un homme aussi exceptionnel !
Sur cette remarque, Ellen s’éloigna en s’éventant. Songeuse, Capri la suivit des yeux jusqu’au rideau d’arbres. Evidemment, Tiggart était beau, intelligent, riche sans doute, et des plus charmants. Parfait en somme... Trop parfait.
Capri referma la porte sur le ciel bleu. Tiggart Smith avait le pouvoir de lui faire oublier son vœu de célibat. La seule solution était de le fuir, et le plus rapidement possible.
Quelle cruauté ! Ecoutant le rire strident de Zoé sur la plage, Capri fulminait. Tiggart la narguait, ni plus ni moins ! Depuis une demi-heure, il courait avec Zoé sur la plage, la poursuivait, entrait en riant dans les vagues avec elle, la main dans la main.
Aussitôt après le départ d’Ellen, Capri avait lavé ses sous-vêtements dans l’évier de la cuisine. Et de son poste d’observation, elle avait eu tout le loisir d’observer la gardienne de Blueberry Island.
Vêtue d’un Bikini argent, Zoé avait laissé ses longs cheveux blonds dénoués. Et il fallait bien l’avouer, elle avait l’air d’une sirène. Ou plutôt d’une poupée Barbie, nota perfidement Capri. Quant à Tiggart, il adoptait une attitude nonchalante, déambulant, dans un maillot bleu marine. La plage n’était donc pas assez grande, pour qu’ils viennent s’ébattre sous ses fenêtres ?
Rinçant ses affaires avec fureur, Capri maugréait, tout en continuant à les observer. Evidemment, ils formaient un couple magnifique, tous les deux. Blonds, athlétiques, bronzés...
Soudain, Zoé se baissa et lança une poignée de sable en direction de Tiggart. Comme s’il n’attendait que cela, celui-ci saisit la jeune femme dans ses bras et alla la jeter dans les vagues. Zoé hurlait de joie...
Trempés, ils émergèrent bientôt des flots, et s’allongèrent sur leur serviette de bain. La mort dans l’âme, Capri vit Zoé s’agenouiller et masser le dos de Tiggart avec une crème à bronzer.
C’était plus qu’elle n’en pouvait supporter. Abandonnant sa lessive, Capri courut dans sa chambre et se jeta sur son lit. Pourquoi pleurait-elle ? Tiggart Smith ne méritait pas la moindre larme ! Cependant, malgré ses efforts, elle n’arrivait pas à tarir le flot qui coulait sur ses joues et, au bout de quelques minutes, l’indifférente Capri Jones sanglotait désespérément sur son oreiller.

 
 

 

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chapitre 7

Quels drôles de nuages, au large... Mettant sa main en visière, Capri regarda l’horizon s’assombrir, tandis que l’air prenait une qualité étrange, comme chargée d’électricité. Un orage se préparait, aucun doute n’était permis.
Pas un oiseau ne chantait et le soleil dardait des rayons brûlants sur le Pacifique dangereusement calme. Capri sortit de l’eau et regagna en hâte l’ombre de son bungalow.
Elle n’avait pas mis le nez dehors de toute la journée, pour éviter de rencontrer Tiggart. En fin d’après-midi, la chaleur l’avait forcée à sortir. Autant se sécher les cheveux au soleil, songea-t-elle, en s’installant sur le pas de sa porte. Toujours revêtue d’un simple Bikini, Capri entreprit de démêler ses lourdes boucles trempées.
— L’orage ne va pas tarder à éclater. Vous aurez peut-être besoin de ça...
Tiggart ! Comment ne l’avait-elle pas entendu arriver ? Surprise, Capri fit volte-face et contempla son visiteur. Dans son short et son T-shirt d’un brun doré, il ressemblait à une statue de bronze, un Apollon aux yeux bleus...
La gorge sèche, Capri s’empara de la veste de lainage jaune qu’il lui tendait. Bien sûr, elle était partie si vite, la veille, qu’elle avait oublié la veste sur laquelle ils s’étaient assis.
— Merci, balbutia-t-elle.
Le regard de Tiggart était aussi ardent que les rayons du soleil. Gênée, Capri serra sa veste contre sa poitrine, comme pour cacher sa quasi-nudité.
— Vous avez raison, poursuivit-elle. C’est le seul vêtement chaud que j’ai apporté...
Sans un mot, Tiggart tourna les talons. Lui en voulait-il encore ? Brusquement, quelque chose se brisa en elle.
— Tiggart !
— Oui, Capri ?
Il s’était retourné lentement, avec — elle l’aurait juré — une certaine gravité. Et il l’avait appelée Capri. C’était la première fois qu’il utilisait son prénom. Que voulait-il exprimer par là ? Qu’il la prenait enfin au sérieux ? Ou bien qu’il n’y avait plus entre eux de complicité, après l’incident de la nuit dernière ?
— Non, rien..., murmura-t-elle. Je... Merci encore pour ma veste.
— Je vous en prie. Autre chose ?
Devait-elle s’excuser pour son accès de colère contre Zoé ? Capri hésita un instant. Non, il était trop tard, à présent. Son geste était irrémédiable.
— Cet orage sera-t-il violent ? questionna-t-elle.
— Vous n’avez donc pas écouté la météo à la radio ?
— Je n’ai pas apporté de poste ici. Comme je vous l’ai dit, je suis venue pour être tranquille.
Tiggart ne releva pas sa remarque. L’air soucieux, il semblait même ne pas l’avoir entendue.
— Il y a une radio à piles dans tous les bungalows, lança-t-il.
— S’il y en a une dans le mien, je ne l’ai jamais vue.
— Elle doit bien se trouver quelque part.
Au lieu de rebrousser chemin, Tiggart fonça vers le bungalow de la jeune femme. Eberluée, Capri lui emboîta le pas.
— On prévoit des vents allant jusqu’à cent vingt kilomètres-heure. L’ouragan devrait s’abattre sur l’île vers minuit, poursuivit-il.
Une fois dans la cuisine, Capri posa sa veste sur une chaise, et ouvrit un à un les placards.
— Cela m’étonne de n’avoir rien trouvé, commença-t-elle.
— Elle est probablement dans votre chambre.
Sans attendre, Tiggart devança la jeune femme jusqu’à la penderie de sa chambre. Là, sur les étagères du haut, se trouvaient des couvertures, une pile de romans policiers, et... une petite radio blanche que la jeune femme avait jusque-là prise pour un livre.
— Oh ! murmura-t-elle. Je n’avais pas bien regardé.
Levant le bras, elle allait se saisir de la radio lorsque Tiggart eut la même idée. Leurs épaules se frôlèrent, et Capri recula comme si on l’avait brûlée.
— Pardon, bredouilla-t-elle, écarlate.
— Il n’y a pas de quoi.
Avec le plus grand calme, Tiggart s’empara de la radio et la mit en marche. Aussitôt, une musique tonitruante envahit la pièce.
— Les piles sont bonnes, constata Tiggart tout en baissant le volume.
Soudain, son regard se porta sur la table de nuit et Tiggart se figea, pétrifié. Capri contempla à son tour la photo de Jamie dans son cadre d’argent. Evidemment, Tiggart venait de lire l’inscription « A la moitié de moi-même »...
Sans doute se rappelait-il la confidence de Capri. Et, se méprenant sur ses paroles, il devait penser qu’elle aimait toujours ce jeune homme blond et rieur.
Eh bien, il n’avait pas tort, songea Capri. Rien ni personne ne lui ferait oublier son frère jumeau... Sur la défensive, elle attendit la réaction de Tiggart. Allait-il la questionner ? Ou se livrer à l’un de ses commentaires ironiques ?
— Il y a une station consacrée à la météo, lança-t-il enfin. Je vais vous la chercher avant de partir.
Pourquoi cette indifférence ? Ne ressentait-il plus rien pour elle ? Déconcertée, Capri tenta de masquer son trouble en renouant sa serviette sur sa tête. Elle aurait tant aimé qu’il l’embrasse, qu’il lui décoche un de ses sourires enjôleurs...
Au lieu de cela, il continuait d’explorer les stations de la radio, le regard dans le vague. Jamais Capri n’avait été si consciente du charme qui émanait de lui. Avait-elle eu tort, de fermer son cœur à Tiggart ?
Un regret poignant s’empara de la jeune femme. Comment avait-elle pu ne pas voir à quel point il était beau ? Et il avait une personnalité si attachante... Ne lui avait-il pas prouvé sa patience ? Sa générosité ?
Soudain, elle eut envie de se jeter dans ses bras et de tout lui avouer. Comme dans un rêve, Capri voyait un cœur dessiné à la façon des amoureux, et percé d’une flèche. Au centre, il y aurait leurs initiales entremêlées : C.J. et T.S. Capri Jones aime Tiggart Smith...
Elle l’aimait ! Grand Dieu... S’adossant au placard, Capri devint tout à coup d’une pâleur de cire.
— Voilà, c’est réglé, déclara Tiggart. Je m’en vais, à présent.
Incapable d’articuler un seul mot, Capri s’agrippa au montant du placard. Voilà, c’était fini... Il n’éprouvait plus rien pour elle et, dans quelques instants, elle serait seule. Ne l’avait-elle pas toujours souhaité ?
— Que se passe-t-il ? demanda Tiggart. On dirait que vous venez de voir un fantôme.
Le fantôme de Jamie, oui ! Car, quels que soient ses sentiments pour Tiggart Smith, le souvenir de son jumeau hantait Capri. Son frère jeune et magnifique, disparu trop tôt. N’avait-elle pas assez souffert, depuis ?
Déjà, elle ressentait une douleur intense à voir Tiggart s’éloigner. Que serait-ce si elle se permettait de l’aimer ?
— C’est... c’est la chaleur, murmura-t-elle. Cela me donne la migraine. Je vais prendre de l’aspirine.
— Parfait. Rappelez-vous : si vous avez besoin de quoi que ce soit...
Les nerfs tendus à se rompre, Capri attendit la fin de sa phrase. Allait-il l’inviter à se rendre chez lui, à n’importe quelle heure, comme la dernière fois ? Jamais elle n’aurait la force de décliner une telle offre ! Mieux valait le décourager, le plus tôt possible.
— Oui ? dit-elle de son air le plus froid.
— ... Zoé fera son possible...
Quelques secondes plus tard, il était parti. Vacillante, Capri se précipita à la fenêtre et suivit la haute silhouette descendant vers la plage. Comme le jour de son arrivée, elle admira son élégance et son assurance.
Tiggart semblait faire partie des éléments au même titre que les arbres, l’océan, le ciel... Les yeux pleins de larmes, elle le regarda s’attarder au bout de la jetée, semblable à la proue d’un magnifique navire.
Puis il plongea. Le cœur brisé, Capri se pelotonna dans un fauteuil. Serait-ce le dernier souvenir qu’elle conserverait de Tiggart ?
Oui, il le fallait. Car plus elle resterait, plus elle souffrirait. Elle devait se protéger à tout prix, et s’éloigner au plus vite de cette île enchanteresse. Sa décision était prise : une fois l’orage passé, elle demanderait à Zoé de la raccompagner sur le continent.
*
* *
« Il est exactement 18 heures. Un ouragan se dirige actuellement vers l’île Vancouver et la côte ouest de la Colombie-Britannique. On prévoit des rafales de vent allant jusqu’à cent vingt kilomètres-heure aux environs de minuit... »
Capri éteignit le poste de radio et ferma les yeux. Même ici, sous la véranda, étendue sur une chaise longue dans l’ombre du bungalow, la chaleur était insupportable.
Elle but une gorgée de limonade, mais le liquide glacé ne parvint pas à la désaltérer tout à fait. Où était Tiggart, à l’heure qu’il était ? Et pourquoi occupait-il toutes ses pensées ?
Etait-elle vraiment amoureuse de lui ? En une semaine, cet homme avait trouvé le moyen de gagner son cœur. N’était-ce pas incroyable ? Elle qui pensait avoir érigé des défenses infranchissables...
Perdue dans ses souvenirs, Capri se remémorait chaque instant de ce merveilleux séjour. Tiggart, sur la jetée, nageant vers elle comme un jeune chiot avant de lui donner son premier baiser. Tiggart avec Miranda, protecteur et tendre. Avec Ellen, attentif, galant...
Ne possédait-il pas toutes les qualités ? Tour à tour responsable et plein de fantaisie, grave et drôle, complice et... extraordinairement séduisant.
Un bruit de pas sur le sentier la tira de sa rêverie. Qui pouvait bien courir ainsi ? Inquiète, Capri se leva et vit Sam Walter, les traits crispés, se diriger vers elle. Mue par un sombre pressentiment, elle se précipita à sa rencontre.
— Que se passe-t-il, Sam ? Vous avez l’air malade...
— Seigneur, non ! Ce n’est pas moi, Capri, c’est Miranda. Elle s’est ouvert la lèvre sur une souche. Il lui faut des points de suture... Nous avons eu si peur, Ellen et moi ! Vous ne nous avez pas entendus crier ?
— J’étais en train d’écouter la radio. Que puis-je faire pour vous aider, Sam ?
— Savez-vous où est Tiggart ? J’espérais le trouver ici. Son bungalow est vide, et il faut emmener Miranda à l’hôpital le plus vite possible.
— Je ne l’ai pas vu depuis le début de l’après-midi. Il est parti se baigner et...
Une tache dans le paysage, au loin, attira l’attention de la jeune femme. Le voilà ! songea-t-elle. Son cœur bondit de joie. Mais son euphorie fut de courte durée.
Suspendue au bras de Tiggart, Zoé jouait avec sa longue chevelure, comme pour attirer son compagnon dans une toile soyeuse... Bouleversée, Capri s’efforça de chasser son mouvement de jalousie. Pour l’instant, seul comptait le sort de Miranda.
— Regardez, Sam ! s’écria-t-elle. Il arrive.
— Oh ! Merci, mon Dieu ! Capri, voulez-vous le prévenir, pendant que je vais chercher Miranda ? Je le retrouverai sur la jetée.
— Comment Ellen a-t-elle supporté le choc ?
— Pas très bien, j’en ai peur. Il faudrait qu’elle s’allonge.
D’un commun accord, ils arrêtèrent là la discussion, tandis que Capri s’élançait sur la plage à la rencontre de Tiggart. Pauvre petite Miranda !
— Hé ! Tiggart !
Agitant les bras, Capri faisait de son mieux pour signaler l’urgence de son appel. Alertés, Tiggart et Zoé s’aperçurent enfin de sa présence. En quelques secondes, ils la rejoignirent.
— Miranda a eu un accident !
Capri haletait, tentant de s’exprimer le plus clairement possible.
— Elle est tombée, et il lui faut des points de suture, enchaîna-t-elle. Sam...
— Je vais les conduire à l’hôpital, interrompit Zoé. Les sourcils froncés, Tiggart scruta le ciel parcouru d’étranges nuages bas.
— Pauvre petit poussin, murmura-t-il. Il faut faire vite, et je n’aime pas l’allure de ces nuages. Prends mon bateau, Zoé, c’est plus sûr. Tu conduiras ensuite nos hôtes à l’hôtel pour la nuit. Vous n’aurez pas le temps de revenir avant l’orage...
Ils atteignaient le bungalow de Capri lorsque Sam apparut, tenant sa petite fille dans ses bras. Tous les deux portaient déjà le gilet de sauvetage, et l’enfant semblait endormie.
— Comment va-t-elle ? demanda Tiggart.
— Elle dort. Nous avons réussi à arrêter l’hémorragie. Tiggart, j’ai emporté des affaires pour la nuit.
— Vous avez bien fait. Zoé va vous conduire, et elle vous accompagnera ensuite à l’hôtel.
— Merci, mon vieux. Nous avons eu si peur...
— Dépêchez-vous, à présent. Zoé, as-tu besoin de passer à ton bungalow ?
Pourquoi avait-il coupé court aux effusions de Sam ? Intriguée, Capri dévisagea Tiggart. Serait-il plus sensible qu’il ne voulait bien l’avouer ?
— Non, répondit Zoé. J’ai mon portefeuille dans mon sac de plage, et j’appellerai ma cousine à Vancouver dès notre arrivée.
Tandis qu’elle parlait, Capri jeta un coup d’œil à la petite fille endormie. Comme elle était pâle ! Sa bouche était masquée par un pansement de gaze, et une mince coulée de sang séché tachait encore sa joue satinée.
Il n’y avait pas une minute à perdre. Et Zoé, il fallait bien le reconnaître, se montrait très efficace. Entraînant tout le monde à sa suite, elle parvint la première à la jetée, revêtit son gilet de sauvetage et largua les amarres, tandis que Sam grimpait à bord de la vedette.
Le cœur serré, Capri regarda le père et l’enfant s’installer dans la cabine. Tiggart se pencha une dernière fois vers eux. Que se disaient-ils ? Capri crut entendre le nom d’Ellen. Sam devait la recommander à son ami, pendant sa courte absence.
Puis Zoé mit le moteur en marche et, quelques minutes plus tard, la vedette disparaissait au large de la baie. Capri demeura immobile, debout près de Tiggart devant l’océan couleur de plomb.
Il était si près qu’elle sentait son parfum si masculin, ce mélange de terre et d’océan qui l’enivrait, lui donnait envie de caresser ce corps puissant et demi-nu...
Perdait-elle la tête ? Tiggart ne ressentait rien pour elle. Et puis, elle s’était juré de ne plus prendre de risques. Les yeux embués, Capri s’éloigna en silence.
Elle avait parcouru la moitié de la jetée lorsque Tiggart la rappela.
— Votre radio marche bien ? demanda-t-il.
— Oui, merci... J’ai écouté la météo de 18 heures.
Pourquoi paraissait-il si las, tout à coup ? Se faisait-il du souci pour Miranda ? Il avait eu l’air si ému, tout à l’heure, avec Sam... Oubliant sa propre tristesse, Capri ne put retenir un élan de tendresse.
— Ne vous inquiétez pas, Tiggart. Ils vont arriver avant l’orage et Miranda sera très bien soignée.
— Oui, oui, Zoé est un bon pilote, et le vent ne s’est pas encore levé. Je ne les aurais pas laissés partir, si j’avais eu le moindre doute.
— Que se passe-t-il, alors ? Vous avez l’air inquiet.
L’espace d’un instant, Capri crut qu’il allait se confier à elle. Mais, se ravisant, Tiggart secoua la tête en signe de dénégation.
— Non, ce n’est rien. En tout cas, il n’y a pas de quoi tourmenter une jolie femme comme vous.
Capri se raidit comme s’il l’avait giflée. De quel droit la traitait-il ainsi ? Certes, elle ne s’était guère montrée aimable, la veille ; cela ne l’autorisait pourtant pas à la mépriser !
— Parfait ! lança-t-elle. Dans ce cas, je rentre chez moi !
Et elle tourna les talons, outrée. Quel mufle ! Dire qu’elle avait eu envie de l’aider ! Une fois dans son bungalow, Capri claqua la porte et s’assit à sa table de cuisine, le menton dans les mains.
Une nouvelle question se faisait jour dans son esprit. Comment pouvait-on aimer un homme et en même temps ressentir une furieuse envie de le haïr ?
Voilà. Son rapport était terminé... Capri contempla son ordinateur d’un air satisfait. Après huit jours de travail, elle avait enfin trouvé les raisons de l’absentéisme de la Jones Oil Company et les moyens d’y remédier.
Le conseil d’administration devrait voter l’une ou l’autre de ses propositions. Soit il adopterait l’idée de la crèche en entreprise, sur place ou en liaison avec d’autres sociétés voisines, soit il verserait des subventions aux mères en difficulté. A elles ensuite de trouver des nourrices prenant leur enfant en charge.
Si aucune de ces solutions ne convenait, il y avait également la possibilité de former une commission d’études, afin de choisir la meilleure garderie du quartier. Ensuite, la compagnie pourrait réserver un nombre de places fixes pour ses employées.
Les arguments de Capri étaient devenus très percutants au fur et à mesure qu’elle alignait les chiffres et les statistiques. Car, une fois l’absentéisme aboli, l’atmosphère changerait et il y aurait de la compétition dans l’air... Les femmes auraient enfin la même liberté d’action que leurs collègues du sexe opposé.
Eh bien, il était temps de ranger son matériel et de se préparer à dîner ! Capri éteignit l’écran, referma le clavier dans son boîtier et alla un instant à la fenêtre.
Quel étrange coucher de soleil ! Le ciel était d’un rose vif, et le Pacifique si paisible qu’on aurait pu le prendre pour un lac. Etait-ce le calme avant la tempête ?
Capri soupira. Comme il lui tardait que les éléments se déchaînent ! Car, dès que la tempête serait terminée, elle partirait...

 
 

 

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chapitre 8
Le coup de tonnerre déchira la nuit dans un fracas épouvantable. Effrayée, Capri se réveilla en sursaut, et se mit aussitôt à trembler de froid.
Un vent glacé s’engouffrait dans la pièce, faisant voltiger les rideaux jusqu’au plafond. Comme elle avait eu tort de s’endormir avec la fenêtre ouverte ! Elle aurait dû prévoir que l’orage chasserait la chaleur...
Tâtonnant dans l’obscurité, la jeune femme s’empara de son peignoir de soie, le revêtit, et se dirigea vers la fenêtre. A peine l’avait-elle atteinte qu’un nouvel éclair zébra le ciel, illuminant le paysage comme dans un fantastique incendie.
L’océan violacé partait à l’assaut d’une plage d’un blanc d’ivoire, et les arbres se courbaient, se tordaient contre le ciel embrasé. Soudain, quelque chose de froid et de mouillé cingla sa joue. La pluie ?
Vite ! Il fallait fermer la fenêtre avant d’être totalement trempée ! Luttant contre les rafales de vent, Capri réussit à rabattre le montant au moment où un autre éclair zébrait la nuit.
Elle en profita pour jeter un coup d’œil à sa montre. 3 heures ! La tempête arrivait plus tard que prévu... Sam, Miranda et Zoé avaient eu largement le temps de s’installer pour la nuit à Vancouver.
Et Ellen ? Dans son état et par une nuit pareille, parvenait-elle à dormir ? Au lieu de se recoucher, Capri écouta la pluie tambouriner sur le toit du bungalow.
A 8 heures, lorsqu’elle était allée rendre visite à son amie, celle-ci frottait le sol de la cuisine.
— Pour l’amour du ciel ! s’était exclamée Capri, allongez-vous, Ellen ! Vous ne devriez pas faire du ménage ce soir.
— Je me sens très bien ! Et puis, je veux que tout soit propre pour le retour de Sam et de Miranda.
— Bon, alors laissez-moi le faire à votre place !
Pas question ! Malgré son insistance, Ellen ne voulut pas s’arrêter avant d’avoir fini. Puis les deux jeunes femmes avaient bavardé, et Capri s’était retirée vers 10 heures.
Et si Ellen avait eu un malaise plus tard dans la soirée ? Les émotions de la journée, la chaleur et l’énervement de l’orage n’étaient certes pas indiqués pour une femme à la grossesse si avancée.
Elle ferait mieux d’aller s’assurer que tout allait bien. Sinon, elle ne parviendrait pas à dormir. Dix minutes plus tard, vêtue d’un jean, d’un sweat-shirt et d’un K Way, Capri ouvrait sa porte d’entrée.
Le capuchon de Nylon la protégerait bien peu du déluge... La jeune femme en resserra les liens, tira de toutes ses forces pour refermer la porte, et s’élança dans la nuit.
Lorsqu’elle arriva chez les Walter, pantelante, courbée en deux par le vent, ses cheveux ruisselant de pluie, une lumière brillait à la fenêtre de la cuisine. Dieu merci ! Elle avait bien fait de venir ! Ellen ne dormait pas...
Dans ce cas, pourquoi ne venait-elle pas lui ouvrir la porte ? Capri avait beau frapper, ses coups se perdaient dans le fracas du tonnerre. Sans plus hésiter, elle tourna la poignée de la porte.
Quelques secondes plus tard, elle reprenait son souffle, enfin abritée de l’ouragan qui grondait au-dehors. La cuisine était vide. Et quel était ce son, venant de la chambre ? On aurait dit une plainte...
Sans prendre le temps de retirer son K Way dégouttant de pluie, Capri se précipita vers la porte de la chambre. Ellen ! Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ! Redoutant le pire, Capri poussa la porte entrebâillée, et s’arrêta net, horrifiée.
Là, sur le grand lit, Ellen était allongée sur le côté, le visage tordu de douleur. Seule une lanterne éclairait la pièce, projetant des ombres fantastiques sur les murs.
— Que se passe-t-il ? murmura Capri.
Au son de sa voix, Ellen ouvrit les yeux et une expression de soulagement détendit ses traits crispés.
— Capri ! Je suis si heureuse de vous voir. C’est Tiggart qui vous envoie ?
— Non. Je ne l’ai pas vu. Je suis venue parce que je me faisais du souci... Vous avez des contractions, Ellen ?
Rejetant sa veste trempée sur le sol, Capri s’avança pour prendre la main que lui tendait son amie.
— Je crois bien que oui..., balbutia Ellen. Ce matin, déjà, j’ai eu une petite alerte. Mais Sam s’est montré plus inquiet que moi... Il a demandé à Tiggart de me surveiller, et il a bien fait.
— Où est Tiggart, Ellen ?
— Il essaie de joindre un de ses amis pour qu’on vienne me chercher en hélicoptère. Et il m’a promis d’appeler mon médecin, aussi, pour qu’il lui donne des directives.
— Des... directives ? répéta Capri.
— On ne sait jamais. Il se peut que j’accouche avant l’arrivée de l’hélicoptère.
Ellen s’interrompit, le visage ravagé par la douleur. De nouveau un cri lui échappa, tandis qu’elle serrait son ventre. Frappée de stupeur, Capri tenta de reprendre ses esprits.
Les contractions d’Ellen paraissaient très rapprochées. Depuis quand le travail avait-il commencé ? Et surtout, combien de temps durerait-il ? Si seulement elle avait un moyen de la soulager !
Comme Ellen laissait échapper une nouvelle plainte, Capri s’agenouilla près d’elle et s’empara de ses mains. La poigne d’Ellen était d’une puissance incroyable... Qui aurait cru qu’une si frêle jeune femme eût tant de force ? Enfin, lorsque ses gémissements s’atténuèrent, Ellen se dégagea et tendit la main vers une cuvette de faïence, posée sur la table de nuit.
Dedans, un gant de toilette flottait sur de l’eau fraîche.
— Capri, je suis en sueur. Voudriez-vous me passer le gant sur le front ? balbutia Ellen.
Capri s’exécuta. Il fallait absolument s’organiser pour aider Ellen à mettre son bébé au monde. Elle-même n’avait aucune expérience en la matière, mais avec des indications, et l’aide de Tiggart...
— Ellen, depuis quand souffrez-vous ainsi ? questionna-t-elle.
— Ça a commencé vers minuit. Au début, c’étaient de simples élancements, et j’ai cru que cela allait passer. Vous comprenez, j’ai tant attendu lors de l’accouchement de Miranda... Je pensais que ce serait pareil, cette fois. Il était donc inutile que je dérange Tiggart avant le matin.
— A ce moment-là, la porte d’entrée s’ouvrit, laissant entrer le mugissement du vent. Puis aussitôt, Capri entendit le claquement du verrou, et les pas de Tiggart dans le couloir.
— Ellen ? Comment ça va ?
S’efforçant de calmer les battements de son cœur, Capri continua d’appliquer le gant de toilette sur les tempes d’Ellen. Elle croyait ne jamais revoir Tiggart, et voilà que le destin les plaçait une nouvelle fois l’un en face de l’autre.
— Jones ? s’écria-t-il. Que faites-vous ici ?
— La même chose que vous, répliqua Capri sans se retourner.
— Tiggart ? Avez-vous réussi à joindre votre ami ?
Toujours immobile, Capri observa Tiggart du coin de l’œil. Vêtu d’un ciré bleu marine, ses cheveux blonds trempés par la pluie, il était plus séduisant que jamais. Ne pouvait-elle pas oublier son attirance pour lui, dans des circonstances aussi dramatiques ?
— Oui, je lui ai parlé, répondit Tiggart. Il n’a pas voulu envoyer un de ses pilotes par ce temps. Il viendra lui-même... Il faut seulement attendre que le vent se calme un peu.
Otant son ciré, il se pencha vers Ellen et lui décocha un sourire qu’il voulait rassurant. Capri, elle, n’était pas dupe. Tiggart devait être aussi bouleversé qu’elle.
— Ne vous inquiétez pas, lança-t-il. Tout va très bien se passer. J’ai pu parler au Dr Haffey et il m’a indiqué la procédure à suivre... au cas où l’hélicoptère n’arriverait pas à temps.
Un grondement assourdissant empêcha toute conversation pendant quelques secondes. Puis, comme si elle prenait le relais des éléments déchaînés, Ellen poussa un gémissement aigu.
— Seigneur ! s’écria-t-elle. Ça recommence !
En un éclair, Capri lui prit les mains, murmurant des paroles apaisantes. Le visage en sueur, Ellen se raidissait, s’armant de courage contre les violentes contractions qui la parcouraient.
— Avez-vous de l’expérience en matière d’obstétrique ? demanda Tiggart.
Pour la première fois de la soirée, Capri leva les yeux vers lui.
— Non, répondit-elle. Qu’a dit le médecin ?
— La grossesse d’Ellen s’est déroulée normalement. Il ne devrait donc pas y avoir de problèmes. Le Dr Haffey pense que le choc de l’accident de Miranda a déclenché les contractions... Quand il a vu l’enfant cet après-midi, il y a tout de suite pensé.
— Comment va-t-elle ?
— Haffey dit qu’elle n’aura pas de cicatrice. En somme, il y a eu plus de peur que de mal.
Capri se tut un instant, admirant son compagnon à la lueur de la lanterne. Lui aussi était complètement trempé, et son jean moulait ses cuisses athlétiques. Comme toujours, il était pieds nus dans ses Reebok.
— Puis-je vous emprunter la lampe ? demanda-t-il. Je voudrais rallumer le poêle.
— Bien sûr...
Restée seule dans la chambre obscure, Capri tenta de secourir Ellen du mieux qu’elle put. Elle lui épongeait le front, murmurait des paroles d’encouragement, tout en écoutant les bruits que faisait Tiggart dans la pièce voisine.
Peu à peu, une douce chaleur envahit le bungalow glacé. Pendant qu’Ellen se reposait entre deux contractions, Capri écouta le bruit de la pompe dans la cuisine. Tiggart se lavait les mains... Dans quelques instants, il serait de nouveau près d’elle.
Effectivement, il arriva, précédé d’un flot de lumière, et posa sur le lit un amoncellement de linge : un drap, une pile de serviettes de toilette, la petite couverture de Miranda, et une boîte de mouchoirs en papier.
— Tiggart..., murmura Ellen. Il faudra une couche pour le bébé. Regardez dans le tiroir du bas... parmi les affaires de Miranda. Il y a plusieurs couches en coton. Elles sont beaucoup trop grandes, bien sûr, mais si vous pouviez les couper avec des ciseaux...
La jeune femme eut une nouvelle contraction qui l’empêcha de continuer. Tiggart sortit les couches du tiroir avec le plus grand calme, et vint poser la main sur l’épaule de Capri. Celle-ci frémît, bouleversée.
— Avez-vous noté la fréquence des contractions ? questionna-t-il.
— Oui, elles sont de plus en plus rapprochées. Elle a à peine le temps de reprendre son souffle...
Soudain, Ellen poussa un cri perçant et tout son corps se cambra sous une formidable poussée.
— Il descend ! cria-t-elle. Oh, mon Dieu !
— Capri, vite, allez vous laver les mains ! lança Tiggart. Brossez-vous les ongles, surtout, et ne perdez pas une seconde. Je vais avoir besoin de vous.
— De... de moi ? Mais pourquoi ?
— Pour mettre un enfant au monde.
Abasourdie, Capri n’arrivait pas à faire le moindre mouvement. Mettre un enfant au monde, sans la moindre expérience en la matière ? Impossible ! Pourtant, cela allait se produire d’un instant à l’autre.
Ellen gémissait sans discontinuer, haletante. Dieu merci, Tiggart avait au moins une idée de la manière de procéder !
— Il faut qu’elle se couche sur le dos, décréta-t-il. Capri, aidez-moi à l’installer. Regardez dans la penderie, il doit y avoir un autre oreiller.
Cette fois, elle obtempéra, et revint avec deux gros oreillers de plume.
— Placez-les sous sa tête, ordonna-t-il. Maintenant, enlevez le couvre-lit, et aidez-moi à la recouvrir de ce drap propre.
En quelques secondes, Ellen était en position adéquate. Déjà, on voyait apparaître la tête de l’enfant.
— Ne poussez pas trop vite, Ellen ! commanda Tiggart. Vous risqueriez une déchirure...
A chaque poussée, Capri encourageait Ellen, l’exhortait à reprendre son souffle tout en lui serrant la main pour lui communiquer sa force.
Enfin, la tête sortit et Tiggart dégagea une épaule, puis l’autre.
— Bravo, Ellen, continuez comme ça, poussez encore... Oui, doucement... Tout va bien, murmurait Tiggart.
Une dernière poussée, triomphante, et l’enfant émergea tout entier, glissant sur la serviette blanche que Tiggart avait installée pour lui.
— C’est un garçon, Ellen ! Oh ! Il est magnifique ! s’écria Tiggart en poussant un cri de joie.
Que de fierté dans sa voix ! Pour un peu, on aurait dit que Tiggart venait de mettre au monde son propre fils. Ellen leva la tête, le visage encore crispé de souffrance et ruisselant de sueur.
— Il est normal ? chuchota-t-elle.
— Il est parfait, oui !
Pourquoi cette soudaine brusquerie ? Tiggart tentait-il de dissimuler son émotion ? Capri n’eut guère le temps de s’interroger. Obéissant aux directives de Tiggart, elle ôta le mucus du nez et de la bouche du bébé, ravie d’entendre soudain l’explosion de son premier cri.
Avec des gestes précis, Tiggart coupa le cordon, fit une ligature, puis enveloppa l’enfant dans une serviette avant de le donner à sa mère.
— Oh ! Tiggart ! Comme il est beau... Il ressemble à Sam.
Il y avait des larmes dans les yeux d’Ellen, des larmes de joie. Bouleversée, Capri baissa les yeux. En voyant le bébé dans les bras de Tiggart, elle avait oublié ses principes, se laissant envahir par un amour infini pour cet homme si beau et si généreux.
Et maintenant, l’expression d’Ellen lui brisait le cœur. Comme elle semblait heureuse ! Elle regardait son fils avec adoration, lui caressait le visage, les mains. Tout son visage rayonnait, malgré l’épreuve qu’elle venait de subir.
Jamais encore à ce jour Capri ne s’était rendu compte de l’ampleur de son renoncement. En refusant de se marier et d’avoir des enfants, elle ne connaîtrait donc jamais ce genre de bonheur ?
— Nous l’appellerons Samuel, lança Ellen. Comme son père...
Très émue, Capri contempla la jeune mère qui, déjà, faisait téter son enfant en lui murmurant des paroles tendres. On aurait dit que plus rien n’existait pour elle que la présence de ce petit nouveau-né.
— Capri ?
— Oui.
Stupéfaite, elle regarda le visage hagard de son compagnon. Comme il était pâle et défait ! On aurait dit que toute couleur s’était retirée de ses joues.
— Je m’occupe du reste, balbutia-t-il. Vous voulez bien nous faire une bonne tasse de thé ?
— Je vous l’apporte tout de suite...
Qu’avait-il, soudain ? Un instant auparavant, il était transporté d’enthousiasme devant l’enfant qu’il venait de mettre au monde. Et à présent, il détournait le regard, les sourcils froncés, comme s’il contenait sa colère.
Troublée, Capri se leva et quitta la pièce. Pourquoi tremblait-elle ainsi ? Etait-ce la réaction à l’extraordinaire moment qu’elle venait de vivre ? Elle prit appui contre l’évier pendant qu’elle pompait de quoi emplir la bouilloire.
Et comment expliquer l’attitude de Tiggart ? En quelques instants, il était devenu radicalement différent. A qui en voulait-il ? A elle ? Il n’avait aucune raison... Au bébé ? A Ellen ? Cela paraissait peu vraisemblable. Dans ce cas, avait-il un secret ?
Dire qu’elle l’avait tout d’abord pris pour un homme simple et sans histoires ! Une semaine plus tard, elle découvrait un être à la personnalité complexe et mystérieuse. Un être à qui elle avait donné son cœur...
L’aube se levait. Le vent soufflait toujours, mais sans violence. Debout sur la plage, frissonnante dans ses vêtements humides, Capri adressa un dernier signe à Ellen.
Tiggart et le pilote de l’hélicoptère la transportaient, couchée sur une civière, dans la cabine étroite de l’appareil. Dans quelques minutes, Ellen et son jeune fils seraient à l’hôpital de Vancouver, où l’attendaient Sam et Miranda.
Comme elle aurait aimé assister à leurs retrouvailles ! Ne formaient-ils pas une famille heureuse ? Elle aussi, dans le passé, avait connu la douceur d’un foyer... En regardant l’hélicoptère monter dans le ciel, le cœur de la jeune femme se serra.
Pourquoi penser au passé ? Elle devait partir, tourner la page. La vie ne tenait pas ses promesses. Comment pouvait-elle croire au bonheur quand deux êtres aussi chers lui avaient été ravis ? Sa mère d’abord, Jamie ensuite...
Abattue, Capri reprit le chemin menant à son bungalow. Le vent avait jonché le sol de branches cassées, et ses pas heurtaient parfois un morceau de bois. Se retournant, elle aperçut la haute silhouette de Tiggart, sur la plage.
Lui aussi faisait demi-tour, ses cheveux blonds rabattus par la brise. Comme on devait être en sécurité auprès de lui ! C’était un homme fort, responsable...
Cependant, Capri ne l’intéressait plus. Après sa tirade contre Zoé, n’était-elle pas apparue sous un jour mesquin et égoïste ? Et puis, elle l’avait rejeté, et il ne devait pas lui pardonner.
Tremblant de froid, Capri gravit les marches menant à son bungalow. Elle ferait un bon feu dans le poêle, et préparerait sa valise. Comme cela, dès le retour de Zoé, elle pourrait quitter l’île.
Triste mais résolue, Capri se mit à la tâche. Bientôt, les bûches craquaient dans le poêle, et, reposée par un bon bain chaud, la jeune femme se sentit mieux.
Revêtue de son peignoir de soie blanche, de fines socquettes de laine aux pieds, elle installa une pile de coussins devant le poêle. Comme ça, il ne lui restait plus qu’à se sécher les cheveux en dégustant une grande tasse de café brûlant.
Soudain, on frappa à la porte. De saisissement, Capri faillit renverser son café. Ce ne pouvait être que Tiggart... Mais pourquoi venait-il la voir ?
Elle ouvrit, incrédule.
— Puis-je entrer ?
C’était bien lui, rasé de frais, confortablement habillé d’un pantalon de velours et d’un grand pull gris. Comme d’habitude, il était pieds nus dans ses Reebok.
La gorge serrée, Capri s’effaça pour le laisser entrer. Jamais il ne lui avait paru si séduisant, si vulnérable. Comme elle l’aimait... Et cependant, elle devait se taire.
— Que voulez-vous ? demanda-t-elle avec nervosité.
— Je suis venu vous remercier. Vous avez été formidable avec Ellen.
A quoi s’attendait-elle ? A une déclaration d’amour ? Quelle sotte ! Comment avait-elle pu oublier que, pour Tiggart Smith, elle n’était qu’une cliente de plus ?
— J’ai été heureuse de pouvoir l’aider, murmura-t-elle en détournant les yeux. Vous aider, plutôt. Grâce à votre présence d’esprit, tout s’est bien passé.
— Votre café sent bien bon.
— En voulez-vous une tasse ?
— Oui, merci.
L’air toujours préoccupé, Tiggart se dirigea vers la cuisine et s’assit sur une des chaises. Interloquée, Capri le suivit, s’affairant autour de la cafetière avec un calme feint.
— Voilà... Vous prenez du sucre, n’est-ce pas ? questionna-t-elle.
Pour toute réponse, elle entendit un son étouffé. On aurait dit... Mais oui, on aurait dit un sanglot ! Se retournant d’un bloc, Capri regarda Tiggart. Les coudes appuyés sur la table, il avait enfoui le visage dans ses mains.
Laissant échapper le sucrier, qui roula sur le plan de travail, la jeune femme se précipita vers lui.
— Tiggart ? Qu’avez-vous ?
Comme il ne répondait toujours pas, elle s’agenouilla sur le sol et tenta de s’emparer de ses mains.
— Pour l’amour du ciel, Tiggart, dites-moi ce qui ne va pas !
— Je... Je suis désolé, murmura-t-il enfin. Je n’aurais pas dû venir. Mais j’avais tellement besoin de parler à quelqu’un !
Lentement, comme si elle craignait de voir se rompre le lien fragile qui venait de se tisser entre eux, Capri le lâcha et alla s’asseoir en face de lui.
— Vous pouvez parler en toute confiance, Tiggart, murmura-t-elle. Je vous écoute.

 
 

 

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chapitre 9

Lorsque Tiggart ôta enfin les mains de son visage, Capri vit des larmes briller dans ses grands yeux clairs. Qui avait pu infliger une telle peine à l’homme gai et enjoué qu’elle aimait de tout son cœur ?
Atterrée, Capri se pencha vers lui.
— Est-ce à cause de ce qui s’est passé cette nuit ? demanda-t-elle. A cause du bébé ?
— Oui, d’une certaine façon.
— Mon Dieu, Tiggart, le bébé est vraiment normal, n’est-ce pas ? Vous n’avez rien caché à Ellen ?
Tiggart ferma les yeux, une expression d’infinie souffrance crispant ses traits.
— Non, non, murmura-t-il. Le petit Samuel est en très bonne santé.
— Alors je ne comprends pas.
— Je m’explique plutôt mal, en effet, balbutia-t-il. Puis-je me servir un café, tout d’abord ? J’en ai vraiment besoin.
Capri le laissa faire. Tiggart avait surtout besoin de reprendre ses esprits, de contrôler son émotion. Il ramassa les sucres, les replaça dans le sucrier, et versa le liquide brûlant dans la tasse préparée par Capri. Puis, il remplit celle de la jeune femme.
— Veuillez excuser ce moment de faiblesse, dit-il. Dieu sait pourtant si cela ne m’arrive pas souvent. On m’a appris dès ma petite enfance à ne jamais montrer mes sentiments.
— D’autant plus si on est un petit garçon, murmura Capri.
— Vous rappelez-vous la discussion que nous avons eue chez les Walter ? demanda-t-il.
— Bien sûr.
— Nous avons parlé du mariage, des enfants...
— Vous aviez l’air bouleversé par la question de Miranda.
— En effet.
Tiggart posa sa tasse et, tournant le dos à Capri, il s’appuya contre le rebord de la fenêtre.
— A une époque, j’ai voulu fonder un foyer, expliqua-t-il. J’avais vingt-sept ans, et j’ai épousé une jeune femme de un an ma cadette, Susan Black-Mellis, l’héritière du cabinet immobilier Black-Mellis, une des grandes fortunes de Calgary. Vous savez déjà que Susan était très belle, mais vous ignorez qu’elle était aussi très active dans les différents cercles de la ville. Elle avait reçu la meilleure éducation, fréquenté les milieux les plus huppés... Comment rêver d’une épouse plus parfaite ? D’une mère plus idéale ?
La voix de Tiggart se perdit dans un souffle. Patiente, Capri attendit qu’il reprenne contenance.
— Je voulais avoir des enfants, et Susan prétendait la même chose. Je désirais plus que tout fonder un foyer uni.
Quelle chance cette femme avait eue ! Tentant de réprimer un élan de jalousie, Capri posa la question qui lui brûlait les lèvres :
— Vous l’aimiez ? demanda-t-elle.
— Je le croyais, oui. Au début, surtout... Et puis, petit à petit, elle est devenue différente. Je ne reconnaissais plus en Susan la femme que j’avais épousée.
— Que s’est-il passé ?
Tiggart haussa les épaules, le dos toujours tourné vers l’horizon grisâtre qui s’étendait sur la plage dévastée.
— Je voyageais beaucoup pour mon métier. Susan ne s’en est jamais plainte durant nos fiançailles. Comment aurais-je pu me douter que cela ne lui convenait pas ? Nous revenions à peine de notre voyage de noces, qu’elle m’a demandé de changer de travail. De prendre un emploi dans l’administration de la ville...
— N’est-ce pas naturel, pour une jeune mariée, de vouloir que son mari reste près d’elle ?
— Susan n’agissait pas par amour. Au contraire. Elle voulait me dompter, me dominer. Elle me voulait près d’elle pour lui tenir compagnie, pour la suivre dans les brillantes réceptions qui faisaient l’essentiel de sa vie, sans s’occuper de ce que moi j’aimais.
A entendre la colère qui faisait encore vibrer la voix de Tiggart, Capri se rappela les paroles de Zoé. N’avait-elle pas parlé de la stratégie de Susan pour soumettre son mari à sa volonté ?
— Comment aurais-je pu accepter une chose pareille ? Susan connaissait ma passion pour mon métier, mon besoin d’indépendance. Mais elle ne voulait rien savoir... Nous nous disputions sans cesse, et notre ménage n’avait plus de sens. Quand elle a demandé le divorce, un an et demi plus tard, j’ai accepté sur-le-champ.
— Cependant, cela n’a rien résolu, n’est-ce pas ?
Tiggart se retourna, le visage dur.
— Susan a tout fait pour me discréditer auprès de ses amis et du tribunal. Elle était très humiliée par son échec, son incapacité à faire de moi ce qu’elle voulait. Je pouvais encore lui pardonner ce trait d’orgueil, mais ce que j’ai refusé d’accepter, c’est...
Sa voix se brisa. Pourtant, quelques instants plus tard, il reprit la parole, le regard perdu dans le vague :
— Quelques mois après notre divorce, Susan est venue me voir. Et ce qu’elle m’a révélé m’a rendu fou de douleur.
— Qu’est-ce donc, Tiggart ?
— Elle était tombée enceinte, au bout d’un an de mariage. Juste au moment où elle avait décidé, à mon insu, de prendre la pilule. C’était une façon pour elle de se venger de mon indépendance, de me priver d’enfant. Et malgré tout, elle a réussi.
— Que voulez-vous dire ?
— Susan a avorté. Jamais elle ne m’a fait part de sa grossesse. Elle est allée avorter dans une clinique de Calgary. C’était... C’était un garçon. Il aurait eu sept ans cette année. Chaque fois que je me promène sur la plage de l’île, je l’imagine à mon côté.
Comme il avait dû souffrir ! Capri frissonna, incapable de proférer un mot. Voilà donc son terrible secret... Elle aurait tant aimé s’approcher de lui, l’embrasser, le consoler. Au lieu de cela, elle resta immobile, horrifiée.
— En voyant Ellen aujourd’hui, si heureuse avec son enfant, je me suis demandé comment j’avais pu épouser Susan. Pourquoi n’ai-je pas vu qu’elle voulait me manipuler ? Elle n’a pas hésité à se débarrasser de notre fils pour cela... Oh ! Mon Dieu ! J’ai cru que mon cœur se brisait, cette nuit, quand j’ai vu cet enfant naître.
— Tiggart...
Impulsivement, Capri s’était levée, essuyant du revers de la main les larmes qui coulaient sur ses joues. Elle ne pouvait supporter de le voir aussi malheureux, aussi tourmenté.
— Je ne sais pas quoi dire, chuchota-t-elle. Je suis tellement désolée.
— Chérie, je ne voulais pas vous faire pleurer !
En deux enjambées, il fut près d’elle, et Capri se retrouva enfin dans ses bras. Secouée de sanglots, elle s’abandonna à son étreinte. Puis, se calmant peu à peu, elle se sentit la proie d’une autre sensation. Une intense sensation de plaisir...
Tiggart déposait sur sa tempe une pluie de baisers tendres et passionnés, tandis qu’il passait les doigts dans la chevelure soyeuse de la jeune femme.
— Vous êtes magique, murmura-t-il. Quand je vous tiens dans mes bras, j’oublie tout le reste. Et je suis heureux.
Elle avait donc un tel pouvoir sur lui ? Tremblant d’émoi, Capri se mit à caresser le dos puissant de Tiggart.
— Dans ce cas, je vous serrerai dans mes bras autant que vous le voudrez... Toujours, toute la vie...
Que lui arrivait-il ? Pourquoi ce serment d’amour franchissait-il ses lèvres ? Avait-elle oublié ses résolutions, sa souffrance passée ?
Tiggart recula un peu, et plongea le regard dans le sien.
— Vous rendez-vous compte de ce que vous dites, Capri ?
— Oui, répondit-elle, le visage rayonnant de tendresse.
— Oh ! Capri... Dites-moi que je ne rêve pas ! J’ai cru devenir fou à cause de vous. Vous êtes si belle...
Leurs lèvres s’effleurèrent, puis se joignirent en un baiser exalté.
— Je vous désire, Jones, balbutia-t-il.
Le cœur de Capri battait à se rompre. Il l’appelait Jones, comme au premier jour ! Seulement, à présent, Tiggart ne se moquait plus d’elle. Il redevenait enfin son complice, l’entraînant dans un tourbillon de sensations voluptueuses.
— Comment pouvez-vous me désirer, après ce que je vous ai dit l’autre nuit ? demanda-t-elle. Vous étiez si en colère.
— Non... Pas en colère. Du moins, cela n’a pas duré. Quand je vous ai vue courir sur la plage comme une nymphe au clair de lune, j’ai soudain compris votre réaction. Vous étiez jalouse, tout simplement.
— Je ne sais comment m’excuser.
— Moi, je connais un moyen, chuchota-t-il en déposant un baiser sur ses paupières baissées. De toute façon, vous n’aviez pas de raison d’être jalouse. Il n’y a jamais rien eu entre Zoé et moi.
— Vous n’étiez pas avec elle, la nuit où j’ai dormi dans votre lit ?
— Moi ? Bien sûr que non ! J’ai pris un duvet, et je suis allé dormir à la belle étoile.
Capri poussa un soupir de soulagement. Et elle qui avait cru, durant toute cette semaine, aux sous-entendus de Zoé !
— Vous paraissiez si intimes, murmura-t-elle.
— Nos familles sont très liées, et le père de Zoé est mon associé. Tom est veuf depuis longtemps, et sa gouvernante avait coutume d’amener Zoé jouer chez nous, car nos villas sont voisines à Calgary. Elle a pratiquement grandi près de moi, et je la considère un peu comme ma petite sœur. Depuis qu’elle a commencé ses études pour devenir garde-forestier, je lui confie Blueberry Island chaque été. Cela fait trois ans, et elle s’occupe très bien de l’île.
— De vous aussi, non ?
— Zoé a toujours cherché à me protéger depuis mon divorce. Je crois qu’elle a compris la trahison de Susan, et elle ne voudrait pas me voir souffrir une seconde fois. Dès qu’elle voit une femme rôder autour de moi, elle intervient. J’en suis conscient, je dois l’avouer, et quelquefois, cela m’a été d’un grand secours ! Je l’ai même utilisée pour vous tenir à distance...
— Quoi ?
— Eh, oui ! Quand je vous ai embrassée, le soir du barbecue, et que vous vous êtes enfuie, j’ai compris que je tombais amoureux de vous. Le lendemain matin, j’ai batifolé avec Zoé sous vos fenêtres, pour que vous vous éloigniez de moi.
— Je n’arrive pas à le croire !
— Et j’ai feint d’être en colère contre vous, pour placer une barrière supplémentaire entre mon désir et vous... Oh ! Jones ! Quel imbécile j’ai été ! Je ne pensais qu’à vous, tout le temps... Voulez-vous faire l’amour avec moi, ma chérie ?
— Oui, murmura-t-elle.
— Pas ici, en tout cas... Accrochez-vous à mon cou. Et tenez-vous bien !
— Où m’emmenez-vous ?
— Nous allons chez moi. Loin de l’homme blond qui veille sur votre chambre.
En un éclair, Tiggart avait saisi la jeune femme dans ses bras, et poussait la porte du bungalow. Il voulait l’éloigner de la photo de Jamie ? Il se méprenait totalement ! Oubliant sa joie, Capri tenta de s’expliquer.
— Attendez, Tiggart, ce n’est pas ce que vous croyez. Jamie était mon...
— Chut ! Mon trésor... Nous verrons cela plus tard.
— Mais il faut que...
Il lui scella la bouche d’un baiser. Aussitôt, Capri se calma. N’avait-il pas raison ? Ce n’était pas le moment de parler, ou de se justifier. Bientôt, ils auraient tout le temps de se confier leurs secrets.
Bientôt... Prise de vertige, Capri s’abandonna contre le torse puissant de Tiggart, tandis que sur leur passage les branches encore chargées de pluie les arrosaient de mille gouttelettes nacrées.
— Vous avez l’air d’une mariée, murmura Tiggart, dans ce peignoir de soie blanche avec des perles de rosée dans les cheveux.
Capri sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. Par quel sortilège l’orage avait-il empêché sa fuite, pour lui permettre de vivre cet instant merveilleux ? Dans les bras de Tiggart, elle avait l’impression d’être une princesse de conte de fées. Sur le point de succomber au charme de son prince...
Lorsqu’il la déposa sur le lit, elle ferma les yeux, afin de ne pas perdre la moindre sensation de ce moment de volupté.
— Je vais mettre des bûches dans le poêle, déclara-t-il d’une voix rauque. Je veux que cette chambre soit un vrai petit nid...
Languissante, Capri l’écouta emplir le poêle de fonte, pomper de l’eau pour se laver les mains. Dans quelques instants, il serait près d’elle, et elle connaîtrait enfin la joie de l’aimer.
— Ça par exemple !
La voix de Tiggart la tira de sa rêverie. A qui parlait-il ? Quel visiteur pouvait bien venir troubler leur intimité ?
— Oui, reprenait Tiggart. Elle s’est endormie. Evidemment, après les événements de cette nuit, elle tombait de sommeil. Dans ce cas... Oui, pourquoi n’irais-je pas marcher avec vous ? Une bonne promenade me ferait du bien. Et puis, quand je reviendrai, elle se sera peut-être réveillée.
Comment ? Il voulait partir ? La laisser ? Incrédule, Capri se redressa dans le lit ; elle entendit alors un bruit de pas, puis le claquement de la porte d’entrée. C’était impossible ! Repoussant les couvertures, elle se précipita hors de la chambre.
— Tiggart ! Attendez !
Capri s’arrêta, bouche bée, sur le seuil de la chambre. Devant elle, nonchalamment appuyé au mur, Tiggart Smith la dévisageait de son regard railleur. Il venait encore de lui jouer un tour !
— Espèce de...
Prise de fou rire, Capri ne put terminer sa phrase.
— J’ai vraiment cru que vous étiez parti, parvint-elle à articuler.
— Parti ? Moi ?
Tiggart s’avança vers elle tout en ôtant son pull, sous lequel il était torse nu. Puis il envoya ses baskets dans un coin du couloir. Naturellement, songea Capri, il était encore pieds nus.
Comme s’il avait deviné ses pensées, Tiggart lui décocha un sourire malicieux.
— Je ne mets jamais de chaussettes, Jones. De cette façon, je fais ce que je veux de mes orteils...
La jeune femme recula, et se rallongea sur le lit. Comme il était beau... Dire que, dans quelques instants, elle pourrait le caresser, se donner à lui sans retenue. Frémissante de désir, Capri suivit chaque mouvement de Tiggart, et ferma les yeux lorsqu’il s’allongea près d’elle.
Malgré son inexpérience, Capri trouva d’instinct les gestes du plaisir. Il régnait entre eux une telle harmonie, une telle complicité... Tour à tour rieurs et graves, ils ne se lassaient pas des caresses voluptueuses, des baisers ardents qui les conduisaient peu à peu vers le sommet de l’extase.
Capri n’éprouvait plus aucune gêne à lui laisser admirer les courbes de son corps, mais plutôt un délicieux plaisir, un vertige sans fin qui l’entraînait vers une passion absolue.
Ses pensées basculèrent. N’avait-elle pas attendu ce moment toute sa vie ? Bientôt, le volcan de l’amour l’embrasa tout entière, et elle cria, bouleversée, le nom de celui qu’elle aimait plus que tout au monde.

 
 

 

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